| MARABOUT, subst. masc. I. A. − 1. HIST. Moine-soldat musulman servant dans un couvent fortifié de l'ancien empire arabe. (Dict. xixeet xxes.). 2. Pieux musulman vénéré comme un saint de son vivant ou après sa mort. Tedjini n'est plus un saint homme, c'est un saint, et sa maison devient une chapelle. Selon la coutume des marabouts, il a achevé sa vie à côté de son tombeau (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 268): . Si certains marabouts sont de simples illuminés, voire des simples d'esprit (...) ou des mendiants gyrovagues déguenillés, d'autres ont exercé une grande influence. Leurs missionnaires ont propagé l'islam en le mettant à la portée des masses, surtout en Afrique noire.
Encyclop. univ.t. 101971, p. 472. − P. anal. Sorcier, prêtre d'une religion fétichiste. Cette étrange procession [des révoltés de Saint-Domingue en 1791] était de temps à autre coupée par des détachements hétérogènes (...) de marabouts (Hugo, Bug-Jargal, 1826, p. 178). ♦ P. iron. Il [Léon Schleiter] est beaucoup plus à gauche que son patron, beaucoup plus à gauche que Jaurès et Guesde, ses marabouts (Duhamel, Maîtres, 1937, p. 99). B. − P. méton. 1. Tombeau à coupole d'un marabout. On montre encore (...) un marabout qui est le tombeau de Bellal. Chaque bon musulman doit en passant y déposer une pierre et réciter une profession de foi (Du Camp, Nil, 1854, p. 172).Sur la hauteur quelque marabout, peint à la chaux, éblouissant, pareil à un gros décoiffé d'une moitié d'orange (A. Daudet, Trente ans Paris, 1888, p. 180). 2. P. anal. a) Bouilloire ventrue à couvercle articulé en forme de coupole. La batterie de cuisine (...) consistait en une cuisinière, un chaudron, un gril, une casserole, deux ou trois marabouts et une poêle à frire (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 312). b) Arg. milit., vieilli. Tente de forme ronde, dans l'armée d'Orient. (Ds Dauzat, Arg. guerre, 1918, p. 269 et Esn. 1966). II. − Échassier de grande taille, vivant en Afrique et en Inde, charognard, à la stature presque verticale, à la tête et au cou déplumés, ayant un bec très fort et une poche à la base du cou. Synon. cigogne à sac.Deux marabouts hantaient son toit, claquant du bec au soleil, allongeant gravement leur cou chauve au-dessus de la rue droite et déserte (Loti, Spahi, 1881, p. 7). − P. méton. Plume de marabout utilisée comme parure. Être coiffé de marabouts; aigrette de marabouts. Un chapeau de femme en gaze verte ombragé de marabouts exubérants (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 473). III. − TEXT. Organsin très fin ayant reçu une forte tension. Le marabout est obtenu par deux moulinages successifs de 3 fils de soie grège très blanche (Wurtz, Dict. chim., 2eSuppl., t. 1, 1892, p. 778). − P. méton. Étoffe formée de cette manière. À la Grande Maison de Blanc les liseuses sont en crêpe satin ouatiné (...). Il y en a même en marabout rose, bleu ou blanc, doublées de crêpe de Chine! (Le Monde, 17 janv. 1952, p. 9, col. 2). REM. Maraboutage, subst. masc.Apprêt consistant en une forte torsion des soies dans la fabrication des crêpes. (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [maʀabu]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. A. 1. 1560 moabite «dévôt musulman» (G. Postel, De la Republique des Turcs, I, p. 57 ds Z. rom. Philol. t. 60, p. 379: un Moabite ou Hermitte à leur mode [en Algérie]); 1575 morabuth (Thévet, Cosmographie universelle, t. 1, l. 1, chap. 5, fo10b); 1617 marabou (J. Mocquet, Voyages en Afrique, Asie..., p. 202 ds Fr. mod. t. 9, p. 138); 1628 marabout (De Brèves, Relation des voyages..., p. 99-100 ibid., t. 17, p. 137); 2. 1743 «bouilloire» (Trév.); 3. a) 1840 «tombeau d'un marabout» (Ac. Compl. 1842); b) 1846 «tente» (Arg. des soldats d'Afrique ds Esn.). B. 1. a) 1820 ornith. «genre d'échassiers» (Lav.); b) 1823 «plume de cet oiseau» (H. de Saint-Aubin, La Dernière fée ou La Nouv. lampe merveilleuse, ch. II, t. I, 30 ds Quem. DDL t. 16); 2. a) 1845-46 «ruban de gaze» (Besch. Suppl.); b) 1873 «organsin très fin; étoffe formée de cette matière» (Lar. 19e). Empr. au port. maraboto (1552 ds Mach.), marabuto (1588, ibid.), et celui-ci à l'ar. murābiṭ
(merābuṭ
dans la prononc. vulg., à cause du ṭt emphatique, v. FEW t. 19, p. 131b et Devic; cf. chott), à l'orig. «homme vivant dans un ribāṭ
, sorte de couvent fortifié établi aux frontières de l'empire pour la défense de celui-ci contre les infidèles»; plus tard, le caractère relig. du ribāṭ
s'accentua, et murābiṭ
vint à désigner un homme pieux, un ermite, un saint, et p. ext., s'appliqua au tombeau d'un marabout, puis à tout objet ou animal considéré comme sacré (v. Encyclop. univ. t. 10, pp. 470-472). Au sens A 2, soit en raison de la ressemblance de cette bouilloire avec la silhouette du pieux musulman blotti en prières, les jambes croisées (FEW t. 19, p. 132a, note 1), soit plutôt p. anal. de forme avec le tombeau à coupole d'un marabout. Au sens B 1 a, nom donné à cet oiseau au début du xixes. par le naturaliste hollandais Temminck (v. NED, s.v. marabou1), prob. d'apr. le qualificatif mrabt (forme dial. de murābiṭ
) «saint», donné à la cigogne dans des pays arabes (cf. Dozy t. 1, p. 502b, citant Pagni, voyageur ital. du xviies.). Fréq. abs. littér.: 134. DÉR. 1. Maraboutique, adj.[Correspond à supra I] a) Relatif à un marabout. Sidi-Mohammed (...) appartient à une famille maraboutique originaire du Maroc et descendante du prophète (Barrès, Scènes et doctr., t. 2, 1902, p. 73).b) Caractéristique du maraboutisme (infra dér. 2). Culte maraboutique. L'Islam (...) s'est transformé suivant les milieux où il s'enracinait: maraboutique en Berbérie, chiite en Perse (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 208).− [maʀabutik]. − 1reattest. 1877 (Gazette des Tribunaux, 5-6 mars, p. 224, 4ecol. ds Littré Suppl.); de marabout, suff. -ique*. 2. Maraboutisme, subst. masc.[Correspond à supra I] Courant de l'islam maghrébin et africain caractérisé par le culte des marabouts. Le culte des saints (...) qui caractérise le maraboutisme va d'une conception très spirituelle des rapports de l'homme avec Dieu jusqu'à la thaumaturgie la plus grossière (Encyclop. univ.t. 101971, p. 470).−[maʀabutism̭]. − 1reattest. 1963 (Lar. encyclop.); de marabout, suff. -isme*. BBG. − Boulan 1934, p. 37, 59. _ Quem. DDL t. 16. |