| NOEUD, subst. masc. A. − 1. Enlacement d'un objet flexible, entrelacement de deux ou plusieurs extrémités d'objets flexibles (cordes ou fils) destiné à les réunir. Couper, faire, défaire, dénouer, desserrer un noeud; noeud d'une maille, d'un tissu; noeud double, fixe, lâche, simple, serré: 1. Son arc est détendu; quand Érath, tout joyeux,
Et déjà sur le bord, se présente à ses yeux.
Mon fils le reconnaît, le renverse, l'entraîne,
De cent noeuds redoublés le lie au tronc d'un chêne...
Baour-Lormian,Ossian,1827, p.123. ♦ Noeud fatal (vieilli). Corde destinée à étrangler quelqu'un. Dans l'air le noeud fatal étouffa mes victimes; L'acier les déchira dans un puits meurtrier (Delavigne,Louis XI,1832, iv, 6, p.176).Corde* à noeuds. − Loc. verb. fam. Faire un noeud à son mouchoir. Nouer un coin de son mouchoir pour se souvenir de quelque chose. Un monsieur qui fait tout le long de son voyage des noeuds à son mouchoir pour se rappeler les sites (Goncourt,Journal,1852, p.52). − Spécialement a) MAR., TECHNOL. Noeuds de marin; noeud d'ajus*; noeud d'agui*; noeud d'anguille*; noeud de bouline*; noeud de chaise*; noeud coulant*; noeud de pêcheur; noeud de vache*. ♦ Noeud de capelage. Noeud qui sert à maintenir les boucles des manoeuvres ou des haubans. Pour refaire un haubannage, vous utiliserez le noeud de capelage (Barber.1969). ♦ Noeud de drisse. Noeud qui ,,sert dans les embarcations à arrêter la drisse d'une voile en prenant un tour mort et en faisant mordre le double de la drisse au-dessus`` (Gruss 1952). ♦ Noeud droit. Noeud fait de deux boucles dont chacune enserre l'autre, de telle sorte que les deux brins de chaque boucle passent du même côté. Depuis treize jours je vis sur la mer. J'ai appris à gouverner une barque à voiles, à faire des noeuds droits (Hugo,Corresp.,1839, p.567). ♦ Noeud d'étrésillon, de trésillon. Ligature qui sert à réunir deux cordages à l'étrésillon. On se sert [pour rapprocher fortement l'un de l'autre deux cordages tendus que l'on veut réunir par un amarrage] d'un filin (...) dont les bouts (...) reviennent se fixer au trésillon au moyen d'un noeud de trésillon (Gruss1952). ♦ Noeud plat. ,,Noeud dans lequel les deux bouts d'un cordage s'entrelacent deux fois et qui est d'autant plus solide qu'il est plus serré`` (Bonn.-Paris 1859). ♦ Noeud de tisserand. ,,Noeud pour réunir deux filins de diamètre différent`` (Barber. 1969). ♦ Noeud de la ligne de loch (v. loch1) et p. méton. noeud. Unité de vitesse correspondant à un mille marin, soit 1852 mètres à l'heure. Faire, filer n noeuds (à l'heure). Cette baie est très-ouverte, le courant y est presque insensible; je ne l'ai jamais vu filer un demi-noeud (Voy. La Pérouse,t.2, 1797, p.248).Nous filons avec une rapidité qui tient du prodige. Nous devons faire au moins un million de noeuds à l'heure (Jarry,Ubu,1895, v, 4, p.90).Loc. fig. pop., vieilli. Filer son noeud. S'en aller, partir. C'est-à-dire que M. Edmond voulait éventrer M. Danglars; mais le comptable a filé son noeud (Dumas père, Monte-Cristo, Drame, 1848, ii, 4, p.47).Bien! Va-t'en! File ton noeud! (Flaub.,Éduc. sent., t.1, 1869, . 228).En partic. Mourir. (Dict. xixeet xxes.). b) MÉD., CHIR. Noeud chirurgical; noeud du chirurgien. ,,Noeud composé d'un double demi-noeud qui ne se desserre pas ou peu pendant que l'on effectue le deuxième demi-noeud de blocage`` (Lar. Méd. t.2 1972). 2. [En tant que parure ou ornement (vestimentaire)] Noeud de soie, de velours; noeud de chapeau. Ajoutez à cela une gorgerette plissée, des noeuds de rubans sur les souliers(...) et mille autres énormités dont s'indignait le bon goût (Hugo,N.-D. Paris,1832, p.242).N'était la longue natte de cheveux tressés ramenée sur l'épaule et serrée d'un prétentieux noeud de satin, cette figure extraordinaire eût paru sans sexe et sans âge (Bernanos,Crime,1935, p.813). ♦ Noeud d'épée.*. ♦ P. anal. Noeud de perles, de diamants. Ornement en forme de noeud. Mes yeux s'arrêtaient maladroitement sur un noeud de diamants qui flamboyait à son corsage (Fromentin,Dominique,1863, p.175): 2. Le système de la décoration [du boudoir] est poursuivi dans les plus petits détails et jusque dans ce plafond en soie bleue, étoilé de cachemire blanc dont les longues bandes plissées retombent à d'égales distances sur la tenture, agrafées par des noeuds de perles.
Balzac,Fille Ève,1839, p.68. − En partic. ♦ Noeud de cravate. Enlacement d'une bande d'étoffe nouée de façon décorative sur la fermeture du col de la chemise. Dehors il faisait jour. Georges déboutonna son col de chemise, relâcha le noeud de sa cravate. Il avait besoin d'air (M. Déon,Un Parfum de jasmin, Paris, Gallimard, 1967, p.128). ♦ Noeud papillon*. ♦ Noeud d'épaule. ,,Ornement qui tenait la place de l'aiguillette d'uniforme`` (Leloir 1961). 3. P. anal. a) Enroulement (d'un reptile). Vois la race de l'aigle privée du père qui est mort dans les replis et les noeuds de l'affreuse vipère (Claudel,Choéphores,1920, p.922). − En partic. Noeud (de vipères). Enroulement de vipères enchevêtrées les unes dans les autres. Cette boule [de poison] imposait le silence. Elle fascinait et répugnait à la manière d'un noeud de serpents qu'on croit formé d'un seul reptile et où l'on découvre plusieurs têtes (Cocteau,Enfants,1929, p.170). b) Arg. vieilli. Noeud d'épée. ,,Petit paquet de couenne de lard`` (France 1907). Un noeud d'épée entouré pompeusement de six pommes de terre (P. Cuisin,Les Cabarets de Paris, Paris, Delongchamps, 1821, p.76). 4. P. anal. ou au fig. a) Contraction (de la poitrine, de la gorge) sous l'effet d'une violente émotion. Il avait envie de crier encore pour dénouer enfin le noeud violent qui lui broyait le coeur (Camus,Peste,1947, p.1395). − Loc. verb. Avoir un noeud dans la gorge, dans la poitrine. Avoir la gorge serrée, la poitrine serrée, contractée. Par moments, j'ai un noeud dans la poitrine (Beauvoir,Mandarins,1954, p.537). b) Lien (social) très étroit (entre deux personnes). Briser, former, rompre un noeud. Tout ce qui multiplie les noeuds qui attachent l'homme à l'homme, le rend meilleur et plus heureux (Joubert,Pensées, t.1, 1824, p.189). − Noeud + compl. déterminatif.C'est (...) lorsque déjà, dans le feu de la jeunesse, nous nous communiquions nos passions, nos enthousiasmes, que se serrèrent les noeuds de notre amitié (Michelet,Mémor.,1822, p.201). − Noeud + adj. déterminatif.La sainteté du noeud conjugal est assez respectée en Grèce. La raison en est fort simple. L'amour est un luxe, surtout l'amour illégitime (About,Grèce,1854, p.206): 3. Je ne puis descendre avec tranquillité dans la tombe, qu'en unissant pour jamais, par des noeuds indissolubles, les seuls objets qui m'attachoient à la vie.
Genlis,Chev. Cygne, t.3, 1795, p.370. B. − P. anal ou au fig. Point de rencontre, de jonction d'éléments dans une affaire délicate et complexe. Le noeud de l'affaire, du débat, de la question. Les clairvoyants remarqueront que c'est ici le noeud du problème, que toute la lutte a lieu en ce moment entre les vieilles et les nouvelles idées de théisme et de morale (Renan,Avenir sc.,1890, p.32).Noeud gordien*. Sac* de noeuds. 1. Point de rencontre, de jonction. − Spécialement ♦ ASTRON. ,,Point où l'orbite d'une planète, d'une comète ou de la lune coupe le cercle de l'écliptique sur la sphère céleste des fixes`` (Astron. 1973). ♦ COMMUN. Noeud (de communication). Point de rencontre de routes, de lignes ferroviaires. La gare de Creil est un véritable noeud du réseau du Nord, où s'opère une quadrifurcation des lignes ferrées (L. Daudet, Av.-guerre,1913, p.238).On peut, à la rigueur, malgré (...) les noeuds inextricables des carrefours, descendre avec le flot (Saint-Exup.,Pilote guerre,1942, p.321).Le village bâti sur un noeud assez important de tout petits chemins campagnards semblait sain et bien tenu (Giono,Hussard,1951, p. 265). ♦ INFORM. ,,Dispositif permettant une ramification et une concentration des lignes`` (Delam. Télém. 1979). Noeud de communication. ,,Dispositif permettant la communication entre les composants logiques et physiques d'un réseau`` (Delam. Télém. 1979). Noeud de commutation. ,,Dispositif de ramification et de concentration de lignes de transmission, assurant une fonction d'aiguillage des données`` (Delam. Télém. 1979). Noeud de transit. ,,Dispositif intermédiaire de raccordement de lignes assurant la réception des données et leur retransmission ultérieure`` (Delam. Télém. 1979). ♦ PHYS., ACOUST. ,,Point, lignes, surfaces d'un système d'ondes stationnaires où une grandeur donnée a une amplitude nulle`` (Pir. 1964). Noeuds de vibration. ♦ LING. Noeud d'un arbre. ,,Tout point de ramification de l'arbre à chacun des niveaux de la dérivation`` (Greimas-Courtés 1979). Sous chaque noeud, les «branches» qui se développent déterminent une suite de symboles correspondant à la «réécriture» (...) de la règle (L. Picabia, Élém. de gramm. générative, Paris, A. Colin, 1975, p.23).[Chez Tesnière] Nous définirons donc le noeud comme l'ensemble constitué par le régissant et par tous les subordonnés qui, à un degré quelconque, directement ou indirectement dépendent de lui, et qu'il noue ainsi en quelque sorte en un seul faisceau (Tesn.1959, p.14). ♦ MATH. Noeud d'un graphe. ,,Sommet qui admet plus de deux arcs incidents`` (Bouvier-George Math. 1979). 2. CRIT. LITTÉR. Péripétie ou suite de péripéties qui, dans une oeuvre littéraire, notamment une pièce de théâtre, mène l'action à son point culminant. Le noeud de l'action. Dans le roman classique l'action comporte un noeud: c'est l'assassinat du père Karamazov, c'est la rencontre d'Édouard et de Bernard dans Les Faux Monnayeurs (Sartre,Sit. I,1947, p.70). C. − P. anal. Renflement. Synon. nodosité: 4. Ces nus [de Botticelli] n'ont pas par hasard retenu les peintres septentrionaux; d'ineffaçables noeuds de lignes cernent leur émail, comme d'ineffaçables noeuds de muscles bossellent telle figure de Michel-Ange apparemment ébauchée.
Malraux,Voix sil.,1951, p.403. 1. BOT. ,,Renflement naturel d'une tige à l'endroit où l'on peut observer le point d'attache d'une feuille ou d'un rameau`` (Bén.-Vaesk. Jard. 1981). ,,Bois d'une branche latérale englobée dans le bois du tronc`` (Agric. 1977). 2. a) PATHOL. Renflement et saillies à la jointure des doigts de la main. Une expression d'une sérénité attentive éclairait ce masque quasi décharné. Les doigts qui tenaient le volume avaient des noeuds aux phalanges (Bourget,Conflits int.,1925, p.252). b) ANATOMIE ♦ Vx. Noeud de la gorge. Synon. de larynx. ♦ Noeud vital. ,,Point situé sur le plancher du 4eventricule, au niveau du centre respiratoire`` (Garnier-Del. 1972). 3. GÉOGR. Point où se croisent deux chaînes de montagnes. Une grande vallée plus large et moins encaissée se détache à Chambéry du noeud des Alpes et se creuse son lit de verdure (Lamart.,Raphaël,1849, p.134). 4. TECHNOL. ,,Renflement que produit la soudure employée à réunir deux tuyaux de métal`` (Chabat 1881). 5. Argot a) Membre viril. La jolie fille (...) dès qu'elle eut senti la tête du noeud qui la pénétrait, donna un coup de cul qui fit pénétrer complètement l'engin (G. Apollinaire,Les Onze mille verges,1906, p.11 ds Cellard-Rey 1980). − Loc. fig. À la mords-moi-le-noeud. V. mordre. b) Imbécile. Espèce de noeud. Espèce d'noeud, bon Dieu d'acrobate (Barbusse,Feu,1916, p.336).Tête de noeud. Il ne faudrait tout de même pas nous prendre pour des poires, hé, tête de noeud (Cendrars,Main coupée,1946, p.193). Prononc. et Orth.: [nø]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1119 «enlacement serré de fils» (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 1771); 1690 noeud de tisserand (Fur.); 1721 noeud de chirurgien (Trév.); 1812 faire un noeud à son mouchoir (Jouy, Hermite, t.2, p.147); d'où a) fig. 1672, 2 juin avoir un noeud à la gorge «avoir quelque chose qui déplaît» (Mmede Sévigné, Lettres, éd. La Pléiade, 1, 528); b) spéc. 1721 mar. noeud de la ligne de Lok (Trév.); 1797 filer trois noeuds (Voy. La Pérouse, t.2, p.238); d'où p. anal. et fam. 1828-29 filer son noeud (Vidocq, Mém., t.3, p.123); 2. 1171-90 «ornement vestimentaire» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. W. Roach, 3724); 1688 noeud d'épaule (Rich.); 1690 noeud de cravate (Fur.); 3. fig. a) ca 1175 «attachement, liaison entre des personnes» (Benoit, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 8560); 1588 sainct noeuf (Ollenix du Mont-Sacré, Sec. Liv. des berg. de Julliette, fo446 vods Gdf. Compl.); b) ca 1470 «point essentiel où réside la difficulté d'une affaire» (Georges Chastellain, Chronique, éd. K. de Lettenhove, 3, p.312); 1638 le noeud des pièces de théâtre (Sentiments de l'Académie sur le Cid ds Littré); 4. techn. a) 1690 astron. (Fur.); b) 1765 math. (Encyclop. t.11); c) 1768 acoust. (Rousseau, p.8); d) 1824 commun. (Ségur, Hist. de Nap., iv, 6 ds Littré); 5. p. anal. 1779 «chacun des replis du serpent» (Jean Roucher, Les Mois Poèmes en 12 chants, t.2, p.124). II. 1. 1213 anat. neu de l'eschine «première des vertèbres» (Li Fet des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, 500, 34); 1314 neu de la gorge «pomme d'Adam» (Henri de Mondeville, Chirurgie, 257 ds T.-L.); 1552 «articulation des doigts» (Est.); 2. fin xiiies. bot. «protubérance sur un tronc» (Vie Sainte Eulaire Virge, BN 423, fo25c ds Gdf. Compl.); ca 1475 «partie renflée d'une tige» (Les Evangiles des Quenouilles, Bibl. Elzevirienne, p.87); 3. 1684 technol. «endroit par lequel on joint ensemble avec de la soudure des tuyaux de plomb» (Comptes des bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, 2, 444 d'apr. FEW t.7, p.173b); 4. 1840 géogr. «point où des chaînes de montagnes se réunissent en un système» (Ac. Compl. 1842); 5. 1953 ling. (L. Tesnière, Esquisse d'une synt. struct., p.4). Du lat. nōdus «noeud»; fig. «lien; difficulté, obstacle; intrigue d'une pièce de théâtre». Fréq. abs. littér.: 1722. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2616, b) 3230; xxes.: a) 1717, b) 2327. Bbg. Gir. t.2 Nouv. Rem. 1834, p.65. _Quem. DDL t.5, 8, 13, 15, 16, 19. |