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NOMBRER, verbe trans.
Vieilli, littér. [Correspond à nombre A 2] Dénombrer, évaluer en quantité, compter. Sans nombrer les crimes qui ont jeté ce brigand au bagne pour sa vie (...) il a commis trois meurtres (Sue, Myst. Paris, t.1, 1842, p.346).Le père Gourmanel nombra les têtes d'un coup d'oeil: −Oui, tout le monde est bien là! Satisfait, il commença (Estaunié, Empreinte, 1896, 85).
[Le suj. désigne le sens même qui perçoit] :
1. Ce n'est pas que l'oreille puisse nombrer ces vibrations (...) ce que l'oreille saisit ou nombre à sa manière (...) ce sont des rapports très simples entre ces grands nombres qui échappent à la perception directe, l'un étant, par exemple, double, ou triple, ou quadruple de l'autre. Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.155.
En partic. Faire le calcul (de quelque chose). Les marchands de vins écoulaient les produits de trois vendanges, et un statisticien habile aurait eu peine à nombrer le chiffre des jambonneaux et des saucissons qui se débitèrent chez le célèbre Borel de la rue Dauphine (Murger, Scènes vie boh., 1851, p.283).
Au part. passé. Lors même qu'il y aurait entre les objets nombrés une contiguïté physique, il faut que la raison les distingue et qu'on puisse les considérer à part, nonobstant cette contiguïté ou cette continuité accidentelle et nullement inhérente à leur nature (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.283).L'infini est comme Dieu fere absconditus (...) C'est le quantum fixé, nombré, assigné qui consacre la méconnaissance de l'infini (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.61).
P. anal., STYL., PROSODIE, VERSIF. Répartir certains éléments (du mot ou de la phrase) de façon à conférer à l'expression des qualités de rythme, de mélodie, d'harmonie:
2. Il faut estimer que tous les vers de cette laisse sont de même nombre; il ne faut plus, ici moins que jamais, compter les syllabes, il faut les nombrer. Des deux premiers vers, le plus long, si l'on nombrait avec une précision chimique, serait peut-être le second. Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p.245.
REM. 1.
Nombrant, -ante, adj.,vx. Nombre nombrant. Nombre abstrait (v. infra ex. rem. 2 a). Emploi subst. masc. plur. ,,Noms de nombres entiers de l'arithmétique`` (Dam.-Pich. Gloss. 1949).
2.
Nombré, -ée, adj.a) Math., vieilli. Nombre nombré. Nombre concret. C'est une opposition très frappante et très juste que celle des «nombres nombrants» et des «nombres nombrés»: le nombre n'est pas en effet un objet, comme un réalisme grossier pourrait le supposer, il dérive de l'opération de l'homme qui prend un objet pour l'échanger (Ruyer, Esq. philos. struct., 1930, p.251).b) Assujetti à un certain rythme, à une certaine mesure. Ce vers (...) si profondément coupé, si profondément nombré lui-même sur un rythme de glas (...) fait la barre d'appui de chaque couplet (Péguy, Clio, 1914, p.66).L'effort, dans le langage rythmé, nombré, rimé, allitéré, se heurte à des conditions entièrement étrangères au schéma de la pensée (Valéry, Entret.[avec F. Lefèvre], 1926, p.60).
Prononc. et Orth.: [nɔ ̃bʀe], (il) nombre [nɔ ̃:bʀ ̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 «évaluer en nombre, dénombrer» (Roland, éd. J. Bédier, 3262); 1723 nombre nombrant (Savary, s.v. nombre); 2. 1314 «énumérer» (Chirurgie de H. de Mondeville, 2000 ds T.-L.). Du lat. numerare «compter, nombrer» (également «payer; mettre au nombre de»). Fréq. abs. littér.: 25.
DÉR. 1.
Nombrable, adj.Qu'on peut nombrer, compter. (Dict. xixeet xxes.). Emploi subst. masc., rare. Leibnitz avait déjà identifié le composé avec l'étendu, le simple avec l'inétendu, et d'autre part le nombrable avec le composé (Hamelin, Élém. princ. représ., 1907, p.48).Ling. Les substantifs désignent des objets nombrables ou bien évoquent une matière ou une notion. Les premiers impliquent l'idée d'une quantité discontinue et s'emploient normalement au singulier et au pluriel (Wagner-Pinchon1962, p.61). [nɔ ̃bʀabl̥]. 1resattest. 1remoitié xiies. bestes nientnumbrables [pecora innumerabilia] (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, CXLIII, 14), ca 1350 (Roques t.1, IV, 5703: numerabilis, nonbrable); de nombrer, suff. -able*; cf. lat. numerabilis «qu'on peut compter».
2.
Nombrage, subst. masc.a) Écon. Ainsi obtient-il un système d'équations homogènes par rapport aux prix. Précaution préméditée, car lorsqu'on arrive à la solution du système, au nombrage des équations et des inconnues, cette homogénéité va jouer un rôle essentiel (Univers écon. et soc., 1960, p.30-5).b) Hist. du dr. ,,Office du fonctionnaire chargé de compter les gerbes de blé et autres produits sur lesquels portait le champart; désigne aussi le salaire de ce sergent`` (Lep. 1948). [nɔ ̃bʀa:ʒ]. 1resattest. a) 1282 «terre, terrage [parce qu'on calcule le champart d'après le nombre de gerbes gisant dans le champ]» ou nombraige de Saint-Martin» (Charte, Archives du Loiret ds Gdf.), b) 1361 «impôt payé sur les céréales [sur les gerbes dénombrées]» (Charte ds Du Cange, s.v. numeratores-numeragium); de nombrer, suff. -age*, d'apr. le lat. médiév. numeragium «droit de percevoir une dîme nombrée» (1179 ds Nov. gloss.).