| MOUTARDE, subst. fém. A.− Plante dicotylédone herbacée (de la famille des Crucifères), annuelle, à fleurs jaunes et comportant plusieurs variétés. Pour rappeler l'humeur à l'extérieur, on emploiera pour topique la graine de moutarde et l'ail pilés, et si cela ne suffit pas, on appliquera des vésicatoires (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 413).Encore n'avais-je pas bien étudié la moutarde et savais-je tout au plus que cette plante est de la famille des Crucifères (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 68).V. désherber ex. 2. ♦ Moutarde blanche (Sinapis); moutarde noire (Brassica). La graine de moutarde noire est plus fine que celle de moutarde blanche (Deschamps d'Avallon, Compendium pharm. prat.,1868, p. 815). ♦ Moutarde sauvage ou moutarde des champs. Synon. sanve, sénevé.La destruction, dans les champs de céréales des sanves, encore appelées séné ou moutarde des champs (Passelègue, Mach. agric.,1930, p. 158). B.− P. méton. 1. Graine de cette plante. Ils frictionnaient sa bosse avec de la graisse camphrée, y mettaient pendant vingt minutes un cataplasme de moutarde (Flaub., Bouvard,t. 1, 1880, p. 49).Ça sentait comme quand on prépare les grosses salades d'été et qu'on écrase au fond du saladier le vinaigre et l'ail et la poudre de moutarde (Giono, Gd troupeau,1931, p. 49). ♦ Farine de moutarde. V. farine B 2. 2. Condiment préparé avec de la graine de moutarde broyée, délayée dans du verjus, du vinaigre ou du moût, additionnée de sel, d'épices, d'aromates ou de fruits. Moutarde blanche, douce, forte, extra-forte; moutarde à l'estragon; moutarde de Bordeaux, de Dijon, de Meaux; moutarde en tube; cuiller, pot à moutarde. Donnez-moi de la moutarde et aussi des cornichons. Si je mange froid, du moins, qu'on me donne des cornichons (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 136).La petite rousse prit une saucisse à pleine main, la barbouilla de moutarde, en croqua un grand morceau (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 75): 1. L'antiquité la plus reculée a connu la moutarde de table et un grand nombre d'auteurs en font mention quand ils nous rendent compte des fastes culinaires de leur temps. Les Grecs et les Romains l'employaient; en Gaule, l'usage en est répandu dès le ivesiècle et le moyen âge en fit une large consommation.
Brunerie, Industr. alim.,1949, p. 107. ♦ Moutarde de Crémone. Fruits confits dans un sirop aromatisé à la moutarde. − À la moutarde ou moutarde.[En fonction d'appos. ou d'adj. inv.] Homard, lapin à la moutarde. On venait de servir une superbe anguille à la moutarde (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 185).Ainsi devisant ils venaient à bout du thon grillé, du lapin moutarde et des asperges (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 71). ♦ Sauce à la moutarde, sauce moutarde. Sauce chaude au beurre à laquelle on incorpore de la moutarde. La sauce moutarde fait merveille avec le poisson, froid ou chaud (Ac. Gastr.1962). − P. anal. [En fonction d'appos. ou d'adj. inv.] ♦ P. anal. (de couleur). Couleur moutarde; jaune moutarde; costume, cravate, chaussette moutarde. Oncle Ben, avec une robe réséda, est-ce que je pourrais porter une ceinture moutarde? (Green, Journal,1928-34, p. 277).L'odieuse couleur moutarde de leurs vareuses s'était fanée au soleil, et l'argent des médailles, le bariolage des rubans à rayures y éclataient (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 214).L'église, les façades, la place, tout est vert. D'un beau vert-moutarde qui rend les visages livides (H. Bazin, Huile sur feu,1954, p. 213). ♦ En partic. Gaz moutarde. Synon. de ypérite.Cet homme doux présidait (...) à la perfection d'une usine où se mijotaient amoureusement les gaz ypérites, moutardes, corrosifs (...) des futures offensives (Vialar, Morts viv.,1947, p. 8). − Au fig., expr. fam. ♦ La moutarde lui monte au nez. Il est sur le point de se mettre en colère; il s'impatiente. Quand il l'avait vue faisant mine de le mépriser, la moutarde lui avait monté au nez (A. France, Crainquebille, Putois, Riquet,1904, p. 46): 2. le duc. : Est-ce qu'il faut longtemps pour défaire des malles? gabrielle, sentant la moutarde lui monter au nez : Hein! Mais je ne sais pas! ça dépend! quand on n'est pas dérangé...
Feydeau, Dame Maxim's,1914, III, 3, p. 58. ♦ C'est (comme) de la moutarde après dîner (vieilli). C'est quelque chose qui vient lorsqu'on n'en a plus besoin, hors de propos. V. farce2ex. 4. C.− Moutarde d'Allemagne. Synon. de moutardelle (infra rem.).Cultivez aussi du raifort ou « moutarde d'Allemagne » : une racine (pas très belle) à râper pour obtenir un condiment... ou donner au fromage blanc un certain piquant (Rustica,25 févr. 1981, no583, p. 15). REM. 1. Moutardelle, subst. fém.Variété de raifort. (Dict. xixeet xxes.). 2. Moutarder, verbe trans.Assaisonner de moutarde. Votre salade est un peu trop moutardée (Rob.Suppl.1970). 3. Moutardeux, -euse, adj.,hapax. Au fond du Breuil est la tannerie avec (...) son odeur aigre. Je l'adore, cette odeur montante, moutardeuse, verte, − si l'on peut dire verte, − comme les cuirs qui faisandent dans l'humidité ou qui font sécher leur sueur au soleil (Vallès, J. Vingtras,Enf., 1879, p. 53). Prononc. et Orth. : [mutaʀd̥]. Ac. 1694, 1718 : moustarde; dep. 1740 : moutarde. V. moût. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1223 « condiment préparé avec des graines de moutarde pilées, additionnées d'aromates et délayées avec du moût » (Gautier de Coinci, éd. V. F. Koenig, I Mir. 11, 1081); b) 1269-78 bot. (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 14426 : un grain de moustarde); 2. 1640 la moustarde me monte au nez (Oudin Ital.-Fr., s.v. mostarda); 3. a) 1658 sauce moutarde « galantine » (d'apr. FEW t. 6, 3, p. 272b); b) 1935 sauce moutarde (Ac.); 4. 1916 en appos. « couleur de moutarde » (d'apr. Esn. Poilu, 297); 5. 1931 gaz moutarde « ypérite » (Lar. 20e). Dér. de moût*, ce condiment étant d'abord fabriqué avec du moût. Fréq. abs. littér. : 135. |