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MONOTONE, adj.
A. −
1. [En parlant d'un ensemble de sons émis par un être vivant] Qui est uniforme dans ses intonations ou ses inflexions. Air, chant, mélopée, refrain monotone. Le seul bruit sensible, hors des murailles de Jérusalem, était la complainte monotone des femmes turques qui pleuraient leurs morts (Lamart., Voy. Orient, t.1, 1835, p.431).Aussitôt qu'elle fut rentrée, elle alla voir son père, s'attendant à le trouver mort. Mais dès la porte elle distingua son râle bruyant et monotone (Maupass., Contes et nouv., t.1, Vieux, 1884, p.134):
1. MmeSand (...) a un aspect spectral, automatique. Elle parle d'une voix mécanique et monotone, qui ne monte ni ne descend, d'un timbre égal (...). Pas une lueur dans le son de la voix ni dans la couleur de la parole. Goncourt, Journal, 1862, p.1049.
[En parlant d'un ensemble de sons émis par un animal] Cri, chant monotone d'un oiseau. Des milliers de cigales, invisibles dans les bruyères, faisaient entendre leur murmure monotone et continu (Dumas père, Comte Monte-Cristo, t.1, 1846, p.286).
P. ext. [En parlant de la manière de chanter, de dire, d'exécuter qqc.] Qui est régulier, qui n'utilise pas ou peu de variations. Rythme monotone; déclamation, diction, intonation monotone. Il se mit à siffler sur un mode triste, monotone et lent (Du Camp,Nil,1854, p.45).Un débit prétentieux, emphatique et monotone était le signe de la qualité esthétique de ses propos (Proust,Filles en fleurs,1918, p.550):
2. C'est une grande faute (...) de rechercher les finesses d'intonation; ces nuages défigurent les mots (...). Aussi l'orateur en vient-il toujours à une récitation assez monotone, dont il varie seulement le ton pour ménager sa voix, en imitant ici le ton naturel des conversations, mais simplifié et mis en forme. Alain,Beaux-arts,1920, p.98.
P. méton. Conférencier, orateur monotone. Dans une encoignure, on distingue le geste d'un être accroupi. C'est un infirmier de garde qui, monotone, dit à chaque arrivant: «Ôtez la boue de vos souliers avant d'entrer.» (Barbusse,Feu,1916, p.305).
2. P. anal.
a) [En parlant d'un bruit] Dont le rythme, la sonorité sont uniformes. Le tic-tac monotone d'une horloge. La cloche, à temps égaux, continuait sa sonnerie monotone qui se perdait dans la campagne (Flaub., MmeBovary, t.1, 1857, p.72).Chant monotone et puissant d'un diesel aux battements rebondissants et sourds (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p.249):
3. Il s'efforçait de retrouver les bruits familiers: la toux, qui ne disait rien de bon, du troisième mécanicien, le rire métallique du second capitaine, et le bang, bang, bang, de la machine, monotone et régulier pendant des centaines de milles. Peisson, Parti Liverpool, 1932, p.50.
b) [En parlant d'un mouvement] Dont le rythme est régulier. Geste monotone. Le bercement monotone du bateau et le bruissement de l'eau avaient en quelque sorte engourdi le malheureux Claude (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p.410).Le balancement égal et monotone du chameau avec la détente mesurée des quatre membres, l'un après l'autre, sur le sable (Psichari, Voy. centur., 1914, p.138):
4. Quelques vieilles, qui tricotaient des bas, en femmes habituées à ne pas perdre de temps, cessèrent peu à peu le mouvement monotone de leurs aiguilles. Moselly, Terres lorr., 1907, p.277.
3. MATH. Fonction monotone. Fonction qui, dans un intervalle donné, est soit croissante, soit décroissante. Fonction monotone d'un ensemble ordonné dans un autre (Bouvier-GeorgeMath.1979).
B. − Uniforme de façon lassante.
1. [Par le manque de variété] Paysage, style monotone. La création est bien plus monotone que variée. Dieu est un grand poëte monocorde. Ce qu'on voit vous rappelle toujours quelque chose qu'on connaît (Barb. d'Aurev., Memor. 4, 1858, p.94).La campagne s'étalait par grandes surfaces d'un vert monotone et froid (Flaub., Bouvard, t.1, 1880, p.18).Comme la neige serait monotone si Dieu n'avait créé les corbeaux! (Renard, Journal, 1895, p.260):
5. En pénétrant dans l'intérieur de cette capitale [Palerme], je lui ai rendu justice; les deux grandes rues qui se coupent à angle droit et la divisent en quatre parties, lui donnent un aspect de régularité qui n'a rien de monotone, grâce à l'architecture capricieuse des fenêtres, des balcons, et à la physionomie des maisons. J.-J. Ampère, Corresp., 1831, p.35.
2. [Par un déroulement uniforme, dépourvu d'imprévu] Conversation, journée, occupation, vie monotone. Je bûche comme un nègre, je ne lis rien, je ne vois personne, j'ai une existence de curé, monotone, piètre et décolorée (Flaub., Corresp., 1861, p.454).Et la moitié de l'année s'écoula, paisible et monotone, sans punitions et sans progrès (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p.329):
6. L'Académie Française continuait la marche lente et presque insensible qui la mène doucement et sans encombre vers la fin du travail monotone de la continuation de son dictionnaire; tout dormait, excepté le secrétaire perpétuel et le rapporteur Auger, lorsqu'un hasard heureux fit appeler le mot romantique. Stendhal, Racine et Shakspeare, t.1, 1825, p.55.
Emploi subst. Cent cinquante Ave s'égoutteraient sur la route. Peut-être y aurait-il plusieurs rosaires? Ces femmes cesseraient par pure lassitude physique, non par sentiment du monotone et du fastidieux (Malègue, Augustin, t.1, 1933, p.221).
Prononc. et Orth.: [mɔnɔtɔn]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. 1710 «qui parle toujours sur le même ton» (Rich.); 2. 1757 «qui présente un aspect uniforme, fade» (Diderot, Salons, éd. J. Assézat et M. Tourneux, p.258). Empr. au b. lat. monotonus «uniforme, qui se suit sans interruption», gr. μ ο ν ο ́ τ ο ν ο ς «id.». Fréq. abs. littér.: 1458. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1624, b) 1937; xxes.: a) 2862, b) 2054.
DÉR.
Monotonement, adv.a) [Correspond à monotone A] Il chantait monotonement quelques paroles sur l'air des montagnes (Krüdener, Valérie, 1803, p.55).Un oiseau d'annonce nouvelle qui criait monotonement (Mallarmé, Poésies, 1898, p.72).P. anal. Le manteau de mer de Marino battait monotonement contre la cloison (Gracq, Syrtes, 1951, p.214).P. ext. Des Arabes musiciens (...) jouent monotonement de leur petite lyre à deux cordes (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1895, p.236).b) [Correspond à monotone B] Il est difficile de comprendre que des choses aussi monotonement édifiantes aient paru dangereuses et aient jamais été défendues (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.5, 1859, p.81).La terre ondulée [de Sicile] déroule monotonement ses mauvaises herbes printanières que l'été va bientôt calciner (Maeterl., Araignée de verre, 1932, p.114).[mɔnɔtɔnmɑ ̃]. 1reattest. 1803 (Krüdener, loc. cit.); de monotone, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér.: 14.
BBG.Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Franso, 1972, p.221, 231, 232.