| MEURTRIR, verbe trans. A. − Vx. Tuer, assassiner. L'ami (...) fut égorgé là (...). Et, pressant dans ses bras le corps meurtri qu'elle aime, Elle a longtemps hurlé (A. France,Idylles et lég.,1896, p.105). B. − Blesser quelqu'un (ou, p. méton., un endroit de son corps) par un choc ou une forte compression qui laisse sur la peau une marque ou une ecchymose. Synon. contusionner.Le paroir (...) est manié à grands tours de bras, et sursaute dans la main en la meurtrissant (Pesquidoux,Chez nous,1921, p.216): −. ... il faut avoir un bien mauvais coeur pour ne pas verser de véritables larmes quand le bon héros de la Manche, cet excellent chevalier de la triste figure, meurtri de coups, est ramené dans sa demeure.
Janin,Âne mort,1829, p.15. ♦ Emploi pronom. réfl. indir. Le malheureux (...) errait à grands pas, défait, s'arrachant les cheveux, se meurtrissant le visage et remplissant le rivage de ses gémissements (Chénier,Bucoliques,1794, p.198). − P. anal. [Le compl. d'obj. désigne un végétal, notamment un fruit ou une fleur] Endommager par un contact ou un choc. Synon. mâcher2, taler.Les fleurs meurtries des bouquets et des coiffures exhalaient dans l'air des odeurs capiteuses (Theuriet,Mar. Gérard,1875, p.84). C. − Laisser (sur le visage, les yeux) des marques semblables à celles qu'aurait pu produire un choc. S'étant approchée, elle vit le visage pâle de Noa, ses yeux clos meurtris par une fatigue qu'elle interpréta à contresens (Aymé,Rue sans nom,1930, p.146).Hedwige regarda dans la glace son visage meurtri par la souffrance et pour la première fois de sa vie, le pressentiment lui vint de ce qu'elle serait quand le temps aurait fait son travail (Green,Malfaiteur,1955, p.186). D. − Au fig. Blesser moralement. Meurtrir l'esprit, le coeur. J'avais eu quelques maîtresses sans avoir jamais senti mon coeur affolé par le désir ou mon âme meurtrie d'amour après la possession (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Chevel., 1884, p.936). − Emploi pronom. réfl. Quitter après de longues années des lieux où tout vous retient? C'est se meurtrir (Debatisse,Révol. silenc.,1963, p.134). REM. 1. Meurtrissable, adj.Susceptible d'être meurtri. La poitrine de Kate était encore plus frêle, plus meurtrissable que celle de la petite morte blanche tombée avec son mari sous l'Alte Hütte (Peyré,Matterhorn,1939, p.263). 2. Meurtrissant, -ante, part. prés. en emploi adj.Qui meurtrit. Au fig. De cette épreuve un peu meurtrissante, je sors, somme toute, moins déprimé qu'affermi (Gide,Journal,1907, p.255).Ne me parlez pas ainsi de ce ton meurtrissant (Claudel,Échange,1954, III, p.787). Prononc. et Orth.: [moeʀtʀi:ʀ], (il) meurtrit [-i]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1135 «assassiner, tuer» (Couronnement de Louis, éd. Y. Lepage, rédaction AB, 2058: Iluec sera murtri et essillié); 2. a) 1456 part. passé «contusionné» (Villon, Lais, éd. J. Rychner et A. Henry, 240); 1538 trans. «serrer, heurter au point de laisser une marque sur la peau» (Est., s.v. contundere: coup meurtri); b) 1690 fruit meurtri (Fur.); 3. mil. du xves. fig «blesser, déchirer» (Charles d'Orléans, Ballade, V, 26 ds Poésies, éd. P. Champion, t.1, p.22: honte vous est... D'un loyal cueur ainsi meurdrir). De l'a. b. frq. *murthrjan «assassiner», cf. l'a. h. all. murd(r)jan «id.», m. h. all. morden, all. morden «id.» (aussi a. h. all. mord «assassinat», all. Mord «id.»), qui correspond au got. maurTɔ
ran «id.», dér. de maurthr «meurtre». On note, à partir du mil. du xiies., des formes avec -d- au lieu de -t- (cf. Gdf. et T.-L.). Cette var. s'explique par le fait que le mot est entré en fr. à différentes époques: une 1refois au vies., alors que le frq. n'avait pas encore subi l'altération de -rth- en -rd-, et une seconde fois au viiieou ixes., après cette évolution (v. FEW t.16, p.584b). La forme en -eu- (à la place de l'anc. o ou u) qui apparaît au début du xives. (1328 ds Gdf.), reste inexpliquée (on peut y voir une infl. des mots en -eu- passé à -u-; cf. E. Staaff ds Mél. Wahlund (C.), p.248). Au xvies., meurtrir qui a subi un important affaiblissement de sens a été supplanté en son sens 1erpar assassiner* «tuer avec préméditation ou par guet-apens». Fréq. abs. littér.: 955. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 866, b) 1848; xxes.: a) 1929, b) 1046. |