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LAVER, verbe trans.
I.
A. − [Le compl. désigne ce qui est sale]
1. [Le suj. désigne l'agent]
a) [Avec un compl. prép. indiquant le moyen] Rendre quelque chose (plus) propre au moyen d'un liquide (et d'un produit nettoyant).
Laver + compl. prép. de.Lui (...) hochait la tête, fredonnait, humait sa cassolette, se faisait laver d'eau de senteur (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 45).Les pompiers lavent de leurs lances les gamins nus (Morand, New-York,1930, p. 224):
1. En quoi vous ai-je offensé? dit-elle tout effrayée. J'ai entendu parler d'une femme comme moi qui avait lavé de parfums les pieds de Jésus-Christ. Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 47.
Part. passé à valeur adj. Laisse-moi respirer ton odeur, qui est comme l'odeur de la terre, (...) lavée d'eau comme un autel (Claudel, Ville,1901, I, p. 447).
Laver + compl. prép. par.P. métaph. Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches; (...) Et nous rentrons gaîment dans le chemin bourbeux Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches (Baudel., Fl. du Mal,1855, p. 5).
Laver + compl. prép. avec.Ils ne prirent point la peine de laver avec une éponge le sang qui couvrait le lit (Barrès, Cahiers, t. 4, 1905, p. 85).
Au fig. Laver ses péchés avec des larmes. ,,Pleurer ses péchés`` (Ac.).
Loc. Laver la tête à qqn avec du plomb. Fusiller quelqu'un. Allons, lavez-moi la tête avec du plomb, cela m'apprendra (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 122).On lui a lavé la tête avec du plomb, mon commandant, lui dit Beau-pied (Balzac, Chouans,1829, p. 381).
Emploi pronom. indir. Se laver les mains avec de la pâte d'amandes (Ac.1835, 1878).Boissel et Pitolet l'avaient suivi et lui donnaient des conseils. Selon celui-ci, il fallait se laver le visage avec de l'huile d'olive pure (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 502).
Laver + compl. prép. à.Une irrésistible envie le prit aussitôt de quitter ce qui lui restait de vêtements, et de laver à grande eau ses membres moites (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 812).Je ne puis t'embrasser autrement. Va te laver les mains à l'alcool. Va, je te prie (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 395):
2. Depuis le temps que l'huile Shell force mes regards de toutes manières, il ne m'est jamais venu à l'idée d'en abreuver mon moteur. Pas plus que je n'ai seulement pensé à me laver au savon Cadum... T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 30.
Part. passé à valeur adj. Ces filles en bas de soie bleue ou rose, dont les lèvres sont passées au rouge, les yeux soulignés au khol, les cheveux lavés à l'auréoline [shampooing donnant un bel éclat aux cheveux] (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 32).
Emploi pronom. réfl. Sur l'avant du navire, les hommes de la bordée de quart (...) se lavaient à grande eau froide (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 367).Au lavabo, chaque matin, il se lavait les cheveux à grande eau (Renard, Journal,1901, p. 685).
b) [Avec un compl. prép. locatif dans ou à] Faire tremper quelque chose dans (quelque chose contenant) un liquide avec lequel on le frotte pour le rendre (plus) propre. C'est l'usage ici, dit-il un peu ivre, que les invités à un mariage montent au milieu de la nuit et lavent la mariée dans le whisky (Maurois, Ariel,1923, p. 74).À l'aube, (...) je lavais ma cuiller et ma fourchette dans une grande bassine d'eau chaude (Green, Journal,1942, p. 269):
3. Ils descendirent et, se mettant nus, lavèrent leurs corps brûlants dans l'eau tiède qu'ils battaient de leurs mains dures. Hamp, Champagne,1909, p. 103.
Une trentaine de femmes lavaient du linge à ce bassin, le samedi, dernier jour du mois de septembre (Stendhal, Lamiel,1842, p. 44).Elle fait un voyage pour laver un torchon à la rivière, dans l'eau qui court (Renard, Journal,1905, p. 990).
Emploi pronom. réfl. Un maure se lavait les pieds dans la fontaine qui est au milieu (Delacroix, Journal,1832, p. 123).On se lavait dans de l'eau dont il fallait briser la glace et qui ne lavait pas (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 113).Les hommes, ayant retiré leurs redingotes, se lavèrent les mains dans un seau d'eau (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Partie camp., 1881, p. 373).
P. métaph. Il roule çà et là par l'Europe, se lavant l'esprit dans les voyages (Valéry, Variété II,1929, p. 15).
Part. passé à valeur adj. Sa tunique est livrée aux femmes de Milet, Et ses pieds sont lavés dans un vase de lait (Vigny, Poèmes ant. et mod.,1837, p. 135).
c) [Sans compl. prép.] Rendre quelqu'un, quelque chose (plus) propre (généralement) au moyen d'eau et d'un produit nettoyant avec lequel on le frotte. Anton. salir.Laver les pieds de qqn; laver sa voiture. L'hôtesse, qui peigne Et lave dix marmots roses et pleins de teigne, Parle d'amour, de joie et d'aise, et n'a pas tort! (Verlaine, Œuvres compl., Jadis, Paris, Gallimard, 1938 [1884], p. 209).Elle apporta un peu d'eau dans une cuvette, lui lava doucement les yeux, le visage et les mains (Jouve, Paulina,1925, p. 246).Le temps était loin où, sans débrider, elle lavait les trois étages de l'hôtel (Dabit, Hôtel,1929, p. 84).Je vais venir. Mais faites d'abord chauffer de l'eau; je vais laver cette vaisselle; je ne peux pas supporter la saleté (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 326).
Part. passé à valeur adj. Figure, main lavée. En haut des arbres, des espèces de lucarnes aux vitres mal lavées se montraient (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 20).Elle passait un tablier blanc, frais lavé, fleurant encore le grand air et le vent (Guèvremont, Survenant,1945, p. 58).
Loc. fig. ou p. anal.
Laver son linge (sale) (en famille/en public). Régler ses problèmes personnels (entre les parties concernées/au grand jour). Si vous vous permettez de petites infamies, que ce soit entre quatre murs. (...) Napoléon, appelle cela : laver son linge sale en famille (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 715).Après avoir lavé notre linge [avec Gide] nous eûmes toujours des rapports agréables (Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 211):
4. Tout cela, au reste, est encouragé par le Gouvernement qui (...) est enchanté de voir la littérature se manger le nez en famille et laver son linge sale en public. Goncourt, Journal,1857, p. 322.
Fam. Laver la tête à qqn. Réprimander quelqu'un avec sévérité. Synon. passer un savon à qqn.J'étais allée trouver ces deux garçons Jean et Pierre, pour leur laver un peu la tête, comme vous me l'aviez recommandé (Kock, Pucelle,1834, p. 278).Ces propos ayant été rapportés au Maître, celui-ci entra dans une vive irritation, fit venir Abrice et lui lava la tête comme il faut (L. Daudet, Bacchantes,1931, p. 177).
Arg. Laver la gueule à qqn. Payer à boire à quelqu'un pour en obtenir des faveurs. − T'occupe pas, toujours les mêmes qui se dém... − En douce, tu comprends, le fourrier n'en a refilé qu'aux mecs qui lui lavent la gueule (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 65).
Loc., vx. À laver la tête d'un âne on perd sa lessive (Ac.). Cf. lessive A 1 a.
Spécialement
Arg. et fam. Laver un chèque. Faire disparaître la mention du montant, celle du destinataire, pour les remplacer par d'autres. Synon. falsifier un chèque.V. laveur ex. de Cendrars.
BEAUX-ARTS. Cf. infra III.
MÉD. Laver une plaie. Nettoyer une plaie généralement avec un liquide antiseptique. Synon. absterger.Tchen releva son pantalon, banda sa cuisse avec un mouchoir sans laver la blessure (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 317).Laver un organe. Procéder au lavage (v. ce mot) d'un organe.
PAPET., vx. Laver le papier (Ac. 1798-1878). Tremper le papier dans un bain d'alun pour le rendre moins absorbant.
IMPR., vx. Laver un livre, les feuillets d'un livre (Ac.). Tremper un livre dans un bain d'acide chlorhydrique pour en faire disparaître les taches.
TECHNOL. Rendre plus pur un produit, un matériau ou le débarrasser des impuretés qu'il renferme en le soumettant à des bains ou à des courants (généralement) d'eau successifs. Laver les argiles. Si le métal est mousseux, il faut ramener le métal et, suivant l'expression consacrée laver le bain par des additions raisonnées de spiegel (Wurtz, Dict. chim., 2esuppl., t. 4, 1801, p. 56):
5. La mort dans l'âme, de nobles chercheurs d'or étrangers, au risque d'y laisser leurs derniers cents viennent laver les sables aurifères de Park Avenue. Morand, New-York,1930, p. 219.
Emploi pronom. réfl. indir. Se laver la tête; se laver le visage. Le chat était installé sur le rebord de la lucarne. Il léchait sa patte et se lavait l'oreille (Giono, Colline,1929, p. 130).Il renvoya les enfants avec brusquerie. − Allez vite vous laver les mains, on va se mettre à table (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 187).
Locutions
Se laver les mains (cf. infra d).
Arg. et pop.
Se laver le gosier. Boire. Synon. se rincer la dalle. Part. passé à valeur adj.Je retrouvais (...) aussi un peu de l'enrouement des gosiers incessamment lavés par l'eau-de-vie (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 103).
Vx. (Aller) se laver les pieds. Faire la traversée pour aller au bagne en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie. Mes complices alors sont dans le hal [= incarcérés], tant mieux nous irons tous nous laver les pieds à la Nouvelle (G. Macé, Lundis,p. 181 ds Bruant 1901, p. 370).
Emploi pronom. réfl. Synon. faire sa toilette.Jamais je n'aurai assez d'eau pour me laver, se dit Durtal, en jaugeant le minuscule pot à l'eau qui mesurait bien la valeur d'une chopine (Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 22).Je courus à ma salle de bains et me lavai et me douchai pendant trois heures (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 228).
Emploi pronom. passif, rare. Être lavé. Là, était l'évier sur lequel se lavaient avant et après le tirage les formes, ou, pour employer le langage vulgaire, les planches de caractères (Balzac, Illus. perdues,1837, p. 11).
d) [Avec un compl. prép. de désignant ce qui salit]
Au fig. Rendre quelqu'un net de quelque chose considéré comme une souillure. Synon. disculper, blanchir.Laver qqn d'une accusation. Eh bien, j'en ai assez de l'héroïsme. Vous m'avez lavée de l'héroïsme. Pour la vie (Montherl., J. filles,1936, p. 1027).Il lui semble [à l'homosexuel] (...) que la durée psychique, par elle-même, le lave de chaque faute (...), le fait renaître à neuf (Sartre, Être et Néant,1943, p. 104).Il se sentait lavé de toute souillure (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 281):
6. Vous vous imaginez laver Napoléon d'un reproche et rejeter la faute sur M. de Talleyrand; or vous ne justifiez pas assez le premier, et n'accusez pas assez le second. Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 154.
[P. ell. du compl. prép.] Ce soupçon n'est-il pas injurieux pour l'armée? Hâtez-vous de laver Boisdeffre en livrant Esterhazy, l'espion, à la justice des lois (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 244).
Emploi pronom. réfl. Se débarrasser de la saleté qu'on a sur soi au moyen d'un liquide (et d'un produit nettoyant). Vivement elle courut à sa chambre; là, quittant sa robe, en jupe et en corset, elle se lava de la poussière du wagon (Péladan, Vice supr.,1884, p. 33).
Au fig. Se laver d'un crime (Ac.). Il y a des événements ridicules et honteux dont on a peine à se laver (Sand, Jacques,1834, p. 305).L'accusation de frigidité exaspérait Coco. Pour s'en laver, elle avait couché avec une demi-douzaine de costauds, dont deux nègres (Magnane, Bête à concours,1941, p. 338):
7. ... mon âme, élance-toi en avant! Je vous propose de vous laver de votre honte et de vous lever de votre bassesse, Et de vous venger d'un sort dur et méprisable... Claudel, Tête d'Or,1890, p. 103.
Loc. [P. réf. à l'attitude de Ponce Pilate au cours du procès du Christ v. Matth. 27, 24] . Se laver les mains (de qqc.). Dégager sa responsabilité d'une affaire pour ne pas en subir les suites. Maintenant, elle s'en lavait les mains, elle jurait de ne plus se mêler de rien (Zola, Assommoir,1877, p. 724).Après, nous saisirons les ambassades anglaise et russe. Et nous nous laverons les mains du reste (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 344).
Emploi performatif. J'ai offert d'envoyer l'argent, tu ne veux pas, je m'en lave les mains (Augier, Pierre de touche,1854, III, p. 137).Taisez-vous. Je me lave les mains; aucun regret, aucun remords ne m'effleure (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 269).
e) Emploi abs. Faire la lessive, les travaux de lavage domestique. Maman cousait, lavait, reprisait, parfois (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 133).Chaque fois qu'il avait vu partir Rose-Anna pour aller laver chez les autres, il s'était cabré intérieurement (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 195):
8. Dès que les gosses seront plus grandes, la Philiberte pourra les mettre à l'école et se louer pour les lessives : on a tant de mal, aujourd'hui, à trouver des femmes qui lavent. Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1070.
Expr., vieilli. Donner à laver (à qqn). Présenter (à quelqu'un) de quoi se laver les mains avant de se mettre à table. Des femmes, et quelquefois la fille même du Roi, conduisent l'étranger au bain. On le parfume, on lui donne à laver dans des aiguières d'or et d'argent (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 547).On donna à laver dans une magnifique aiguière de vermeil (Gautier, Fracasse,1863, p. 441).
2. [Le suj. désigne le moyen]
a) P. anal. Couler abondamment sur quelque chose. Les vagues lavent le pont du navire. Le fleuve lave les murs de telle ville (Ac.1835, 1878).La façade, toute noircie, avait deux étages. À demi lavée par la pluie en certains endroits (Reider, MlleVallantin,1862, p. 33).Il balbutiait, il ricanait sous les larmes claires qui lavaient sa figure (Flaub., Salammbô, t. 1, 1863, p. 8).Jourfier suivait d'un œil curieux les aspérités sourcilleuses de la masse basaltique dont la Merlasse (...) lavait les pieds avec fracas (Fabre, Lucifer,1884, p. 268):
9. Que l'on se figure ces journées de quatorze heures, (...) le corps plié, la bouche ouverte sous le souffle plus rapide, la face lavée de sueur, les pieds butant aux mottes du terrain. Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 47.
Au fig., part. passé à valeur adj. Qui a perdu toute couleur et parfois toute consistance. Synon. délavé.Sa mère, toute blanche, les yeux lavés, ses joues de papier de soie toutes chiffonnées, n'avait plus d'âge (France, Vie fleur,1922, p. 521).Contrairement à Faguet, c'est un homme lavé, au physique et au moral, tellement lavé qu'il n'en a plus de goût (L. Daudet, Ét. et mil. littér.,1927, p. 247).
b) P. métaph. Débarrasser ce qui souillait quelqu'un ou quelque chose comme le ferait l'action de l'eau. Synon. nettoyer, purifier; anton. infecter, salir.La rude brise de mer le lavait des odeurs du Quartier Latin (Zola, Joie de vivre,1884, p. 848).Ils usèrent leur fièvre dans de fausses étreintes, puis le matin les lava dans un bain d'aurore (Gide, Voy. Urien,1893, p. 38).Jacques (...) recula et, bondissant dans une fuite éperdue, comme si l'air de l'atmosphère avait pu laver ses yeux de la vision tenace (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 256):
10. Deux jours, là-haut, sur le divan, il avait agonisé, enveloppant toute la maison, jusqu'aux animaux, dans le filet de son désastre; et maintenant, dégorgé de son agonie, la peau claire, le regard lavé, il renaissait... Arnoux, Chiffre,1926, p. 144.
B. − [Le compl. désigne ce qui salit]
1. [Le suj. désigne l'agent] Faire disparaître quelque chose qui salit (quelque chose/quelqu'un) au moyen d'un liquide (et d'un produit nettoyant). Laver une tache (Ac.). Je me déshabille vivement pour laver la poussière du train, et derrière les volets, clos à cause du soleil, nous vagabondons en chemise avec volupté (Colette, Cl. école,1900, p. 182).Il était debout à côté de la fontaine, pendant qu'on lui lavait le sang qu'il avait sur la figure (Ramuz, Derborence,1934, p. 101):
11. Il lut longuement deux petites pages, levant sur Juliette des yeux absents. Puis il brûla le feuillet au-dessus du lavabo, fit couler l'eau pour laver les cendres. Triolet, Prem. accroc,1945, p. 82.
Emploi pronom. passif. Le sang se lave avec les larmes et non avec le sang (Hugo, Actes et par. 2,1875, p. 115).Jusqu'à l'heure où je vis monter dans la lumière (...) La source baptismale où se lavent nos fanges (Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p. 96).
Au fig. Faire disparaître (par tel ou tel moyen) quelque chose qui offense l'honneur (de quelqu'un) ou qui est considéré comme une souillure. Synon. effacer.Laver un affront, une offense. Laver une injure, un outrage dans le sang de quelqu'un (Ac.1835-1935).À présent, le monde a parlé, il a jeté sa hideuse malédiction sur nos amours, il faut les laver avec du sang (Sand, Jacques,1834, p. 278).Il rompit avec le passé dont il lava la souillure en se promettant plus d'une vengeance expiatoire (Gozlan, Notaire,1836, p. 55).Nous devons, avant que le feu cesse, laver sur ce terrain les outrages naguère subis (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 161):
12. Les paysans d'Abruzzo ne badinent pas avec l'honneur dont ils ont constitué un code à leur façon. La vengeance est prompte, et la honte vite lavée. Chardonne, Attach.,1943, p. 70.
Arg. et fam. Laver de l'argent volé. Lui procurer une origine avouable (v. aussi infra III).
2. [Le suj. désigne ce qui lave] Faire disparaître quelque chose qui souille (quelque chose/quelqu'un). La pluie n'espérait pourtant pas laver cette boue, laver ces haillons, laver ces cadavres? Il pourrait bien pleuvoir toutes les larmes du ciel, pleuvoir tout un déluge, cela n'effacerait rien (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 281).V. supra I A 1 b ex. de Sand.
Au fig. Faire disparaître quelque chose qui offense l'honneur ou qui est considéré comme une souillure. Synon. effacer.Vois ces gouttes de sang versées pour tous les pêcheurs, assez nombreuses, assez efficaces pour laver tous les péchés (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 337).Son pur amour maternel qui n'avait jamais soupçonné le mal (...) semblait aujourd'hui laver les torts et bénir (Chardonne, Épithal.,1921, p. 166).
II. − BEAUX-ARTS
A. −
1. Colorier (un dessin, un support graphique) d'une couleur étendue d'eau (ou parfois d'un autre liquide). Laver une esquisse à l'encre, à l'eau d'architecte. Laver un dessin (Ac.). Laver les masses de verdure en vert (Ac.1835-1935).À mesure que nous dressions nos cartes, Mademoiselle de Lessay les lavait à l'aquarelle (France, Bonnard,1881, p. 393).Il trempa le pinceau dans la peinture et se mit en mesure de « laver » tout l'espace occupé par le cercle qu'il avait préalablement tracé (G. Leroux, Parfum,1908, p. 148):
13. L'immense difficulté, pour faire un dessin où il y ait du soleil! Voilà Gavarni d'abord lavant le papier blanc, d'un ton chaud, jaune rosé... Goncourt, Journal,1861, p. 924.
Part. passé à valeur adj. Plan lavé; aquarelle lavée de gouache. Je citerai encore Fragonard, (...) dont le fils a poussé au plus haut degré de mérite les dessins lavés (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 338).Hetzel lui fait faire pour la Belgique une masse de dessins à la plume, sur papier écolier, lavés d'aquarelles par dessus (Goncourt, Journal,1855, p. 173).Dans le plan de Strasbourg ci-joint St Étienne est lavé en bleu, La Marguerite en rouge (Mérimée, Lettres L. Vitet,1870, p. 92):
14. Lorie s'approchait et montrait du bout de son lorgnon un plan superbe lavé à l'encre de Chine pendant les loisirs du bureau. A. Daudet, Évangéliste,1883, p. 136.
P. anal. Coloré d'une (de) couleur(s) légère(s). Synon. teinté.Elle prenoit plaisir à voir la lumière de cet astre paisible s'étendre du haut des montagnes en nappes argentées, lavées d'une légère teinte bleuâtre (Nodier, J. Sbogar,1818, p. 114).Sa coloration est très variable : généralement le corps est lavé de brun, de roux, d'olivâtre (Coupin, Animaux de nos pays,1909, p. 164).
2. Exécuter une œuvre en utilisant des couleurs étendues d'eau. Elle savait laver une seppia, peindre à la gouache et à l'aquarelle (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 149).Le duc de Rohan était fort joli; il roucoulait la romance, lavait de petites aquarelles et se distinguait par une étude coquette de toilette (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 364).Aux murs, des lavis mal lavés (Colette, Cl. école,1900, p. 249).Madame lave agréablement l'aquarelle (Arnoux, Solde,1958, p. 14).
B. − Ajouter de l'eau à une couleur.
Part. passé à valeur adj. Couleur lavée (Ac.). Il a inventé un dessin cursif, mais qui est peint, comme il dit, et qui se fait à la plume avec deux encres : de l'encre noire lavée d'eau et de l'encre rouge carminée (Goncourt, Journal,1859, p. 632).
C. − Emploi intrans., rare. Perdre de l'intensité, de l'éclat. Synon. se délaver.Si les couleurs lavent au vernissage, on les fixe par un fort talquage (Villon, Dessin. et impr. lithogr.,1932, p. 676).
III. − Fam. et arg. Écouler une marchandise (généralement pour un prix modique). Synon. liquider, bazarder.Moi, je carotte froidement des volumes, sous prétexte de service de presse supplémentaire, et je les lave chez Gougy (Colette, Cl. ménage,1902, pp. 135-136):
15. À dix-sept ans, (...) il s'était trouvé sur le pavé de Paris, sans autre ressource que l'héritage de la bonne femme, d'horribles bouquins, (...) qu'il « lavait » sur les quais, au fur et à mesure de ses besoins les plus urgents. Coppée, Coupable,1897, p. 52.
Laver de l'argent volé. L'échanger au-dessous de sa valeur.
Part. passé à valeur adj. Synon. nettoyé.− Est-ce qu'il te reste un Paris-soir? − Tout vendu, tout lavé (Arnoux, Paris,1939, p. 36).
REM.
Laviller, verbe trans.,hapax, région. Laver (quelque chose). Dorothée (...) regagna son village. Mais elle fit dès lors état de ce séjour. « C'est moi que j'étais celle qui lavillait les abbés! » disait-elle en gonflant le cou, parce qu'on l'avait prise une fois pour laver les aubes et les surplis de la cure (Pourrat, Gaspard,1922, p. 167).
Prononc. et Orth. : [lave], (il) lave [la:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. Fin xes. « nettoyer avec de l'eau (une partie du corps) » (La Passion, éd. D'A. S. Avalle, 92); fig. ca 1500 laver la tête de qqn « le réprimander » (Ph. de Commynes, Mémoires, éd. Calmette, III, 253); 2. fin xes. allus. biblique laver ses mains (La Passion, 237); fig. ca 1180 « dégager sa responsabilité » (Hue de Rotelande, Ipomedon, éd. A. J. Holden, 8947); 3. ca 1165 se laver (Benoit, Roman de Troie, 2016 ds T.-L.); 4. 1remoitié xiies. p. métaph. « purifier » (Psautier d'Oxford, 57, 10, ibid.); début xiiies. par confession lavé (Gerbert de Montreuil, La Continuation de Perceval, éd. M. Williams, 202); 5. 1170 « nettoyer (une plaie) » (Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, éd. L. Constans, 10250); 6. 1176-81 « débarrasser (quelqu'un) de ses souillures » (Chretien de Troyes, Chevalier à la Charrette, éd. M. Roques, 4388). II. 1. 1485 « enlever la saleté d'un objet » laver les tasses (Mystère du Viel Testament, éd. J. Rothschild, 40410); 1579 escuelles à laver (Larivey, Jaloux, IV, 2 ds IGLF); 1690 laver la lescive (Fur.); d'où 2. 1690 pierre à laver « évier » (ibid.); 3. technol. 1576 peint. (Inventaire Ducs de Lorraine, 219 ds IGLF : Ung refreschissoir lavé de couleur); 1663 terme de chim. (Glaser, Chimie ds Trév. 1721 : C'est ôter par le moyen de l'eau les impuretes grossières de quelque mixte); 1676 terme de charpent. (Félibien, p. 631); 1680 laver les laines (Rich.); 1712 terme d'orfèvr. (M. Cramer, Dict. fr.-all., t. 2); 4. 1748 « dépenser » (Caylus, L'Histoire de Guillaume Cocher, 25 ds Brunot t. 7, p. 1216); 1794 « vendre » (Let. de Combaud fils, 25 flor. an II, ibid., t. 10, p. 292, no3). Du lat. lavare. Fréq. abs. littér. : 2 984. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 759, b) 4 706; xxes. : a) 5 589, b) 4 444. Bbg. Chautard Vie étrange arg. 1931, p. 653. - De Kock (J.). À propos de deux descriptions de la forme pronom. du verbe en fr. Orbis. 1971, t. 20, no1, pp. 22-23.