| MONTÉE, subst. fém. I. − Action de monter qu'un être vivant peut être amené à effectuer. A. − Action de se porter vers un lieu plus élevé, de parcourir ce qui va en s'élevant. La montée d'une côte, d'une pente; la montée des escaliers; deux heures de montée; montée fatigante, longue, pénible, rapide, rude. L'attente! sentie dans la longue et lente montée des douze chevaux par cette rampe infinie, à travers les ombres et l'horreur sublime de l'Alpe italienne (Michelet,Journal,1854, p.275).Songez au ridicule, dit-elle, à voix basse, il va falloir se déshabiller, se mettre en chemise, et la sotte scène de la montée dans le lit! (Huysmans,Là-bas,t.2, 1891, p.42): 1. − Nous nous levons avant le soleil, nous gravissons la dernière cime du Liban. La montée dure une heure et demie; on est enfin dans les neiges, et l'on suit ainsi dans une plaine élevée, légèrement diversifiée par les ondulations des collines, comme au sommet des Alpes, la gorge qui conduit de l'autre côté du Liban.
Lamart.,Voy. Orient,t.2, 1835, p.157. ♦ Montée en ligne. Le fait de se porter directement face aux positions ennemies. Comment as-tu pu croire que je m'encombrerais de toute cette monnaie? À la première montée en ligne, je serais obligé de la laisser dans les feuillées (Mauriac,Noeud vip.,1932, p.158). ♦ Montée en loge (v. ce mot B 3). Je vais donc m'en tenir à ce scénario en peau de lapin, à ces personnages fantoches bien dans le style de cette montée en loge que j'ai cru devoir m'imposer (Schaeffer,Rech. mus. concr.,1952, p.105). ♦ Montée au/du Calvaire (v. ce mot A syntagmes). Or, précisément, on sait quels efforts fit Delacroix pour se débarrasser du programme qu'on lui avait assigné: la montée au Calvaire, et la descente au tombeau (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.340). − En partic. Déplacement des provinciaux et notamment des Méridionaux vers la capitale. Montée à, vers Paris: 2. Pour Gautier, c'est la ligne de chance ordinaire au roman d'aventure ou de cape et d'épée, la montée du Gascon vers Paris, ses amours avec la jeune fille noble, ses duels contre les spadassins et contre le traître, le Roman d'un jeune homme pauvre qui arrive triomphalement au double port de l'amour et de la fortune.
Thibaudet,Réflexion litt.,1936, p.238. B. − Action de transporter un objet d'un point bas vers un point plus haut. La montée des colis. Maykosen surveilla la montée de ses belles valises de cuir anglais dans sa chambre, qu'il avait choisie parce qu'elle donnait du côté de l'église (Romains,Hommes bonne vol.,Paris, Flammarion, t.II, 1958 [1938], p.1215). C. − Fait de parvenir à un niveau supérieur dans une échelle de valeurs morales, sociales, spirituelles, etc. Alors, Nana devint une femme chic, rentière de la bêtise et de l'ordure des mâles, marquise des hauts trottoirs. Ce fut un lançage brusque et définitif, une montée dans la célébrité de la galanterie, dans le plein jour des folies de l'argent et des audaces gâcheuses de la beauté (Zola,Nana,1880, p.1346).L'histoire concrète d'une famille à travers les générations, avec ses aventures, sa montée ou sa déchéance, ses variations d'idéal (Romains,Hommes bonne vol.,Paris, Flammarion, t.II1932, p.x). ♦ Montée en grade. Ses chefs, tout en s'inclinant devant son désir d'approcher le feu de plus près, lui avaient indiqué en effet qu'un dragon qui devient fantassin ne saurait compenser cette déchéance que par une montée en grade (Romains,Hommes bonne vol.,Paris, Flammarion, t.II1938, p.181). D. − Spécialement 1. CHASSE. ,,Vol de l'oiseau de proie qui s'élève à angles droits, par carrière et par degrés, en poursuivant le héron, le chat-huant, ou d'autre gibier`` (Baudr. Chasses 1834). 2. ICHTYOLOGIE a) Migration des poissons qui quittent la mer pour remonter les cours d'eau (d'apr. Gruss. 1952). b) ,,Masses compactes de petites anguilles nouvellement écloses qui au printemps remontent l'embouchure de nos fleuves et de nos cours d'eau`` (Privat-Foc. 1870). 3. SÉRICICULTURE. ,,Époque où les vers commencent à grimper au bois pour y tisser leur cocon`` (Luppi 1872). Au moment de la «montée» des vers, on dispose des branchages de bruyère ou, à défaut, de genêt, de romarin (Blanquet,Technol. mét. habill.,1948, p.19). E. − [En parlant de végétation] Résultat de l'action de monter. Montée en graine. La montée d'une végétation vivace, qui cherche à monter au soleil, le long de toutes les branches: le lierre, les ronces montantes, des sortes de lianes (Goncourt,Journal,1858, p.520). II. − [Mouvement ascendant d'une chose concr. ou abstr.] A. − Fait pour un objet, un engin, un véhicule, un projectile, etc. de s'élever ou d'être levé. La montée d'un ballon-sonde, d'un avion. Manette, insolente (...) guette la montée pénible du rideau (Colette,Music-hall,1913, p.179): 3. Vous savez, les fusées qui s'élancent, puis, arrivées au sommet de leur montée merveilleuse, retombent, ou bien s'évanouissent, n'existent plus.
Montherl.,Démon bien,1937, p.1352. B. − [En parlant de certains phénomènes naturels, climatiques] La montée du brouillard, des nuages. L'aube pointa, un fil de clarté grise, au fond de l'Orient, une demi-pâleur envahissante, sur cette immensité plate, venteuse et désolée. Cela rappelait un peu la montée de l'aube sur la mer (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p.80). C. − [En parlant de certains liquides] Fait d'être porté à un niveau supérieur. Montée des eaux: 4. ... quelle analyse perçante que celle qu'il [Mauriac] fait des adolescents catholiques dont tout l'entraînement est centré sur la méditation des Mystères de la Passion [du Christ], et qui voient, les enveloppant, les encerclant, les appelant de toutes parts, avec la naissance des bourgeons, la montée de la sève...
Du Bos,Journal,1928, p.74. ♦ Montée de lait. Afflux de lait aux seins, aux mamelles, après l'accouchement. Ainsi réfléchissait Anaïs (...) elle s'affolait (...) très malade (...). Une montée de lait (...) lui barbouillait le cerveau (...). C'était aussi, et (...) surtout, une montée de remords (Richepin,Cadet,1890, p.250). ♦ Montée de larmes, de sang. Afflux de larmes aux yeux, de sang au visage. Je vois le paysage trembler, comme à travers une montée de larmes (Colette,Naiss. jour,1928, p.63). D. − Augmentation en quantité, valeur, intensité. Montée de la température. Dans le secteur textile la détention de stocks excédentaires dus à la mévente s'est elle-même transformée parfois en rétention volontaire, certaines entreprises attendant une nouvelle montée des prix (Le Monde, 19 janv. 1952, p.10, col.1). ♦ Montée de la voix, d'un son. Passage progressif du grave à l'aigu. (Dict. xixeet xxes.). E. − Au fig. Amplification d'un mouvement, d'une manifestation, d'un phénomène. Montée d'un danger, des désordres, des périls, des protestations: 5. L'apogée de l'art et l'apogée de la violence ne dépendraient-ils pas des mêmes causes antérieures, l'irrésistible montée dans la race de l'énergie et de l'amour éclatant au même moment pour en exprimer l'unité suprême dans ses deux sens à la fois, celui des forces instinctives obéissant à leur fureur, celui des forces spirituelles obéissant à leur lyrisme?
Faure,Espr. formes,1927, p.267. III. A. − Voie, chemin dont le tracé s'élève en pente plus ou moins raide. Les montées et les descentes; forte, rude montée. C'étaient de perpétuelles montées ou descentes, et force cahots peu agréables (Verne,Enf. cap. Grant,t.2, 1868, p.125): 6. De ce plateau le chemin plonge dans une vallée à lignes vagues dont un hameau occupe le giron. Là, prend naissance une longue montée qui mène à Duschenick; station de la poste et dernier relais.
Chateaubr.,Mém.,t.4, 1848, p.213. B. − Class. Escalier, volée ou marche d'escalier (d'apr. Hautel t.2 1808). Un double escalier semblait enjamber cette entrée, (...) joignant au premier ses deux montées à la façon d'un pont (Maupass.,Une Vie,1883, p.10). C. − Montée de voûte, d'ogive. Hauteur d'une voûte comprise entre le plan horizontal de ses naissances et l'intrados au centre de la clef (d'apr. Noël 1968). La chapelle de Saint-George nous a paru très belle, bien que l'œil ait quelque peine à s'accoutumer à cette voûte écrasée là où il attendrait la montée rapide de l'ogive (Green,Journal,1936, p.64). Prononc. et Orth.: [mɔ
̃te]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. [correspond à monter intrans.] a) 1150 mus. «ascension de la voix dans la gamme» (Floire et Blancheflor, éd. J.-L. Leclanche, 865); b) ca 1195 «action de monter, de s'élever» (Ambroise, Guerre sainte, 3397 ds T.-L.); c) 1611 «hauteur d'une voûte, d'un édifice» (Cotgr.); d) 1801 montée du lait (Fourcroy, Conn. chim., t.9, p.386 ds Littré); e) 1868 montée de la fonte (Littré); 2. [endroit en pente] a) 1176-81 «pente que l'on gravit» (Chrétien de Troyes, Chevalier lion, éd. M. Roques, 3271); b) 1333 «marche d'escalier» (doc., Tournai ds Gdf Compl.); 1334 «escalier» (doc., ibid.); 3. [correspond à monter trans.] a) α) 1251 «quantité (d'eau salée) que l'on monte d'un puits» (doc. ds Gdf.);
β) 1913 «action de monter (un objet)» (Colette, loc. cit.); b) 1671 «action de gravir (une colline)» (Pomey). Substantivation du part. passé fém. de monter*. Au sens 3 a α, cf. le lat. médiév. montea, de même sens que le fr., att. dep. 1172 ds Nov. gloss. Fréq. abs. littér.: 706. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 583, b) 865; xxes.: a) 1300, b) 1255. Bbg. Archit. 1972, p.109. |