| LE1, LA1, LES1, art. déf. [S'emploie devant un subst. (ou transforme ce qui suit en subst.) en indiquant qu'il est masc. sing., fém. sing. ou plur.] I. − Emplois spécifiques. [Le locuteur présume que le contenu du subst. suffit à l'interlocuteur pour identifier ce dont il s'agit; le subst. qui suit a un référent repérable par rapport à un savoir donné, par rapport à l'espace construit par le discours ou par rapport à la situation énonciative] A. − [Le référent du subst. est unique ou présenté comme tel] 1. [Dans la réalité ou dans le système de croyances ou le savoir commun] Mais je ne vais pas jusqu'à croire que ce que contient l'évangile soit sorti tout armé du cerveau du Christ (Gobineau, Corresp. [avec Tocqueville], 1843, p. 64).Le pharaon se leva (...) éclairé bizarrement, moitié par la lune qui se levait, moitié par la lueur des lampes (Gautier, Rom. momie,1858, p. 227).Annie a toujours vécu chez son Papa, sa Maman, je suis sûr qu'elle croit au Bon Dieu, à la Sainte Famille... (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 224). − [Le subst. désigne une doctrine, une philos.] L'existence, l'Islam. Le christianisme mènera l'homme plus loin; l'homme peut s'en soutenir plus encore (Gide, Journal,1896, p. 95). 2. En partic. [Le subst. est un nom propre ou a cette valeur] Le Soudan, l'Angleterre, le Rhône. Rien de plus uniforme que cette riche plaine de la Beauce (Michelet, Journal,1831, p. 102): 1. Faire reporter ces ossements dans le cimetière, c'eût été ébruiter un fait que tout le monde n'eût pas compris, et qui, sous la Restauration, eût pu être exploité contre ma famille par les prêtres.
Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 228. − Au plur. ♦ [S'emploie pour désigner les individus d'une même famille, d'une même dynastie] Les Médicis, les Bourbons, les Valois; les Goncourt, les Corneille étaient frères. ♦ [Avec valeur emphatique] Les Corneille, les Racine sont la gloire du théâtre français (Ac.1935). − Pop. [S'emploie devant un prénom] La Louise, le Marcel. − Vx ou HIST. [S'emploie devant les noms d'actrices ou de femmes célèbres] La Champmeslé, la Brinvilliers. La Malibran, la Patti (Ac. 1935). Outre que la présence de la Duvernoy était nécessaire pour tranquilliser le vieux duc, Prudence était une de ces femmes qui semblent faites exprès pour ces parties de campagne (Dumas fils, Dame Camélias,1848, p. 177). Rem. S'emploie encore devant les noms de stars ou de cantatrices italiennes : la Callas, la Magnani. − Au masc. sing., p. ell. [S'emploie devant les noms de navire] Le Normandie, le De Grasse, le Redoutable, le Ville d'Oran, le Liberté. Rem. Lorsque le nom est féminin ou est un nom de femme on utilise parfois la : la Liberté, la Marion-Dufresne. B. − [La spécification du référent se fait par le contenu du syntagme nom.] 1. [Le subst. a un compl. de nom] LaJeune Fille : Étranger, salue la forte muraille d'Athènes. L'Étranger : Le tremblement de terre de la nuit dernière ne l'a-t-il pas ébranlée? (Claudel, Rempart Ath.,1927, p. 1125).La bourgeoisie des camps s'est installée dans une quiétude médiocre au prix de concessions dont l'ensemble émascule et déshonore (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 185): 2. J'avais eu un juste pressentiment quand, deux jours après le départ d'Albertine, j'avais été épouvanté d'avoir pu vivre quarante-huit heures sans elle.
Proust, Fugit.,1922, p. 643. [Le compl. de nom est un nom propre] Le principe d'Archimède; la maladie de Parkinson. − En partic. [Le subst. est un nom propre] V. infra B 2.Le Paris de ma jeunesse. Maintenant je suis sûr de ta guérison. Tu redeviendras le Feydeau d'autrefois. Mais il faudra te ménager un peu plus, mon bonhomme (Flaub., Corresp.,1869, p. 50). 2. [Le subst. est l'antécédent d'une relative] Mais j'ai éprouvé quelque émotion en voyant pour la première fois celui sans l'intervention duquel nous serions en ce moment dans les larmes et dans le deuil (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 610).Tu n'as pas réfléchi que pendant les quelques semaines qu'elle passera là-bas, Lucienne sera livrée à elle-même (Aymé, Jument,1933, p. 125): 3. Il y a peu de mouvements sociaux plus singuliers que le destin de quelques grandes maisons de Nantes dans les années qui suivirent la guerre...
Nizan, Conspir.,1938, p. 75. − En partic. [Le subst. est un nom propre] Le Paris qu'il imaginait n'existe plus. 3. [Le subst. est qualifié par un adj.] Le garçon qui servait à table nous avait dit avec raison que le paquebot anglais partait le premier (Michelet, Journal,1834, p. 122).M. Ritz, lorsqu'il lança son établissement, révolutionna l'industrie hôtelière européenne (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 209). − En partic., p. ell. du subst. Ce repas, pour l'un de nous deux, sera le dernier, sera le viatique, dit alors Passereau (Borel, Champavert,1833, p. 214).Avant de partir, j'écrivis sous trois plis distincts au cardinal secrétaire d'État. Dans le premier, (...) je demandais à être reçu par lui (Billy, Introïbo,1939, p. 193). 4. [Le subst. est spécifié par d'autres procédés] À sept heures, le lundi 21 février, le commandant Gastaldi sortit de son P.C., accompagné du sous-lieutenant Mazel (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 5): 4. C'est bien ce que je craignais, cher ami, le culte du matin, l'arbre de Noël le soir, et, dans les heures entre le matin et le soir, les faridondaines qu'on suspend, les petites bougies qu'on allume pour l'ornement des branches.
Gide, Corresp. [avec Valéry], 1890, p. 40. 5. En partic., p. ell. − À la + adj. fém.À la manière, à la mode. Jardins à la française; œufs à la russe. − À la + nom propre.À la façon de. Veau à la Marengo. À côté de lui deux fragments presque finis d'Hérodiade, le dernier travail. On m'a permis, malgré la défense de les lire. L'un est en strophes à la Banville (8, 8, 8, 4) (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1898, p. 335): 5. ... et vraiment, l'après-midi d'hier, dans sa pose à la Praxitèle (...) il avait l'air d'un faune attardé.
Gide, Journal,1902, p. 119. C. − [La spécification du référent se fait par une relation d'anaphore] 1. [L'anaphore est réalisée par le même subst.] Au sortir de Plassans, les insurgés avaient pris la route d'Orchères (...). La route remonte le cours de la Viorne, en suivant à mi-côte les détours des collines (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 162).Silence de commencement du monde. Mer vide, sans une voile. Les voiles s'en vont plus au nord, vers l'Amérique française ou anglaise, plus au sud, vers l'Amérique suédoise ou espagnole (Morand, New-York,1930, p. 6): 6. − « Qu'est-ce que tu fais? » − « Regarde... Tu ne vois pas? Je fais un petit bateau. Je fais un petit bateau pour toi. Quand ta maman te donnera ton bain, tu mettras le bateau dans la baignoire, et il restera sur l'eau, sans tomber au fond. »
Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 867. 2. [L'anaphore est réalisée par deux subst. différents] M. le baron, au moment où il venait de racheter son château (...) était mort sans avoir eu le temps de faire exécuter les réparations et embellissements qui devaient mettre le manoir en état de recevoir convenablement madame la baronne et son fils (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 36): 7. Mais Virginie lui répondait qu[e] (...) si Lantier s'avisait de la suivre, elle appellerait un agent et le ferait coffrer. Depuis un mois que son mari avait obtenu sa place de sergent de ville, la grande brune prenait des allures cavalières et parlait d'arrêter tout le monde.
Zola, Assommoir,1877, p. 560. 3. [Le subst. décrit ou résume en des termes différents une réalité, un état de fait déjà mentionné] Voici trois cents pistoles, rends-moi mon enfant. Mais le chef, sans prendre l'argent, lui fit signe de le suivre (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 442).Il s'approcha de la sainte table et se signa comme un prêtre. Tous se signaient à leur tour. « Mes chers frères », leur dit-il, et il entama un discours véhément contre les mauvais chrétiens. La paroisse l'écoutait sans surprise, avec une attention fidèle (Queffélec, Recteur,1944, p. 26): 8. Voyons, disait le juge, comment expliquez-vous que votre femme se soit blessée au point qu'on l'ait trouvée partagée en huit morceaux, sans que vous, qui étiez à côté, ayez pu faire un geste pour l'en empêcher, sans même vous en être aperçu. Voilà le mystère. Toute l'affaire est là-dedans.
Michaux, Plume,1930, p. 138. D. − [La spécification du référent résulte d'un lien de contiguïté avec un objet déjà mentionné ou fourni par la situation énonciative] 1. [Le subst. désigne un élément constitutif d'un tout ou d'un ensemble explicitement mentionné auparavant] a) [Le référent est de nature spatiale] L'Anglais prit familièrement par le bras son ancien capitaine et le conduisit à son canot, dans lequel il le fit entrer. Quatre matelots étaient courbés sur les avirons et n'attendaient qu'un signal (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 506).La pluie (...) avait pénétré dans sa cagna et, comme celle-ci était creusée en pente, cela faisait vers l'entrée une petite mare (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 257):
9. Les gens battaient la semelle et regardaient au loin, espérant le train. Enfin, on le vit arriver, effrayant de rapidité, de puissance (...). C'était plein... plein... plein... plein... Voici une place! Juliette s'introduit dans le compartiment.
Triolet, Prem. accroc,1945, p. 31. − En partic. [Le subst. désigne une partie du corps] ♦ [La partie désignée est celle du référent du suj. de la prop. ou de la pers. dont on parle] Il a mal à la gorge. Quel coup il a dû recevoir dans le cœur lorsqu'il ne m'a plus trouvée en rentrant, hein? (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 253).Angélina, le cœur encore serré, s'achemina vers sa voiture, n'osant parler à qui que ce soit, sur le perron de l'église, ni lever la vue sur personne (Guèvremont, Survenant,1945, p. 180).V. appelant ex. 2 : 10. ... c'était un homme qui paraissait avoir trente ans au plus. Le front découvert, effleuré déjà par des rides précoces, les joues amaigries, l'
œil enfoncé dans son orbite, la bouche mince et pâle (...) il avait une de ces figures qui passent pour laides aux yeux du monde...
Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 119. ♦ [La partie désignée est celle du référent du pron. datif contenu dans la prop.] Enfin! s'écria Marguerite en reparaissant, le voilà parti; ce garçon-là me porte horriblement sur les nerfs (Dumas fils, Dame Camélias,1848, p. 87).Comme tu es pessimiste, disait-elle en lui caressant les cheveux (Nizan, Conspir.,1938, p. 166). b) [Le référent est de nature temporelle] Samedi en huit, continua Angélina, après le marché, je pourrai aller avec toi à l'« Ami du Navigateur », pour pas que le Syrien te passe n'importe quoi (Guèvremont, Survenant,1945, p. 170). 2. [Le subst. désigne un élément ayant avec une réalité déjà mentionnée (une institution, une activité, un système, une pratique, un rituel social) un lien autre que celui de la partie au tout] Le soir, pris le thé à Holyhead et embarqué à onze heures pour Dublin. Dormi dans le paquebot (Michelet, Journal,1834, p. 135).Et il se laissa conduire, en face de l'Hôtel de Ville, dans un petit restaurant où l'on serait bien. Bouvard commanda le menu (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 4): 11. Figurez-vous un homme qui voyage par une nuit de décembre sans lune et doublée de brouillards, et dites-moi un peu l'agrément qu'il aurait à regarder par la portière les effets du paysage.
Tocqueville, Corresp. [avec Gobineau], 1850, p. 101. E. − [La spécification du référent résulte de la situation énonciative] 1. [Le subst. désigne un élément faisant partie d'un cadre fourni par la situation décrite ou par la situation de discours] Ce matin j'ai été réveillée par un grand bruit. Julie, qui dormait dans ma chambre, s'est précipitée dans la salle à manger (Dumas fils, Dame Camélias,1848, p. 286).Deux phares pointèrent vers le trottoir, m'aveuglèrent une fraction de seconde, puis, virant court, s'estompèrent dans un froissement de lumière sur le pavé gras (Abellio, Pacifiques,1946, p. 9): 12. Hier à huit heures Madame Bérenge, la concierge, est morte. Une grande tempête s'élève de la nuit. Tout en haut, où nous sommes, la maison tremble.
Céline, Mort à crédit,1936, p. 11. 2. [Le référent du subst. est la pers. à laquelle s'adresse l'énonciation] Le bel enfant! (Ac.1935).V. eh1I A Camus, Révolte Asturies, 1936, I, 2, p. 404; Billy, Introïbo, 1939, p. 48; Zola, Pot Bouille, 1882, p. 99. − P. ell. du subst. « Aussitôt arrivés, l'hôtesse la regarde » : Entrez, entrez la belle; Entrez sans plus de bruit, Avec trois capitaines Vous passerez la nuit! (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 543). II. − Emplois génériques A. − Au sing. [L'art. précède un subst. qui n'a pas de référent spécifique; la réalité qu'il dénote est considérée dans le discours en question en tant qu'elle représente un genre, un type, une espèce, etc. (le signifie « quel qu'il soit »)] 1. [Le subst. dénote une réalité dénombrable] Tous les animaux sont pourvus d'organes plutôt singuliers que spéciaux, dans lesquels se montrent davantage la finesse et l'activité du toucher, comme les mains de l'homme, la trompe de l'éléphant, les moustaches du chat, les tentacules de l'insecte (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 161).Je tâche de te faire saisir les sentiments − légitimes ou absurdes − qui aident le poilu à supporter sa condition (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 215): 13. « Nous sommes libéraux de père en fils », disaient-ils, voulant exprimer par là qu'ils restaient des négociants irréprochables... car le doctrinaire en révolte, dont le temps s'amuse avec une profonde ironie, ne fait souche que de gens paisibles.
Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 60. 2. [Le subst. dénote une réalité non dénombrable en raison de son caractère massif ou de son unicité] a) [Le subst. dénote qqc. en tant que substance] Ce qui toutefois domine et a imprimé sa physionomie indélébile au paysage méditerranéen c'est la pierre calcaire, que bien rarement la végétation couvre d'un tapis assez épais pour l'empêcher de paraître à nu (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 156): 14. Si l'on construit des thermomètres avec des liquides divers tels que l'eau, l'alcool, le mercure, on trouvera que ces instruments (...) ne marchent point dans un parfait accord...
Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 141. b) [Le subst. dénote qqc. en tant que phénomène] Nous étions d'accord (avec toi) pour guérir le mal par l'exercice du mal (Jouve, Scène capit.,1935, p. 129).Il n'existe rien de plus honteux que la mort et les hommes sont sages de se la cacher (Nizan, Conspir.,1938, p. 219). c) [Le subst. dénote qqc. en tant que domaine de connaissance ou d'activité] Il n'y a pas de hasard dans l'art, non plus qu'en mécanique (Baudel., Salons,1846, p. 117).Non seulement la science ne peut nous faire connaître la nature des choses : mais rien n'est capable de nous la faire connaître (H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 266). d) [Le subst. dénote qqc. en tant que type d'action] Et ce qu'on faisait sans le voir, ce qu'on a fait sans le vouloir, on finit par le vouloir comme on le fait. Dans la conscience, dans la décision et dans l'exécution même, combien vite nous prenons le change (Blondel, Action,1893, p. 178). e) [Le subst. dénote qqc. en tant que capacité (à faire ou à éprouver qqc.)] Il a gardé de l'enfance le pouvoir de diriger ses rêves (...) il ignore (...) le remords (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 125): 15. Mais dans la mesure où l'on envisage dans l'entendement l'homme lui-même, je veux dire une exploration du possible de l'être, la tache absorbe l'attention : ce n'est plus la tache qui se perd dans la connaissance, mais la connaissance en elle.
G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 171. 3. En partic. a) [Le s'emploie pour transformer un adj. ou un part. passé en subst. à sens générique] Le beau, le laid; tenter l'impossible. On nous a reproché d'autre part, de souligner l'ignominie humaine, de montrer partout le sordide, le louche, le visqueux, et de négliger un certain nombre de beautés riantes (Sartre, Existent.,1946, p. 10). b) [L'art. déf. s'emploie pour transformer n'importe quelle partie ou séquence de discours en subst.] Le moi; l'en soi; le qu'en dira-t-on; le boire et le manger. Il faudrait savoir le moment et le pourquoi des choses qui tombent dans le domaine borné de son intelligence (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 18).Ici, très loin dans l'autrefois, un ermite avait eu son sanctuaire (Queffélec, Recteur,1944, p. 31): 16. Cependant l'analyse de la perception d'autrui rencontre la difficulté de principe que soulève le monde culturel, puisqu'elle doit résoudre le paradoxe d'une conscience vue par le dehors...
Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 401. 4. [Devant un nom de période temporelle ou un subst. dénotant une période temporelle] a) Au sing. ou au plur., le + nom de jour. Synon. de tous les.Fermé le mardi; visite les lundis et les vendredis. Il était centre gauche, n'allait à la messe que les dimanches, et s'entendait à merveille avec les commerçants libéraux (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 567): 17. ... à Marseille et à Limoges le vendredi-saint et la saint-Martial, le jour des garçons bouchers qui font alors la bombe et célèbrent ripailles...
Cendrars, Bourlinguer,1848, p. 247. b) Au sing., Numéro + fois + le + subst. Synon. chaque.Trois fois le mois; s'en aller une fois l'an. c) Sur*/vers* les deux heures, les trois heures. 5. [Devant un nom dénotant une unité de mesure, dans un énoncé exprimant un prix] Pour chaque. Deux francs le litre; six francs le kilo; douze livres la pièce. Rem. Il peut arriver que la validité de l'emploi générique, repérable par « quel qu'il soit », se trouve contextuellement restreinte à un univers très limité. Quel problème que celui du déjeuner! Ils quittèrent le café au lait, sur sa détestable réputation, et ensuite le chocolat; − car c'est « un amas de substances indigestes » (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 76). Le seul son d'un instrument à cordes, ou d'une flûte, ou d'une voix, suffisait à soumettre aussitôt ma pensée. De même un geste, un rayon sur le sol (Gide, Feuillet, 1896, p. 102). B. − Au plur. [S'emploie pour parler de tout l'ensemble des choses, des pers. que dénote le subst.] Je m'adresse au hasard, dit l'ex-gamin de Paris, mais c'est un fier drôle, il n'aime pas les honnêtes gens (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 694).On attribua au libertinage, fréquent chez les vieillards riches, ce rapprochement du vieux duc et de la jeune femme (Dumas fils, Dame Camélias,1848, p. 15).Ce qui lui travaillait le siphon... c'était les trésors sous-marins!... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 512). C. − [Après de partitif] V. de2. III. − Emplois intensionnels. [Le subst., en position de compl., n'a pas de référent précis et son sens s'ajoute à celui du verbe avec lequel il forme un tout, le apparaît ainsi dans un très grand nombre de loc. ou de tournures (qu'on trouvera traitées aux autres mots qu'elles comportent)] Aller à la pêche; tirer les marrons du feu; battre la mesure; faire la guerre, la paix; fumer la pipe; garder le silence; prendre la fuite. Il laissa, en style de marine, Lucien arriver, et retarda sa marche en ayant l'air de regarder le bas de la côte (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 703).Il répliqua, avec le visible désir d'étonner : − Je leur fais la cour... (Mirbeau, Journal femme,1900, p. 201). Rem. 1. Dans l'anc. lang. cet emploi de l'art. était beaucoup plus restreint, notamment avec les noms abstr. En fr. mod. l'absence d'art. déf. s'est maintenue. a) Dans des loc., des proverbes, des devises. Noblesse oblige; ventre affamé n'a point d'oreilles; bon chien chasse de race. b) Dans des comparaisons usuelles. Dur comme fer; bête comme chou. c) Dans certains groupes nominaux coordonnés consacrés par l'usage anc. ou formant loc. Les arts et métiers; les us et coutumes; (travailler) jour et nuit; (remuer) ciel et terre. d) Dans des syntagmes prép. ayant valeur d'adv., de compl. de nom ou formant loc. (Peindre) d'après nature; condamné à vie; gagner de vitesse; par monts et par vaux; pot à lait; pince à sucre. e) Dans des loc. verb. où le verbe et le nom forment une seule unité sém. Prendre parti; crier famine; tirer vengeance; rendre justice; faire faillite. f) Devant les noms de jours ou de mois. Il viendra dimanche, lundi; avril a été beau cette année (Ac. 1935). 2. Lorsqu'on veut donner plus de vivacité à une énumération de subst. on peut omettre l'art. déf. Il illustrait volontiers les événements de notre famille et de l'Université par des œuvres de circonstance : vœux de nouvel an, d'anniversaire, compliments aux repas de mariage, discours en vers pour la Saint-Charlemagne, saynètes, charades, bouts-rimés, banalités affables (Sartre, Mots, 1964, p. 115). En partic. [L'art. déf. s'emploie pour former des particules grammaticales ou des mots-outils] Le plus, le moins, le mieux, le meilleur, le pire, le pis; l'un l'autre; le même, la même; tous les deux, trois, etc.; la plupart; le mien, le tien, etc. Prononc. et Orth. : [lə], [la], [lε] et [le]. Élision de le, la devant voyelle ou h muet : l'ongle, l'amphore, l'habit, l'habitude. Liaison de les devant voyelle ou h muet : les armes [lεzaʀm̥] et [le-]; les honneurs [lεzɔnoe:ʀ] et [le-]. Par contraction, à + le + consonne ou h aspiré > au; de + le + consonne ou h aspiré > du (ex. pendre au tronc, tendre au héros, arracher du toit, s'emparer du héron); mais à ou de + le + voyelle ou h non aspiré > simple élision (ex. pendre à l'arbre, emprunter à l'histoire); à + les dans tous les cas > aux; de + les dans tous les cas > des (ex. pendre aux troncs, pendre aux arbres, croire aux histoires, consacré aux héros, arracher des toits, arracher des arbres, monter des herbes, s'emparer des hérons). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Formes A. 1. masc. a) sing.
α) cas suj. − devant consonne ca 881 li (Ste Eulalie, 21, éd. Henry Chrestomathie, p. 3 : li rex pagiens); fin xes. le (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 201 : le matins); mil. xies. le (St Alexis, éd. Chr. Storey, 236 : le pedre); − devant voyelle, forme élidée, fin xes. l' (Passion, 289 : l'altre);
β) cas régime − devant consonne ca 881 lo (Ste Eulalie, 10, 14, 15, 22; 24 : Volt lo seule lazsier); 1remoitié xes. le (Jonas, éd. G. de Poerck, 168 : cum dist e le evangelio); fin xes. (Passion, 169, 173 : il querent le forsfait); − devant voyelle 2emoitié xes. l' (St Léger, éd. J. Linskill, 19 : l'ebisque); fin xes. (Passion, 236 : l'emperador); b) plur.
α) cas suj. ca 881 li (Ste Eulalie, 3 : li Deo inimi); ca 1100 les (Roland, éd. J. Bédier, 547 : Les .XII. pers);
β) cas régime ca 881 les (Ste Eulalie, 5; 16 : les empedementz); 2. fém. a) sing.
α) cas suj. − devant consonne ca 881 la (Ste Eulalie, 10; 23 : La domnizelle); − devant voyelle 2emoitié xes. l' (St Léger, 75 : l'ira);
β) cas régime − devant consonne ca 881 la (Ste Eulalie, 28 : Post la mort); − devant voyelle 2emoitié xes. l' (St Léger, 237 : l'anima); b) plur.
α) cas suj. fin xes. las (Passion, 234 : las voz; cf. id., 397 : les custodes, leçon rejetée, v. note); ca 1100 les (Roland, 91); av. 1123 [ms. L] les (St Alexis, prol. : les quels [cascun memorie spiritel] vivent purement);
β) cas régime 2emoitié xes. las (St Léger, 151 : las poenas granz); fin xes. les (Passion, 260 : Ab les femnes); mil. xies. (St Alexis, 366 : les anames baillir). B. Formes contractées par enclise de l'art. déf. avec les trois prép. 1. en a) + art. déf. masc. sing. ca 881 enl (Ste Eulalie, 19 : Enz enl fou); mil. xies. el (St Alexis, 162); b) + art. fém. sing. ca 1200 el (Dialogues Grégoire, 150, 19 ds T.-L.); c) + art. masc., fém. plur. ca 1100 es (Roland, 1684 : es cartres e es brefs); 2. a a) + art. masc. sing. 2emoitié xes. al (St Léger, 14); b) + art. fém. sing. ca 1170 al (Chrétien de Troyes, Erec, éd. W. Foerster, 4263, var. ms. H, Bibl. nat. fr. 1450, xiiies. : al nuit); c) + art. masc., fém. plur. 2emoitié xes. als (St Léger, 206); mil. xies. as (St Alexis, 94); 3. de a) + art. masc. sing. [832-840 topon. Camdonpont (Cartul. abbaye de Redon, éd. A. de Courson, p. 94) transcrit Cansdoupont [= campus de illo ponte] par F. de La Chaussée, Morphol., § 54]; 2emoitié xes. del (St Léger, 235); b) + art. fém., masc. plur. id. dels (id., 7, 9). II. Emplois syntaxiques A. Accompagne un nom commun a) ca 881 le nom est déterminé par une épithète (Ste Eulalie, 5 : les mals conselliers); peut accompagner les adv. plus ou moins signifiant le superl. rel. mil. xies. (St Alexis, 624 : la plus durable glorie); b) 2emoitié xes. le nom est déterminé par une prop. rel. (St Léger, 14 : Al rei lo duistrent soi parent Qui donc regnevet a ciel di); mil. xies. (St Alexis, 77 : la nef est preste ou il deveit entrer). Présentatif de ce qui se réfère à une notion connue (valeur de notoriété), désigne 1. a) ce dont il a déjà été question ca 881 (Ste Eulalie, 23); b) ce qui est unique ou dont la notoriété est universelle id. (id., 28 : la mort); fin xes. (Passion, 311 : la luna; 390 : li soleilz); c) un type général, toute une classe d'individus mil. xies. (St Alexis, 302 : e li rice e li povre); 2. désigne ce dont la présence est impliquée nécessairement par la situation contextuelle a) 2emoitié xes. les parties du corps comme postulées par l'existence même de la personne évoquée (St Léger, 154 : Lis ols del cap li fai crever); fin xes. (Passion, 92 : A.ssos fedels laved lis ped); b) ca 1100 les pièces de l'armement comme constituant nécessairement l'équipement du chevalier que l'on évoque (Roland, 1199 : L'escut li freint e l'osberc li desclot); 3. détermine le numéral désignant une fraction d'un ensemble (les parties étant de même postulées par l'existence du tout) 2emoitié xes. un numéral cardinal (devenu pron.) (St Léger, 223 : Quatr' omnes i tramist armez Que lui alessunt decoller. Li tres vindrent a sanct Lethgier); id. numéral ordinal (id., 227 : Lo quarz, uns fel, nom a Vadart); 4. art. à valeur distributive a) 1176-81 devant un nom d'unité de mesure de longueur (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 2957 : pres iert, qu'il n'i ot pas Plus de demie liue un pas, Des liues qui el païs sont, Car a mesure des noz sont Les deus une, les quatre deus [ici, l'adj. numéral cardinal est devenu pron.]); b) début xiiies. devant un nom d'unité de temps (St Alexis en octosyllabes, 35, éd. G. Paris ds Romania t. 8, p. 170 : Treis feiz le jor); 5. art. à valeur démonstrative mil. xies. (St Alexis, 537 : Unches en Rome nen out si grant ledice Cum out le jurn); 6. devant un nom mis en apostrophe ca 1100 (Roland 1907 : Li nostre deu, vengez nos de Carlun). B. Accompagnant un nom propre 1. fin xes. nom de personne (Passion, 30 : Jesus lo Lazer suscitat; 489 : Lo Satanas); ca 1100 le titre est signalé par l'art. comme estimé présent à la pensée de tous (Roland, 7 : Li reis Marsilie); 2. 1140 un nom géogr. (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 209 : el Toivre [le Tibre]). C. Fait fonction de pron. Pron. anaphorique d'un subst. déjà énoncé ou s.-ent. et recevant la détermination 1. d'un subst. au cas régime a) 2emoitié xes. anaphorique d'un subst. déjà énoncé (St Léger, 118 : Vindrent parent e lor amic, Li sanct Lethgier, li Ewrui); mil. xies. (St Alexis, 7 : Al tens Noë ed al tens Abraham Ed al David...); b) 1176-81 d'un subst. s.-ent. (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, 2576 : Huit jorz aprés la Saint Johan); 2. d'une épithète fin xes. (Passion, 143 : Judas li fel; 161 : Jesus li bons); ca 1100 (Roland, 3033 : Oger li Daneis); de cet emploi est né le pron. poss. à partir de l'adj. poss. : mil. xies. (St Alexis, 372 : Li apostolie tent sa main a la cartre; Sainz Alexis la sue li alascet), v. G. Moignet, Gramm. de l'a. fr., p. 105; v. aussi mien, tien, etc. L'art. déf. est issu du lat. ille, dém. de la 3epers., dont la valeur de notoriété convient à la détermination [ille homo « l'homme que vous connaissez »] : li-lo, le; li-los, les; las, les sont issus, avec aphérèse subie en position proclitique, de illī
(altération de ille d'apr. le rel. quī
) -illu; illa; illī-illos; illas, le paradigme lat. étant réduit à 2 genres et 2 cas. En fr., l'art. s'est fixé devant le nom, fait prob. postérieur à la séparation de la Dacie (271), l'art. étant postposé en roumain. Bien que le lat. ne connût pas l'art. déf. à proprement parler (Ern.-Th., § 217), la création d'un déterminant s'annonce dès le lat. par certains emplois affaiblis des dém., dont on peut citer des ex. dans la langue pop. depuis Plaute (v. la recension critique de E. Löfstedt, Syntactica, I, pp. 359-365, ainsi que TLL, s.v. ille, 358-359, § II). En dehors des cas, les plus nombreux, où ille supplante is dans son emploi anaphorique, et de ceux où, au neutre, il sert à détacher du contexte un mot considéré en lui-même (Plaute, Miles, 819), on remarque que les cas les plus probants faisant prévoir l'apparition de l'art. rom. sont ceux où ille est utilisé dans l'expression d'une opposition ou d'une comparaison (ille alius, ille alter; ille major, ille minor; ille prior); de plus dans les textes de l'Itala, il calque souvent l'art. gr. (Ern.-Th., § 216-218; Vään., § 275; Löfstedt, pp. 64-65; B. Löfstedt, Studien über die Sprache der langobardischen Gesetze, pp. 264-268, ainsi que TLL, loc. cit., 357-358, § D); cependant, la création de l'art. déf. proprement dit ne remonte pas au delà de l'époque rom.; cf. ital. il, la, esp. el, port. o, a, en face du sarde su, sa, issu du lat. ipse, ipsa, concurrent de ille en lat. du veau xes. (notamment dans les régions bordant la Méditerranée) et dont les représentants sont aussi conservés dans une partie des parlers gascons et catalans. Formes contractées, au (issu de à* + le), aux (à + les) qui a éliminé une anc. forme es* et des (de + les). Bbg. Ferrari (G.). Ét. syntaxique des déterm. le et un ds la phrase à verbe être. Cah. Inst. Ling. Louvain. 1980, t. 6, no3/4, pp. 69-112. - Guillaume (G.). Particularisation et généralisation dans le syst. des art. fr. Fr. mod. 1944, t. 12, pp. 94-107; Le Prob. de l'art. et sa solution dans la lang. fr. Paris, 1975 [1919], 318 p. - Harris (M.) « Demonstratives », « articles » and « third person pronouns » in French... Z. rom. Philol. 1977, t. 93, no3/4, pp. 249-261. - Heriau (M.). Le Verbe impersonnel en fr. mod. Paris, 1980, pp. 800-821. - Ibrahim (A.H.). Effets argumentatifs de l'oppos. un/le. Semantikos. 1980, t. 4, no2, pp. 1-15. - Kleiber (G.), Martin (R.). La Quantification universelle en gr. Semantikos. 1977, t. 2, no1, pp. 19-36. - Le Flem (D.). Relation entre l'antéposition de l'adj. dans le synt. nom. R. Lang. rom. 1975, t. 81, pp. 467-468; Syst. des degrés de compar. en fr. contemp. et statut du morph. le ds l'expr. du superl. Vox rom. 1975, t. 34, pp. 140-159. − Spence (N.C.W.). A Note on the history of the Fr. definite articles le/la/les. Rom. Philol. 1976, t. 29, pp. 311-318. - Wilmet (M.). Gustave Guillaume et son éc. ling. Paris, 1972, pp. 36-38. |