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LUTIN, -INE, subst. masc. et adj.
I. − Subst. masc.
A. − Petit démon malicieux et facétieux taquinant les hommes et les animaux pendant la nuit. Les assistants les plus rapprochés du caveau (...) ont cru voir (...) les squelettes agités par l'artifice des lutins jaillir avec eux des soupiraux (Nodier,Trilby,1822, p. 150).[Un] lutin (...) emmêle, la nuit, dans l'écurie, la queue des poulains (A. France,Putois,1904, p. 74).V. diablotin A, Michelet, Journal, 1835, p. 175:
1. Vous voyez que nos lutins [it. ds le texte], sotrés, ou gobelins français ont de très vieux papiers de famille! Ils ont été vraiment, pendant des siècles, les génies domestiques de nos campagnes. «Le soir, écrit Michelet, derrière l'enfant et le chat, le lutin se tapit dans la cheminée...» Dévigne,Légend. de Fr.,1942, pp. 13-14.
B. − [Pour parler d'un enfant, d'une pers. à l'esprit vif et facétieux] Il faut que vous me permettiez de vous envelopper de quelques mots le style et l'orthographe de mes marmots. (...) les deux petits lutins vous écrivent tout ce qui leur passe par la tête (Hugo,Corresp.,1832, p. 513).Avec nous, c'est un vrai lutin. Mais il faut le lui pardonner: elle n'est pas maîtresse de cela, ce sont ses nerfs qui en sont cause (Leclercq,MmeSorbet,1835, 2, p. 124).
II. − Adj. Vif, espiègle et malicieux. Synon. badin, mutin.Air, humeur, pensée lutin(e). Ce terrible finale [du Don Juan de Mozart] ardent, vigoureux, désespéré, joyeux, plein de fantômes horribles et de femmes lutines (Balzac,Cabinet ant.,1839, p. 89).Cet aimable et piquant Marivaux, cet esprit lutin d'un monde si riant (Sainte-Beuve,Caus. lundi,t. 9, 1851-62, p. 379):
2. Les perles de ses dents paraissaient les plus belles, La blancheur de sa peau ternissait le satin. − Désinvolture, esprit lutin, grâce câline, − Tour à tour Camargo, Manon Lescaut, Philine, Une ravissante catin! Gautier,Albertus,1833, p. 140.
P. anal. Ta fumée errante et lutine Comme l'onde et comme le vent! (Rollinat,Névroses,1883, p. 237).
Prononc. et Orth.: [lytε ̃], fém. [-in]. Ac. dep. 1694: lutin (subst. masc.); dep. 1835: subst. masc. et adj. avec le fém. -ine. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. a) ca 1150 neitun [leçon qui semble ne figurer dans aucun ms.; probablement restituée par l'éditeur] «monstre marin» (Thèbes, éd. L. Constans, 6008; ms. S noitum; ms. C [éd. G. Raynaud de Lage], v. 6971: noitum marin); cf. 1176-81 netun (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 5267); ca 1165 nuiton (Benoît de Ste-Maure, Troie, 14736 ds T.-L.); 1176-81 luitun (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 4575); b) 2equart xives. luitin «espèce de démon, de nature plutôt malicieuse que méchante, qui vient tourmenter les hommes» (Le Chevalier de La Tour Landry, 126 ds T.-L.); 1558 lutin (J. du Bellay, Divers jeux rustiques, éd. V. L. Saunier, XXXI, 62, p. 113); 2. 1680 «enfant vif, espiègle, taquin» (Rich.). B. Adj. 1830 «malicieux» tête lutine (Balzac, Double fam., p. 232); 1839 en partic. en parlant d'une pers. la lutine Eugénie (Id., Fille Ève, p. 80). Du lat. Neptunus, nom du dieu de l'eau et de la mer chez les Romains, qui en b. lat. a désigné un démon païen, cf. un passage de la vie de St Éloi (✝ 659) faisant allusion à un sermon où celui-ci, blâmant ceux qui gardaient de vieilles superstititions païennes, cite Orcus, Neptunus et Diana (v. FEW t. 7, p. 394b), v. aussi exemples plus tardifs ds Z. rom. Philol. t. 24, p. 561 (maligno spiritu retrahente quem Neptunum vocant) et suiv.; Neptunus a donné régulièrement netun puis nuiton probablement d'apr. nuit (ces sortes de génies étant essentiellement nocturnes), puis luiton sous l'infl. probable de l'a. fr. luitier, v. lutter, devenu luitin par substitution de suff. sans doute sous l'infl. des mots du type hutin*. Fréq. abs. littér.: 104. Bbg. Migl. Nome propr. 1968 [1927], p. 314. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], pp. 260, 263; t. 3 1972 [1930], p. 214.