| NÉOLOGISME, subst. masc. A. − Vieilli 1. Péj. Habitude, considérée comme fautive, d'abuser de la néologie (v. néologie A), soit en créant, soit en utilisant de nombreux mots nouveaux. Distinguez donc et dites: J'aime la néologie pleine de goût dont Racine nous a laissé tant d'exemples; mais je désapprouve le néologisme des poètes romantiques (Omnibus lang., 1835): 1. J'ai autrefois entendu, à l'Institut, un discours fort gracieux sur le danger du néologisme et sur la nécessité de s'en tenir à notre langue telle qu'elle a été fixée par les auteurs du bon siècle.
Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p.27. 2. Création de mots, de tours nouveaux et introduction de ceux-ci dans une langue donnée. Synon. néologie (v. ce mot A).Pratiquer le néologisme. Boiste qui fut un habile homme, indulgent au néologisme, (...) eût fait un parfait lexique, s'il n'avait oublié qu'un dictionnaire ne doit pas être une satire (Musset, Lettres Dupuis Cotonet, 1836, p.596).[H.-F. Amiel] avait (...) à un degré rare, la plus audacieuse d'entre les audaces littéraires, celle du néologisme et de l'invention grammaticale (Bourget, Nouv. Essais psychol., 1885, p.273). B. − Mot, tour nouveau que l'on introduit dans une langue donnée. Néologisme barbare; une langue truffée de néologismes; risquer un néologisme. Les néologismes n'effraient point, à condition qu'ils soient bien formés et restent compréhensibles (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p.217): 2. Je ne vous fais pas un reproche des néologismes, néologismes de mots et néologismes de tours. Ce n'est pas que je les aime; mais, je le sais comme vous, il y a quatre ou cinq livres du dernier siècle où sont imprimés en italique les néologismes qui crispaient les classiques du temps; eh bien, c'est en se servant de ces néologismes passés dans la langue que les classiques vous attaquent aujourd'hui...
Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p.141. En partic. ♦ Néologisme (de forme). Expression ou mot nouveau, soit créé de toutes pièces, soit, plus couramment, formé par un procédé morphologique (dérivation, composition, analogie). Pour caractériser mon drame je me suis servi d'un néologisme qu'on me pardonnera car cela m'arrive rarement et j'ai forgé l'adjectif surréaliste (Apoll., Tirésias, 1918, p.865): 3. Coquille absurde, dans ma traduction d'Antoine et Cléopâtre: «vilence» au lieu de «vilenie». Impossible d'imaginer changement de mot plus complet, d'accent, de nombre de syllabes, etc., causé par cette simple substitution de lettre. X. qui corrigeait a cherché, sans pouvoir trouver, ce que «vilence» pouvait être: et, finalement, a maintenu, croyant à un néologisme.
Gide, Journal, 1926, p.819. ♦ Néologisme (de sens). Expression ou mot existant dans une langue donnée mais utilisé dans une acception nouvelle. À chacun des niveaux (...) plane la grande menace d'ascension au paroxysme atomique, ce que, d'anglicisme en néologisme, on a convenu d'appeler «escalade» (Beaufre, Dissuasion et strat., 1964, p.69): 4. [Littré] s'imposa de citer, pour chaque mot, des phrases tirées des meilleurs écrivains, non seulement de la langue classique, mais encore des textes de l'ancienne langue (...) s'attachant à tous les sens par lesquels le mot a passé, n'omettant ni les archaïsmes ni les néologismes, ni les contraventions à la grammaire, attentif aux acceptions détournées ou singulières...
Pasteurds Travaux, 1882, p.425. C. − PSYCHIATRIE. Mot nouveau créé soit à partir de sons, soit par fusion de mots ou de fragments de mots usuels, et utilisé par un malade dans certains états délirants. De valeur souvent magique ou ludique, le néologisme atteste la désocialisation du malade, sacrifiant la fonction communicative du langage à sa fonction expressive (Thinès-Lemp.1975). Prononc. et Orth.: [neɔlɔ
ʒism̭]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1734 «habitude d'employer des termes nouveaux» (Le Pour et le Contre, t.5, p.98); 2. 1787 «les mots nouveaux eux-mêmes et l'habitude d'en inventer» (Fér.). Formé des élém. néo-* et -logie*, et du suff. -isme*. Fréq. abs. littér.: 50. DÉR. Néologiser, verbe trans.,fam. Créer, utiliser des néologismes (v. supra B). Raynaud ne néologise ni n'archaïse (Verlaine, OEuvres posth., t.3, Prose, 1896, p.105).− [neɔlɔ
ʒize], (il) néologise [neɔlɔ
ʒi:z]. − 1reattest. 1837 (Balzac, Illus. perdues, p.45); de néologisme, suff. -iser*. BBG. −V. néologie. |