| MISÉRABLE, adj. A. − Qui inspire la pitié. 1. [En parlant d'une pers.] Synon. infortuné, malheureux, pitoyable.Cet animal si misérable, c'est l'homme (Bern. de St-P.,Harm. nat.,1814, p.289).Il avait un air si misérable, que le chef répondit: − Si vous y tenez, moi... je m'en fous!... (Benjamin,Gaspard,1915, p.116).À genoux près du misérable corps étendu, la cuisinière essayait de soutenir au creux de son bras replié la nuque fracassée (Bernanos,Joie,1929, p.722): 1. Les savants qui souhaitent d'introduire les hommes très misérables à la connaissance des mystères, il arrive le plus souvent qu'on les mette aux oubliettes.
Duhamel,Suzanne,1941, p.24. 2. [En parlant d'un inanimé] Triste, pénible. Synon. lamentable.Condition, existence misérable. Donc pas de coeur à écrire les détails d'une si misérable journée (Barb. d'Aurev.,Memor. A... B...,1864, p.412).Voilà cette misérable histoire. Je n'aime pas à la raconter, parce que je ne peux le faire sans ressentir un inexprimable agacement (Duhamel,Confess. min.,1920, p.18).Quel misérable spectacle qu'une vie humaine! (Martin du G.,Thib.,Mort père, 1929, p.1263). B. − D'une extrême pauvreté. 1. [En parlant d'une pers.] Synon. indigent, nécessiteux, pauvre.Il ne resta plus (...) que quelques bandes misérables crevant, aux carrefours, de faim et de misère (Clemenceau,Vers réparation,1899, p.114). − Emploi subst. Synon. miséreux.On peut noter le moment précis où la colère des misérables va déborder (Coppée,Bonne souffr.,1898, p.40). 2. [En parlant d'un inanimé] Qui dénote la misère, l'indigence. Son aspect était misérable, ses vêtements troués, sa tête immonde, et son œil unique dardait un terrible feu (Boylesve,Leçon d'amour,1902, p.100).Quand on rentre dans un intérieur misérable à ces heures tardives où l'argent et l'amour manquent (Fargue,Piéton Paris,1939, p.105). C. − 1. Qui inspire le mépris, sans valeur. Synon. insignifiant, minable (fam.).Mais comment, avec ces moyens misérables, atteindre à un minimum de vraisemblance et de variété? (Romains,Hommes bonne vol.,1932, p.138).C'est l'impression que ma misérable petite vie a un sens, tu comprends? (Mauriac,Mal Aimés,1945, iii, 2, p.231). 2. [En parlant d'une pers.] Qui provoque l'indignation: 1. Et c'est à moi que vous venez dire cela! Misérable assassin! Je ne sais pas si mon devoir de citoyen ne serait pas de vous conduire au poste de police le plus proche...
Maurois,Silences Bramble,1918, p.98. − Emploi subst. Ah! misérable! pensai-je en moi-même, c'est toi qui jettes les petits enfants dans le feu! (About,Roi mont.,1857, p.207).Misérable, que fais-tu? (Jarry,Ubu,1895, i, 3, p.39).Je suis un infect misérable! un abominable gredin (Céline,Mort à crédit,1936, p.465).[Dans des tours interpellatifs] Petit misérable. Les mots ont un sens infiniment plus profond que leur sens, et, surtout, petits misérables, que leur si-gni-fi-ca-tion (Péguy,Clio,1914, p.28). Rem. Dans certains cont., le mot peut associer les sens B et C: Sans doute ils paraissaient bien dépravés, bien corrompus, dégradés; d'ailleurs il y a un point où les infortunés et les infâmes se mêlent et se confondent dans un seul mot, mot fatal, les misérables (Hugo, Misér., t.1, 1862, p.884). Prononc. et Orth.: [mizeʀabl̥]. Ac. 1694-1740: -se-; dep. 1762: -sé-. Étymol. et Hist. 1. Fin xiies. «qui apporte le mal, qui blesse (en parlant d'une lance)» (Prise Orange, AB, éd. Cl. Régnier, 1052); 2. 1336 «qui est malheureux» (Reg. criminel de St-Martin-des-Champs, éd. C. L. Tanon, p.60); 1549 subst. masc. «celui qui est dans le malheur» (Est.); 3. mil. xves. «qui est dans la misère, qui manque de ressources» (A. Chartier, Le Curïal ds Bartsch Chrestomathie, 90c, 18); 1616 subst. masc. «personne sans ressources» (Crespin d'apr. FEW t.6, 2, p.168a); 4. a) 1550 «avare» (B. de La Grise, trad. de Guevara, L'Orloge des princes ds Hug.); 1560 «vil, méprisable (personne, chose)» (Bible Rebul 4 Eccl 15, 47 ds FEW t.6, 2, p.168a); b)subst. fém. 1638 «personne très malhonnête» (Rotrou, Antig., IV, 2 ds Littré); 1718 «femme de mauvaise conduite» (Ac.); subst. masc. 1655 «personne qui n'a aucun mérite» (Molière, L'Estourdy, I,2); 1798 grand misérable «homme très malhonnête» (Ac.); id. petit misérable «enfant ou jeune homme vicieux» (ibid.). Empr. au lat. miserabilis «touchant, triste, déplorable», dér. de miserari «avoir compassion, pitié de». Fréq. abs. littér.: 5448. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7499, b) 10431; xxes.: a) 9810, b) 5279. Bbg. Dub. Dér. 1962, p.344. _ Mack. t.2 1939, p.100. _ Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p.268. |