| MASSIF, -IVE, adj. et subst. masc. I. − Adjectif A. − 1. Qui est fait de pleine matière, sans parties creuses et sans parties rapportées ou plaquées; qui est lourd, pesant, solide. Or, argent, chêne massif. Une table énorme, massive, une manière d'étal (Courteline,Train 8 h 47, 1888, 1repart., i, p.9).Des plats de vieille argenterie massive et parée de blasons allemands, autrichiens, russes (Adam,Enf. Aust., 1902, p.435). Rem. Vx, emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Dans le massif de pour dans la masse de. Des stalles creusées dans le massif des colonnes (Nodier, J. Sbogar, 1818, p.205). 2. P. anal. Dense, épais, opaque. Elle scrutait la verdure massive (Colette,Mais. Cl., 1922, p.10). − [En parlant de l'ombre, de l'obscurité] Dans la nuit massive, une allumette flamba (Hamp,Champagne, 1909, p.80).La silhouette de bandes irrégulières d'épaules casquées qui ondulent comme des vagues à l'assaut de l'obscurité massive (Barbusse,Feu, 1916, p.69). − [En parlant de l'eau] Le lac dont l'onde inerte, dense et massive, atteste la profondeur (Dusaulx,Voy. Barège, t. 2, 1796, p.40). 3. LING. Noms massifs. Noms qui désignent des choses qu'on se représente comme une masse indistincte. Synon. non-comptable, massique.Voir Moignet, Systématique de la lang., Paris, Klincksieck, 1981, p.36. 4. Qui présente un volume important et des formes ramassées. Anton. aérien, élancé.Ces portes de cave, écrasées par le poids de cette bâtisse, massive et pompeuse, sans grandeur vraie (Huysmans,Art mod., 1883, p.244).La maison apparaissait massive, un bloc énorme et régulier, coiffé d'un toit surélevé (Genevoix,Raboliot, 1925, p.217): 1. De cette habitude de consommer, tous les jours, de gros volumes de matières alimentaires qui distendent les organes qui les reçoivent, et de celle de ne faire que des mouvemens médiocres, il est résulté que le corps de ces animaux s'est considérablement épaissi, est devenu lourd et comme massif, et a acquis un très-grand volume, comme on le voit dans les éléphans, rhinocéros, boeufs, buffles, chevaux, etc.
Lamarck,Philos. zool., t. 1, 1809, p.254. − [En parlant d'une pers.] Une dame en robe crème entra. Elle lui parut massive, fermée, inaccueillante (Malègue,Augustin, t. 2, 1933, p.157). 5. Au fig. [En parlant de l'esprit, d'une activité intellectuelle ou esthétique] Synon. épais, lourd; anton. délié, nuancé, vif.La lourde, massive, bêtasse syntaxe des corrects grammairiens (Goncourt,Journal, 1882, p.161).L'idiome catholique s'était un peu dégorgé de ses phrases massives, alourdies, chez Bossuet surtout, par la longueur [des] incidentes (Huysmans,À rebours, 1884, p.193).Comme si toute affirmation était nécessairement massive et qu'on ne pût concevoir la netteté dans le nuancé (Benda,Fr. byz., 1945, p.35). B. − 1. En grande quantité. Synon. en masse (v. masse1III).Dose massive. Deux suicides, dont l'un de général. D'où rachat massif par notre société (Giraudoux,Folle, 1944, i, p.26). − P. anal. Intense. Bombardement massif. Sous le soleil massif, dans la ville toujours vide, les deux hommes se dirigeaient vers la maison du juge (Camus,Exil et roy., 1957, p.1678). − Au fig., rare. Important. J'ai une expérience massive de la vie (Ricoeur,Philos. volonté, 1949, p.429). 2. Qui concerne un grand nombre de personnes. Synon. en masse (v. masse1IV).Des départs massifs; des migrations massives. Les avant-gardes s'engageaient presque toujours (...) sans l'appui de l'artillerie, et tombaient en formation massive sous les coups de l'artillerie ennemie (Joffre,Mém., t. 1, 1931, p.303). − Qui concerne la population, les masses. Synon. de masse (v. masse1IV).Pour tenir l'arrière, elle [l'armée franquiste] va recourir à la terreur massive (Malraux,Espoir, 1937, p.532). II. − Subst. masc. A. − 1. Groupe d'arbres ou d'arbustes concentrés dans un espace réduit, de manière que le feuillage soit perçu comme un tout continu. Derrière se trouvait un gros massif de hêtres et de sapins, large fond noir sur lequel cette jolie bâtisse se détachait vivement (Balzac,Méd. camp., 1833, p.119). ♦ Massif forestier. Ensemble de forêts d'un seul tenant. Massifs forestiers, dont la conservation paraît liée à la présence de l'argile à silex (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p.91). − Ensemble constitué de plantes ornementales ou de fleurs. Massif de tulipes. Assises derrière un massif de fleurs, deux horribles caissières, occupées à des calculs sans fin (Proust,J.filles en fleurs, 1918, p.811).Il regarda le massif de bégonias (Chardonne,Épithal., 1921, p.291). 2. Ensemble formé d'une pluralité d'éléments. Dans le massif même de Cologne, au milieu des toits, des tourelles et des mansardes pleines de fleurs, montent et se détachent les faîtes variés de vingt-sept églises (Hugo,Rhin, 1842, p.93). − Vieilli. Bloc de maisons. Cet homme sortit, lui fit prendre deux ou trois allées qui traversaient différents massifs de maisons (Stendhal,L. Leuwen, t. 3, 1836, p.160). 3. Ensemble de montagnes formant un bloc continu (s'oppose à chaîne). Massif armoricain, central; massif du Mont-Blanc: 2. Je me figurai que, dans le principe, la longue chaîne des Pyrénées, loin d'être hérissée de pics entourés d'abîmes, et coupée par des torrents, n'offrait de l'Orient à l'Occident qu'une bande unie, qu'un massif prodigieusement élevé...
Dusaulx,Voy. Barège, t. 1, 1796, p.92. B. − 1. Ouvrage de maçonnerie ou de béton armé servant de contrefort ou de soubassement. Les deux extrémités [de la digue] recevraient avec le temps deux massifs de fortification (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p.886).Ce bloc, posé sur un massif circulaire en maçonnerie, c'était un tombeau enveloppé d'un échafaudage (Hugo,Rhin, 1842, p.107). − MAR. Pièce de bois qui sert de remplissage dans les fonds extrêmes d'un grand bâtiment ou de support au mât de beaupré (d'apr. Will. 1831). 2. Vieilli. Ensemble architectural. [Une langue] ciselée à l'image d'un massif d'architecture gothique (Quinet,All. Ital., 1836, p.53).[La porte] se compose d'un très-haut massif carré, ouvert de longues baies ogivales (Du Camp,Hollande, 1859, p.211). C. − Rare, avec valeur de neutre. Tout vous prenait aux yeux à la fois, le pignon taillé, la toiture aiguë, la tourelle suspendue aux angles des murs, la pyramide de pierre du onzième siècle, l'obélisque d'ardoise du quinzième, la tour ronde et nue du donjon, la tour carrée et brodée de l'église, le grand, le petit, le massif, l'aérien (Hugo,N.-D. Paris, 1832, p.142). Prononc. et Orth.: [masif], fém. [-i:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1480 «fait dans la masse» (Baratre infernal, Bibl. de Rouen, A, 297 anc. fonds ds Delb. Notes mss); 2. 1503 membres massifs (J. Lemaire de Belges, La plainte du Désiré, éd. D. Yabsley, 74, 207); 3. 1690 avoir l'esprit massif «qui manque de finesse» (Fur.); 4. 1914 dose massive (Maurras, Kiel et Tanger, p.XX); 5. 1911-27 ling. (Dam.-Pich. t. 1, p.349). B. subst. 1. 1546 archit. (J. Martin, trad. de Fr. Colonna, Songe de Poliphile, 12 rods Quem. DDL t. 7); 2. 1694 massif de gazon (Corneille); 1832 «ensemble de fleurs» (Raymond); 3. 1796 géogr. supra ex. 2. Réfection de l'a. fr. massis. A ca 1150, plur. massiz «fait dans la masse» (Thèbes, éd. L. Constans, 3840), venant prob. d'un type lat. vulg. *massicius (cf. ital. massicio) par changement de suff. sur le modèle des mots comme cles-clef*, nais-naïf*, etc. (v. A. Thomas ds Romania t. 34, p.333 et FEW t. 6, 1, p.453b). B 1396 massich «construction massive» (Délibérations des Echevins de Péronne relatives à la construction du Beffroi, publ. dans les Pièces et doc. relatifs au siège de Péronne par Techener, p.79 ds Gdf.). Fréq. abs. littér.: 1539. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 976, b) 2675; xxes.: a) 1964, b) 3097. DÉR. Massivement, adv.a) En grande quantité. La nourriture scolaire n'est pas pour l'élève comme l'eau pour le chameau; elle ne peut être ingurgitée massivement et assimilée à loisir (Capelle,Éc. demain, 1966, p.154).La banque essaya bien de racheter massivement ses propres actions pour maintenir les cours en bourse (Lesourd, Gérard,Hist. écon., 1968, p.77).b) En grand nombre, par un grand nombre de personnes. Une croyance quasi générale, acceptée massivement, contre laquelle ne se dressent que des doctrines très minoritaires, qui apparaissent plus ou moins «anormales» (Traité sociol., 1968, p.13).− [masivmaɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1798. − 1resattest. 1584 «de façon massive» (Dumonin, Uranologie, 196 ds Fr. mod. t. 6, p.63), 1945 «en grand nombre, en masse» (Baudhuin, Crédit et banque, p.169); de massif, -ive, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.:21. |