| MOUCHER, verbe I. − Emploi trans. A. − 1. Moucher le nez. Débarrasser le nez des mucosités qu'il contient en pratiquant une forte expiration et en s'aidant généralement d'un mouchoir. De plus, elle était [la petite fille] colère, (...) puis, elle avait l'affreuse habitude de se fourrer les doigts dans un nez qu'elle mouchait peu (Verlaine,
Œuvres posth., t.1, Hist. comme ça, 1896, p.372). a) [P. méton.] Ce n'est pourtant pas tellement attrayant, la vie humaine, avec ces mains qu'il faut laver, ces rhumes qu'il faut moucher, ces cheveux qui vous quittent!... (Giraudoux, Ondine, 1939, iii, 3, p.181). b) P. anal. − Moucher une chandelle, une lampe. Couper le bout de la mèche consumée qui empêche la chandelle d'éclairer. Subtil [à Chantourné]: Je voudrais bien te voir allumer quarante-huit chandelles, toi, et les moucher surtout! Le jour où j'ai débuté dans l'emploi j'en ai éteint quinze (A. Dumas père, Trois entr'actes pour Amour méd., 1850, i, p.325).C'est lui le frère excitateur, celui qui est debout, le premier, pour sonner la cloche et réveiller les autres; il frotte les escaliers, il mouche les lampes, il accomplit encore des travaux plus humbles (Huysmans, Oblat, t.1, 1903, p.74): 1. Peut-être ces rôles de portiers, de palefreniers, d'hommes du peuple sont-ils d'abord pour donner emploi à toute la troupe; et il se peut que le mot soit réglé sur les moyens et la mémoire d'un acteur d'occasion, employé principalement à moucher les chandelles.
Alain, Propos, 1921, p.224. ♦ Au fig., fam. Remettre quelqu'un à sa place, lui dire son fait. Ce malotru, qui m'a rencontrée (...) et qui ne m'a pas saluée (...). Je vais le moucher; vous allez voir (A. France, Hist. comique, 1903, p.67): 2. Ce Breton [Geffroy] bretonnant avait le sens des formes et de la couleur, comme celui de la langue française. L'épais Sarcey ayant écrit que Diderot était un «pornographe», Geffroy le moucha vertement dans un article qui fit sensation.
L. Daudet, Brév. journ., 1936, p.18. Moucher le quinquet. Rabattre le caquet. Allons, mouche-lui le quinquet, ça l'esbrouffera (Th. Gautier dsLarch.1858, p.509).Arg. ,,Tuer (enlever la flamme de la vie)`` (Larch. 1880). Il eut un arrêt brusque avec une sorte de recul, comme si une balle l'eût mouché net (La Varende, Nez-de-cuir, 1936, p.42).Ne bouge pas, mon petit lapin, sans quoi il va te moucher pour de bon (Giono, Bonh. fou, 1957, p.156).Expr. pop. et fam. Moucher la chandelle. ,,Être décidé à mourir sans postérité`` (Delvau 1883). Dans cette brochure où il s'efforce de constater la diminution de la population du département, il exhorte, il adjure ses compatriotes de faire des enfants, de procréer, de renoncer à moucher la chandelle (Goncourt, Journal, 1862, p.1197).− Moucher les bourgeons. Synon. de ébouter.Voir Carrière, Encyclop. hortic., 1862, p.173. − Moucher le chanvre, un cordage, une pièce de bois. ,,En couper les parties dégradées`` (Bonn.-Paris 1859). − Moucher une arête. ,,Arrondir légèrement cette arête`` (Havard t.3 1881). On mouche les arêtes des seuils, des manches, des tableaux ou embrasures des portes et des fenêtres (Havardt.31881). 2. Moucher qqc.Émettre quelque chose par le nez. Moucher du sang: 3. La femme de ménage avait ordre de n'y toucher à rien, parce que, au moindre objet déplacé, et qu'il ne retrouvait pas tout de suite, M. de Coëtquidan faisait une colère. De sorte qu'il y avait tellement de poussière que le vieillard mouchait toujours du noir...
Montherl., Célibataires, 1934, p.866. 3. Moucher qqn − [P. méton. de l'obj.] Mais vous me donnâtes, à l'âge où ma bonne me mouchait encore, une leçon d'honneur (A. France, Bonnard, 1881, p.28): 4. Mon père s'était éloigné, il détestait ce genre de discussions; dans le chemin, il me prit la main et la garda. C'était une main dure et réconfortante: elle m'avait mouchée à mon premier chagrin d'amour, elle avait tenu la mienne dans les moments de tranquillité et de bonheur parfait.
Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p.89. − Emploi pronom. Faire sortir ce qui est dans le nez. À chaque instant il se mouche bruyamment et crache dans son mouchoir (Renard, Journal, 1907, p.1105).Tu te mouches comme un bourgeois, solennellement, et tu toussotes dans ton mouchoir avec satisfaction (Sartre, Nausée, 1938, p.86): 5. Sur la fin de la maladie cette matière s'épaissit, devient moins corrosive, et le malade est obligé de se moucher souvent. Tant que dure ce rhume on perd totalement l'odorat et même le goût, ou du moins on est dégoûté et sans appétit.
Geoffroy, Méd. pratique, 1800, p.117. ♦ Au fig. Il n'y a pas si longtemps que le chagrin se mouche sur nos scènes (Colette, Jumelle, 1938, p.56). − Loc. et expr. ♦ Pop., fam. Ne pas se moucher du pied, du coude. Avoir de grandes prétentions, se croire quelqu'un d'important. Si l'on nous voit chez nous un homme brave comme César, et qui ne se mouche pas du pied (...) Max avalerait trois voleurs, le temps de le dire (...) eh! bien, je dormirais plus tranquille (Balzac, Rabouill., 1842, p.414).Qu'est-ce que tu nous sors, reprit Gaspard, t'es pas marteau! Une gentille tite [= petite] fille comme ça pour les Boches? Non mais, regardes-y, tu t'mouches pas du pied (Benjamin, Gaspard, 1915, p.50): 6. Moi, Madame! Quand j'aurai dit que je fête une des patronnes de Madame, si la police envoyait trente gendarmes pour déranger quelque chose, soyez sûre qu'avant d'être arrivés à la Croix rouge qui est au milieu du village, pas un d'eux ne serait à cheval. Ils ne se mouchent pas du coude, non, les habitants de Sacca.
Stendhal, Chartreuse, 1839, p.371. ♦ Populaire Se moucher dans ses doigts. ,,Être habile, intelligent, résolu`` (Littré). Se moucher sur sa manche. Ne pas avoir encore d'expérience. Des farces un peu bien grosses, celles du temps qu'on se mouchait sur sa manche (Pourrat, Gaspard, 1922, p.184).Arg. Se moucher d'un louis. Les garçons de jeu se mouchent fréquemment au tapis vert, ce qui leur permet d'escamoter un ou deux louis dans leurs mouchoirs (...). On dit d'un garçon qui escamote un louis de quelque manière que ce soit: Il s'est mouché d'un louis (Cavaillé ds Larch., Dict. hist. arg., 1878, p.248). − Proverbe. Qui se sent morveux se mouche. Que ceux qui se reconnaissent le défaut s'appliquent ce qu'on en dit. Qui se sent morveux, qu'il se mouche! (Arnoux, Roi, 1956, p.87). B. − Espionner. Synon. moucharder (v. ce mot ex. 2).Du temps que l'on allait en guerre Comme à la cachoucha Combien de peuples il moucha, Il moucharda naguère (Toulet, Vers inéd., 1920, p.122). II. − Emploi intrans. Chasser de son nez les humeurs. Moucher beaucoup. Le tabac à priser fait moucher (Thomas1956).Hier et aujourd'hui, chaleur complète (...) et pas un souffle de vent, pas même au bord du golfe de la Seyne, cet endroit maudit qui nous a tant fait éternuer et moucher (Sand, Corresp., t.4, 1861, p.255). − MÉD. VÉTÉR. ,,Se dit du cheval dont le jetage s'écoule par les naseaux`` (Cass.-Moir. 1979). Prononc. et Orth.: [muʃe], (il) mouche [muʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xies. «presser les narines pour en faire sortir les mucosités» (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t.1, p.98); 1190 absol. (Renart, éd. M. Roques, 8504); 2. 1380 «ôter le bout de lumignon d'une chandelle» (Roques t.2, Paris, B.N. Lat. 13032, 3419); 3. fig. 1464 «remettre à sa place» (La Farce de Maistre Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 1001: Comment il a esté mouché! − N'ay-je pas bien fait mon devoir); 1839 se faire moucher (Stendhal, Chartreuse, p.37); 4. 1752 moucher un cordage (Littré). Du lat. tardif muccare (vies., trad. lat. d'Oribase d'apr. Ern.-Meillet) dér. de muccus «morve», var. de mucus. Fréq. abs. littér.: 339. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 207, b) 665; xxes.: a) 699, b) 483. DÉR. 1. Mouchage, subst.a) Subst. masc. Action de moucher, de se moucher. Je me souviendrai de toi... quand j'aurai des bonbons. Dans la classe de la directrice, tout en assurant le mouchage des nez et l'équilibre des bambins, parfois mobiles sur leurs bancs comme des feuilles au vent (Frapié,Maternelle,1904, p.42).(...) Il ne peut plus se moucher de même qu'il ne peut plus uriner «car le mouchage ou l'urinage me font le même effet que la masturbation» (Janet, Obsess. et psychasth., 1903, p.72).Arg. Abstention malthusienne. Mouchage de chandelle (Bruant1901, p.5).b) Subst. fém. ,,Fécule de manioc exprimée`` (Besch. 1845). − [muʃa:ʒ]. − 1resattest. a) 1831 «action de moucher, spécialement la chandelle. Peu usité» (Acad. Dict., Suppl. ds Quem. DDL t.5), b) 1904 mouchage des nez (Frapié, op. cit., p.157); de moucher, suff. -age*. 2. Moucherie, subst. fém.Flux de mucosités s'écoulant par les narines. Le vieil officier, fort enrhumé, allait perpétuellement dans une chambre voisine et poussait un tiroir de commode pour dissimuler sa moucherie (Goncourt, Journal, 1863, p.311).− [muʃ
ʀi]. − 1reattest. 1689, 2 mai (Mmede Sévigné, Lettre à Mmede Grignan ds Lett. inéd., éd. Capmas, t.II, p.292 ds Littré); de moucher, suff. -ie*. 3. Mouchure, subst. fém.a) Ce que l'on retire du nez en se mouchant. (Dict. xixeet xxes.). P. méton. Le fait de se moucher. Augustin disait: «Laisse! laisse!» Largilier releva et étendit sur son dos une des couvertures douces et chaudes, tombée devant la chaise-longue. − Ferme la porte à clef, entendit-il, parmi de petits sanglots, mêlés de toux et de mouchures (Malègue, Augustin, t.2, 1933, p.484).b) Spéc.
α) Mar. ,,Parties roides et trop dures qu'on retire du chanvre`` (Littré; dict. xixes.).
β) Technol. ,,Morceau de bois coupé sur le bout d'une pièce`` (Littré; dict. xixeet xxes.). Dans l'expr. mouchure de chandelle. ,,Bout de lumignon d'une chandelle lorsqu'on l'a mouchée`` Littré; dict. xixeet xxes.). − [muʃy:ʀ]. Ac. 1694 et 1718: -cheure; 1740-1878: -chure. − 1resattest. 1690 a) moucheure de chandelle (Fur.), b) 1800 «mucosité qu'on enlève du nez» (Boiste); de moucher, suff. -ure*. BBG. − Quem. DDL t.6, 19. |