| * Dans l'article "MÉTAPHORE,, subst. fém." MÉTAPHORE, subst. fém. A. − RHÉTORIQUE 1. Rare. [P. réf. à Aristote] Figure d'expression fondée sur le transfert à une entité du terme qui en désigne une autre. C'est une remarque excellente d'Aristote, dans sa «Rhétorique» que toute métaphore fondée sur l'analogie doit être également juste dans le sens renversé (Chamfort, Max. et pens., 1794, p. 68). Rem. Voir Aristote, Poétique, 1457 b 6-9 (trad. J. Hardy, Paris, Les Belles Lettres, 1932): ,,La métaphore est le transport à une chose d'un nom qui en désigne une autre, transport ou du genre à l'espèce, ou de l'espèce au genre, ou de l'espèce à l'espèce ou d'après le rapport d'analogie``. Seule la métaphore d'après le rapport d'analogie correspond à ce que l'on entend usuellement par métaphore (infra 2). 2. Figure d'expression par laquelle on désigne une entité conceptuelle au moyen d'un terme qui, en langue, en signifie une autre en vertu d'une analogie entre les deux entités rapprochées et finalement fondues. Par la magie de la métaphore qui rapproche ce qui était distant (Béguin, Âme romant., 1939, p. 355).La métaphore se distingue de la similitude ou comparaison par le fait qu'aucun élément formel de comparaison ne s'y trouve présent (ReySémiot.1979): 1. Nous disons que les corps célestes obéissent à la loi de Newton; cela signifie qu'ils suivent des paroles comme les enfants sages. Mais ce n'est qu'une métaphore? Sans doute; mais la métaphore est enfermée dans le mot loi. L'algébriste veut échapper à la métaphore, et retrouve la fonction, autre métaphore. Les métaphores nous pressent, comme les ombres infernales autour d'Énée. Et ces pensées mortes doivent revivre en chaque enfant, comme le mythe du Léthé l'exprime, métaphore sur les métaphores. Et ceux qui méprisent les jeunes métaphores, nous les nommons pontifes, c'est-à-dire prêtres et ingénieurs par une double métaphore.
Alain, Propos, 1921, pp. 333-334. Rem. La métaph. peut affecter le subst., l'adj. qualificatif, le verbe et, dans une bien moindre mesure, l'adv. − [Déterminé par un adj.] Métaphore expressive, neuve, usée. Ruisseau-argenterie rajeunit à peine la métaphore banale du ruisseau aux flots d'argent (Éluard, Donner, 1939, p.131). ♦ [L'adj. évoque le domaine sém. auquel est emprunté le terme employé comme métaph.] Métaphore musicale, sensorielle. De l'amour, de la prédilection des Français pour les métaphores militaires. Toute métaphore ici porte des moustaches (Baudel., Coeur nu, 1867, p. 654).Non, pas de métaphores hippiques quand nous envisageons le domaine de l'administration financière (Arnoux, Solde, 1958, p. 102). ♦ Métaphore filée (ou suivie). Série structurée de métaphores qui exploitent, en nombre plus ou moins élevé, des éléments d'un même champ sémantique (d'apr. A. Henry, Méton. et métaph., 1971, p. 122). Plus caractéristique est cette autre métaphore filée reprise à Dieu [de Hugo], parce que sa structure sémantique est mise en évidence par la construction systématique et symétrique (Arnoux, Solde, 1958p. 187).Filer ou suivre la métaphore. Observe de suivre les métaphores (Flaub., Corresp., 1853, p. 248). − Par métaphore. En recourant à une/des métaphore(s). Autour de certains souvenirs de notre être, nous avons la sécurité d'un coffret absolu. Mais avec ce coffret absolu, voilà que nous aussi nous parlons par métaphore (Bachelard, Poét. espace, 1957, p.88). − P. ext. Façon figurée de parler. Je m'enhardis, monsieur, à vous demander de venir dîner (...) chez moi, vendredi prochain, à six heures. Quand je dis chez moi, c'est une métaphore: je n'ai pas de chez moi à Paris (Sand, Corresp., t. 4, 1856, p.86). B. − P. anal. [À propos de signes autres que ceux du lang. articulé, en partic. dans le domaine des arts] [L'architecture] représente une création analogue à celle de l'être humain (...) et dans ses métaphores de pierre ou de marbre il [ l'artiste] figurera des fibres délicates unies en faisceau et fortifiées par des ligatures (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin, 1876, p. 138): 2. Les courants qui les mènent [les artistes] sont plutôt du domaine des effluves; ou, encore, ils glissent entre deux eaux: au-dessus d'eux, c'est la tempête et les vagues humaines, au-dessous, les éternelles profondeurs pleines de secrets essentiels. Ces deux pôles qui s'ignorent ne peuvent communiquer à l'aide d'un langage courant, en l'espèce, le «sujet», bien compréhensible, d'un tableau, mais plutôt grâce à des métaphores plastiques difficiles à entendre sur l'heure.
Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 177. REM. 1. Métaphorisation, subst. fém.Création d'une métaphore. Cette identification [entre deux représentations] est indispensable, pour qu'il y ait métaphorisation (A. Henry, Méton. et métaph., 1971, p. 84). 2. Métaphoriser, verbea) Emploi intrans. Faire des métaphores, s'exprimer en recourant à la métaphore. Ceux dont on a pu lire dans la matinée quelque parole ou acte mémorable, quelque dépêche mâle et simple, peut-on raisonnablement les entendre déclamer, rêver, rimer, métaphoriser, même en beaux vers, le soir? (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 5, 1863, p. 306).b) Emploi trans. Désigner par métaphore. ,,Gouffre``, chez Baudelaire, par ailleurs métaphorise l'enfer et le coeur du pécheur (Guiraudds Langage, 1968, p. 446). 3. Métaphorisme, subst. masc.Tendance marquée à recourir à la métaphore. Guéri du métaphorisme (L. Daudet, Maurras, 1928, p. 31). Prononc. et Orth.: [metafɔ:ʀ]. Ac. 1694, 1718 metaphore, dep. 1740 mé-. Étymol. et Hist. 1275-80 (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 7161). Empr. au lat. metaphora de même sens, du gr. μ
ε
τ
α
φ
ο
ρ
α
́ «id.» au propre «transport» d'où «changement», du verbe μ
ε
τ
α
φ
ε
́
ρ
ω «transporter», «employer métaphoriquement», formé des élém. μ
ε
τ(α)-, de μ
ε
τ
α
́ adv. et -φ
ο
ρ
α de φ
ε
́
ρ
ω «je porte». Fréq. abs. littér.: 774. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 553, b) 1008; xxes.: a) 784, b) 1808. Bbg. Adank (H.). Essai sur les fondements psychol. et ling. de la métaphore affective. Genève, 1939, 191 p. _ Bouverot (D.). Comparaison et métaphore. Fr. mod. 1969, t.37, pp. 132-147, 224-238. _ Brooke-Rose (Ch.). A grammar of metaphor. London, 1958, 343 p. _ Caminade (P.). Image et métaphore. Paris, 1970, 160 p. _ Delb. Matér. 1880, p. 203 (s.v. métaphoriser). _Dubois (Ph.). La Métaphore filée et le fonctionnement du texte. Fr. mod. 1975, t. 43, pp. 202-213. _ Edeline (F.). Nouv. rech. sur la métaphore. Semiotica. 1979, t. 25, pp. 379-387. _ Henry (A.). Métonymie et métaphore. Bruxelles, 1984, 246 p. _ Konrad (H.). Ét. sur la métaphore. Paris, 1958, 173 p. _ Le Guern (M.). Sém. de la métaphore et de la métonymie. Paris, 1972, 127 p. _ Martin (R.). Pour une logique du sens. Paris, 1983, pp. 183-203. _ Meier (H.). Die Metapher. Winterthur, 1963, 246 p. _Langages. 1979, no54 (La Métaphore, par J. Molino), 125 p. _ Normand (Cl.). Métaphore et concept. Bruxelles - Paris, 1976, 164 p. _ Quem. DDL t. 6 (s.v. métaphoriser). _ Rhétorique générale, par le groupe μ (J. Dubois, et al.). Paris, 1970, pp. 106-112. _ Ricoeur (P.). La Métaphore vive. Paris, 1975, 415 p. |