| LIVRÉE, subst. fém. A. − Domaine de l'habill. 1. HIST. Vêtement qu'un souverain ou un seigneur faisait porter à ses gens et qui rappelait ses couleurs et ses armoiries. Les écuyers de l'empereur en livrée verte chamarrée d'or sur les courbes des coutures (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 168): 1. C'était la coutume aux fêtes de Noël que le roi fît présent aux seigneurs qui étaient à sa Cour et de sa mesnie, de certaines capes ou casaques qu'ils revêtaient sur-le-champ : ce qu'on appelait les livrées.
Sainte-Beuve, Caus. lundi,1851-62, p. 503. 2. Habit d'un modèle particulier que portent les domestiques masculins d'une grande maison, d'un établissement. Le domestique, qui avait promptement mis une livrée, annonça le dîner (Balzac, Lys,1836, p. 52).Le valet en livrée verte à boutons d'or se tenait debout devant la table depuis plus de cinq minutes (Duhamel, Cécile,1938, p. 108). a) Expr. et loc. − Petite, grande livrée. Livrée ordinaire, d'apparat. Trois ou quatre domestiques en grande livrée, gantés de blanc, font le service de la table (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 90). − Homme, gens de livrée. Domestique(s). Les gens de livrée rentraient dans les appartements (Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 94).Cent cinquante soldats choisis des chasseurs de la garde aidaient aux hommes de livrée (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 22). − Loc. adj. De livrée. Qui fait partie d'une livrée. Deux Savoyards, travestis en laquais par la vertu d'une casaque de livrée (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 179). − Loc. verb. ♦ Porter la livrée. Veuillez oublier un moment que je porte la livrée et suis à votre service, et écoutez-moi comme on écoute un ami (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 218). ♦ Porter la livrée de. Être au service de. Voici trente ans qu'il [le chef de gare] porte la livrée de la compagnie (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1068).Au fig. Être du parti de, dépendre de : 2. On serait embarrassé de le rapporter [M. Zeller] à l'une des écoles qui ont régné depuis quarante ans, et de le ranger sous l'un des drapeaux, même les plus modernes; il n'imite pas, il ne porte la livrée de personne...
Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 9, 1865, p. 280. b) P. méton. − Une, des livrées. Un, des domestiques. Les quatre livrées circulaient encore à pas imperceptibles (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 87). − La livrée. L'ensemble des domestiques qui portent la livrée. La livrée de la maison dressait une grande table au milieu du salon (Delécluze, Journal,1825, p. 105). 3. P. anal. a) HIST. Livrée d'une dame. Rubans, pièces d'étoffes aux couleurs d'une dame. (Dict. xixeet xxes.). b) Vx. Livrée de la mariée, de la noce. Rubans de couleur qu'on donne aux invités de la noce. La petite Marie n'ayant pas encore reçu les cadeaux de noces, appelés livrées, était vêtue de ce qu'elle avait de mieux dans ses hardes modestes (Sand, Mare au diable,1846, p. 164). 4. P. ext. Tenue, habit symbolisant un état, une condition. Je puis quitter ces brillantes livrées du monde pour reprendre mes humbles vêtemens (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 283).Ma mère m'enveloppa de crêpe (...). Cette livrée funèbre m'enlaidissait (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 174): 3. ... Mademoiselle (...) sortait du couvent. Elle en gardait la tenue comprimée, les gaucheries de geste, l'embarras d'elle-même; elle en portait la livrée modeste; elle usait encore, au moment dont je vous parle, une série de robes tristes, étroites et montantes...
Fromentin, Dominique,1863, p. 70. 5. Au fig. a) Marque distinctive (d'un état, d'une condition). La grande vie sauvage de la nature, que recouvre tant bien que mal la livrée de la civilisation (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 801).Ils tenaient trop à ce que leur pensée demeurât libre pour lui faire endosser la livrée des libres penseurs (Martin du G., Devenir,1909, p. 97). b) Couleur distinctive (d'une chose). Les bois prennent leur livrée d'automne; le tilleul et le mélèze fardent leurs feuilles jaunies (Maurois, Disraëli,1927, p. 194). B. − P. anal., CHASSE. ,,Aspect visuel que présente, temporairement ou non, un animal`` (Husson 1970). Livrée nuptiale. Les pattes sont courtes, robustes et couvertes entièrement de plumes (...). Voilà pour la livrée du coq (Coupin, Animaux de nos pays,1909, p. 66).Sur le pelage des faons premiers-nés, les taches de la livrée devenaient moins distinctes (Genevoix, Dern. Harde,1938, p. 54): 4. Le sanglier naît avec « sa livrée », c'est-à-dire avec sa robe. Elle est couleur de froment et marquée de raies noires longitudinales. Cette livrée, dans les premiers mois, sert à le désigner. Et donc, tant qu'il la porte, il est nommé « marcassin »...
Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 1. Prononc. et Orth. : [livʀe]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1290 « habits donnés par un seigneur aux personnes qui étaient attachées à son service » (Livre Roisin, éd. R. Monier, p. 124); b) fin xives. « habits dont l'étoffe et les galons rappelaient, par les dessins et les couleurs, les armoiries du maître » (E. Deschamps,
Œuvres, éd. G. Raynaud, t. 8, p. 51, 35); c) 1606 « habits d'une couleur convenue, galonnés le plus souvent, que portent les domestiques d'une même maison » (Nicot); av. 1679 « les gens portant une même livrée » (Retz,
Œuvres, éd. A. Feillet, J. Gourdault et R. Chantelauze, t. 3, p. 460); 2. a) 1546 Livrée nuptiale « rubans de couleur distribués par le marié à ceux qui assistent à une noce » (Rabelais, Tiers Livre, éd. M.A. Screech, XXX, 61); b) 1690 la livrée d'une dame « rubans, pièces d'étoffe à ses couleurs » (Fur.); 3. a) ca 1450 « couleurs distinctes d'une chose » (Ch. d'Orléans, Rondeaux, CCCXXXIII, 6 ds Poésies, éd. P. Champion, p. 482); b) 1674-75 « signes extérieurs caractéristiques, révélateurs (d'une condition, d'un état...) » (Malebranche, Recherche de la vérité, 2epart., p. 242); 4. 1765 hist. nat. (Encyclop., s.v. sanglier). Part. passé fém. substantivé de livrer*. Fréq. abs. littér. : 489. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 916, b) 849; xxes. : a) 600, b) 472. Bbg. Greimas Mode 1948, p. 76. - Lenoble-Pinson (M.). Le Lang. de la chasse. Paris, 1977, pp. 57-58, 60, 142-143. |