| MÉMOIRE1, subst. fém. I. A. − Faculté comparable à un champ mental dans lequel les souvenirs, proches ou lointains, sont enregistrés, conservés et restitués. Garder, recueillir, retrouver qqc. dans sa mémoire; revenir à la mémoire. Sans la mémoire, que serions-nous? Nous oublierions nos amitiés, nos amours, nos plaisirs, nos affaires (Chateaubr.,Mém., t.1, 1848, p.69).Je suis allé voir un de mes oncles (...). Il a quatre-vingt-un ans et d'intraitables souvenirs qu'il va chercher dans la nuit de sa mémoire comme au fond d'une grande caverne pleine de ténèbres; il revient toujours avec quelque chose, un nom, une date, une anecdote sur la guerre de Sécession (Green,Journal,1934, p.202).Sa mémoire était cette terrible mémoire des enfants éveillés: elle enregistrait tout (Montherl.,Lépreuses,1939, p.1456): 1. Deux traits du caractère d'Albertine me revinrent à ce moment à l'esprit, l'un pour me consoler, l'autre pour me désoler, car nous trouvons de tout dans notre mémoire: elle est une espèce de pharmacie, de laboratoire de chimie, où on met au hasard la main tantôt sur une drogue calmante, tantôt sur un poison dangereux.
Proust,Prisonn.,1922, p.390. ♦ Aide-mémoire*. − Les archives, la bibliothèque, le fichier, le jardin, les marées, les yeux de la mémoire. L'Empereur (...) disait qu'une tête sans mémoire est une place sans garnison (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène,p.1, 1823, p.829).J'ai hiverné dans mon passé (...) Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir (Apoll.,Alcools,1913, p.47). − De mémoire.Apprendre de mémoire; jouer de la musique de mémoire. Les védas (...) les anciennes poésies arabes ont été conservées de mémoire pendant des siècles (Renan,Vie Jésus,1863, p.xlvi). − Homme sans mémoire. Amnésique. Je ne suis pas Jacques Renaud; je ne reconnais rien ici de ce qui a été à lui (...) voyez-vous, pour un homme sans mémoire, un passé tout entier, c'est trop lourd à endosser en une seule fois (Anouilh,Le Voyageur sans bagage,Paris, La Table Ronde, 1958, p.71). − Perdre la mémoire. Ne plus être capable de retrouver des souvenirs en conformité avec les faits passés. ♦ [Par confusion, erreur de localisation des événements dans le temps] Elle perdait la mémoire, brouillait les époques, parlait comme d'événements récents du bal champêtre donné pour le couronnement de l'empereur (A. France,Pt Pierre,1918, p.192). ♦ [Par perte complète des souvenirs] Il avait perdu toute mémoire, ne se souvenait plus qu'il fût marié, qu'il eût des enfans, qu'il fût roi, qu'il se nommât Charles (Barante,Hist. ducs Bourg.,t.2, 1821-24, p.110). 1. a) [Précédé ou suivi d'un adj. spécifiant la qualité, les degrés de la mémoire] Déplorable, grande, heureuse, mauvaise mémoire. Beauvilliers avait une mémoire prodigieuse: il reconnaissait et accueillait, après vingt ans, des personnes qui n'avaient mangé chez lui qu'une fois ou deux (Brillat-Sav.,Physiol. goût,1825, p.290). ♦ Avoir la mémoire courte. Avoir une grande capacité d'oubli. Il paraît que vous avez la mémoire courte en toute chose, Vampa, dit le comte, et que non seulement vous oubliez le visage des gens, mais encore les conditions faites avec eux (Dumas père, Monte-Cristo,t.1, 1846, p.547).Avoir la mémoire longue. Avoir une mémoire qui conserve les souvenirs. L'opinion publique n'a jamais eu la mémoire longue, vous le savez aussi bien que moi; et elle l'a plus courte aujourd'hui que de votre temps (Augier,Effrontés,1861, p.369).Avoir la mémoire fraîche de qqc. Avoir un souvenir très présent. Ce fut la réflexion que je fis, ayant la mémoire toute fraîche de cette affaire (Courier,Lettres Fr. et Ital.,1806, p.725). ♦ Si j'ai bonne mémoire, si ma mémoire est bonne. Si mes souvenirs sont exacts. Si j'ai bonne mémoire, Madame de Noailles attaqua l'ex-député boulangiste sur le nationalisme (Blanche,Modèles,1928, p.53). ♦ Mémoire ingrate*. − Proverbe. Quand on n'a pas de mémoire... Quand on n'a pas de mémoire il faut avoir de bonnes jambes, (...) quand on a oublié quelque chose il ne faut pas être paresseux pour l'aller chercher (J.-F. Rolland,Dict. mauv. lang.,1813, p.85). b) [Suivi d'un compl. prép. de] Mémoire d'almanach. Une mémoire d'almanach! Qui sait mieux que lui combien il y a de boutons dans chaque uniforme (Baudel.,Salon,1846, p.166).Mémoire d'enfer. (Ds Carabelli, [Lang. fam.], s.d.). Mémoire de fourmi. Mémoire très précise. Elle avait par contre une mémoire de fourmi. Je lui fixais à la dernière minute des rendez-vous que je choisissais à la hâte et au hasard, le troisième noyer du champ, la cinquième écluse (Giraudoux,Bella,1926, p.78).Mémoire de linotte (p.allus. à tête de linotte*). Mémoire faible. Elle se mit à chanter à tue-tête des morceaux d'opéra traînant dans sa mémoire de linotte, faisant des roulades, passant de Robert le diable à la Muette (Maupass.,Contes et nouv.,t.1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p.322). − Familier ♦ Mémoire de lièvre. ,,Cet homme a une mémoire de lièvre, il la perd en courant. Il n'a point de mémoire; une chose lui en fait aisément oublier une autre`` (Ac. 1835, 1878). ♦ Avoir une mémoire d'éléphant. Avoir une mémoire exceptionnelle et en particulier être rancunier, ne pas oublier les torts d'autrui à son propre égard. C'est un individu froid, aimable, doué d'une énorme puissance de travail, d'une mémoire d'éléphant (Exbrayat, Pour ses beaux yeux, Paris, Le Livre de poche, 1971, p.9).Beaucoup trop d'artistes, vexés de ne pas «faire du monde», font preuve en scène d'une agressivité regrettable à l'égard de ceux qui se sont déplacés (...). Ils risquent fort de le payer cher à leur passage suivant: dans ce domaine, le public a une mémoire d'éléphant (Th. Le Luron, Comme trois pommes,Paris, Flammarion, 1978, p.87). 2. [Gén. suivi d'un adj. déterminatif ou d'un compl. prép. de, spécifiant les niveaux de la mémoire, la nature des informations] a) [Mémoire du corps, des sens] Mémoire auditive, gustative, sensitive, sensorielle, visuelle. Il n'a jamais rencontré un homme ayant une mémoire de l'œil pareille à la sienne (...) gardant le cliché d'une chose seulement entrevue (Goncourt,Journal,1896, p.900).Son œil et ses jambes gardaient la mémoire de tous les plans de terrain et de tous les sentiers (Jouve,Scène capit.,1935, p.9): 2. ... la meilleure part de notre mémoire est hors de nous, dans un souffle pluvieux, dans l'odeur de renfermé d'une chambre ou dans l'odeur d'une première flambée, partout où nous retrouvons de nous-même ce que notre intelligence (...) avait dédaigné, la dernière réserve du passé, la meilleure...
Proust,J. filles en fleurs,1918, p.643. − Fam. Mémoire du ventre. Mémoire des bons repas pris chez quelqu'un; la reconnaissance qui en découle. Ces ingrats regrettaient les bons dîners, les collations de la veuve, s'accordant tous à dire que cette dame faisait bien les honneurs de chez elle. − Ils avaient au moins la mémoire du ventre (Reider,MlleVallantin,1862, p.150). b) [Mémoire de la sensibilité] Mémoire du coeur. On dirait que ma mémoire n'est que la mémoire de ma sensibilité (Stendhal,Journal,1806, p.276).Tous les souvenirs de son enfance revinrent à sa mémoire; son amour pour sa cousine se réveilla avec une force invincible (Balzac,Annette,t.3, 1824, p.161). c) [Mémoire intellectuelle] Mémoire des chiffres, des noms; mémoire verbale; cultiver sa mémoire; rafraîchir la mémoire de qqn, se rafraîchir la mémoire. Dantès répétait d'un bout à l'autre dans sa mémoire la lettre, dont il n'avait pas oublié un mot (Dumas père, Monte-Cristo,t.1, 1846, p.271).Il les éblouissait [Proust] par les ressources d'une mémoire jamais en défaut, nourrie de lectures que l'on ne faisait plus (Blanche,Modèles,1928, p.100): 3. Il se forme une piètre opinion sur la culture celui qui croit qu'elle repose sur la mémoire de formules. Un mauvais élève du cours de Spéciales en sait plus long sur la nature et sur les lois que Descartes et Pascal. Est-il capable des mêmes démarches de l'esprit?
Saint-Exup.,Terre hommes,1939, p.255. d) En partic. − [À propos de la mémoire individuelle d'une pers.] Mémoire panoramique. ,,Phénomène de reviviscence d'états vécus qui s'observe soit comme aura épileptique, soit dans des situations de danger mortel`` (Moor 1966). Voir Bergson,
Œuvres, Matière et Mémoire, Paris, P.U.F., 1917, p.168. − [À propos de la mémoire d'une pers. liée à un groupe] ♦ Mémoire collective. ,,Savoir mystérieux d'un fond commun qu'on suppose inhérent au groupe`` (J.-C. Filloux, La-Mémoire, Paris, P.U.F., 1967, p.51). Mémoire collective de la famille, de classe; mémoire collective religieuse. La vivacité de la mémoire collective opposée à l'histoire écrite par le pouvoir est l'une des permanences observées par Marc Ferro au terme d'une enquête dans le monde entier (La Manipulation de l'histoireds L'Histoire,févr. 1982, no42, p.92). ♦ Mémoire héréditaire. Mémoire liée au patrimoine héréditaire. (Impression (...) d'avoir vécu dans une maison dont on n'a cependant jamais franchi le seuil), je disais à quelqu'un qu'il devait y avoir là un phénomène de mémoire héréditaire (Green,Journal,1948, p.140). 3. P. anal., INFORMAT. Mémoire (d'un ordinateur). ,,Organe d'enregistrement des données, programme, résultats partiels, etc., dans lequel la machine va chercher les informations qui lui sont nécessaires au fur et à mesure du déroulement de son travail`` (Dew. Électr. 1973). ♦ Mémoire (non) adressable*, à disque*, à tambour*. ♦ Mémoire centrale. Mémoire intégrée à l'ordinateur, d'accès très rapide, mais de capacité limitée (d'apr. Dew. Électr. 1973). Mémoires périphériques. Mémoires de capacité importante, mais d'accès relativement plus lent (d'apr. Dew. Électr. 1973). SYNT. [Correspond à supra 3] Mémoire externe, tampon, temporaire, virtuelle; mémoire auxiliaire, circulaire, intermédiaire, interne, magnétique, principale, de travail; mémoire annexe, de base, de contrôle, électrostatique (Informat. 1972). B. − Spécialement 1. MÉD., BIOL. Mémoire biologique. Mémoire inhérente à la cellule vivante. Il faut bien une sorte de mémoire biologique pour édifier, dans l'embryogénie, le système nerveux lui-même (Ruyer,Conscience,1937, p.129).Mémoire de l'espèce. Instinct. (Ds Lafon 1969). Mémoire immunologique. ,,Souvenir que certains lymphocytes (...) gardent de l'antigène rencontré par les cellules dont ils proviennent`` (Garnier-Del. 1972). 2. MYTH. [Nom de la déesse de la mémoire appelée aussi Mnémosyne] Mnémosyne! s'écria-t-il, déesse de la mémoire, mère des chastes muses, inspire ton fidèle et fervent adorateur! (Verne,Enf. cap.Grant,t.2, 1868, p.40).Les filles de Mémoire. Les muses. Je prie les poëtes de me pardonner d'avoir invoqué les Filles de Mémoire, pour m'aider à chanter les Martyrs (Chateaubr.,Martyrs,t.1, 1810, p.24).Le temple de Mémoire. Temple imaginaire dans lequel, selon les poètes, les noms des grands hommes sont conservés. Ces doctes héros, dont la main de la gloire A consacré les noms au temple de Mémoire (Chénier,Épîtres,1794, p.180). 3. PHILOS. Grande fonction psychique, inséparable de la conscience de soi, indissociable de l'imagination, assurant l'unité du moi et consistant dans la reproduction d'un état de conscience passé avec ce caractère qu'il est reconnu pour tel par le sujet. Il n'y a pas de conscience sans mémoire, pas de continuation d'un état sans l'addition, au sentiment présent, du souvenir des moments passés (Bergson,La Pensée et le mouvant,Genève, A. Skira, 1946 [1934], p.192).La mémoire n'est qu'un nom pour désigner l'activité constituante de la conscience de soi, prolongée en connaissance et développée en représentation (G. Gusdorf,Mémoire et personne,Paris, P.U.F., t.1, 1951, p.257): 4. La conscience du moi est liée à la mémoire, et c'est la mémoire en son fond métaphysique qui nous révèle toute l'histoire du passé comme notre aventure personnelle, ensevelie au coeur le plus intime de notre être.
N. Berdiaeff,5 méditations sur l'existence,trad. par I. Vildé-Lot, Paris, éd. Montaigne, 1936, p.146. 4. PSYCHOL. Enregistrement par le cerveau des faits passés (d'apr. Psychol. 1969). Mémoire immédiate. Reconstitution des faits d'un passé récent (d'apr. Psychol. 1969). Mémoire différée. Reconstitution d'un plus lointain passé (d'apr. Psychol. 1969). ♦ Mémoire affective. ,,Reviviscence d'un état affectif ancien, reviviscence s'effectuant indépendamment de toute représentation consciente, ou du moins antérieurement à l'acte de prise de conscience`` (Foulq. 1971). La mémoire affective paraît, tantôt comme un réconfort, tantôt comme un moyen de retrouver un passé perdu, tantôt pour apporter une dimension esthétique (E. Jackson, L'Évolution de la mémoire involontaire dans l'oeuvre de M. Proust,Paris, Nizet, 1966, p.20). ♦ Mémoire mécanique. V. mnémotechnique et J.-C. Filloux, op. cit., p.16. ♦ Test* de mémoire. − [Chez Bergson] Mémoire-habitude, mémoire-conscience. Il y a (...) deux mémoires profondément distinctes: l'une, fixée dans l'organisme, n'est point autre chose que l'ensemble des mécanismes intelligemment montés qui assurent une réplique convenable aux diverses interpellations possibles (...). Habitude plutôt que mémoire, elle joue notre expérience passée, mais n'en évoque pas l'image. L'autre est la mémoire vraie. Coextensive à la conscience, elle retient et aligne à la suite les uns des autres tous nos états au fur et à mesure qu'ils se produisent, laissant à chaque fait sa place et par conséquent lui marquant sa date (Bergson,Matière et mémoire,Paris, Alcan, 1917, p.164). − [Chez Proust] Mémoire volontaire, involontaire. La mémoire volontaire, qui est surtout une mémoire de l'intelligence et des yeux, ne nous donne du passé que des faces sans vérité; mais qu'une odeur, une saveur retrouvées dans des circonstances toutes différentes réveillent en nous, malgré nous, le passé, nous sentons combien ce passé était différent de ce que nous croyions nous rappeler et que notre mémoire volontaire peignait, comme les mauvais peintres, avec des couleurs sans vérité (Proust,Lettre à Antoine Bibesco,1912ds R. Hist. litt. Fr. déc. 1971, pp.945-946). 5. PATHOL. Altérations, délires, troubles de la mémoire. V. amnésie, hypermnésie, paramnésie.Il y a un point sur lequel tout le monde s'accorde, c'est que les maladies de la mémoire des mots sont causées par des lésions du cerveau plus ou moins nettement localisables (Bergson,L'Énergie spirituelle,Paris, P.U.F., 1955, p.51). II. − [La mémoire considérée dans son effet] Ce qu'une personne ou la postérité a retenu dans ses souvenirs. A. − Souvenir. Avoir, conserver, garder (la) mémoire d'un événement, d'un fait, d'une journée. À cinquante ans, la mémoire des jours passés dans son pays et parmi les siens lui revenait aussi fraîche et aussi douloureuse qu'au moment de sa captivité (Thierry,Récits mérov.,t.2, 1840, p.269). ♦ Digne de mémoire. Qui mérite qu'on s'en souvienne. Cela dura jusqu'au jour où un général qui visitait le camp (...) nous surprit à brailler ce choeur peu charitable et fit une scène digne de mémoire (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.263). ♦ Pour mémoire. Afin de ne pas oublier. Je note ici pour simple mémoire, que je dois commencer le travail de demain par la rédaction d'une note (Du Bos,Journal,1928, p.89). − P. méton. Contenu du souvenir. Comme ce tango a bien su me garder la mémoire de ce temps-là (Du Bos,Journal,1926, p.83). − Proverbe (vx). Mémoire du mal a longue trace, mémoire du bien tantôt passe (Besch. 1845, Guérin 1892). B. − 1. Souvenir (bon ou mauvais) qu'une personne laisse d'elle en son absence ou après sa mort, en vertu de ses talents, de ses qualités, de ses hauts faits ou à cause de ses méfaits. Bénir, calomnier, célébrer, chérir, défendre, flétrir, honorer, laver, outrager, pleurer, réhabiliter, venger la mémoire de qqn; célébrer un office, élever un monument à la/en mémoire de qqn; être fidèle à la mémoire de qqn. En 1786, M. le comte de La Pérouse (...) consacra sa mémoire [de M. de La Croyère] en donnant son nom à une île, près des lieux où ce savant avait abordé (Voy. La Pérouse,t.3, 1797, p.144).Elle venait sur le port, ressusciter la mémoire chère, évoquer la grande ombre, intensément, douloureusement (Van der Meersch,Empreinte dieu,1936, p.248): 5. C'était le fils du fameux Jacques d'Artevelde (...) qui avait gouverné sept ans la Flandre avec tant d'honneur et de succès; il avait laissé une si grande mémoire, que les Gantois disaient tous les jours: «Ah! Si Jacques d'Artevelde vivait!»
Barante,Hist. ducs Bourg.,t.1, 1821-24, p.214. − Locutions a) À la mémoire de qqn. En hommage d'auteur à une personne. À la mémoire de la compagne de ma jeunesse je dédie ce livre tout inspiré par son esprit (Sorel,Réflex. violence,1908, p.3).En épitaphe. Il se promène, lisant les inscriptions des tombes. À la mémoire des soldats du régiment de marine tués à l'assaut (Claudel,Part. midi,1906, ii, p.1017).Boire à la mémoire de qqn. Lever son verre en l'honneur de quelqu'un, porter un toast. Je serai moins ingrat qu'eux, je boirai à sa mémoire (Dumas père, C. Howard,1834, i, 3, p.238). b) Paix à sa mémoire. [En guise de souhait pieux à l'intention d'une pers. défunte] Paix à sa mémoire! On s'est demandé de quoi il était mort (G. Leroux,Roul. tsar,1912, p.13). c) Faire mémoire de qqn. Citer le nom d'un défunt au cours d'un office religieux (v. mémento* des morts). Le prêtre (...) dit une oraison où il fait mémoire des morts, appelle la miséricorde sur eux (Barrès,Cahiers,t.6, 1908, p.113). d) Jurer sur la mémoire de qqn. Faire serment sur une personne défunte. Jure-moi que demain matin tu seras ici... c'est très bête, mais jure-le moi sur la mémoire de ta mère (Pagnol,Marius,1931, ii, 6, p.145). e) De mémoire d'homme. Aussi loin que remontent les souvenirs des hommes. Cet espace roux, semé de galets ronds, où se tordaient de maigres touffes de thym et d'aspic (...). De mémoire d'homme on n'y avait jamais rien récolté (Bosco,Mas Théot.,1945, p.245).Plus rare. [Suivi d'un autre subst.] De mémoire de chien, de rose. Jamais de mémoire de nonne on n'avait ri de si bon coeur (Sand, Hist. vie,t.3, 1855, p.239).De mémoire de guide, on n'avait vu un alpiniste pareil (A. Daudet,Tartarin Alpes,1885, p.194). f) En mémoire de qqn. Pour transmettre et perpétuer le souvenir de quelqu'un. Faire, garder qqc. en mémoire de qqn. Vous donnerez à Pierre une montre en or, en mémoire de moi (A. France,Vie fleur,1922, p.336). 2. Réputation, gloire posthume. Mourir sans mémoire. Je tiens plus à ma mémoire qu'au jour où je vis; ma mémoire, si elle dure, devant être plus longue que ma vie (Chateaubr.,Mém.,t.3, 1848, p.140).Quelle belle, noble et pure mémoire il a laissée! Son nom sera certainement un des plus honorés parmi ceux qui ne sortiront pas du souvenir des hommes (J.-J. Ampère,Corresp.,1861, p.401). ♦ [Expression de louange ou de détestation à l'adresse d'une personne] De bonne, d'illustre, d'horrible mémoire. Ariane, de touchante mémoire, accompagna Thésée aux portes du labyrinthe pour l'aider à tuer le monstre (Balzac,Physiol. mar.,1826, p.70).Il ne faut pas demander maintenant où a passé la taxe que le roi Philippe le Bel, de glorieuse mémoire, a levée (Dumas père, Tour Nesle,1832, i, 1, p.4).Plus rare. [Le subst. désigne qqc.] La Convention de longue et sanglante mémoire unit au délire de la cruauté quelques idées très vigoureuses (Chênedollé,Journal,1809, p.47).Je marchai des heures sous la pluie pour arriver plein d'espoir à Pennyfields, de sinistre mémoire (Morand,Londres,1933, p.105). REM. 1. Mémoratif, -ive, adj.,vieilli. Qui se souvient, qui a mémoire de quelque chose. Je n'en suis pas bien mémoratif (Ac.1835, 1878).Veuillez être mémorative que Cannes n'est plus dans le déptdu Var mais dans celui des Alpes Maritimes (Mérimée,Lettres Mmede Beaulaincourt,1867, p.81). 2. Mémorieux, -euse, adj.,vieilli. Qui a de la mémoire. Je sais bien pourquoi vous n'êtes plus mémorieuse au milieu [de l'histoire] comme vous l'étiez au commencement; c'est que ça commence à mal tourner pour le champi, et que ça vous fait peine (Sand,F. le Champi,1848, p.65). Prononc. et Orth.: [memwa:ʀ]. Ac. 1694, 1718: me-, dep.1740: mé-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 «champ mental des souvenirs» avoir en memoire «garder dans l'esprit le souvenir de» (ici, le souvenir collectif, cf. sens 2) (Alexis, éd. Chr. Storey, 621); 1377 venir a memoire (à qqn) (Gace de La Buigne, Roman des Deduis, éd. Å. Blomqvist, 11031); fin xives. en memoire d'homme (Froissart, Chron., éd. Sté de l'Hist. de France, t.13, p.11); 1417-35 de memoire de homme «depuis des temps immémoriaux» (Clement de Fauquembergue, Journal, éd. A. Tuetey, ii, p.235 ds IGLF); 2. ca 1130-40 «évocation, action de se souvenir de quelqu'un ou quelque chose» faire memoire de «faire que le souvenir de quelqu'un soit gardé, garder à l'esprit» (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 1054); 1655 liturg. cath. MÉMOIRE2faire mémoire de «évoquer dans les prières de la messe» (Bossuet, Réfutation du catéchisme de P. Ferry, ii, 3 ds Littré); 3. 1remoitié xiies. «souvenir durable laissé dans la conscience des hommes» (Psautier Cambridge, 82, 4 ds T.-L.); ca 1200 de grant mimore «de grande renommée» (Renaut de Beaujeu, Bel inconnu, éd. G. P. Williams, 6245); 1260 de bone mémoire «dont on garde bon souvenir après sa mort» (Archives Haute-Marne 11 H 11 Documents linguistiques de la France, Série fr., i, 121, 2, cf.aussi M. Nezirovic, Le Vocab. des deux versions du roman de Thèbes, Univ. Clermont-Ferrand II, fasc. 8, pp.114-115); 1690 purger, abolir la mémoire de (Fur.); 1694 à la mémoire de (Ac.); 4. 1160-74 «faculté de se souvenir» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, ii, 1306); fin xiiies. par memoire «par coeur» (Les deux Bordeors Ribauz, vers 308, Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.1, p.12); 1671 de mémoire (Pomey); 5. 1951 «dispositif de traitement d'information d'un calculateur électronique» (L. de Broglie, Conf. Conservatoire des Arts et Métiers ds Nouvelles perspectives en microphysique, Paris, Albin Michel, 1956, p.94). Du lat. memoria «aptitude à se souvenir, souvenir, ensemble de souvenirs, témoignage du passé». Au sens 5, cf. angl. memory (1946 ds NED Suppl.2). |