| MARCHER1, verbe I. − Emploi trans. A. − TECHNOL., vieilli. Fouler au pied une matière malléable et, p. anal., pétrir à la main. Marcher une étoffe, l'argile, l'ouate, le cuir. Dans la fabrication des cazettes (...) la pâte est marchée (Al. Brongniart, Art céram.,t. 1, 1844, p.198): 1. La bouillie de tourbe est répandue sur le pré (...). Quand elle est ressuyée et raffermie, des hommes la marchent, d'abord avec des planchettes attachées sous les pieds, puis pieds nus.
Haton de La Goupillière,Exploitation mines,1905, p.474. B. − [En relation avec II] 1. Région. ou littér. Suivre sa route, son chemin. Si je ne t'avais pas connu je serais peut-être encore en train de traîner sur les routes, «marcher la route» comme ils disent, nos gens (Cendrars,Homme foudr.,1945, p. 367). − Au fig. Je constate que malgré ses courses vagabondes Jérôme Tharaud a courageusement marché sa vie (Cocteau,Poés. crit. II, Monologues, 1960, p. 162). 2. DANSE. Faire des pas de marche. Des pas marchés (v. marche2II A 2). − Emploi pronom. Elles [les danses anciennes] se marchent plus en largeur qu'en profondeur (Levinson,Danse, 1924, p. 110). II. − Emploi intrans. A. − [Le suj. désigne un animé] 1. Aller d'un endroit vers un autre en faisant une suite de pas à une cadence modérée. a) [Employé sans compl.] Nous descendons à pied, j'ai envie de marcher (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p. 97).Ils ne sont que des prisonniers que l'on achemine à pied d'oeuvre Ils ont marché marché marché comme ils vivaient dans les tranchées Ils ont marché marché marché jusqu'au-delà de la fatigue (Aragon,Rom. inach.,1956, p. 44): 2. N'est-il pas (...) extraordinaire de voir que, depuis le temps où l'homme marche, personne ne se soit demandé pourquoi il marche, comment il marche, s'il marche, s'il peut mieux marcher, ce qu'il fait en marchant, s'il n'y aurait pas moyen d'imposer, de changer, d'analyser sa marche (...)?
Balzac,Théor. démarche,1833, p. 614. − P. anal. [Le suj. désigne un animal] Se déplacer à l'aide de deux ou de quatre pattes. Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes (Valéry,Charmes,1922, p. 147). ♦ Proverbe (tiré d'une pièce de A. Lemierre [1723-1793]). Même quand l'oiseau marche, on sent qu'il a des ailes (voir Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 301). − [Le suj. désigne un jeune enfant] (Commencer à) marcher. Marcher seul, pour la première fois. Pierre marche. Il fait une dizaine de pas tout seul, tombe sur ses fesses et se met à rire (Renard,Journal,1890, p. 57): 3. Ma petite fille. Ma petite... Quand elle a marché la première fois, je tremblais, derrière elle... Elle est allée d'un fauteuil à une table. Mes yeux, je crois, la tenaient debout, comme des bras.
Audiberti, Mal court,1947, III, p. 198. − P. plaisant. Fromage qui marche tout seul. Fromage tellement fait et coulant qu'il donne l'impression, renforcée par la présence éventuelle de vers, de se déplacer seul (d'apr. Larch. 1872, p. 172). − [P. allus. à Diogène marchant devant Zénon d'Élée pour lui prouver l'existence du mouvement] Ainsi procédait le philosophe qui prouvait le mouvement en marchant (Bergson,Deux sources,1932, p.51). − Allus. biblique. Lève-toi et marche! [P. allus. à un miracle de Jésus-Christ] Telle pièce, composée d'après tels principes, doit intéresser, et cependant quand on veut qu'elle soit jouée, quand on lui dit lève-toi et marche, la pièce ne va pas (Staël,Allemagne,t. 4, 1810, p. 229). b) [Suivi d'un compl. introd. gén. par une prép. indiquant] − [Compl. indiquant la direction de la marche] Marcher en avant (synon. avancer), en arrière, à reculons (synon. reculer). Quand on marche à reculons, il est difficile d'éviter les précipices (Chateaubr.,Opin. sur lib. Presse, 1818, p. 240).Marcher droit devant soi. S'il avait tourné à gauche, au lieu de marcher droit devant lui, il aurait rattrapé tout de suite son régiment (Zola,Débâcle, 1892, p. 441).Marcher droit. Riez de moi parce que je suis ivre et que je ne peux pas marcher droit! (Claudel,Échange, 1954, iii, p.794).Marcher en zigzag. Lafeuille (...) avait marché en zigzag, comme une bête traquée (Romains,Hommes bonne vol.,1938, p. 24).Marcher de long en large. ♦ Au fig. Marcher droit. Rester dans le droit chemin, avoir une bonne conduite. Je n'ai rien à me reprocher, j'ai toujours marché droit et j'ai donné le bon exemple à ma fille (Bloy,Femme pauvre,1897, p. 116).Marcher de l'avant. Progresser dans des voies nouvelles avec courage et ténacité. Synon. aller de l'avant.Je n'ai pas changé de direction; j'ai toujours marché de l'avant; je continue (Gide,Journal,1932, p. 1132). − [Compl. indiquant l'ordre de la marche quand il s'agit d'un groupe de pers.] Marcher deux à deux, de compagnie, de conserve, de pair (avec), marcher ensemble, aux côtés de. Que de pays où j'ai marché à vos côtés! (J.-J. Ampère, Corresp., 1833, p. 51).Marcher côte à côte, de front. Une étroite sente, sur laquelle deux personnes ne pouvaient marcher de front (Verne,Île myst., 1874, p. 90).Marcher devant. Mon père marchait devant moi, car le chemin était étroit et plein de ronces (Sagan,Bonjour tristesse, 1954, p. 133).Marcher derrière, à la file indienne. Nous marchons à la file indienne, le guide, le capitaine (Bordeaux,Fort de Vaux,1916, p. 53).Marcher à la queue leu leu, le premier, le dernier, en tête, en queue, marcher en colonne. ♦ P. métaph. L'idolâtrie a marché à côté de la religion, comme l'ombre accompagne la lumière (P. Leroux,Humanité,1840, p. 1004).Dans la recherche scientifique bien conduite, l'intelligence raisonnante et l'observation des faits collaborent (...). La raison marche devant, elle éclaire l'avance (Maurois,Dialog. commandement, 1924, p. 91). ♦ Au fig. Marcher sur les talons, sur les pas, sur les traces de, dans l'ombre de. Suivre l'exemple de quelqu'un que l'on prend pour modèle. Quand des agriculteurs j'enseigne l'art utile, Je ne viens plus, marchant sur les pas de Virgile, Répéter aux Français les leçons des Romains (Delille,Homme des champs, 1800, p. 68).Avec (...) sa timidité, sa voix fluette, un peu zézayante, il ne semblait guère destiné à marcher sur les traces de son père (Billy,Introïbo, 1939, p. 243): 4. Elles, elles ne songent plus à autre chose qu'à elles-mêmes. L'une vit sur les pas de l'autre, marche dans son ombre, elles s'entr'aiment si absolument que je ne songe plus à les tourmenter, près d'envier leur délicieux oubli de tout le reste.
Colette,Cl. école,1900, p. 173. Marcher ensemble, de pair (avec). Adopter une ligne de conduite identique. Les évêques, marchant de pair avec les grands, osoient les instruire de leurs devoirs (Chateaubr.,Génie,t. 2, 1803, p. 370).Marcher comme un seul homme, marcher la main dans la main. Vivre en parfaite union, en plein accord. La Société de Saint-Vincent-de-Paul est très unie, elle marche comme un seul homme (Sand,Corresp.,t. 4, 1862, p. 315).Marcher avec (fam.). Avoir une liaison suivie ou une aventure avec (quelqu'un): 5. Papa!... ah! papa!... Mais il couche avec toutes les bonnes, ici, papa... C'est sa toquade, les bonnes. Il n'y a plus que les bonnes qui l'excitent. Alors, tu n'as pas encore marché avec papa?... Tu m'épates.
Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p. 239. − [Compl. indiquant les allures de la marche] Marcher lentement, posément, vite. Marcher avec lenteur. Marchant avec lenteur du pas allongé de l'alpiniste, nous allions et nous nous élevions peu à peu (Coppée,Bonne souffr., 1898, p. 83).Marcher à pas comptés, à petits pas. Elle était énorme et marchait à tout petits pas (Gyp,Souv. pte fille, 1928, p. 283).Marcher à longues enjambées; marcher à pas lents, rapides; marcher du même pas; marcher d'un pas alerte, calme, égal, ferme, rapide. Marcher à pas de loup. Marcher en silence et avec souplesse. ♦ Marcher comme un Basque. Marcher à vive allure. Il marche comme un Basque et j'ai peine à le suivre (Augier,Thommeray,1874, p. 305). ♦ ARM. Marcher au pas. Marcher d'un pas cadencé. Ils marchaient au pas, sur deux files, en bon ordre (Flaub.,Éduc. sent.,t. 2, 1869, p. 97).Au fig. Marcher tambour battant. Aller de l'avant avec ardeur et entrain. Nous le ferons marcher tambour battant, soyez tranquille! (Flaub.,Éduc. sent.,t. 2, 1869p. 29). − [Compl. indiquant les conditions de la marche et les façons de marcher] Marcher pieds nus, sur la pointe des pieds. On fait silence, on ne parle que par signes, on marche sur la pointe du pied (Sénac de Meilhan,Émigré, 1797, p. 1554).Marcher le front haut, la tête haute; marcher fièrement, gravement, d'un pas grave; marcher avec courage, avec peine, avec précaution. Marcher en silence. Nous marchions en silence, prêtant l'oreille au sourd mugissement de l'automne (Chateaubr.,René,Paris, Droz, 1970 [1805], p. 33).Marcher sans bruit. Marcher au hasard. Il marchait au hasard, chancelait et butait, incertain (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p. 208).Marcher sans but, à l'aventure. Au fig., arg. et pop. Marcher à côté de ses pompes*. − [le temps de la marche] Marcher sans arrêt, sans cesse. Marcher sans repos. Il avait marché sans repos, pendant les jours et les nuits, par les interminables routes (Maupass.,Contes et nouv.,t. 2, Vagabond, 1887, p. 667).Marcher sans trêve; marcher pendant des heures, pendant des jours. − [le lieu où l'on marche] ♦ Marcher à travers (la campagne, la pièce...). Il marche à travers bois (...), se baisse, se relève, et poursuit (Genevoix,Raboliot,1925, p. 100). ♦ Marcher dans (les allées, les blés, les bois, la campagne, la chambre, les champs, l'herbe.). Napoléon a marché à Smolensk comme vous marchez dans votre chambre, en mettant un pied devant l'autre, et sans avoir trouvé le moindre empêchement (J. de Maistre,Corresp.,t. 12, 1812, p. 188).Au fig. Marcher dans des voies nouvelles (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 287). ♦ Marcher le long de (la route, des chemins...). Voyez le maître des domaines quand il marche le long des chemins dans la rosée de l'aube, tout seul et n'emportant rien de sa fortune (Saint-Exup.,Citad.,1944, p. 547). ♦ Marcher par (les champs, les chemins, les sentiers). Alexis marchait par les longues rues de Lyon, posant péniblement un pied devant l'autre (Triolet,Prem. accroc,1945, p. 114). ♦ Marcher sous.. Elle prenait mon bras, et nous marchions sous les arbres, nous taisant par intervalles (Fromentin,Dominique,1863, p. 204). ♦ Marcher sur (la route). On marche sur un lit de sable blanc et fin, continuellement arrosé par la vague qui s'y déplie (Lamart.,Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 56).Au fig. Ô mon Dieu, aidez-moi à marcher sur la route où vous-même m'avez engagé (Psichari,Voy. centur.,1914, p. 150). ♦ Marcher sur les eaux. [Allus. biblique] V. eau I A 1 c. ♦ Marcher vers (une direction donnée). Le soleil montait, face aux hommes. On marchait vers l'Est, droit sur lui (Benjamin,Gaspard,1915, p. 54). ♦ Au fig., fam. Marcher sur (un certain âge). S'en approcher peu à peu. L'homme (...) me disait (...) en parlant d'un candidat à l'Académie qui marchait, comme on dit, sur ses soixante-quatre ans: «Il est jeune» (A. France,Vie littér.,1888, p.318). c) Avancer en prenant appui sur divers points du corps. On en voyait de (...) petits, petits, échappés du berceau, mal d'aplomb encore, tout bêtes, marchant à quatre pattes quand ils voulaient courir (Zola,Assommoir,1877, p. 519).L'on vit l'étrange ambassadeur se déshabiller tout nu (...), marcher sur les mains, faire un double, un triple saut périlleux (Cendrars,Bourlinguer,1948, p. 181). − Au fig. Marcher sur la tête. Faire quelque chose d'extraordinaire, d'impossible. − [Appliqué à un animal] Marcher l'amble (v. ce mot); marcher au pas, au trot. − [Suivi d'un comparatif indiquant des démarches particulières] Marcher comme un canard, comme (à la) Charlot. Marcher comme un crabe. Il s'indignait qu'on tolérât dans l'armée ces avortons aux jambes grêles qui marchent comme des crabes (Maupass.,Contes et nouv.,t. 2, Lit, 1884, p. 255). d) Se déplacer autrement que par la marche à pied (sur un véhicule, sur un animal). F... - moi le camp! lui dit Leuwen. Et toi, marche au galop, dit-il au postillon (Stendhal,L. Leuwen,t. 3, 1836, p.52). 2. [Dans un cont. gén. pol. ou milit.] Se diriger vers un but (lieu, personne) dans un dessein généralement précis (d'hostilité, de conquête, de menace). a) Marcher sur − [Le compl. désigne une pers.] S'avancer vers elle de façon menaçante. Il marcha sur Bec-Salé! − Je suis gendarme, tu entends, crapule! et je te l'apprendrai si tu veux faire le mariolle! (Genevoix,Raboliot,1925, p. 45).Brusquement, l'Allemand qui marchait sur lui s'immobilise, épaule et tire (Ambrière,Gdes vac., 1946, p. 227). − [Le suj. désigne des troupes armées] Marcher sur une ville. S'y diriger pour la prendre d'assaut. Les Girondins lèvent des troupes en Normandie pour marcher sur Paris (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 148). b) Marcher à, contre.S'avancer au devant (de l'ennemi). Du moment qu'il consent à marcher à l'ennemi, ils sont sûrs que la victoire ne quittera plus leurs drapeaux (Cottin,Mathilde,t. 2, 1805, p. 270).Le roi Murat (...) vient de se soumettre aux injonctions supérieures et marche contre vos armées (Adam,Enf. Aust.,1902, p. 144). ♦ Au fig. Marcher contre qqn. Se déclarer hostile à quelqu'un, manifester de l'hostilité à son égard. − Marcher à la mort, au supplice. Se rendre sur les lieux de son exécution. Voilà un homme qui était résigné à son sort, qui marchait à l'échafaud, qui allait mourir comme un lâche (...), mais enfin mourir sans résistance et sans récrimination (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 507): 6. Il se rappelait surtout un gamin de dix-huit ans, qui avait assassiné lâchement une vieille femme et deux enfants au fond d'une ferme, et qui avait marché à la mort sans trembler, rassurant le prêtre et le procureur, prêts à se trouver mal à ses côtés. Ne serait-il donc pas aussi brave que ce lâche enfant-là?...
G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 153. ♦ Au fig. Marcher à sa perte, à sa ruine. Adopter une ligne de vie, de conduite, qui mène inéluctablement à l'échec. Je soupçonnais le peintre ordinaire de Sa Majesté de se tenir volontairement à l'écart d'amis qui marchaient à leur ruine (Reybaud,J. Paturot,1842, p. 399). c) Marcher sous (les ordres de qqn). Obéir à son commandement. Le seul moyen de sauver l'État et la liberté, étoit de faire la guerre (...) à nos ennemis intérieurs, au lieu de marcher sous leurs ordres contre des ennemis étrangers (Robesp.,Discours,1792, p.140). − Marcher à la tête de. Prendre le commandement de. Comme un général marche à la tête de ses troupes, ainsi des sages politiques doivent marcher, si j'ose dire, à la tête des événements (Maurras,Kiel et Tanger,1914, p. 192). 3. Poser le pied sur ou dans quelque chose. a) Marcher sur, dessus.Écraser, fouler au pied, piétiner. Marcher sur l'herbe, sur les pieds (de quelqu'un). On a marché sur les fleurs au bord de la route (Moréas,Pèlerin pass., 1891, p. 29).La servante se retourna comme un serpent à qui l'on aurait marché sur la queue (Gide,Faux-monn.,1925, p.1124): 7. Écoute, dis-je, il n'y a pas de quoi faire un drame. − Oh! toi! bien sûr! si on te marche sur le pied, tu penses qu'on a marché sur un pied qui se trouve par hasard être le tien.
Beauvoir,Mandarins,1954, p. 163. − Marcher (comme) sur des oeufs. Se mouvoir avec une précaution pouvant frôler le ridicule. Il est vrai que, suivant une expression de Walter Scott, Amélie marchait comme sur des oeufs (Balzac,Vendetta,1830, p. 159). − Marcher sur le corps. Piétiner et manifester ainsi son opposition à un acte, une décision à laquelle on se refuse catégoriquement. Ainsi qu'elle le criait avec une bravoure guerrière, il faudrait lui marcher sur le corps [pour saisir ses meubles] (Zola,Argent,1891, p. 291). − Pop. Marcher sur le ventre de qqn. Empiéter sur quelqu'un, pour s'assurer un avantage, être d'un arrivisme forcené, sans scrupule: 8. Sur le petit chariot roulant Anne apportait du jambon, des salades et on dînait gaiement, entre amis: la bonne farce! Dubreuilh avait des alliés, des disciples, des instruments; pas un ami. Comme il écoutait bien! Avec quel abandon il parlait! Et il était prêt à vous marcher sur le ventre, à la première occasion.
BeauvoirMandarins,1954, p. 238. − Marcher dessus. [À propos de qqc.] Au fig. Renier quelque chose. J'exècre le passé! Je marche dessus, je danse dessus, je crache dessus! (Claudel,Pain dur, 1918, iii, 3, p. 472).Tenez, voici une plume de geai. Tous les autres (...), ils auraient marché dessus. Moi je l'ai vue et je vous l'offre (Duhamel,Suzanne,1941, p. 159). − Expr. fig. ♦ Marcher sur les pieds de (qqn) [surtout sous la forme négative ne pas se laisser marcher sur les pieds] (Le) traiter sans ménagement, (l')offenser: 9. Un jour qu'une petite comtesse du genre pilier de conférences, (...) l'aborda pour lui dire (...) qu'elle dînait le soir même chez Son Altesse Royale le Prince de G..., la belle Leblanc, qui ne se laissait pas marcher sur les pieds, répondit: «Et moi, j'y couche, Madame la Comtesse!»
Fargue,Piéton Paris,1939, p. 189. ♦ Marcher sur les brisées de. Empiéter sur le terrain de, faire concurrence à. Synon. fam. marcher sur les plates-bandes (de).V. brisée B. ♦ Marcher sur des charbons ardents, sur des épines. Se trouver dans une situation délicate qu'il convient d'aborder avec beaucoup de précaution. V. charbon I A 2 et épine C 2 b. b) Marcher dans.Mettre le pied dans. Marcher dans la boue. Là-dessus, il marcha dans une flaque, et sa jaquette (...) en fut tout éclaboussée (G. Leroux,Parfum, 1908, p.24). − Pop. Marcher dedans. Mettre le pied dans une matière fécale; au fig., avoir beaucoup de chance. Tout y réussit; sûr, i' doit marcher d'dans tous les matins! (Bruant1901, p.95). B. − P. anal. [Le suj. désigne un inanimé] 1. [Le suj. désigne une chose en mouvement] a) Avancer, se mouvoir de façon régulière. − [Le suj. désigne un moyen de transport] J'ai entendu, en me réveillant, le léger murmure produit par le sillage du vaisseau quand il marche (Lamart.Voy. Orient,t.1, 1835, p.162).Véhicules de toutes sortes, fiacres, citadines, tapissières, carrioles, cabriolets, marchant en ordre (Hugo,Misér.,t.2, 1862, p.630). − [une partie du corps] Il faudra présenter la poitrine et faire marcher les bras (Giono,Colline,1929, p.68). ♦ Les langues marchent. On parle beaucoup, on jase (à propos d'un fait ou de la conduite de quelqu'un qu'on commente à tort et à travers): 10. Bonne aubaine [une petite fille violée], vous pensez, pour un endroit comme ici... où l'on est réduit à ressasser, chaque semaine, les mêmes histoires... Aussi, les langues marchent-elles...
Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 163. b) [Le suj. désigne un mécanisme] Fonctionner, être actionné par un mouvement généralement précis et régulier. − [de manière gén. continue] Horloge, montre qui marche (bien ou mal). Il y a un mouvement des aiguilles et un ressort, mais la pendule ne «marche» plus (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception,1945, p.327). − [de manière intermittente] Le mien [mon conducteur], dit une petite conduite intérieure qui ressemblait à un blaireau, le mien, c'est quand il a réussi une bonne affaire. Alors le claxon marche, marche, il y a de quoi devenir fou! (Duhamel,Suzanne, 1941, p.220).Ils faisaient un de ces boucans à côté (...). Il y avait la radio qui marchait, le phono (Triolet,Prem. accroc,1945, p.192). − Au fig. L'esprit de l'homme marche toujours de même; il procède toujours a priori, et je ne pense pas qu'il puisse procéder autrement (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p.213). − Marcher ensemble. [Le suj. désigne deux ou plusieurs phénomènes] Être étroitement liés dans leur fonctionnement: 11. Le plus souvent, quand en physiologie et en médecine on voit deux phénomènes marcher ensemble et se succéder dans un ordre constant, on se croit autorisé à conclure que le premier est la cause du second.
Cl. BernardIntrod. ét. méd. exp.,1865, p.90. 2. [Le suj. désigne une chose qui progresse dans le temps] a) S'écouler. Mais tandis que j'écrivais ceci le temps a marché (Chateaubr.,Mém.,t.2, 1848, p.674). b) Progresser en bien ou en mal, évoluer. Le mal a marché terriblement! Un poumon est perdu, l'autre se perd (Goncourt,Journal, 1862, p.1106).Sa guérison marche à pas de géant (Maupass.,Mt-Oriol,1887, p.126). C. − Au fig. 1. [Le suj. désigne un inanimé] Fonctionner, se dérouler avec plus ou moins de succès. a) [Le suj. désigne une affaire, une entreprise commerciale] Tu vois des putains partout, protesta Lecouvreur. Il haussa les épaules, resta un moment songeur. «Et puis, ces femmes-là, ça fait marcher le commerce...» (Dabit,Hôtel Nord,1929, p.203). − En partic. [Un produit] Se vendre facilement. Les beurres, pas plus que les fromages et les oeufs, n'ont marché cette saison (Zola,Ventre Paris,1873, p.634). b) [Le suj. désigne des études, un travail] Une thèse marche. Mes études marchaient comme mes plaisirs, au petit pas (About,Roi mont.,1857, p.20): 12. Tout de suite, des flots de paroles jaillissent, des questions, des plaintes: Ça a bien marché? Quel sujet de dictée? Vous rappelez-vous des phrases difficiles? «−C'était ceci − cela − j'ai mis «indication» au singulier − moi au pluriel − le participe était invariable, n'est-ce pas, mademoiselle?»...
Colette, Cl. école,1900, p. 198. c) Faire marcher un ménage, une maison. En assurer la bonne tenue, la bonne gestion. Ma mère a une très petite rente. Avec ce revenu et le peu que je gagne elle fait très bien marcher la maison (Duhamel,Confess. min.,1920, p.21). − En partic. [Le suj. désigne le mariage, la vie du couple] Se dérouler en bonne harmonie. Après avoir passé des nuits à Montmartre, joué, flirté, fait du sport, et dansé, dansé, dansé, le ménage cessa de marcher (Triolet,Prem. accroc,1945, p.161). d) [Le suj. désigne une oeuvre théâtrale, littér.] Avoir du succès. Notre concert (...) a bien marché. Il a attiré deux fois plus de monde que celui d'hier (Amiel,Journal,1866, p.348). e) [Avec un suj. indéterminé] Fam. Ça (tout) marche (bien). Ça (tout) va bien. Tout marche bien, ma santé est parfaite (Napoléon Ier, Lettres Joséph.,1806, p.107). − Marcher comme sur des roulettes. Se dérouler parfaitement, sans difficulté. Tout marchait comme sur des roulettes, jamais ministère n'eut devant lui une route aussi aplanie (Vogüé,Morts,1899, p.290). 2. Fam. [Le suj. désigne gén. une pers.] a) Donner son entière adhésion à (quelqu'un ou quelque chose). − Alors, vous marchez? − Je marche. − Tope-là, dit Dan Yack en lui tendant les mains (Cendrars,Plan de l'Aiguille,1929, p.147). − Pop. Marcher dans la combine. Moi, j'marche pas dans la combine. C'est l'système D, et l'système D, (...) y a des fois où c'que j'en ai pus que marre (Barbusse,Feu,1916, p.199). b) Croire naïvement ce que l'on vous raconte. Marcher à fond; marcher à tous les coups. Vous aussi, Alvare, vous avez marché! (Lemercier,Pinto,10, 5, 13, p.158). c) Faire marcher qqn − Contraindre quelqu'un à une entière soumission. Faire marcher au pas, à la baguette. Il faut le voir (...), avec ses anciennes amours!... elles l'adorent toutes, et il les fait marcher au doigt et à l'œil (Augier,Contagion,1866, p.356). − Exploiter la crédulité de quelqu'un pour se moquer de lui ou le tromper. Elle avait joué fin jeu, elle avait voulu le faire marcher, voilà tout! plus maligne que les autres... (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.304). REM. 1. Marchailler, verbe trans.,hapax. Danser tant bien que mal sur des pas de marche. Ai marchaillé quatre contredanses, ce qui ne m'était pas arrivé depuis des années (Barb. d'Aurev.,Memor. 2,1839, p.352). 2. Marchotter, verbe,dimin. de marcher. Marcher à petits pas, de manière mal assurée. Je marchotte comme un vieux monsieur, en boitant, appuyé sur une canne (Léautaud,Journal littér.,1, 1904, p.137). Prononc. et Orth.: [maʀ
ʃe], (il) marche [maʀ
ʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1170 trans. «fouler aux pieds» (Marie de France, Eliduc, éd. J. Rychner, 1042); b) ca 1225 marcher (un pays) «parcourir (un pays)» (Péan Gatineau, S. Martin, 4548 ds T.-L.); 2. 1178 marcher sur qqc. «mettre le pied sur quelque chose» (Renart, éd. E. Martin, XIV, 950); 3. a) ca 1180 intrans. (Proverbes au vilain, 178 ds T.-L.: las bués souef marche); b) 1225-30 marcher vers «se diriger vers» (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 1793); c) 1611 marcher à quatre pattes (Cotgr.); 4. fin du xves. «(en parlant de troupes) faire mouvement» (J. Molinet, Chroniques, éd. G. Doutrepont et O. Jodogne, t.1, p.473); 5. a) 1607 «(en parlant de choses) se mouvoir de façon continue» (Malherbe, Poésies, éd. J. Lavaud, t.1, p.35); b) 1662 «se déplacer à cheval» (La Rochefoucauld, Mémoires, éd. L. Martin-Chauffier, p.150); 6. 1643 «(en parlant d'un mécanisme) fonctionner» (Corneille, Le Menteur, II, 5); 7. 1690 «se faire, se réaliser d'une certaine façon» (Fur.: cette affaire marche bien); 8. a) 1756 faire marcher qqn «obtenir de quelqu'un ce qu'on veut» (Vadé, Les Racoleurs, 57); 1852 «abuser quelqu'un en lui faisant prendre pour vrai ce qui ne l'est pas» (Esn.); b) 1800 marcher «acquiescer, donner son adhésion à quelque chose» (Lemercier, loc. cit.). De l'a. b. frq. *markôn «marquer, imprimer un pas», cf. l'a. h. all. marcôn «limiter, fixer, mettre des bornes», a. nord. marka «marquer». Le sens de base en a. fr. est «fouler aux pieds». V. aussi marc2. Fréq. abs. littér. Marcher: 16442. Marché (part. passé et subst.): 3712. Fréq. rel. littér. Marcher: xixes.: a) 23547, b) 27720; xxes.: a) 25960, b) 21071. Marché (part. passé et subst.): xixes.: a) 4499, b) 5501; xxes.: a) 4898, b) 6053. DÉR. Marchage, subst. masc.,technol. [Correspond à marcher I A] Opération qui consiste à fouler au pied ou pétrir à la main une matière malléable et qui se fait généralement aujourd'hui de façon mécanique. Nous appelons [ce pétrissage] marchage pour le distinguer du malaxage qui s'applique au pétrissage par les mains (Al. Brongniart, Arts céram., t.1, 1844, p.18).Le mélange est malaxé pour obtenir une pâte bien plastique avec l'eau. Autrefois, l'opération se faisait par «marchage» sur une aire plane, les ouvriers pétrissant la pâte avec leurs pieds. On dispose maintenant de pétrins mécaniques (Cl. Duval, Verre, 1966, p.48).−[maʀ
ʃa:ʒ]. − 1resattest. a) 1530 «action de piétiner en marchant» (Palsgr., p.282b), b) 1840 pot. (Ac. Compl. 1842); de marcher1, suff. -age*. BBG. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p.157, 185, 263. _ Spitzer (L.). Fr. marcher. Z. rom. Philol. 1925, t. 45, pp.288-289. |