| MAGASIN, subst. masc. I. A. − Lieu aménagé pour le dépôt de provisions ou de marchandises. Synon. entrepôt, réserve, resserre.Magasin des docks de Londres; magasin de/à blé, foin, fourrage, grains, coton, vins. On construisit aussi un magasin pour les provisions, et plusieurs maisons et barraques pour loger les officiers et les prisonniers (Crèvecoeur, Voyage, t. 3, 1801, p. 85).Des églises, les unes restaurées, les autres délabrées et servant de magasins aux tonneliers du pays (Lamart., Confid., 1849, p. 21): 1. Il y avait en bas (...) un magasin pour les «rouenneries» que fabriquait mon oncle à son usine du Houlme, à quelques kilomètres de Rouen. Et à côté du magasin, ou plus proprement de la salle de dépôt, il y avait un petit bureau...
Gide, Si le grain, 1924, p. 359. − En partic. ♦ Vieilli. Le magasin d'une boutique. Synon. arrière-boutique, réserve.La boutique de Dauriat offrait un vaste magasin à sa librairie, et l'autre portion lui servait de cabinet (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 295).Si on le trouve dans le magasin de la librairie, dis à Charpentier de me le procurer coûte que coûte, et de me l'envoyer par la poste (Flaub., Corresp., 1879, p. 407). − Loc. cour. (Avoir qqc.) en magasin. Synon. (avoir qqc.) en stock, en réserve.C'est du charbon... J'en ai dans la carcasse de quoi me chauffer jusqu'à la fin de mes jours. Et voilà cinq ans que je ne remets pas les pieds au fond. J'avais ça en magasin, paraît-il (Zola, Germinal, 1885, p. 1139).Je proposai de céder immédiatement aux Russes 80 000 fusils Kropatchek que nous avions en magasin (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 42). − P. métaph. ou au fig. [En parlant de pers. ou de choses] Accumulation, réserve. Trois femmes de la reine y avaient apporté un magasin de rubans (Marat, Pamphlets, Dénonciation Necker, 1790, p. 106).Quelle mine de jolis détails, quel magasin de rares et inconnus documents humains que cette demoiselle Abbatucci! (Goncourt, Journal, 1878, p.1262): 2. ... je peux faire fonction de source de renseignements en tant que je suis quelqu'un de déterminé, un lui, qui a une histoire, un certain magasin d'expériences à sa disposition...
G. Marcel, Journal, 1919, p. 174. ♦ Sorte de panier ou de coffre attaché à l'arrière des diligences ou coches et servant à mettre les malles et colis des voyageurs à l'abri de la pluie et de la poussière (d'apr. Besch. 1845, Lar. 19e-20e). Sans égard pour les réclamations des voyageurs, leurs porte-manteaux et leurs paquets dans le magasin ou sur la vache (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 272).Une caisse dont elle avait besoin tous les soirs, et qu'on avait eu la maladresse de placer au fond du magasin (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 276). − MÉD. VÉTÉR., vx. [En parlant d'un cheval] Faire magasin. Emmagasiner de la nourriture entre les dents et les joues à cause d'un défaut d'usure des molaires. Synon. faire grenier. (Dict. xixes.; ds Littré-Robin 1858, 1865). B. − Spécialement 1. Domaine milit.Local où sont entreposés le matériel, les munitions et les provisions dans l'armée. Magasins d'armes, d'explosifs, de poudres, de vivres; magasins de l'armée, de l'escadrille, du génie, de l'intendance. On la vit [cette armée] enclouer les canons, brûler les magasins, détruire les parcs (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 744).Il a tenté [le commandant] de lutter contre les magasins d'approvisionnements qui ne livraient pas leurs pièces de rechange (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 267). − En compos., vieilli. Garde-magasin. Celui qui garde les magasins des armées ou de l'État. Garde-magasin des munitions de l'infanterie. Elle accompagna le père du garde-magasin des vivres d'Oran jusqu'à la porte, où elle désigna le vieillard ivre au concierge (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 338).J'ai pris du service dans l'administration, et on m'a nommé garde-magasin à Carnotville (Mille,Barnavaux, 1908, p. 77). 2. THÉÂTRE. Local où sont entreposés les costumes, les décors, etc. MmeTopinard cousait pour le magasin du théâtre (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 313).En bas le magasin des accessoires et le poste des pompiers (...), à droite et en haut les loges des artistes (Zola, Nana, 1880, p. 1262). 3. DR. COMM. ♦ Magasins(-)généraux. Entrepôts (régis comme établissements publics agréés par le préfet et contrôlés par l'administration) permettant le stockage de matières premières, produits ou marchandises, contre paiement de droits de garde avec délivrance de titres − récépissés et effets de commerce−facilitant la mise en gage, la vente ou l'import-export (d'apr. Romeuf 1958, Barr. 1967 et 1974, Lauzell-Muss. 1970, Wellhoff Comm. 1977). Ah, quels beaux magasins-généraux nous allons y constuire et matière à warrants [effets de commerce]! (Claudel, Pain dur, 1918, ii, 3, p. 450).Sans doute le comptable-magasinier peut-il ouvrir des comptes séparés pour le magasin général et ses dépôts (Villemer, Organ. industr., 1947, p. 116). ♦ Dépôt en magasin. Synon. de magasinage. ♦ En compos. Garde-magasin. Synon. de magasinier.Le personnel rétribué des monts-de-piété peut comprendre en outre un caissier et un garde-magasin, des appréciateurs pour le service de la prisée et des ventes (R. Dumont, Organ. Monts-de-Piété, 1905, p. 20). C. − TECHNOL. Réceptacle d'un dispositif à alimentation automatique. 1. Partie d'une arme à feu à répétition qui reçoit les cartouches. Armes à magasin; le magasin d'un revolver, d'un fusil. Alors on a rempli d'cartouches les magasins d'nos seringues et on a attendu (Barbusse, Feu, 1916, p. 62).Quand le magasin sera vidé, vous me passerez l'autre [fusil]. Est-ce que vous voyez assez clair pour recharger? (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 55). 2. Magasin d'un appareil photo, d'une caméra. Boîtier clos où sont enroulées les pellicules vierges à impressionner (d'apr. Giteau 1970, Mauge 1972). ♦ Magasin photographique. ,,Cassette pour film`` (Reprogr. 1976). 3. MÉD. Magasins à agrafes. ,,Petit appareil sur lequel sont rangées des agrafes à suture. Synon. chariot à agrafes`` (Méd. Biol. t. 3, 1972). 4. TYPOGR. ,,Dans les machines à composer en lignes-blocs, boîte métallique trapézoïdale contenant les matrices`` (Comte-Pern. 1963, 1974). 5. INFORMAT. Magasin de cartes. Récepteur de cartes les recueillant après traitement dans une unité de tri, de lecture ou de perforation (d'apr. Le Garff 1975, Pil, 1969). 6. BIBLIOTHÉCON. [Correspond à magasinier B 2] Magasin (de livres). ,,Partie de la bibliothèque occupée par les rayonnages où sont conservés les livres destinés à être utilisés par les lecteurs`` (Rolland-Coul. 1969). Magasin de livres et salles de lectures; magasin des imprimés, des manuscrits, des estampes, cartes et plans. Partout l'accroissement incessant des collections fait éclater le magasin, problème angoissant qui se pose à toutes les bibliothèques (Civilis. écr., 1939, p.50-15). 7. Pop. ou région. (Canada). Poitrine de femme. Avoir le magasin à l'air (Canada1930).Tout d'un coup, on la voit qui d'vient blanc comme linge, elle s'pose sa main sur son magasin, est secouée d'un je ne sais quoi, et, tout d'un coup, (...) elle se met à dégobiller! (Barbusse, Feu, 1916, p. 263). II. − Cour. Établissement commercial où sont exposées des marchandises pour la vente en gros ou au détail. Synon. boutique, (fonds de) commerce, débit, échoppe (vieilli).Un certain Mr Dulac (...) entra dans ce magasin pour y faire quelques emplettes, qu'il solda sans marchander (Jouy, Hermite, t.2, 1812, p.335).MmeMarnille se trouvait dans le salon attenant à son magasin. La demoiselle de comptoir lui porta la lettre (Reider, MlleVallantin, 1862, p.153): 3. ... je vis chez le célèbre Verdier, boulevard des Capucines, une canne de jonc avec une pomme de lapis-lazuli (...). J'étais destiné à ne jamais la voir qu'à travers les glaces du magasin. Le boulevard des Capucines était très élégant alors et la boutique de Verdier d'une richesse qui m'en défendait l'entrée.
A. France, Vie fleur, 1922, p. 480. SYNT. Faire des achats, des courses dans un magasin; courir les magasins; clients, employés d'un magasin; devanture, étalage, vitrine, comptoir, rayons d'un magasin; enseigne, rideau de fer ou métallique, caisse, comptabilité d'un magasin; acheter, ouvrir, gérer, fermer un magasin; magasin en/de gros, de demi-gros, de détail; magasin d'alimentation (synon. épicerie); magasin d'armes (synon. armurerie); magasin de confection, de mercerie, de soierie; magasin de nouveautés, de vêtements; magasin de graines ( synon. graineterie); magasins de tableaux; petit, nouveau magasin; chaîne de magasins; magasin à libre service. − P. méton. Le contenu de cet établissement commercial. La vendeuse de Lafarge m'accueillit avec la même satisfaction (...) et, à mon ordinaire, je fis sortir tout le magasin avant de choisir (Du Bos, Journal, 1928, p.12). − Grand magasin. Grand établissement de vente au détail réunissant en un même lieu de nombreux rayons spécialisés. Le dernier inventaire du grand magasin, ce chiffre de quarante millions d'affaires, avait aussi révolutionné le voisinage (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 598).Le conducteur du camion gigantesque et un acolyte, un livreur d'un grand magasin en uniforme (Queneau, Pierrot, 1942, p.161). − Magasin à prix unique. Établissement de vente au détail d'articles courants à prix réduits ou avantageux (d'apr. Barr. 1967, 1974). − Magasin à succursales multiples. Établissement commercial ayant plusieurs points de vente, parfois dans plusieurs villes (d'apr. Barr. 1967, 1974). Un très grand nombre de détaillants résistent plus ou moins bien à la concurrence des grands magasins, des magasins à succursales multiples et des groupements coopératifs (Lesourd, Gérard,Hist. écon., 1966, p.595). − Vieilli. Fille/demoiselle de magasin. Employée d'un magasin. Synon. mod. vendeuse.Une femme sans caractère et sans teint, ressemblant à une fille de magasin d'une boutique où l'on vend du chocolat (Goncourt, Journal, 1878, p.1244).Une mercière (...) l'avait prise comme demoiselle de magasin; mais c'était triste, cette boutique de quartier où n'entrait qu'une clientèle pauvre (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.113). − Première de magasin, p.ell. parfois de fille, demoiselle ou vendeuse. Employée principale d'un magasin de mode ou de couture, ou chef de rayon. Constance Pillerault était la première demoiselle d'un magasin de nouveautés (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.37).Je me charge des courses de Richard et je leur fais croire à tous deux que j'ai une première de magasin (H. Bataille, Maman Colibri, 1904, p.11). − Commis/garçon de magasin. Employé de magasin. Synon. vendeur, livreur.Cinq ou six garçons de magasin remuaient des ballots en s'excitant avec cette profusion de cris qui est la moitié de l'activité méridionale (Soulié, Mém. diable, t.1, 1837, p.44).Il n'avait plus l'air, une fois vêtu de drap gris ou noir, que d'un commis de magasin (Maupass., Contes et nouv., t.2, Lit, 1884, p.254). III. − V. magazine rem. REM. Magasiner, verbe intrans.a) Région. (Canada). Aller faire des achats dans les magasins. Synon. courir, faire les magasins. (Ds Canada 1930, Bél. 1974).b) Comm. , vx, rare. ,,Mettre des marchandises en magasin`` (Chesn. 1857-58). Prononc. et Orth.: [magazε
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1389 maguesin «local servant à entreposer des marchandises» (Philippe de Mézières, Songe du vieil pelerin, Ars. 2683, II, 39 ds Gdf. Compl.); 1409 magasin (Livre des faits du mareschal de Boucicaut, 2ep., XVI, ibid.); 1562 au fig. (Ronsard, Discours des Misères de ce Temps ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 11, p. 31, 222); 2. 1580 faire magasin «mettre en réserve» (Montaigne, Essais, L. II, chap. 37, éd. P. Villey, t. 1, p. 784); 1669 spéc. milit. «local où sont mis en réserve les armes, les munitions, les vivres, etc.» (Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Marie de France, éd. J. Truchet, p. 131); 4. 1873 id. «logement dans la crosse d'une arme à feu destiné à recevoir les cartouches» (Lar. 19e); 5. 1912 «partie de l'appareil-photo où l'on place les plaques ou les pellicules» (Tarif Album de la Manufacture d'armes et cycles de Saint-Étienne, p. 584). B. 1. Av. 1615 «lieu destiné à la vente des marchandises» (E. Pasquier, Les Recherches de la France, p. 774 ds IGLF: Nostre Roy [Philippe Auguste] y establit [à Paris] les Halles, magasin pour y débiter toutes sortes de marchandises); 1690 marchand en magasin «marchand qui vend en gros (par opposition à celui qui tient boutique)» (Fur.); 2. 1723 synon. de boutique (Ordonnance du 28 février, tit. II, art. 15 ds Brunot t. 6, p. 347). Empr. à l'ar. mah̬āzin, plur. de mah̬zan «entrepôt», soit par l'intermédiaire du prov. (cf. lat. médiév. magazenum en 1228 dans une loi sur les contrats permettant aux Marseillais d'établir des entrepôts dans les ports du Maghreb, d'apr. FEW t.19, p.115a; v.aussi Bl.-W.2-5), soit par l'intermédiaire de l'ital. magazzino, attesté dep. 1308-48 (G. Villani ds Batt.; v.DEI et Hope, p.43). Fréq. abs. littér.: 2239. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2162, b) 3342; xxes.: a) 4912, b) 2931. Bbg. Gall. 1955, p.457. - Gohin 1903, p.374. - Kohlm. 1901, p.22. - Mack. t.1 1939, p.167, 182. - Quem. DDL t.6, 8, 16. |