| * Dans l'article "MAL3, MAUX,, subst. masc." MAL3, MAUX, subst. masc. I. − Tout ce qui fait souffrir, physiquement ou moralement. A. − Souffrance qui affecte le corps. 1. [De manière temporaire] Douleur passagère. Mal, maux de gorge, de tête; maux d'estomac, de reins; avoir mal aux pieds, à la poitrine, au ventre. «Eh bien! c'est donc le mal de dents, m'a-t-il dit.» En effet, il avait une violente fluxion; sa joue droite était enflée et fort rouge (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 223). ♦ Mal blanc. Infection localisée de la pulpe des doigts. Synon. panaris. (Ds Duranteau 1971). ♦ Mal perforant. Lésion ulcéreuse. Maux perforants plantaires. Le mal perforant est une ulcération arrondie ou ovalaire présentant des bords saillants et taillés à pic avec un fond atone (Quillet Méd.1965, p. 354). ♦ Avoir mal au coeur. Nausée d'origine gastrique, sans rapport avec le coeur. Oh! dit-elle, j'ai un peu mal au coeur... (...) et puis j'ai la tête qui me tourne (Ramuz,Derborence, 1934, p. 61).Au fig. Tu dégoûtes ma famille, maman surtout, et dès qu'elle pense à toi, elle a mal au coeur (Renard,Poil Carotte, 1894, p. 203). ♦ Avoir mal aux cheveux (au fig., fam.). Avoir la tête lourde un lendemain de fête (d'apr. Carabelli, [Lang. fam.], s.d.). ♦ Être dans les mals (vx). ,,Être dans les douleurs de l'enfantement`` (Carabelli, [Lang. pop.], s.d.). ♦ Prendre mal, du mal. Tomber malade. Comment donc avait-elle pris mal? Ne la laissez pas courir à volonté, quelque temps qu'il fasse (E. de Guérin, Lettres, 1840, p. 347).Tu es mouillé, trempé. De quoi prendre du mal. Viens, j'ai du lait chaud sur le feu, avec une goutte de café (Duhamel,Terre promise, 1934, p. 66). ♦ Faire mal à qqnFam. et pop. Cela/ça me fait mal au coeur, au ventre, au(x) sein(s). Cela me degoûte, me donne envie de vomir. On rit. L'homme noir s'en offusqua. Il se leva. − Vous m'faites mal au ventre, articula-t-il avec mépris (Barbusse,Feu, 1916, p. 15).[Au cond. et sans compl.] Ça me ferait mal! Il n'en est pas question. [À la forme pronom.] Tous les élèves l'applaudissent à se faire mal aux mains (Larbaud,F. Marquez, 1911, p. 47).Gêner, incommoder. Elle se fardait, mettait son corsage neuf et ses beaux souliers qui lui faisaient mal (Dabit,Hôtel Nord, 1929, p. 138). − Expressions ♦ Être dur au mal. Être capable de supporter la souffrance, la fatigue, l'inconfort. Il est dur au mal, insoucieux du confortable (...), enchanté d'être au milieu de soldats de seconde classe et non d'officiers (Montherl.,Songe, 1922, p. 40). ♦ (Femme) en mal d'enfant (vx). En train d'accoucher. En se trouvant placé par le comte devant une femme en mal d'enfant, le rebouteur recouvra toute sa présence d'esprit (Balzac,Enf. maudit, 1831-36, p. 358). − En partic. ♦ Mal de l'air, du rail, de la route. Malaises ressentis au cours d'un voyage en avion, en train, en voiture. Mal des transports. ,,Ensemble des troubles observés chez certains passagers d'un véhicule en mouvement`` (Méd. Flamm. 1976). Un nouveau médicament destiné à prévenir les inconvénients causés par le mal des transports (...) vient d'être lancé sur le marché américain par une société pharmaceutique suisse (L'Est Républicain, 11 juill. 1981, p. 1). ♦ Mal de mer. Malaise provoqué par les mouvements du bateau et donnant des maux de tête, des nausées, des vomissements. Le mal de mer le prit. Chacun connaît les effets de cette maladie: la plus horrible de ses souffrances sans danger est une dissolution complète de la volonté (Balzac,Contrat mar., 1835, p. 326).P. métaph. Je vous avoue que les disputes littéraires me donnent le mal de mer. Cela manque de grâce et de résultats (Valéry,Entret.[avec F. Lefèvre], 1926, p. 25). ♦ Mal des montagnes. ,,Malaises causés par la raréfaction de l'oxygène en altitude`` (Villen. 1974). Les plus vaillants défaillirent, et le vertige, ce terrible mal des montagnes, détruisit non seulement leurs forces physiques, mais aussi leur énergie morale (Verne,Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 107). 2. [De manière chronique ou répétitive] Douleur continue ou récurrente manifestant une maladie souvent grave, parfois mortelle. Affreux mal; mal cruel, implacable, irrémédiable; endurer, enrayer le mal. Cet enfant si beau, si sage et déjà si cultivé était secrètement atteint du mal horrible qui lui valut son surnom de Baudouin le Lépreux (Grousset,Croisades, 1939, p. 210): 1. À la suite de crises répétées, son corps entier se prenait, le mal montait des pieds aux genoux, puis aux coudes et aux mains. (...) C'était maintenant la goutte chronique, inguérissable, la goutte qui ankylose et qui déforme.
Zola,Joie de vivre, 1884, p. 938. ♦ Mal de mort. Vouloir mal de mort à qqn. Désirer sa mort. Il avait beaucoup tardé à publier les oeuvres de son oncle, et il voulait mal de mort à ceux qui l'avaient devancé dans cette tâche (A. France,Vie littér., t. 1, 1888, p. 306). ♦ Mauvais mal (vx). Maladie mortelle considérée comme un fléau à une époque donnée. Chaque époque a connu son «mauvais mal» auquel s'accrochait une effrayante mythologie (...). Ce fut, au Moyen Âge, la peste noire, détrônée par le choléra, puis par la tuberculose (...) le cancer a pris sa succession et assumé son héritage d'épouvantement (L'Est Républicain, 15 oct. 1980, p. 1).Pop. Maladie quelconque. Tu vas te faire venir du mauvais mal, la Torine... Tu seras bien avancée? (Martin du G..,Testament P. Leleu, 1920, ii, p. 1153). ♦ Mourir du mal. Mourir d'une certaine maladie. Elle est morte du mal. On appelle ça: «le mal», mais c'est une vapeur; ça prend les gens d'âges. Ils ont les «trois sueurs», le «point de côté» puis, ça s'arrache tout, là-dedans et ils meurent (Giono,Regain, 1930, p. 25). ♦ Aller à mal (vx). Être atteint d'une mauvaise maladie. C'est là que nous avons mangé notre pain blanc en premier, car il me semble que je vais à mal. Je suis bien malade, Jacques (Balzac,Pierrette, 1840, p. 124). ♦ Mal caduc, comitial, sacré ou haut mal. Épilepsie. Ce pauvre petit corps de fillette poitrinaire et peut-être atteinte du mal sacré (Suarès,Voy. Condottière, t. 3, 1932, p. 255).Tomber du haut mal. P. métaph. Je ne veux pas être une sotte grue et tomber du haut mal d'admiration. Je m'attache à peindre les personnages en conscience (Chateaubr.,Mém., t. 2, 1848, p. 649). ♦ Mal divin. Peste. Synon. vieilli de grand mal. (Ds Méd. Biol. t. 2 1971).Hippocrate l'appela [la peste] le mal divin, et Thucydide le feu sacré; ils la regardèrent tous deux comme le feu de la colère céleste (Chateaubr.,Mém., t. 4, 1848, p. 59). ♦ Mal noir. ,,Charbon`` (Méd. Biol. t.2 1971). Les camarades lui conseillèrent de mouiller sans cesse la blessure pour empêcher le mal noir (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, En mer, 1883, p. 97). ♦ Mal de (+ nom propre, subst. ou adj.).Maladie de. Mal des ardents (v. ardent II B).Mal de Bright. Néphrite. Il lui trouva de l'asthme, une bronchite, et le mal de Bright (Maurois,Disraëli, 1927, p. 294).Mal de Pott. Tuberculose vertébrale. Un enfant a le mal de Pott. Il va à Berck (Barrès,Cahiers, t. 9, 1911, p. 178). ♦ Mal + déterminants variés (vieilli).Mal espagnol, français, italien, de Sicile. Syphilis. J'ai guéri la fièvre pestilente, la podagre, l'hydropisie et le mal français (Arnoux,Seigneur, 1955, p. 111). ♦ Mal (de) (+ nom de saint).Affections diverses, le saint en question étant censé guérir l'affection qu'il servait à nommer. Il était mort en effet de la dyssenterie et des hémorrhoïdes, qu'on nommait alors le mal saint Fiacre (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 371).Nicolas Remy atteste que le mal St. Jean était l'épilepsie, le mal St. Antoine le «feu sacré» ou érysipèle, le mal St. Manne l'impétigo, et le mal St. Anastase la folie (E. Delcambre, Le Concept de sorcellerie dans les duchés de Lorraine au XVIeet au XVIIes., Nancy, Soc. d'archéol. lorr., 1949, p. 50). − Expressions ♦ Prendre son mal en patience. Supporter son mal avec courage. Au fig. Je prends mon mal en patience, je me livre avec courage à des travaux qui finiront par me rendre indépendant (Hugo,Lettres fiancée, 1820, p. 15). ♦ Plus de bruit que de mal. Plus de bruit et d'agitation que de dégâts réels. Comme il arrive dans ces échauffourées, il y eut plus de bruit que de mal. Une dizaine de juifs environ demeuraient sur le carreau (Tharaud,Fête arabe, 1912, p. 193). ♦ Rendre le remède pire que le mal. Utiliser des produits aux effets plus nocifs que la maladie qu'on cherche à combattre. Bergotte (...) essaya avec succès, mais avec excès, de différents narcotiques, (...) tous les produits (...) étaient toxiques et par là rendaient le remède pire que le mal (Proust,Prisonn., 1922, p. 186). ♦ Tomber de fièvre en chaud mal (vx). Aggraver son cas. Au fig. Aujourd'hui un très grand nombre de propriétaires, pour ne pas dire presque tous, honteux de leur oisiveté, travaillent, épargnent, capitalisent. C'est tomber de fièvre en chaud mal (Proudhon,Propriété, 1840, p. 288). B.− Souffrance vécue sur les plans affectif, psychique, moral. Synon. chagrin, déception, désillusion, peine, tourment.Mal de l'absence, de l'exil; mal d'amour, de langueur; avoir mal à l'âme. L'idée que cet homme est son amant me fait un mal affreux (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 136).Connais-tu point quelque remède spécifique, ou quelque corps exactement antidote, pour ce mal d'entre les maux, ce poison des poisons (...) l'ennui de vivre? (Valéry,Eupalinos, 1923, p. 34). ♦ Doux mal, mal délicieux. Tourment d'amour. Des romans de coeur pleins d'amoureuses peines, Où l'art sait retracer, sous l'éclat de nos moeurs, Ce mal délicieux dont je sens que je meurs (Sainte-Beuve,Poés., 1829, p. 113).Sa chanson (...) témoignant sincèrement (...) du doux mal qu'on souffre en aimant (Verlaine,
Œuvres compl., t. 1, Bonne chans., 1870, p. 103). − En partic. ♦ Mal du pays. Regret profond du pays natal qu'on a quitté, de la patrie. Synon. nostalgie.Cette langueur d'ame qu'on éprouve hors de sa patrie; (...) le mal du pays. C'est véritablement un mal, et qui ne se peut guérir que par le retour (Chateaubr.,Génie, t. 1, 1803, p. 228). ♦ Mal du siècle. État de malaise, de tristesse, de dégoût de vivre manifesté par la jeunesse romantique, et que Chateaubriand a peint dans le personnage de René; p. anal., malaise particulier qui atteint plus ou moins les jeunes générations. Désormais, le nouveau «mal du siècle» avait un nom; il était fait de la nostalgie d'un âge d'or, celui de l'enfance (Benda,Fr. byz., 1945, p. 56). ♦ Mal de vivre. Difficulté d'être. Sentir le mal de vivre. Le présent volume qui n'est lui-même qu'une longue digression sur le mal de vivre, sur l'infernale disgrâce de subsister (Bloy,Femme pauvre, 1897, p. 111).P. ext. Mal de l'été. Mal de l'été et du «beau fixe», (...) mélancolie des jours fériés (Jankél.,L'Aventure, l'ennui, le sérieux, Paris, éd. Montaigne, 1963, p. 99). − [P. anal. avec (avoir) mal à la gorge, à la tête, etc.] Mal à la France. Le mal à la France atteint à l'aigu quand le Canard enchaîné (...) orchestre depuis son officine le débat public (Le Figaro Magazine, 26 avr. 1980, p. 21). ♦ Avoir mal de + inf.J'ai mal de tenir tant à vous (Montherl.,Encore inst. bonh., 1934, p. 698). − Être en mal de qqn, de qqc.Souffrir de l'absence de quelqu'un, de quelque chose; p. ext., désirer, avoir besoin de. Être en mal d'amour, d'enfant, de guerres, de poésie, de promenade, de publicité, de renseignements. Des groupes en mal d'espace, en quête de territoires (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum., 1921, p. 46).Ce grand flot parfumé, satiné, voluptueux, des femmes de Lima en mal de frivolités, de liberté, de plaisirs défendus (Morand,Dern. jour Inquis., 1947, p. 247). − Faire mal (fam.).Faire pitié, agacer, ennuyer. Tu me fais mal! Tu me fais mal à + inf.Ah! (...) tu nous fais mal à rabâcher trente-six fois la même chose (Le Petit Parisien ds Bruant1901). II. − P. ext. [Fréq. avec le partitif] Tout ce qui est contraire au bien-être, à l'épanouissement; tout ce qui est mauvais, dommageable, néfaste (aux êtres ou aux choses). A. − [Dommageable aux êtres] 1. Ce qui est mauvais dans les êtres ou les choses. Les maux du despotisme, de l'intolérance. Tout ce qui diminue l'indépendance du clergé est un mal, et un très grand mal (Lamennais,Religion, 1826, p. 235).Voltaire avait bien vu. C'est le fanatisme qui est le mal humain; et ce n'est que l'esprit qui pense convulsivement par une ambition trop prompte et aussitôt déçue (Alain,Propos, 1931, p. 993). − Le mal, le grand mal, le plus grand mal, le plus grand des maux. Le mal, le grand mal, c'est que nous ne sommes point de notre siècle (Chateaubr.,Essai Révol., t. 1, 1797, p. 11).Le nonce Bargellini (...) disait: «Le mal en France, c'est qu'on n'étudie pas assez la scolastique (...)» (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 4, 1859, p. 314).Le plus grand des maux, cause de tous, c'était encore l'anarchie (Bainville,Hist. France, t. 1, 1924, p. 187). ♦ Fam., exclam. Le grand mal! Quel dommage à cela? Bon! Quand vous lui auriez dit quelques paroles en l'air, le grand mal! (Nerval,Filles feu, Corilla, 1854, p. 672). − Il n'y a pas de mal (à ça). [Formule de politesse (en réponse à qqn qui demande qu'on l'excuse)] − Au plur. [À propos de méfaits qui entraînent la ruine matérielle et la misère morale] L'auteur, la cause de tous nos maux; souffrir, supporter de grands maux; vivre avec ses maux. Chacun jeûnait et se mortifiait afin d'obtenir du ciel la fin de tant de maux; la France était, depuis deux ans, ravagée et mise à feu et à sang (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 278): 2. L'affaire Pyrot (...) doit rester secrète. Si elle était divulguée, les maux les plus cruels, guerres, pillages, ravages, incendies, massacres, épidémies, fondraient immédiatement sur la Pingouinie.
A. France,Île ping., 1908, p. 299. ♦ Proverbes. De, entre deux maux il faut choisir le moindre. Je lui ai dit qu'il n'y avait qu'un héroïsme, celui de faire souffrir (...), que, comme entre deux maux il faut choisir le moindre, il valait mieux être bandit qu'honnête homme (Rivière,Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 313). ♦ Aux grands maux les grands remèdes. Les grandes difficultés appellent des solutions radicales. Quand nous nous récriions contre une telle perfidie et une telle ingratitude, ils nous répondaient: Aux grands maux, les grands remèdes (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 949). ♦ C'est le plus grand des maux que + inf.C'est le plus grand des maux qu'être sans caractère (Laya,Ami loix, 1793, ii, 4, p. 42). 2. a) Faire du mal à qqn. Lui nuire. Au commencement de l'action, la cavalerie turque de Damas leur fit beaucoup de mal en les criblant de flèches, selon sa coutume (Grousset,Croisades, 1939, p. 68). ♦ Faire moins de mal que de peur. Causer de la frayeur plutôt que des maux réels. Un tribunal frappe avec lenteur et fait moins de mal que de peur (A. France,Dieux ont soif, 1912, p. 118). − [À la forme négative] Ne faire aucun mal. Ne pas molester. Le chef de la bande rassura les voyageurs en leur disant qu'il ne leur seroit fait aucun mal (Balzac,Annette, t. 1, 1824, p. 111).Ne jamais faire/vouloir de mal à qqn. Le duc répondit qu'il le ferait très volontiers [entretenir bonne paix dans le royaume], qu'il ne voulait de mal à personne, et désirait la paix avec les grands et les petits (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 109).Cela ne fait de mal à personne (fam.). Un petit coup de vin, un petit air de danse, ça ne fait de mal à personne (Claudel,J. d'Arc, 1939, 8, p. 1216).Ne pas faire de mal à une mouche (fam., gén. au cond.). Être tout à fait pacifique ou inoffensif. Je me sens trop doux. Je ne ferais pas de mal à une mouche (Sartre,Mains sales, 1948, 2etabl., 1, p. 39). b) Mettre à mal qqn, qqc. − Vx, p. plaisant. [L'obj. désigne qqn, en partic. une femme] Violer; p. ext., séduire. Le baron Vauveron (...) s'accusa brusquement d'avoir mis à mal une fille de ferme dont il avait eu un enfant (L. Daudet, Bacchantes, 1931, p. 120). − [L'obj. désigne qqc.] Maltraiter. Sous le tapotage et les placages de ses terribles grands doigts, le piano était si souvent mis à mal, qu'elle avait pris le parti d'attacher à sa personne (...) un vieil accordeur auquel elle donnait de l'ouvrage, tous les jours (E. de Goncourt, Faustin,1882, p. 303).Au fig. Quand, par fait de guerre, des intérêts français sont mis à mal dans le monde, que se passe-t-il? Qui paie la facture? (L'Est Républicain, 11 juin 1981, p. 20). 3. a) Dire du mal de qqn. Médire, calomnier. On demanda à Madame Dubarry si Louis XV ne disait pas beaucoup de mal d'elle [Madame de Beauvau] (...). «Oh! beaucoup. − Eh bien! Quel mal, de moi, par exemple? − De vous, madame, que vous étiez hautaine, intrigante; que vous meniez votre mari par le nez.» (Chamfort,Caract. et anecd., 1794, p. 105). b) Parler en mal de qqn (vieilli). Dire du mal de quelqu'un. Ne parlez jamais en mal des employés, vous autres! (Balzac,Employés, 1837, p. 92).Prendre qqc. à/en mal (vieilli); tourner en mal qqc. Voir le mauvais côté de quelque chose. Si tu tiens à la lettre que je t'avais écrite sur elle, demande-la à Chopin (...) Il l'a prise en mal, et je ne voulais pourtant pas le chagriner (Sand,Corresp.,1843, p. 283).Les choses les plus innocentes peuvent être interprétées à mal (Dumas père, Chev. Maison-Rouge, 1847, i, tabl. 3, 4, p. 48).Écoute, et ne prends point à mal ce que je vais te dire, et songe que cela m'est bien dur (Claudel,Échange, 1894, ii, p. 689). 4. [Avec un sens affaibli] Tout ce qui demande effort, exige de la peine. Avoir du mal, beaucoup de mal; se donner du mal pour qqn, pour qqc.; se donner le mal de + inf., un mal infini à + inf. Cette enfant me donnait bien du mal; cependant j'en prenais volontiers la peine; elle m'était si chère! (Nerval,Faust, 1840, p. 129).On avait tant tardé à partir, qu'à peine s'il y avait de l'eau dans le port, et nous eûmes grand mal à y entrer (Flaub.,Champs et grèves, 1848, p. 248): 3. ...ces enfants de paysans et ces enfants d'ouvriers (...) se donnaient beaucoup plus de mal, ils fournissaient beaucoup plus de travail pour passer le brevet simple que nous pour passer l'examen de fin de quatrième...
Péguy,Argent, 1913, p. 1139. ♦ Avoir le plus grand mal à faire qqc., à vivre. Avoir la plus grande difficulté à. Nous aurons, dès la fin du mois, le plus grand mal à joindre les deux bouts (Duhamel,Notaire Havre, 1933, p. 106). ♦ Se donner un mal de chien, du diable, de cinq cents diables, de tous les diables, d'enfer, de galérien. Se donner beaucoup de mal. La «conférence» que je viens de me donner un mal d'enfer à écrire (Gide,Corresp.[avec Valéry], 1901, p. 384).Je ne vois pas pourquoi tu m'insultes quand je me donne un mal de chien pour te faire plaisir (Pagnol,Fanny, 1932, i, 1ertabl., 1, p. 11). − [Avec un sens encore plus affaibli] Inconvénient, ennui. Je compte dans un an aller faire un grand voyage en Allemagne. Le mal est que je n'en sais pas la langue (Tocqueville,Corresp.[avec Reeve], 1836, p. 36). B. − Rare. [Dommageable aux choses] Dommage. La gelée a tout perdu, il y a encore plus de mal qu'on ne croit (Ac.).Comment pouvais-je réparer le mal fait au manuscrit, si ce n'est en donnant au public le texte imprimé d'après une copie authentique? (Courier,Lettre à M. Renouard, 1810, p. 260).Le mal ne se borna pas là; le feu qu'ils avaient mis à leurs tentes gagna le reste du camp et en consuma une partie (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p.232).Il vint aussi un grand lion qui faisait beaucoup de mal dans le pays, mangeant les vaches et les moutons (Claudel,Violaine, 1892, i, p.506). ♦ Demi-mal. Dégâts limités. Comme cela, dit-il en revenant, il n'y a que demi-mal, la lettre paraîtra demain (Rolland,J.-Chr., Amies, 1910, p. 1095). III. − Au sing. Tout ce qui est contraire au bien. A. − Ce qui est contraire à la loi morale, à la vertu. 1. [À propos d'un mal commis ou d'un mal d'intention] Faire tout le mal possible; se plaire au mal. Le duc Raukhing, (...) qui faisait le mal par goût (...) On racontait de lui des traits d'une cruauté vraiment fabuleuse (Thierry,Récits mérov., t. 1, 1840, p. 118): 4. ...le mal que je fais, c'est d'abord une souffrance que j'impose à autrui; aussi ne me donne-t-il jamais à moi-même qu'une amère satisfaction. Car le mal dont la souffrance est la trace, c'est la vie qui retourne contre soi la puissance même dont elle dispose, c'est la vie qui se blesse et qui se mutile.
L. Lavelle, Le Mal et la souffrance, Paris, Plon, 1941, p. 5. − Locutions ♦ Faire, vouloir le mal pour le mal. Faire, vouloir le mal pour lui-même. En voulant le Mal pour le Mal, je tente de contempler la transcendance divine - dont le Bien est la possibilité propre -, comme transcendance purement donnée et que je transcende vers le Mal (Sartre,Être et Néant, 1943, p. 350). ♦ [P. réf. à la loi du talion
œil pour œil, dent pour dent] Rendre le mal pour le mal. Rendre méfait pour méfait. Je ne fais pas le mal pour le bien; mais, par le ciel, je sais rendre le mal pour le mal (Musset,Nuit vénit., 1834, 1, p.16).Répondre au mal par le mal. À la fin, il avait fallu donner l'ordre de répondre au mal par le mal; nous étions malheureusement forcés de massacrer et d'incendier aussi (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t.2, 1870, p.182). ♦ Sans songer à mal. Sans avoir d'intentions mauvaises. J'arrosais mes pétunias sans songer à mal, quand je vis entrer un grand jeune homme blond (About,Roi mont., 1857, p.12). − Expressions ♦ Honni* soit qui mal y pense. ♦ À qui mal veut mal arrive. Je te revaudrai ça: à qui mal veut, mal arrive (Vidocq,Mém., t. 4, 1828-29, p. 250). 2. [À propos d'un mal subi] Souffrir, subir, supporter le mal. Le mal et la méchanceté (...) collaborent à nous rendre la vie intenable, sulfureuse, frénétique, comme se relayent les guerres qui viennent de la méchanceté des hommes (Jankél.,Traité des vertus, Paris, Bordas/La Haye, Mouton, t. 3, 1972, p. 1102): 5. «Ni les parfums de l'Arabie... ni l'Océan du Grand Neptune...» Il y a en effet de l'éternellement ineffaçable dans le mal. Que la persécution triomphe à grand éclat de l'innocence et des causes justes, ou que la bonne volonté privée ou publique finisse par s'enliser ou succomber, cédant à la malchance des circonstances et à la perversité des exemples, le mal fait alors au réel une blessure que seule une pensée étourdie dirait cicatrisable.
E. Borne, Le Problème du mal, Paris, P.U.F., 1960, p. 18. 3. [P. oppos. au bien] Avoir la connaissance du bien et du mal. Il est certain qu'au centre de nos pensées sur le bien et sur le mal, on retrouve l'opposition de ce qui doit être et de ce qui ne doit pas être, selon la liberté et l'obligation morale (J. Nabert,Essai sur le mal, Paris, éd. Montaigne, 1970, p. 150): 6. Dans la représentation poétique du mal, il en est comme dans l'ordinaire de la vie réelle: le mal existe par référence au bien et veut en prendre les apparences. Étant ce qui ne doit pas être, il soulève la question: d'où vient-il? Il est la justification négative du bien.
Fries t. 3 1966, p. 22. − [P. anal. avec ce qui est obscur, nocturne] La nuit, l'opacité du mal. Avec quoi un roman est-il fait, sinon avec du mal? Ôté le mal, que reste-t-il? Du bien, c'est-à-dire du blanc. Il faut aussi du noir (Green,Journal, 1957, p. 308): 7. ...le mal, sous la forme de la folie ou de la perdition, (...) comme le contraire de ce bien, tout en gardant quelque chose d'obscur et d'indéfini, semblable - la métaphore est classique - à la part d'ombre dans un monde que la lumière ne saurait visiter.
Encyclop. univ.t. 101972, p. 345. B. − RELIG. Faute, péché, concupiscence. Tentation du mal; condamner, reconnaître le mal; demander à être délivré, protégé, sauvé du mal. Si l'âme (...) s'est fréquemment adonnée au mal et rarement au bien, elle prend un autre corps (...) qui est destiné aux tortures de l'enfer (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p. 212): 8. Dans le domaine de la transgression morale, il est une dépréciation que nous connaissons bien, que nous comprenons facilement et clairement, c'est celle que nous opérons lorsque après avoir commis une mauvaise action nous reconnaissons que nous sommes coupables et que l'action est mauvaise. Le mal que nous avons commis nous oppresse, nous fait perdre l'estime de nous-mêmes.
R. Otto, Le Sacré, Paris, Payot, 1969, p. 88. − En partic., vieilli. Commerce charnel. Le flottement triste qui est l'apanage (...) des femmes dites indépendantes qui ne font pas le mal, si l'on donne au commerce charnel son ancien nom de «mal» (Colette,Naiss. jour, 1928, p. 25). C. − Absol. [Avec l'art. le, inv.: faire le mal] 1. PHILOS. Le mal absolu, métaphysique; absurdité, dialectique, énigme, injustice, interrogation, mystère, nécessité, origine, principe, problématique du mal. Si le mal, au lieu d'être privation, était une force positive, sa causalité s'expliquerait peut-être; mais il n'est que vide et zéro hypostasié, laideur-en-soi qui est amorphie et amétrie, absence de forme et de mesure (Jankél.,Traité des vertus, Paris, Bordas/La Haye, Mouton, t. 3, 1972, p. 1073): 9. Le mal est l'objet de toutes les protestations de la conscience (...) le mal est le scandale du monde. Il est pour nous le problème majeur; c'est lui qui fait du monde un problème (...). Dirons-nous que le bien lui aussi est un problème? (...) le bien, dès qu'on l'a reconnu, dès qu'on l'a accompli, est au contraire une solution (...). Par une sorte de renversement, il n'est un problème que pour celui qui le cherche, au lieu que le mal est un problème pour celui qui le trouve.
L. Lavelle, op cit., p. 31. 2. THÉOL. Le Démon, l'Esprit du Mal; Belzébuth ou Satan, incarnation du mal: 10. Le discours théologique (...) contraint le mal à avouer que, si terrifiant soit-il, il n'a d'autre réalité que celle du vide ou du défaut ; ce rien, l'ange de lumière qu'il a refusé d'être, fait toute la noirceur de Satan, et, pour passer à la limite, l'enfer n'est infernal que par une absence, il est vrai éternelle, celle de l'amour.
Encyclop. univ.t. 101972, p. 346. − [P. réf. à la Bible] L'arbre de la science du bien et du mal. Arbre dont le fruit, défendu à l'homme, conférait la science du bien et du mal. C'est une belle allégorie, dans la Bible, que cet arbre de la science du bien et du mal qui produit la mort (Chamfort,Max. et pens., 1794, p. 18).L'esprit du mal. Satan. L'Esprit du Mal, l'Esprit des Ténèbres, s'était installé au coeur de son enfant! (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 663).Les puissances du mal. Les puissances sataniques. Je n'étais plus un de ces ministres de la morale chrétienne mais un homme inspiré, un de ces exorcistes légendaires, prêts à arracher aux puissances du mal les brebis de leur troupeau (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 259). REM. 1. Mali, subst. masc.,région. (Belgique), fin. publ. Déficit. Anton. boni.Grâce à la loi sur les fusions [de communes], le mali du budget 1982 d'Anvers ne sera que de 2,14 milliards (Le Soir, 4 janv. 1982, p. 7). 2. Malicide, adj.,vieilli. Qui tue le mal. Quand il ôte la vie d'un méchant, il n'est pas homicide, mais «malicide» (M.-M. Davy, Initiation à la symbolique romane, Paris, Flammarion, 1977, p. 25). 3. Malus, subst. masc.,assur. (Bonus-)malus. Estimation de la prime des véhicules, en raison directe des dégâts matériels (ou de leur absence) occasionnés au cours de l'année d'assurance. Régularisation bonus-malus. Le système de bonus-malus en matière d'assurance est très simple: après le premier accident, un malus de 10% est appliqué; après le second accident, ce malus est de 40%, et après le troisième, il est de 100%, voire plus, ce qui se traduit au minimum par un doublement de la prime (Femmes d'aujourd'hui: Écho de la mode, 1982, no7, p. 20). Prononc. et Orth.: [mal], [mo]. Homon. malle. Att. ds Ac. dep. 1694. Être dans les mals à la place du plur. maux (supra I A 1, d'apr. Carabelli, [Lang. pop.], s.d.). Étymol. et Hist. 1. a) Ca 980 «ce qui est contraire au bien, à la loi morale» (Jonas, éd. G. de Poerck, 195: e sis penteiet de cel mel qe fait [de uia sua mala]); fin xes. [rendre] ben... per mal (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 161); b) 2emoitié xes. «ce qui est néfaste, ce qui nuit» vouloir du mal à (St Léger, éd. J.Linskill, 101: molt li vol miel); ca 1100 mult grant mal funt (Roland, éd. J. Bédier, 378); 2. 1050 «maladie» (Alexis, éd. Chr. Storey, 153); joint à une autre qualification, sert à dénommer diverses maladies: fin xiies. mal d'Acre «épidémie que durent affronter les Croisés en 1190 et 1191 durant le siège d'Acre» (Béroul, Tristan, éd. E. Muret et L. M. Defourques, 3849); ca 1220 grant mal «épilepsie» (Amadas et Ydoine, éd. J. R. Reinhard, 859); 3. a) ca 1100 «souffrance physique» (Roland, 2101: En la teste ad e dulor e grant mal); 1174-76 mal del flanc (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 1508 ds T.-L.); 1174-76 faire... mal (Id., ibid., 4354, ibid.); 1225-30 avoir mal en «souffrir de» (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 2420: home qui a mal es denz); b) 1223-27 mal d'enfant (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, II Chast. 10, 963); 4. a) ca 1100 «tort» (Roland, 578: Mult grant mal funt... a lur seignur, ki tel cunseil li dunent); b) 2emoitié xiiies. [ms] «dégâts matériels» ([Guérin], De Beranger au long cul [ms. A], 195 ds J. Rychner, Contribution à l'étude des Fabliaux, p. 107: N'a mon escu ne ferai mal [ms. D, fin xiiies., 147: Ne ses heaumes n'a point de mal]); 5. 1155 «souffrance morale» (Wace, Brut, 8690 ds T.-L.); cf. ca 1165 (Troie, 17742, ibid.: ço no fait al cuer grant mal); 1803 mal du pays (Chateaubr., Génie, t. 1, p. 228); 6. ca 1170 «le mauvais côté, le mauvais sens» (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2467: que ses sire an mal nel preist); 1690 tourner en mal (Fur.); 7. a) 1567 aller à mal «(d'une chose) empirer» (Amyot, Demosth., 5 ds IGLF); b) 1635 «inconvénient» il n'y a point de mal à ce que (Guez de Balzac, Lettres, livre VII, 47 ds
Œuvres, Paris, 1665, t. 1, p. 317); 8. 1690 «effort, peine» avoir du mal à (Fur.). Substantivation de mal2* plutôt que de l'adj. lat. substantivé malum dont l'évolution phonét. se confond avec celle de l'adv. male, mais qui n'a pas été maintenu dans les autres lang. rom. et a été remplacé par l'adv. substantivé; cf. ital. sarde male, esp. cat. port. mal. FEW t. 6, 1, p.128a. Fréq. abs. littér.: 17802. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)26885, b) 22783; xxes.: a) 24172, b) 26023. Bbg. Lew. 1968, p.69. _ Quem. DDL t. 8, 13, 15, 17, 19, 20. _ Rothwell (W.). Medical and botanical terminology from Anglo-Norman sources. Z. fr. Spr. Lit. 1976, t. 86, p. 247. |