| * Dans l'article "NEIGE,, subst. fém." NEIGE, subst. fém. I. A. − Vapeur d'eau atmosphérique congelée généralement sous forme de fins cristaux blancs qui s'agglomèrent en flocons et s'éparpillent du ciel sur la terre. Si une goutte d'eau évaporée est frappée du froid, elle se change en étoile de neige à six rayons en hiver (Bern. de St-P.,Harm. nat.,1814, p.215).La neige tombe en flocons menus. De ma fenêtre, je regarde le ciel qui descend et dévore la plaine. Il n'y a de bruit nulle part. Aucune maison presque n'est visible. Ma solitude se prolonge et couvre l'univers (Estaunié,Empreinte,1896, p.326).La neige mettait tout le monde de bonne humeur; c'était la première neige de l'année, une neige encore sans tache, et ce qui restait d'enfance dans le coeur de chaque homme saluait la féerique disparition de toutes les couleurs (Green,Moïra,1950, p.233): 1. Tous les jardins sont sous la neige, une neige précoce de la mi-octobre, tombée toute la nuit (...). Des arbres isolés, d'autres en bouquets percent le blanc absolu des neiges. Ils en soulèvent des lambeaux qu'ils portent sur leurs épaules, manteaux splendides et guenilleux, seul incident sur la molle étendue immaculée. Le ciel gris jaune ne compte plus. Toute lumière est ramenée au sol, captée et absorbée par la neige.
Malègue,Augustin, t.2, 1933, p.335. SYNT. Neige amoncelée, tombée; neige éblouissante, sale; neige croûteuse, durcie, dure, épaisse, fine, fondante, fraîche, glacée, lourde, molle, poudreuse, pourrie, tôlée; dernière(s) neige(s); grande(s), haute(s), petite neige(s); avalanche, tempête, tombée, tourbillon(s), tourmente de neige; bloc(s), boule(s), couche, flocon(s), linceul, manteau, poussière, tapis de neige; champ(s), ciel, cimes, désert(s), montagne(s), paysage de neige; effet(s) de neige; blancheur, éclat, reflet de la neige; poids des neiges; la neige cesse, commence à tomber, couvre (la terre, etc.), fond, tombe (dru/à gros flocons/avec abondance, etc.); il y a x centimètres, x pieds de neige; être blanc, couronné, plein, poudré de neige; être enseveli sous la neige; regarder tomber la neige; marcher, se perdre dans la neige. Rem. Neige sert à construire certains mots composés: chasse-neige, moto(-)neige, perce-neige, pneu(-)neige. − Locutions ♦ Neige(s) éternelle(s), perpétuelles. Neige(s) persistant sur les hauts sommets. La neige éternelle, La neige immaculée, au pur reflet d'argent (Gautier,Poés.,1872, p.280).Au-dessus d'une certaine altitude, qui varie suivant la position géographique et qu'on appelle limite des neiges perpétuelles, il tombe chaque année plus de neige qu'il n'en fond (Boule,Conf. géol.,1907, p.10). ♦ Neige fondue. Pluie glacée, mêlée de neige. Le jour où l'on enterra ce pauvre Marmet, il tombait de la neige fondue. Nous étions mouillés et glacés jusqu'aux os (A. France,Lys rouge,1894, p.17). ♦ Neige jaune, rouge, verte, etc. Neige colorée notamment par la prolifération d'une algue microscopique. Des coulées de neige rouge et jaune, phénomène assez fréquent dans le Nord et dû, croit-on à des algues microscopiques développées dans les excréments des oiseaux (H.-Ph. d'Orléans, Chasses arct.,1911, p.196). ♦ Blanc comme neige. Très blanc. Longues boucles blanches (...) également blanche comme neige, une barbe de fleuve (Vogüé,Morts,1899, p.128).Au fig. Blanchi, innocent(é). Tomaso refusa, me dit (...) que l'avocat Barricini l'avait recommandé à tous les juges, qu'il sortirait de là blanc comme neige (Mérimée,Colomba,1840, p.116). ♦ Bonhomme de neige. V. bonhomme I C 1 ex. de Boylesve. ♦ Chute de neige. V. chute I A 1 b. ♦ Classe de neige. V. classe I D 1 a.Cette année, vingt-cinq classes de CM2 de seize écoles de Nancy, soit près de 600 enfants sont allés, sont actuellement ou iront en classe de neige dans les Vosges (L'Est Républicain,6 févr. 1982, p.10). ♦ Temps de neige. Temps caractérisé par des chutes de neige ou qui annonce la neige. Une superbe vue de la route de la Révolte, par un temps de neige. (...) un de ces ciels chargés de neiges qui semblent s'abaisser et peser lourdement sur nous (...). Partout des tas de neige (Huysmans,Art mod.,1883, p.119).Le temps est à la neige/il y a de la neige dans l'air. Les conditions atmosphériques annoncent de la neige. On entend dire souvent, à la campagne, les cultivateurs (...): «le temps est à la neige»: c'est qu'ils ont remarqué que le vent était tombé (...) que le ciel était devenu gris uniforme (...). Enfin, une clarté jaunâtre, très caractéristique, a précédé de peu la chute des premiers flocons (G. Bidault de L'Isle,Vieux dictons de nos campagnes, Paris, Toison d'or, t.2, 1952, p.391). ♦ Train de neige. Train spécial ayant pour destination certaines stations de sports d'hiver. La S.N.C.F. vient de mettre à l'essai, dans certains «trains de neige», de nouvelles couchettes (Le Monde,1erjanv. 1975ds Gilb. 1980). ♦ Fonte des neiges. V. fonte1B ex. de Nodier et Abellio. ♦ Perdrix des neiges. Lagopède des Alpes. Il aimait par-dessus tout les crêtes dénudées (...) il avait une fois découvert entre deux pierres les oeufs opalins de la perdrix des neiges (Vailland,Drôle de jeu,1945, p.130). Rem. De(s) neige(s) s'associe à divers autres noms d'animaux: bruant des neiges, once des neiges, ortolan de(s) neige(s), etc. ♦ Faire (la) boule de neige. V. boule I B 1 a loc. fig. ex. 1 et 2. ♦ Fondre comme neige (au soleil). Se dissiper rapidement. La sympathie qu'il avait hier pour cette femme fondait comme neige au soleil (Montherl.,Démon bien,1937, p.1268). − Littér. Mais où sont les neiges d'antan. V. antan II ex. 6 et 7. − P.méton. Hiver, année. Reçois ce collier: vingt graines rouges marquent le nombre de mes neiges (Chateaubr.,Natchez,1826, p.154). B. − P.anal., littér. 1. Ce qui évoque la neige par sa blancheur, son éclat. Neige clairsemée (...). Cheveux blancs. −Oh! de la neige. −Oui, mais celle-là ne fond pas! elle tient (Renard,Journal,1903, p.868).Le four est blanc d'une neige de feu avec, au milieu, les caboches des souches d'olivier rondes, en braises rouges (Giono,Manosque,1930, p.36).V. aubépine ex. 2. − Loc. adj. De neige. D'une blancheur éclatante. (Être) couleur de neige; un blanc, un éclat de neige; cheveux, cou, front, sein de neige; fleur de neige. Électre au cou d'albâtre, Eunice aux bras de neige (Leconte de Lisle,Poèmes ant.,1852, p.184).De grandes porcelaines blanches évasent leurs calices de neige (Taine,Notes Paris,1867, p.83).V. blancheur ex. de Zola. 2. Ce qui évoque la neige par sa légèreté, sa grâce. Autour de ces touffes flottait sans cesse une neige vivante de papillons blancs auxquels se mêlaient des plumes échappées d'un colombier (Hugo,Rhin,1842, p.145).Le soleil de mai versait sa claire lumière sur les pommiers épanouis (...). Ils semaient sans cesse autour d'eux une neige de pétales menus, qui voltigeaient et tournoyaient en tombant dans l'herbe haute (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Bapt., 1885, p.44): 2. Quel plaisir d'arriver couvert de neige dans une chambre (...) et d'y trouver une femme qui, elle aussi, secoue de la neige, car quel autre nom donner à ces voiles de voluptueuses mousselines à travers lesquels elle se dessine vaguement comme un ange dans son nuage...
Balzac,Peau chagr.,1831, p.109. C. − Au fig. 1. Ce qui évoque la neige par sa pureté. Le bonheur est une neige blanche sur laquelle la moindre chose fait tache (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.37).Tu m'as sauvée. Tu m'as empêchée de répandre la fange des passions vulgaires sur cette neige impolluée, sur cette glace éclatante où Dieu m'avait ensevelie (Sand,Lélia,1839, p.397). 2. Ce qui évoque la neige, l'hiver par sa froideur morale, son vieillissement. Nemphed, déjà glacé par les neiges de l'âge (Lamart.,Chute,1838, p.986).Le coeur de l'homme est encore plus variable que les saisons, tour à tour plus froid que l'hiver et plus brûlant que l'été. Si ses fleurs ne renaissent pas, ses neiges reviennent souvent par bourrasques lamentables (Flaub.,Corresp.,1847, p.5). II. − Spéc., p.anal. (de couleur, parfois de légèreté) A. − Arg., pop. 1. Synon. de cocaïne.Les paradis baudelairiens paraissent bien démodés. La confiture de haschich a perdu depuis longtemps sa séduction exotique. (...) La cocaïne, la mirifique «neige» qui affola toute une génération d'esthètes, a été renvoyée au musée des horreurs (J.-M. Gerbault, Les Drogues du bonheur, Paris, Hachette, 1965, p.4 et 5). 2. P.iron. Boule de neige. Homme de race noire. Archimède! Boule de neige adorée! (...) Viens, mon lion noir! (...) Viens, beau Nègre, me montrer que ta race n'est pas près de s'éteindre. Viens métisser mes sens, bonhomme de suie! (San-Antonio,Les Vacances de Bérurier, Paris, Fleuve noir, 1969, p.427). B. − BOT. Boule(-)de(-)neige 1. Arbuste (de la famille des Caprifoliacées) à feuilles dentées, à fleurs blanches disposées en grappes rondes et dont une variété est cultivée comme ornementale. Synon. de viorne obier.Des «boules de neige» assemblant au sommet de leurs hautes tiges nues (...) leurs globes parcellés mais unis, blancs comme des anges annonciateurs et qu'entourait une odeur de citron (Proust,J. filles en fleurs,1918, p.634). 2. Champignon (de la famille des Agaricacées) au chapeau blanc d'assez grande taille, comestible. Synon. psalliote des jachères.Quel coup au coeur (...) quand au détour d'un buisson, l'on se trouvait subitement en face d'une magnifique boule-de-neige large comme une assiette! (...) quelle pure joie quand le couteau vous livrait une créature d'un blanc de lait, aux lames à peine rosées, à demi soudées encore à leur collerette et fleurant l'anis! (J. Cressot,Le Pain au lièvre,Paris, Stock, 1973 [1943], p.177). C. − CHIM., TECHNOL. 1. Neige artificielle. Substance chimique imitant la neige et utilisée dans le domaine du ski, du cinéma, etc. (Dict. xxes.). 2. Neige carbonique. V. carbonique A.On a parfois obtenu au sol de la neige ou de la pluie en projetant, d'un avion, sur des nuages assez épais, de l'anhydride carbonique solide (neige carbonique) (Maurain,Météor.,1950, p.134).Le médecin pourra traiter les lésions par la neige carbonique (Quillet Méd.1965, p.300). 3. Blanc de neige. ,,Qualité supérieure de blanc de zinc`` (Duval 1959). Le blanc de zinc (...) est de l'oxyde de zinc (...). La plus belle qualité, le blanc de neige, est d'un blanc très pur (Coffignier,Coul. et peint.,1924, p.185). D. − COIFFURE. Épingle neige. Épingle à cheveux très fine servant à fixer une coiffure floue. Elle s'arrêta chez la coiffeuse, pour acheter des épingles neige (Chardonne,Dest. sent. I,1934, p.190). E. − GASTRONOMIE 1. Entremets glacé préparé avec du sucre et le jus de certains fruits. On ne pense, en ces lieux délicieux, qu'à se coucher, manger de la neige à l'orange (T'Serstevens,Itinér. esp.,1933, p.104). 2. [À propos de blancs d'oeufs] Battre/fouetter/monter/se prendre, etc. en neige. Battre (...) en une masse volumineuse, mousseuse. Mêlez un à un huit jaunes d'oeufs frais; et puis battez leurs blancs en neige ferme (Pesquidoux,Chez nous,1923, p.106). − P.métaph. Aujourd'hui, il y a au théâtre une gaîté de mots, un entortillement d'esprit (...). C'est un esprit fouetté en neige, relevé d'une pointe de musc (Zola,Bouton de rose,1878, i, p.iv). 3. OEufs à la neige. Entremets préparé avec des blancs d'oeuf battus en neige, pochés dans du lait bouillant aromatisé et servis avec une crème anglaise. La jeune fille (...) apporta le plat d'oeufs à la neige qu'elle avait apprêté. Dans leur bain d'or pâle, ils brillaient du plus candide éclat et répandaient une fine odeur de vanille (A. France,Bonnard,1881, p.453). F. − TÉLÉV. ,,Phénomène se traduisant par l'apparition d'une multitude de points blancs sur un écran de télévision (...). L'extrême sensibilité d'un récepteur et un champ très faible provoquent l'apparition de «neige»`` (Électron. 1959 et 1963-64). REM. 1. Neigée, subst. fém.Chute de neige. Là [dans la vallée] les brebis sont bien mieux protégées De la tempête et des longues neigées (Jammes,De tout temps,1935, p.228). 2. Neigiste, subst.,hapax. Une toile, intitulée Vue de Seine, est plus poignante encore (...) une toile où l'eau coule, glauque, entre deux rives de neige (...). Nous sommes loin de cette eau en taffetas vert-pomme et de ces traînées de blanche ouate que les neigistes officiels disposent si gentiment (Huysmans,Art mod.,1883, p.266). Prononc. et Orth.: [nε:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1329 naige (Watriquet de Couvin, Dits, éd. A. Scheler, 53, 322 [Dit du Connestable]); cf. 1461 (Villon, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 336: Mais ou sont les neiges d'anten?); 1550 nége eternelle (Ronsard, Le Bocage, XIV, 12 A son retour de Gascongne, ds OEuvres, éd. P.Laumonier, t.2, p.199). A. 1. Allus. à la blancheur de la neige a) 1360-70 (Baudouin de Sebourc, XVIII, 52 ds T.-L.: as le barbe plus blanche c'onkes nege ne fu); 1555 p.méton. (Ronsard, Meslanges, Ode, Quand je veux en amours, 10, ibid., t.6, p.198: ...ta barbe en tous endrois de nege parsemée); b) xives. (Chevalier au papegau, 30, 21 ds T.-L.: sydone blanc come nege); 2. allus. à la fragilité de la neige 1455-75 fig. estre de neige «ne produire aucun effet» (Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t.5, p.281); 1585 de neige «de rien, sans valeur» (N. du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J.Assézat, t.1, p.210); 3. allus. à la propriété de la neige de s'agglomérer 1587 (Lanoue, Discours pol. et milit., Bâle, F. Forest, p.833: Laissans rouler...ceste petite pelote de neige [l'armée des Princes] ...elle se fit grosse comme une maison); 1671, 25 déc. fig. il se fait une pelote de neige «l'affaire grossit et empire» (Sévigné ds Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t.1, p.440); 4. la neige symbole de l'innocence 1676, 22 juil. (Id., ibid., t.2, p.249: Penautier sortira [de l'affaire des poisons] un peu plus blanc que de la neige). B. P.anal. avec la couleur, la consistance de la neige 1. 1501 chim. neige de corne «phosphate de chaux obtenu par calcination de la corne de cerf» (B. dict. gén. lang. wall. t.15, p.49 d'apr. FEW t.7, p.154b); 2. 1552 neige de creme «crême fouettée» (Rabelais, Quart livre, LIX, éd. R. Marichal, p.241); 1680 neige «sorte de sorbet» (Rich.); 1798 oeufs à la neige (Ac.); 3. 1921 arg. des malfaiteurs «cocaïne» (d'apr. Esn.). Déverbal de neiger*. A évincé l'a. fr. noif (ca 1100 neif, Roland, éd. J. Bédier, 3319) qu'il a repoussé vers les aires latérales du domaine gallo-rom.; FEW t.7, p.157a. Noif est issu du lat. nix, nivis «neige», de même que l'a. prov. neu (1171-90, Arnaut de Mareuil, Dona genser..., 94 ds Les Saluts d'amour, éd. P.Bec, p.80), le cat. neu, l'esp. nieve, le port. neve, l'ital. neve, le roum. nea. Le déclin de noif est dû à la fois à son éloignement de neigier qu'on ne sentait plus en rapport avec lui, et à la collision homonymique avec noiz (< lat. nuce). Neige a également évincé le type a. fr. nive (ca 1350, Gilles Li Muisis ds T.-L.) relevé dans les domaines du nord et du nord-est, se rattachant au lat. nivere, FEW t.7, p.153a, v. neiger. Fréq. abs. littér.: 4968. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)6064, b) 8176; xxes.: a) 8297, b) 6585. Bbg. Gredig (S.). Essai sur la formation du skieur fr. Davos, 1939, pp.53-55. _Kristol (A.). Color. Les Lang. rom. devant le phénomène de la couleur. Berne, 1978, p.81. |