| MINISTRE, subst. masc. A. − Vieilli. Celui qui est chargé de remplir une fonction, un office, d'exécuter une tâche pour le service de quelqu'un, d'accomplir le dessein d'autrui. S'il [le pouvoir] néglige de légitimer sa puissance, en l'employant à faire régner les lois naturelles ou divines des sociétés, il cesse d'être le ministre de la bonté de Dieu sur les hommes, et il n'est plus que l'instrument de sa justice (Bonald,Législ. primit., t.1, 1802, p.147).Ma visite fut un trait de lumière pour la comtesse qui voulut voir en moi le ministre des vengeances du comte (Balzac,Gobseck, 1830, p.427).Un officier accourut élevant un papier au-dessus de sa tête: Arrête! cria-t-il au bourreau. L'officier s'approcha, monta sur l'échafaud, et remit une cédule impériale aux ministres de la justice (Mérimée, Faux Démétrius, 1853, p.196): 1. ... ces mots [Chirurgie, Chirurgiens] sonnent bien différemment aux oreilles selon les heures (...). Tantôt c'est une science, un art, une profession qu'ils signifient à l'esprit. Mais tantôt c'est le pathétique le plus intense qui s'y attache. Vous êtes les ministres les plus entreprenants de la volonté de vivre. Mais aussi vous faites trembler.
Valéry,Variété V, 1944, p.44. − RELIG. Prêtre d'une religion, considéré comme intermédiaire entre la divinité et les croyants et chargé de célébrer le culte divin. Ministre du culte. Dieu a établi Mahomet son ministre sur la terre; il lui a livré le monde pour soumettre par le sabre celui qui refuse de croire à sa loi (Volney,Ruines, 1791, p.167).Les prêtres sont, à proprement parler, les ministres de la Providence, interprètes tour à tour de ses volontés vis-à-vis de nous et de ses désirs auprès d'elle (J. Simon,Relig. natur., 1856, p.353).Dans chaque commune, les établissements sont placés sous le contrôle du maire, mais aussi des ministres du culte (curé, pasteur ou rabbin) (Encyclop. éduc., 1960, p.21). ♦ RELIG. CATH. Prêtre, religieux chargé des fonctions sacerdotales, de célébrer le culte, de propager la foi, d'administrer les sacrements, de remplir une fonction à titre de serviteur du Christ et de l'Église. Ministres des autels. L'Église dont je suis le ministre (Dupanloup,Journal, 1876, p.45).Il [le curé de Lourdes] se prit à croire aveuglément en elle [Bernadette] (...). Pourquoi écarter le miracle... ? Ce n'était pas à un ministre de la religion, si prudent fût-il, qu'il appartenait de faire l'esprit fort, lorsque des populations entières s'agenouillaient (Zola,Lourdes, 1894, p.35): 2. Le ministre de Dieu, qui t'attend au confessionnal, ne te demande, lui, que quelques larmes pour laver toutes les souillures de ton âme; car il tient son pouvoir du Maître de la bonté infinie, qui, sur le Calvaire, pardonnait au larron repenti et lui ouvrait, par surcroît, le splendide chemin du Paradis et de la vie éternelle.
Coppée,Bonne souffr., 1898, p.189. SYNT. Ministre de Jésus-Christ, de l'Évangile, de la parole de Dieu; ministre de la religion; ministre de l'Église. Absol. L'héritier d'un petit patrimoine, un ministre de campagne, un rentier tranquille peuvent calculer ce qu'ils ont (Senancour,Obermann, t.2, 1840, p.107):3. ... je tenais les curés pour des bêtes curieuses; bien qu'ils fussent les ministres de ma confession, ils m'étaient plus étrangers que les pasteurs, à cause de leur robe et du célibat.
Sartre,Mots, 1964, p.82. ♦ RELIG. RÉFORMÉE et PROTESTANTE. Ministre (du Saint Évangile), (de la parole de Dieu). Celui qui fait le prêche et est chargé des fonctions relatives au culte. Ministre calviniste, anglican. [Le] docteur Young, ministre de l'Église anglicane, dont la fille mourut à Montpellier (Crèvecoeur,Voyage, t.2, 1801, p.281).L'un de ces hommes (...) portait l'habit noir et la chevelure ronde des ministres luthériens (Hugo,Han d'Isl., 1823, p.147): 4. Cela seulement, et les allées et venues de trois ministres protestants, reconnaissables à la longue redingote noire, au petit collet blanc (...) valait-il la peine d'avoir quitté le délicieux Paris d'été...?
Bourget,Ét. angl., 1888, p.114. B. − Homme d'État chargé d'administrer les affaires publiques. Les ministres sont toujours Sully et Colbert (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.285).V. ministériel ex. 3. 1. HIST. Sous l'Ancien Régime, délégué de l'autorité royale chargé par le roi du gouvernement du pays. Synon. principal* ministre: 5. Les inimitiés de collége sont les plus durables et les plus envenimées. Richelieu, devenu cardinal et ministre, fit brûler vif, comme sorcier, Urbain Grandier, pour lui avoir disputé une thèse dans sa licence de Sorbonne.
Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p.309. 2. Mod. Personnalité choisie par le chef du gouvernement pour être membre du gouvernement, administrer les affaires de l'État à la tête d'un ministère en étant responsable ou non devant le Parlement selon que le régime est parlementaire, présidentiel ou conventionnel. Ministre de l'Éducation Nationale, de la Marine, de la Guerre, des Affaires Étrangères, des Finances. V. ministère ex. 10, ministériel ex. 3: 6. Il se peut que (...) la bourgeoisie d'Italie, d'Allemagne, de Belgique, soit conduite à étendre les droits constitutionnels du peuple, à revendiquer la plénitude du suffrage universel, la vérité du régime parlementaire, la responsabilité des ministres devant le Parlement.
Jaurès,Ét. soc., 1901, p.XXXII. Rem. On dit Madame le Ministre à une femme ministre, et Monsieur le Ministre à un secrétaire d'État. ♦ Conseil des ministres. Séance périodiquement tenue par l'ensemble des ministres se réunissant sous la présidence du chef du gouvernement sous les iiieet iveRépubliques, et du chef de l'État depuis 1958. (Ds Ac. 1935, Lar. Lang. fr.). ♦ Ministre d'État, ministre sans portefeuille. Avant 1958, ministre sans portefeuille appelé à siéger au gouvernement en raison de sa personnalité propre ou d'un dosage politique au sein de l'exécutif, mais qui n'est pas placé à la tête d'un département ministériel et qui, sous la Restauration, l'Empire et la iiieRépublique, était plus particulièrement chargé des rapports du gouvernement avec les Chambres. Tout était pris, même la présidence de la Cour des comptes, et les ministres d'État n'étaient point encore imaginés (Reybaud,J.Paturot, 1842, p.387).Le titre de «ministre d'État» revêt un caractère honorifique; il peut s'appliquer en particulier aux ministres détenant leurs attributions de délégations du chef du gouvernement (Belorgey,Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.86): 7. Madame de Montcalm m'avait dit de la part de son frère qu'il n'y avait plus de ministère vacant; mais que si mes deux amis voulaient entrer au conseil comme ministres d'État sans portefeuille, le Roi en serait charmé, promettant mieux pour la suite.
Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.43. ♦ Premier ministre. Chef de gouvernement; sous la Constitution de 1958, celui qui, nommé par le Président de la République, est chargé de constituer le gouvernement dont il est le chef et qui à ce titre possède la direction générale des affaires de l'État. Synon. (sous les iiieet iveRépubliques) Président* du Conseil: 8. Un premier ministre n'a pas des collègues; il a des commis. Toutes les affaires importantes il les évoque, les accapare, les décide sans les ministres spéciaux, quelquefois contre les ministres spéciaux. On voudrait se révolter; on ne le peut pas: la vie du cabinet dépend de la parole, du talent, de l'influence de ce chef de file...
Reybaud,J. Paturot, 1842, p.385. P. métaph. Nanon, laquelle en sa qualité de premier ministre de Grandet prenait parfois une importance énorme aux yeux d'Eugénie et de sa mère (Balzac,E. Grandet, 1834, p.85).♦ Région. (Canada). Sous*-ministre. ♦ Vice*-ministre. C. − DR. INTERNAT. Agent diplomatique de haut rang. Vous avez assurément de belles connaissances à Athènes? − Je connais le ministre d'Angleterre (About,Roi mont., 1857, p.100).Le 5 juin, j'ai remis au ministre des États-Unis au Caire une note destinée à son gouvernement (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p.421). ♦ Ministre plénipotentiaire. Agent diplomatique de rang immédiatement inférieur à celui d'ambassadeur, qui représente, muni des pleins pouvoirs, son gouvernement auprès d'un gouvernement étranger et dirige la légation dans les pays où n'existe pas d'ambassade. Alfred: (...) je suis nommé, à compter d'aujourd'hui, je crois, ministre plénipotentiaire à Bade (Dumas père, Angèle, 1834, iii, 1, p.158): 9. ... le marquis de Norpois (...) avait été ministre plénipotentiaire avant la guerre et ambassadeur au seize mai, et, malgré cela, au grand étonnement de beaucoup, chargé plusieurs fois, depuis, de représenter la France dans des missions extraordinaires...
Proust,J. filles en fleurs, 1918, p.434. ♦ Ministre résident. Agent diplomatique de rang inférieur à celui de ministre plénipotentiaire. Entre catégories d'agents, selon un classement descendant des ambassadeurs ou légats pontificaux aux ministres plénipotentiaires, puis aux ministres résidents et enfin aux chargés d'affaires (Chazelle,Diplom., 1962, 25). REM. 1. Ministraille, subst. fém.,péj. Ensemble des ministres. Jean-Jacques (...) croyait triompher: la «ministraille» allait faire naufrage, Voltaire aussi, qui, bien entendu, était, à ses yeux, le responsable de toutes ces misères (Guéhenno,Jean-Jacques, 1952, p.171). 2. -ministre, 2eélém. de compos.a) 3. Bureau(-)ministre,(Bureau ministre, Bureau-ministre) subst. masc.Bureau de grande taille à deux séries de tiroirs latéraux. Elle commença ainsi son histoire: Ma première habitation fut sous un bureau ministre, entre les tiroirs qui descendaient jusqu'à terre (Barrès,Enn. Lois, 1893, p.140).Un grand bureau-ministre surchargé de paperasses (Courteline,Gend. sans pitié, 1899, 1, p.143).Par une fantaisie subite, elle s'étendit sur le parquet, (...). Elle voyait ainsi le dessous d'un bureau ministre, les pieds contournés de ce meuble élégant (Green,Malfaiteur, 1955, p.230). b) Papier(-)ministre,(Papier ministre, Papier-ministre) subst. masc.Papier de format spécial, mesurant quarante-quatre centimètres de long sur trente-trois centimètres de large, de très belle qualité. Envoyez-moi deux ou trois feuilles de papier ministre, à pétition, avec enveloppe ad hoc (Sand,Corresp., t.4, 1861, p.248).[Le sous-préfet] ouvre sur ses genoux sa grande serviette de chagrin gaufré et en tire une large feuille de papier ministre (A. Daudet, Lettres moulin, 1869, p.133).Il écrivit quelques lignes sur du papier ministre, mit sa lettre dans une enveloppe ministre et suscrivit (Verlaine,
Œuvres posth., t.1, Hist. comme ça, 1896, p.359).Le papier tellière ou papier ministre est ainsi nommé parce qu'il fut fabriqué la première fois pour les bureaux de Letellier, ministre de Louis XIV, et employé pour l'impression des circulaires et autres imprimés des grands bureaux (E. Leclerc,Nouv. manuel typogr., 1932, p.550). Ministre(-),(Ministre , Ministre-) (-)ministre,(ministre, -ministre) élém. de compos.Élément entrant dans la constr. de subst. masc., l'autre élém. étant un subst. évoquant une autre fonction institutionnelle et le composé signifiant que la personne considérée est à la fois ministre et ce que l'autre élém. signifie. Député-ministre. Quels furent les derniers sénateurs ministres pendant cette sombre Ve? Pisani, Faure. Ah, ce cher Edgar! (Le Nouvel Observateur, 19 mai 1969, p.19, col.1).Les immeubles collectifs réalisés sous l'impulsion de Jean Royer, le ministre-maire de la ville (Le Point, 22 oct. 1973, p.97, col. 2). 4. Ministre, subst. masc.,ornith. Synon. de passerine bleue (v. passerine B).Le Ministre (...) Cet oiseau, appelé Veuve bleue ou Linotte bleue, vit en Amérique du Nord (...). Le Ministre mâle a un plumage brillant, bleu clair, nuancé de vert. Le cou et la tête sont plus sombres, les ailes brunes également bordées de bleu; les pattes brun clair (Ph. de Wailly, L'Amateur des oiseaux de cage et de volière, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1964, p.213). Prononc. et Orth.: [ministʀ
̭]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. «celui qui accomplit une tâche au service de quelqu'un» (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 103, 5); 2.1174-76 «celui qui est au service du roi, en détient quelque chose» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2432); d'où a) 1509 «conseiller d'un souverain» (Lemaire de Belges, Légende des Vénitiens, éd. J. Stecher, t.3, p.400); 1611 ministres du Roy (Cotgr.); 1671 ministre d'État (Pomey); 1861 papier ministre (Sand, loc. cit.); b) 1683 «envoyé d'un gouvernement auprès d'un gouvernement étranger» (Bossuet, Marie-Thérèse d'Autriche, éd. J. Truchet, p.216); 1834 ministre plénipotentiaire (Dumas père, loc. cit.). 3. 1174-76 «celui qui est au service de Dieu» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, op. cit., 5483); ca 1250 menistre «celui qui a la charge du culte divin» (Règle cistercienne, 416 ds T.-L.); spéc. dans la relig. protestante 1527 ministre de l'Évangile (Herminjard, II, p.59 d'apr. W. Richard ds Romanica Helvetica t.57, p.118); 1536 ministre (Piaget, p.288, ibid.). Empr. au lat. minister, -tri, formé d'apr. magister auquel il s'oppose, «serviteur/maître» (v. Ern.-Meillet), «serviteur, domestique», «serviteur (d'un dieu)», «instrument, agent», «intermédiaire», lat. chrét. au plur. «serviteurs de Dieu (des anges)» (début ives. ds Blaise Lat. chrét.), «serviteurs de Dieu, de la religion» (fin ives., ibid.), également att. en lat. tardif «dignitaire du palais royal» (663 ds Nierm.), «officier public» (viiie-ixes. ds St. Scoones, Les Noms de quelques officiers féodaux, p.132, note 8). Fréq. abs. littér.: 8959. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 20137, b) 8375; xxes.: a) 11266, b)9653. DÉR. Ministresse, subst. fém.,fam. Épouse de ministre. Il répond quelquefois aux épigrammes de son ministre, et la ministresse l'admire (Stendhal,L. Leuwen, t.2, 1836, p.303).Pas plus tard qu'il y a huit jours je mets sur Lohengrin la ministresse de l'Instruction Publique. Elle me répond: «Lohengrin? Ah! oui, la dernière revue des Folies-Bergères, il paraît que c'est tordant» (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p.605).− [ministʀ
εs]. − 1resattest. a) ca 1380 «servante» (Jehan des Preis, Geste de Liege, 20424 d'apr. A. Scheler, Glossaire philologique ds Mém. de l'Ac. royale des sciences, t.44, p.201), 1660 (Oudin Fr.-Esp.), b)1619 «femme d'un ministre protestant» ([F. Garasse], Le Rabelais reformé par les ministres, 205 ds Quem. DDL t.20), att. chez cet aut., puis 1782 «femme de ministre» ([B. de Guemadeuc], L'Espion dévalisé, 62-63 ds Quem. DDL t.26); de ministre, suff. -esse*. BBG. −Mack. t.1 1939, p.68. _ Quem. DDL t.1, 5 (s.v. ministresse); 11. _ Richard (W.) 1959, p.92, 111; pp.116-119; p.123, 126, 248. |