| MENTALITÉ, subst. fém. A. − Ensemble des manières habituelles de penser et de croire et des dispositions psychiques et morales caractéristiques d'une collectivité et communes à chacun de ses membres. Mentalité d'un milieu, d'une époque; mentalité archaïque. Tel de ses représentants [de la sociologie] verrait dans l'individu une abstraction, et dans le corps social l'unique réalité. Mais alors, comment la mentalité collective ne serait-elle pas préfigurée dans la mentalité individuelle? (Bergson,Deux sources, 1932, p.108): 1. La caractérologie de l'enfant est née la première, notamment à partir des travaux de Künkel, Ch. Buhler, Stern en Allemagne, et de Piaget, en Suisse, qui a tenté de définir une «mentalité enfantine» comme on avait établi l'existence d'une «mentalité primitive».
Mounier,Traité caract., 1946, p. 161. ♦ Histoire des mentalités. L'histoire des mentalités n'est plus nouvelle. Elle est née au lendemain de la Première Guerre mondiale chez un groupe d'historiens comme les Français Lucien Febvre et Marc Bloch, le Belge Henri Pirenne, de géographes comme A.Demangeon, de sociologues comme L. Lévy-Bruhl, M. Halbwachs, etc., groupe qui inspira, à partir de 1929, les fameuses Annales d'histoire économique et sociale (Nouv. Hist.1978, p.404). B. − État d'esprit permanent inhérent à un individu. Synon. psychologie.Mentalité de spectateur, de commerçant. En politique, le patron du café où je venais d'arriver n'appliquait depuis quelque temps sa mentalité de professeur de récitation qu'à un certain nombre de morceaux sur l'affaire Dreyfus (Proust,Guermantes 2, 1921, p. 406). C. − Fam. Comportement moral. Synon. moralité.Une mentalité détestable; quelle mentalité! 2. Elle vous l'a fait connaître,
Ô juges! qui pourriez être
Ses papas et grands-papas.
Tout dans ses propos annonce
Qu'elle ne possède une once
De saine mentalité.
Ponchon,Muse cabaret, 1920, p. 266. − Par antiphrase. (La) belle mentalité!: 3. Le porte-drapeau:
Moi je me passe de commentaires
Je suis modeste et je me tais
D'ailleurs je n'ai pas le droit de parler
Le porte-bonheur:
Moi je porte bonheur parce que c'est mon métier
Les trois autres (hochant la tête):
Jolie mentalité!
Prévert,Paroles, 1946, p. 256. − Arg. Loyauté, conformité aux règles du milieu. [Les gagneuses] que tu nous cites là (...) j'en connais quelques-unes (...). Bonnes mômes, accrocheuses, de la santé, de la mentalité; je te l'accorde, oui. Mais rien sous la permanente! (Simonin,Touchez pas au grisbi, 1953, p. 178). ♦ Mauvaise mentalité. ,,Mauvaise mentalité. Déloyauté`` (Esn. 1966). Prononc. et Orth.: [mɑ
̃talite]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1842 (Richard: Mentalité; état, qualité de ce qui est mental); 2. 1877 «état mental» (H. Stupuy, La Philosophie positive, nov.-déc., p. 452 ds Littré Suppl. Add.). Empr. à l'angl. mentality de mêmes sens (dep. 1691 ds NED, v. aussi NED Suppl.2) lui-même dér. de mental (empr. au fr.); le mot s'est répandu dans le vocab. internat. des sc. hum. à la fin du xixes. et son emploi dans le lang. cour. a été tout d'abord blâmé (cf. Proust, Guermantes 1, 1920, p. 237 et Jaurès [1914] cité ds A. Thérive, Querelles de lang., t. 1, 1929, p. 168). Fréq. abs. littér.: 241. Fréq. rel. littér.: xixes.: néant; xxes.: a) 473, b)740. Bbg. Baldensperger (F.). Notes lexicol. R. Philol. fr. 1927, t.39, pp.60-61. _ Schalk (F.). Weltanschauung und mentalité. Rom. Forsch. 1947, t. 60, pp. 546-550. |