| NÉGLIGER, verbe trans. A. − 1. Négliger de + verbe inf. (qqc./qqn).Omettre de faire quelque chose par manque de soin, d'attention, d'intérêt. Anton. s'appliquer à.Il serait autant absurde qu'injuste de glorifier un bon citoyen, si l'on négligeait d'honorer la mère, l'épouse, etc., auxquelles son succès fut surtout dû (Comte,Catéch. posit.,1852, p.220).Je me souviens seulement alors que (...) j'avais complètement négligé de saluer ce corbillard (Verlaine,OEuvres compl.,t.4, Mém. veuf, 1886, p.244).Dans ma précipitation, avais négligé de prendre les clefs de l'appartement (Gide,Journal,1943, p.166). 2. Négliger qqc.Ne pas s'occuper de quelque chose, apporter moins de soin à quelque chose qu'il ne serait nécessaire. Synon. délaisser; anton. se préoccuper de, s'inquiéter de.Négliger une blessure; négliger le style; négliger un travail. Léon, bientôt, prit devant ses camarades un air de supériorité, s'abstint de leur compagnie, et négligea complètement les dossiers (Flaub.,MmeBovary,t.2, 1857, p.106).Beyle voulut écrire (...) comme un algébriste. Les critiques lui ont reproché de négliger sa forme (Bourget,Essais psychol.,1883, p.215).Il oubliait l'heure, négligeait ses devoirs, jetait notre mère en transes (Duhamel,Terre promise,1934, p.116): 1. −Tous ces messieurs, dit Chanor (...), ont autant de fantaisies que de talent. (...) ils jettent l'argent par les fenêtres, ils ne trouvent plus le temps de faire leurs travaux; ils négligent alors leurs commandes...
Balzac,Cous. Bette,1846, p.65. − Par litote. [En tournure négative] . Faire tout pour ne pas laisser échapper. Il ne négligea rien pour donner de vifs remords à sa nouvelle amie (Stendhal,Lamiel,1842, p.85).La Revue des Deux-Mondes est une école de précieux (...) M. Chebuliez s'y distingue par des grâces compilées (...) il ne néglige rien de tout ce qui peut assommer l'ami lecteur (Veuillot,Odeurs de Paris,1866, p.419): 2. Il se bornait, le matin ou le soir, à la saluer de sa fenêtre; mais il ne négligeait aucune occasion de lier conversation avec le mari.
Theuriet,Mais. deux barbeaux,1879, p.87. − En partic. ♦ [Le compl. désigne une partie du référent du suj.] Ne pas prendre soin (de quelque chose). Négliger sa barbe. L'abbé Cénabre laissait croître sa barbe, négligeait ses mains qu'il avait belles, prolongeait ses repas, sa sieste (Bernanos,Imposture,1927, p.461). ♦ [P.méton.] Emploi pronom. réfl. Autrefois l'univers n'avait point cet aspect qui m'afflige. Oui, la nature se néglige (Desb.-Valm.,Mél.,1859, p.183).Lui-même se négligeait, délaissait la redingote (Zola,Vérité,1902, p.57).Il se néglige. Il s'abandonne. Il n'a plus goût à rien (Rolland,Beethoven,t.1, 1937, p.73).Ne pas prendre soin de son hygiène, de sa beauté. Il se négligeait dans les petites choses, par exemple il n'était pas très propre (Sartre,Mur,1939, p.93): 3. yvonne: (...) tu ne me regardes pas. Tu ne me vois pas. michel: Erreur, chère Madame. Je vous regarde du coin de l'oeil −et je trouvais même que vous vous négligiez beaucoup. Si vous me laissiez vous coiffer, vous maquiller...
Cocteau,Parents,1938, I, 4, p.58. 3. Négliger qqn.Ne pas avoir avec quelqu'un des relations aussi suivies qu'elles devraient l'être, ne pas lui manifester autant d'intérêt, d'attention qu'on le devrait. Synon. délaisser; anton. prendre soin de, s'intéresser à.Négliger ses amis. Savez-vous, madame, reprit le roi en feignant d'être un peu en colère, que vous me négligez? Voici trois ans bientôt que je ne vous ai vue (Balzac,MeCornélius,1831, p.250).Vous pourrez penser que je vous néglige, que le tumulte de Paris m'a distrait de cette voix douce et solitaire de l'amitié (M. de Guérin,Corresp.,1834, p.118).Je ne t'ai pas vu depuis un an. Non pas que je t'aie négligé; j'ai sur toi des renseignements précis (Arland,Ordre,1929, p.57). − Emploi pronom. réciproque. Mais eux, dans leur système, ils ne peuvent pas se négliger (Péguy,Argent,1913, p.1197). − En partic. [Le compl. désigne, dans un couple, l'un des partenaires] Ne pas donner à quelqu'un la preuve d'amour qu'il serait en droit d'attendre. Ça, c'est MmeHutin, une pauvre petite femme que son mari néglige (Zola,Ventre Paris,1873, p.857). B. − 1. Négliger de + verbe inf.Omettre de faire quelque chose parce qu'on ne juge pas cela nécessaire. Synon. s'abstenir de, se dispenser de.À mesure qu'il montait, l'ascension était plus rude. Il avait négligé d'ôter ses souliers, ce qui augmentait le malaise de la montée (Hugo,Travaill. mer,1866, p.261).Tiens, −fit-il, −je n'avais jamais aperçu cette enseigne. Et il passa, négligeant désormais d'examiner la suite (Estaunié,Ascension M. Baslèvre,1919, p.20).Un phénomène analogue se produit chez (...) les sociologistes qui ont négligé de s'initier à une connaissance générale de l'homme (Carrel,L'Homme,1935, p.53).Quel saint, en vérité, n'a pas eu dans sa carrière quelques instants où il a négligé, omis de vouloir son salut? (Arnoux,Double chance,1958, p.62). 2. Négliger qqc.S'abstenir de prendre en considération quelque chose parce qu'on ne juge pas cela nécessaire. Anton. mettre à profit, tenir compte de.Il négligeait les conseils salutaires de ses amis (Barante,Hist. ducs Bourg.,t.3, 1821-24, p.146).Les pensées nihilistes, parce qu'elles négligent cette frontière, finissent par se jeter dans un mouvement uniformément accéléré (Camus,Homme rév.,1951, p.363). − Domaine des sc.Ne pas prendre en compte une donnée dont on juge qu'elle n'a pas d'incidence sur le traitement de la question. Négliger une décimale, une variable. Quand je m'en sers par exemple pour calculer l'orbite de Saturne, je néglige l'action des étoiles, et en agissant ainsi, je suis certain de ne pas me tromper, car je sais que ces étoiles sont trop éloignées pour que leur action soit sensible (H. Poincaré,Valeur sc.,1905, p.250). REM. Négligement, subst. masc.,beaux-arts, vx. Action, fait de négliger avec dessein. Négligement du pinceau (Ac. 1798-1835). Prononc. et Orth.: [negliʒe], (il) néglige [negli:ʒ]. Ac. 1694, 1718: ne-; dep. 1740: né-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 «ne pas prendre soin de» part. passé fém., liég. neglicïe (Job, 302, 10 ds T.-L.); ca 1393 (Ménagier, I, 225, ibid. il neglige sa bonne renommee); 1669 négliger de + inf. (Bossuet, Oraison funèbre reine d'Angleterre ds OEuvres, éd. abbé Vélat et Y. Champailler, p.65); spéc. a) α) part. passé adj. «vêtu avec négligence» [1640 (Oudin Ital.-Fr.: negletto, negligé) −cf. FEW t.7, p.89b] av. 1648 (Voiture, Hist. d'Alcidalis et de Zélide ds OEuvres, éd. Paris, J. Clousier, t.2, 1734, p.289); 1687 part. passé subst. masc. «état d'une personne non parée» (Dancourt, Chevalier à la mode, I, 6 ds OEuvres, éd. Paris, P.Ribou, t.1, p.70: voilà le plus galant négligé qu'on ait jamais vu); 1761 paraître en négligé (Marmontel, Contes moraux, L'heureux divorce, éd. Amsterdam M.M. Rey, t.3, 1779, p.13);
β) 1671 réfl. «ne pas avoir soin de sa personne (propreté, ajustement)» (Pomey); b) 1671, 23 déc. part. passé adj. litt. style négligé (Sévigné ds Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t.1, p.437); 1674 (Boileau, Art poétique ds OEuvres, éd. F. Escal, p.161: Il [un sage ami] ne pardonne pas les endroits negligez); c) 1762 peint. subst. (Ac.: un beau négligé); 2. «ne pas tenir compte, faire abstraction de» a) 1355 d'une chose (Bers., Tit. Liv., BN 20312ter, fol. 13vods Gdf. Compl.: en negligent les coustumes du pays); b) 1559 de quelqu'un (Amyot, Plutarque, Vies. Agésilas, 53 éd. Gérard Walter, t.2, p.212); 3. 1634 «ne pas avoir pour quelqu'un la considération, l'attention qu'il attend» (Corneille, Suivante, I, 6); 4. 1677 «laisser échapper, ne pas tirer parti de» (Miege, d'apr. FEW, loc. cit.). Empr. au lat. neglĭgere (plus fréq. neglĕgere) «ne pas s'occuper de; ne pas tenir compte; ne pas faire cas de; négliger, omettre de» (+ inf. ou prop. inf.). Fréq. abs. littér.: 1435. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2257, b) 1619; xxes.: a) 1964; b) 2126. |