| MINCE, adj. et interj. I. − Adjectif A. − [Caractérisant l'étendue] 1. [Appliqué à une seule dimension] Dont l'épaisseur ou la largeur est inférieure à la moyenne. a) [P. oppos. à épais] Mince feuille, pellicule; cuir, étoffe, verre mince. Le sol disparaissait sous une mince couche de neige, qui le poudrait légèrement (Verne,Tour monde, 1873, p.157).V. barde ex. 3, jambon ex. 1: 1. Les deux nouveaux venus s'installèrent dans une chambre séparée seulement de celle de ma femme par une mince cloison; il était impossible de ne pas les entendre, à moins de se boucher les oreilles...
Chateaubr.,Mém., t. 2, 1848, p.574. − [P. méton. du déterminé, en parlant de la matière] Mince robe, tunique; mince veston. Sa chaussure était si mince et si fine qu'on eût presque dit son pied nu, et plutôt ganté que chaussé (Flaub.,Éduc. sent., 1845, p.74).Le gros garçon (...) grelottant dans sa chemise de soie, son mince complet havane, ses bottes fines (Bernanos,M. Ouine, 1943, p.1358).[Ce qui est fait de cette matière] Leurs bras Vêtus de laine rude ou de mince percale (Heredia,Trophées, 1893, p.143). ♦ P. métaph. Un pauvre diable dont la santé est mince comme une porcelaine de Chine (Amiel,Journal, 1866, p.454).Le monde devient mince et transparent (G. Marcel,Journal, 1923, p.293). − Emploi adv., BEAUX-ARTS. Peindre mince. Peindre en donnant peu d'épaisseur à la couche de couleur. Il ne peint pas mince comme disent les peintres, mais il procède par de solides empâtements (E. Gautier,Journal officiel, 10 avril 1877, p.2784, col. 1 ds Littré). − Emploi subst. masc., arg. ou pop. Papier. Appliquer du mince sur une vitre à briser (Ansiaume1821ds Esn. 1966).Assignat; billet de banque. Des minces. ,,On appeloit ainsi vulgairement le papier monnoie, connu sous le nom d'assignats, quand il étoit en émission; c'est maintenant le nom que le peuple donne aux billets de banque`` (Hautel t.2 1808). b) [P. oppos. à large]
α) [En parlant d'une chose concr.] Ruban mince; mince baguette, canal, couloir, rue, sentier, trottoir. Cette maison est desservie par un escalier mince, plaqué contre la muraille (Balzac,Splend. et mis., 1844, p.29).Les pupilles de ses yeux gris étaient minces comme celles d'une chatte arrivant du plein jour (Zola,Bonh. dames, 1883, p.619).Un mince rayon de soleil se fraya un chemin dans la chambre sous le store baissé (Roy,Bonheur occas., 1945, p.331): 2. C'était une belle arme, riche sans ornementation superflue, une arme de combat et non de parade. Sur la lame d'acier bleuâtre, relevée de quelques minces filets d'or, se voyait imprimée la marque d'un des plus célèbres armuriers de Tolède.
Gautier,Fracasse, 1863, p.223.
β) En partic. [Par croisement avec infra I A 2 b; en parlant d'une expression du visage] Qui manque d'ouverture, d'ampleur; qui est volontairement esquissé. Par moments, ses paupières se baissaient doucement, un regard mince et aigu s'échappait du coin de ses yeux, avec une singulière ironie, et allait fouiller le visage des deux femmes (Zola,M. Férat, 1868, p.256).Il regardait les deux autres de son œil doux et fin, les lèvres pincées d'un mince sourire (Zola,Germinal, 1885, p.1339). 2. [Appliqué à deux ou trois dimensions qui définissent une surface, un volume] a) Dont les proportions sont peu importantes; qui est fin d'aspect et/ou élancé. Anton. massif.Minarets aussi minces que des mâts de vaisseaux (Lamart.,Voy. Orient, t.2, 1835, p.377).Prêtez-moi la respiration légère et facile des locomotives hautes et minces, aux mouvements si aisés, les locomotives des rapides (Larbaud,Barnabooth, 1913, p.36).La lune, croissant mince, était couchée sur un nuage (Montherl.,Pte Inf. Castille, 1929, p.614). b) En partic. [En parlant d'un être vivant (notamment de l'homme), d'une partie du corps] Anton. épais, gras, gros.Bouche, buste, cou, doigts, lèvres, jambes, mains, nez mince(s); (une personne) mince comme un fil, comme une sylphide. Une voiture passa (...) traînée au grand trot par deux minces chevaux blancs (Maupass.,Bel ami, 1885, p.146).Elle remarqua ses pieds minces, elle fut orgueilleuse de leur petitesse (Zola,Rêve, 1888, p.80).Sur les photographies − et je ne sais pourquoi − il semble grand. Il n'est pas fort grand, il est mince; et note bien que mince ne signifie pas fluet (Duhamel,Maîtres, 1937, p.36).Parce que notre civilisation veut des femmes minces. On peut le critiquer, résister, mais c'est ainsi (...). Être mince présente bien des avantages, ne serait-ce que sur le plan de la santé (Madame Figaro, 25 sept. 1982, p.170, col.1).V. adaptation ex. 20: 3. ... crains de trop te serrer dans un corset; c'est à cet absurde et incommode usage que tant de jeunes filles doivent des maux de poitrine et d'estomac, tout cela dans le but de paraître mince et de ressembler à une guêpe au lieu de ressembler à une femme.
Karr,Sous tilleuls, 1832, p.114. − [Avec compl. prép. de indiquant ce qui est mince] Elles [les Abyssiniennes] sont grandes, minces de taille, élancées comme les tiges de palmier de leur beau pays (Lamart.,Voy. Orient, t.2, 1835, p.402). − Emploi subst. Madame Hourmel, une grande mince, aux joues plates, aux yeux doux et inquiets d'inquiétude ménagère (R.Bazin,Blé, 1907, p.294).Sa sveltesse, son allure, son élégance − celles, inimitables, des minces sans régime (Fr. Dorin, Les Miroirs truqués, Paris, éd. J'ai Lu, 1983 [1982], p.202). − [Qqf. synon. de maigre] Elle vint ouvrir, mince, épuisée, frappée elle-même d'une lente décomposition du sang (Zola,Dr Pascal, 1893, p.49).On a six ans, des jupons de poupée, des mollets minces à faire pleurer, un tablier à manches courtes laissant voir la chair trop frêle des poignets (Frapié,Maternelle, 1904, p.64). B. − [Caractérisant la constitution ou l'état de la matière] 1. Domaine concr. a) [Appliqué à un ensemble de choses ou de pers.] Dont les éléments sont peu nombreux ou peu rapprochés. C'était un garçon de vingt-six ans, petit, très brun, d'une jolie figure, avec de minces moustaches, qu'il frisait toujours d'un mouvement machinal de la main (Zola,Assommoir, 1877, p.380).L'assemblée était mince. Je me dissimulai derrière un des piliers de l'entrée. L'abbé Biscarnious, dans la chaire, achevait sa péroraison (Ch. Exbrayat, Méfie-toi, gone!Paris, Le Livre de poche, 1984 [1961], p.101): 4. Pour comprendre l'importance alimentaire de ces cultures d'arbres, il faut les associer à celles qui se multiplient à leur ombre: aux tapis d'orge, fèves ou blé, garnissant, sous le mince feuillage de l'olivier, les gradins en terrasses...
Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p.135. − ART MILIT., vx. Ordre mince. ,,Ordre de bataille dans lequel les hommes sont sur peu de rangs`` (Littré). Dans ma jeunesse (...) on étudiait l'ordre profond et l'ordre mince (...). La science militaire a changé comme tout le reste par la révolution (Chateaubr.,Mém., t.2, 1848, p.403). b) [En parlant d'une chose] Qui est faite d'une matière peu dense, peu serrée. Un mince brouillard flottant au ras du sol (Carco,Vérotchka, 1923, p.15).Une petite pluie mince commence à tomber (Sartre,Engrenage, 1948, p.180).La Giralda fit entendre douze coups, frappés sur un airain si haut placé et dans un air si mince que les ondes se propagèrent jusqu'au fleuve (Morand,Flagell. Séville, 1951, p.7): 5. De consistance variable, tantôt mince et diluée, tantôt concentrée en empâtements d'épaisseur presque touchable, elle [une odeur bizarre] étalait dans l'arrière-gorge, au centre des nausées, une onctuosité narquoise, une sorte de crème infâme et permanente, de substance inconnue, d'une fadeur à s'évanouir.
Malègue,Augustin, t.1, 1933, p.157. − P. anal. Bruit, rire mince. Ils y jouaient les drames qu'ils savaient par coeur, la voix enflée pour les héros, toute mince (...) pour les ingénues et les reines (Zola,
Œuvre, 1886, p.38).Comme dans les cortèges d'enterrement, on distinguait le grésillement mince du gravier roulant sous les semelles (Estaunié,Vie secrète, 1908, p.301): 6. ... en ce moment, les troupeaux (...) avançaient, pressés et chauds, entre les incendies, leur épais silence percé çà et là de minces bêlements.
Malraux,Espoir, 1937, p.762. 2. Au fig. Qui est de peu d'importance, de peu de valeur. a) [Dans l'ordre de la qualité]
α) [En parlant d'une chose] Insignifiant; faible, petit. Mince détail, événement, prétexte, récit; une cause bien mince. Il faut la voir et l'entendre conter une histoire la plus mince, un simple détail de la vie ordinaire (Taine,Notes Paris, 1867, p.180).La leçon d'anatomie [de Rembrandt] est mince et n'a que peu d'ardeur. L'effet est saillant sans être fort, et en aucune partie des étoffes, du fonds, de l'atmosphère où la scène est placée, le travail ni le ton ne sont très riches (Fromentin,Maîtres autrefois, 1876, p.273): 7. Voilà ce qu'il a jadis appelé des succès! Il s'est réjoui sans scrupule de tous ces chagrins de ses frères, comme d'autant de victoires de Dieu! Tout cela lui paraît maintenant petit, mince, privé d'amour.
Barrès,Colline insp., 1913, p.322. − [Avec compl. prép. de indiquant ce qui est mince] Un texte mince de fond. Cette brochure, mince de texte et si lourde d'expérience et de prévisions (Barrès,Cahiers, t.13, 1921, p.199). − [Souvent à la forme négative, pour renforcer la valeur de l'objet] Ce n'est pas une mince entreprise, un mince mérite (de ou que de + inf.). Ce n'était pas une mince besogne de transvaser d'un bord du fleuve à l'autre une population de plus d'un million d'âmes (Gautier,Rom. momie, 1858, p.207).Si je surveille trop mon écriture, je risque de fausser ma ligne et de donner dans le piège de l'apprêt au moment même et d'autant plus que je m'applique à l'éviter... La difficulté n'est pas mince (Gide,Robert, 1930, p.1316).Oh! ce n'est pas une mince affaire que d'arracher l'avarice du coeur des petits paysans! (Bernanos,M. Ouine, 1943, p.1507).
β) [En parlant d'une pers.] Sans intérêt, insignifiant: 8. Personne ne s'occupait de moi; j'étais alors, ainsi que Bonaparte, un mince sous-lieutenant tout à fait inconnu; nous partions, l'un et l'autre, de l'obscurité à la même époque, moi pour chercher ma renommée dans la solitude, lui sa gloire parmi les hommes.
Chateaubr.,Mém., t.1, 1848, p.240. b) [Dans l'ordre de la quantité]
α) [En parlant d'une chose] Synon. de maigre.Mince héritage, repas, revenu, trousseau. Je me représente encore l'arrivée de notre mince mobilier dans cet immense local où nous étions comme perdus (Michelet,Mémor., 1822, p.184).On lui fit comprendre qu'il n'était pas vu moins favorablement par MlleAimée. La dot était mince. Trop de frères et de soeurs (Coppée,Longues et brèves, t.5, 1893, p.259).Tu n'as gagné que vingt-cinq francs cette semaine, c'est mince (Delesalle,Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, p.182): 9. Persuadée que les sous me préoccupaient comme elle, la brave femme n'attendait pas que j'eusse soufflé, pour me cacher dans la main ses très minces économies de la journée. Et par la suite c'est toujours ainsi qu'elle m'accueillit.
Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p.239.
β) [En parlant d'une pers.] Lorsqu'on est aussi mince buveur que moi, on est heureux de trouver les petits vins légers de la Moselle (Du Camp,Hollande, 1859, p.223). II. − Interj., pop. et fam. A. − [Exprime la surprise, l'étonnement, l'admiration, p.euphém. de merde] Lorsqu'il la vit reparaître, il s'écria: − Mince! vous êtes bien frusquée! (Dabit,Hôtel Nord, 1929, p.110).Papa exige que tu rentres et te pardonne. − Me pardonne? Ah! mince alors. Me pardonne... tu es sûr qu'il dit ça? (Aragon,Beaux quart., 1936, p.361): 10. Il faut que je me redresse... que je me démène pour rentrer... Je ramasse mon beau costard... Mais je retrouve plus mon faux-col... Tant pis! Je devais être revenu pour dîner! Mince! C'est bien ma putaine déveine!
Céline,Mort à crédit, 1936, p.382. B. − Locutions 1. [Avec compl. prép. de] a) [Exprime l'admiration ou le contentement] Mince de costard! (Riv.-Car.1969): 11. Il demande le grand maréchal de la cour. On lui donnera toujours bien son adresse à Tsarskoïe. Mais le sous-officier lui fait tourner la tête... lui montre une silhouette qui s'avance!... Mince de veine alors!... C'est M. le grand maréchal lui-même!...
Leroux,Roul. tsar, 1912, p.165. b) Par antiphrase. [Exprime la contrariété, la déception, la colère] Il y a deux ans, quand Georgine se vit sur le point de mourir, elle me légua, mince d'héritage! Juliette, alors âgée de trois semaines (Arène,Veine argile, 1896, p.111).Mince de paletot, remarque Tirette devant une capote qui passe, infiniment rapiécée, de tous les bleus (Barbusse,Feu, 1916, p.49): 12. ... il avait sa cellule communiste, quelque part, là-bas à Vincennes, il jouait les révolutionnaires à chaînette d'or et à pochette de soie. Mince de révolution!
Bernanos,Mauv. rêve, 1948, p.967. 2. Arg. [Avec prop. introd. par que] a) Synon. de sûr/sûrement que, certainement que, je crois bien.[Leur linge pompe leur sueur] Minç' qu'ils doiv' emboucanner l'singe (Richepin,Chans. gueux, 1881, p.162).Mince que je voudrais le voir (Rigaud,Dict. arg. mod., 1881, p.251). b) Par antiphrase. Synon. de beaucoup de.Un voleur ne dit pas simplement: «J'ai volé beaucoup de gens». Il dit avec emphase: «Mince que j'en ai fait pleurer!» (A. Humbert,Mon bagne, 1880, feuille 25). REM. Mincement, adv.[Correspond à supra I A 1 a] D'une manière peu épaisse. Vêtement mincement doublé (Lar. 19e). [P. méton. du déterminé] De façon plus réduite. [Sur des affiches-réclames] des baigneuses en maillot clair, étendues sur des plages miniatures, célébraient par on ne savait quel rapprochement la douceur de telle cigarette; et d'autres, plus mincement vêtues encore, glorifiaient une boisson désaltérante (Roy,Bonheur occas., 1945, p.396). Prononc. et Orth.: [mε
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1306 «petite monnaie qui valait un demi-denier» (Guillaume Guiart, Branche des royaus lignages, éd. Wailly et Delisle, 11788); encore au xvies. comme terme arg. qui désigne l'argent (v.Hug.); 2. a) ca 1480 mince «dénué d'argent», arg. mince de caire «id.» (Guillaume Coquillart, Droitz nouveaux, 933, 1578, éd. M. J.Freeman, pp.175, 209); b) début xvies. « de peu d'épaisseur» (Fossetier, Cron. Marg., ms. Bruxelles 10510, fo206 rods Gdf. Compl.); c)1560 «grêle, peu épais de taille» (La Bible, qui est toute la saincte Escriture [...] de l'imprimerie d'Antoine Rebul, chap. 41, vers 19, fo15 ro); d) 1640 (Oudin Curiositez: son fait est bien Mince, il n'a gueres de biens ou d'argent); av. 1646 «de peu d'importance» (Maynard, Epigr. contre Saint-Amant cité ds Livet Molière: Vostre noblesse est mince); 3. a) arg. 1790 «papier à lettres» (Rat du Châtelet, p.15); b)1808 (Hautel, loc. cit.); c) 1878 mince que... (Richepin cité ds Larch., p.242); 1881 interj. mince! (Id., Chans. gueux, p.288). Déverbal de mincer*; au sens 1 cf. lat. médiév. minutum (xives. ds Latham), minuta (xives. ds Du Cange) «petite monnaie». Fréq. abs. littér.: 3543. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4021, b) 5255; xxes.: a) 6389, b) 4977. DÉR. Mincet, -ette, adj.,rare. Un peu mince. Lorsque la petite femme, parisienne mincette, laide et tentante comme le péché, vient déjeuner avec son mari, mon lieutenant vous a des yeux à ne pas le laisser approcher d'une poudrière (A. Daudet,Pte paroisse, 1895, p.176).Emploi subst. Une petite fille (...) une petite mincette aux yeux bleus étranges (...) qui le faisait tourner en bourrique (Vialar,Tournez, 1956, p.75).− [mε
̃sε], fém. [-εt]. − 1reattest. 1535 (Maurice Scève, La Deplourable fin de Flamete, ch. 29 ds Hug.), rare; de mince, suff. -et*. |