| MISÉRICORDE, subst. fém. A. − 1. Compassion pour la misère d'autrui. Synon. commisération.Exercer, pratiquer la miséricorde; faire miséricorde. Sur le haut de grosses charrettes de foin les yeux des paysans me regardent à la fenêtre avec miséricorde (Jacob,Cornet dés, 1923, p.162). ♦
Œuvres de miséricorde. Bonnes oeuvres: 1. Dès ce moment les oeuvres de miséricorde n'eurent plus de retenues: il y eut comme un débordement de la charité sur les misérables, jusqu'alors abandonnés sans secours, par les heureux du monde.
Chateaubr.,Génie, t.2, 1803, p.505. 2. Générosité entraînant le pardon, l'indulgence pour un coupable, un vaincu. Synon. clémence.Demander, obtenir miséricorde; s'abandonner, se remettre à la miséricorde de qqn. L'arrestation signifiait: les assises, le jugement, la mort, la mort sans miséricorde et sans délai (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.533).V. être2ex. 12. 3. RELIG. Bonté par laquelle Dieu fait grâce aux hommes. Dieu de miséricorde!... Pitié! (Krüdener,Valérie, 1803, p.97).Dieu fait réellement miséricorde aux coupables en les châtiant dans ce monde (J. de Maistre,Soirées St-Pétersb., t.2, 1821, p.119).La miséricorde de Dieu est infinie (Claudel,Otage, 1911, iii, 4, p.301). − P. méton.: 2. «... Dieu... disposait tellement toutes choses pour mon bien et pour mon édification, que je ne pouvais assez admirer la grandeur de ses miséricordes.»
Bremond,Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.248. ♦ Loc. À tout péché miséricorde. Aucune faute n'est impardonnable. À tout péché miséricorde et surtout aux péchés de jeunesse (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p.474). 4. [Exclam. marquant la surprise, la douleur, l'inquiétude (v. malheur)] Miséricorde! Miséricorde! plus tu l'essuies, plus la tache paraît! (Quinet,Ahasvérus, 1833, 3ejournée, p.245).Miséricorde! si ça allait ne pas être bien! (Green,Journal, 1934, p.223). − Loc. Crier miséricorde. Exprimer vivement sa douleur. Le Barthaut, pourtant, qui arrivait aux nouvelles fut surpris à en crier miséricorde (Pourrat,Gaspard, 1925, p.248). B. − Spécialement 1. HIST. DES ARMES. Dague dont on se servait au Moyen Âge pour menacer l'ennemi et l'obliger à se rendre et demander miséricorde. (Dict. xixeet xxes.). 2. RELIGION a) Petite saillie sous une stalle d'église sur laquelle on peut s'appuyer lorsque le siège est relevé et paraître se tenir debout. Le public n'était averti de leur présence que par le choc des miséricordes des stalles se levant ou s'abaissant avec bruit (Hugo,Misér., t.1, 1862, p.597). b) Récréation, boisson ou aliments supplémentaires donnés à certaines occasions dans des ordres religieux. (Dict. xixeet xxes.). 3. MAR. Ancre* de miséricorde. Prononc. et Orth.: [mizeʀikɔ
ʀd]. Ac. 1694 et 1718 -se-; dep. 1740: -sé-. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoitié du xiies. misericorde «bonté par laquelle Dieu pardonne aux hommes» (Psautier Oxford, 102, 4 ds T.-L.); 1664 miséricorde! «exclamation qui sert à marquer quelque malheur» (Molière, La Princesse d'Élide, deuxième intermède, scène 2); 1680 à tout péché miséricorde (Rich.); b) ca 1268 «vertu qui porte à soulager les misères d'autrui» (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, II, 109); c) 1640 crier miséricorde «se plaindre, crier bien fort» (Oudin Curiositez); 2. a) ca 1180 «épée très courte» (Fierabras, 176 ds T.-L.); b) ca 1250 «petite saillie de bois fixée sous le siège d'une stalle» (Règle cistercienne, 455 ibid.) [cf. lat. médiév. misericordia att. dès le xies. ds Gay]; c) 1680 «repas que le Chartreux fait une fois la semaine au pain et à l'huile» (Rich.); 1721 «récréation, relâche qu'on accorde en certains temps aux moines» (Trév.); d) 1832 ancre de miséricorde (Scènes de la vie maritime ds Jal, s.v. ancre). Empr. au lat. misericordia «compassion, pitié», dér. de misericors «qui a le coeur (cors) sensible à la pitié». Fréq. abs. littér.: 932. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1764, b) 1476; xxes.: a) 1349, b) 855. |