| LAURIER, subst. masc. A. − Arbre aromatique de la région méditerranéenne, à feuilles persistantes, lisses et luisantes, appartenant à la famille des lauracées. Branche, rameau de laurier; buisson, massif de lauriers. Chez les anciens, le laurier était consacré à Apollon (Ac.)Épaulés contre des lauriers en caisse, ils se regardèrent d'un air assez embarrassé (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 178).Les feuilles de laurier sont employées surtout comme assaisonnement et épices (Planchon, Collin, Drogues orig. végét., t. 1, 1895-96, p. 391).Une femme qui, comme le laurier, préserve des coups de foudre (Renard, Journal,1904, p. 884).Pour chasser les mouches, faites bouillir pendant cinq minutes une bonne poignée de feuilles de laurier et laisser ensuite ce liquide s'évaporer dans la pièce (Duq.Plantes1974) : 1. Toi qui jusques au ciel montes, colosse droit,
Et qui poses tes pieds dans le roc dur et froid,
Ô symbole! Géant! Bel arbre aux feuilles lisses!
Laurier, ma lâche envie et mes saintes délices!
Fantôme que Pindare ému reconnaîtrait!
Compagnon de la lyre idéale! Portrait
De tout ce que j'adore et de tout ce qui m'aime!
Arbre mélodieux, grand comme Phoebos même!
Banville, Exilés,1874, p. 86. Rem. Cet arbre est appelé aussi laurier d'Apollon, laurier noble, laurier commun, laurier-sauce, pour le distinguer de divers arbres ou arbustes qui portent le même nom (cf. laurier-cerise, laurier-rose, laurier-tin, et aussi laurier tulipier, synon. de magnolia). − [P. allus. à la chanson pop. : Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés] Il y a beau temps que les lauriers sont coupés dans les bois du Parnasse (France, Vie littér.,1890, p. 210): 2. Où sont les buissons de roses qui entouraient la colline? L'églantier et le framboisier en cachent les derniers plants, qui retournent à l'état sauvage. Quant aux lauriers, les a-t-on coupés, comme le dit la chanson des jeunes filles qui ne veulent plus aller au bois?
Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 613. − Littér. [P. réf. à la nymphe Daphné, métamorphosée en laurier pour échapper aux poursuites d'Apollon] Pradier, Bosio et David, hommes de talent tous trois, mais qui, les pieds pris dans les traditions impériales, comme Daphné dans son écorce de laurier (Dumas père, Comment je devins aut. dram.,1833, introd., p. 23). B. − 1. P. méton. a) Les feuilles, les branches de cet arbre. Mettre du laurier dans une sauce. Un bouquet de laurier et de thym pendait, la boîte aux épices avait une odeur poivrée (Zola, Page amour,1878, p. 1042).Dix heures du matin, c'est l'heure grave et parfumée où le laurier, le céleri, le navet, le thym (...) se réunissent dans le pot, autour de la tête de veau enveloppée d'un linge blanc (Renard, Journal,1906, p. 1076). − [P. réf. au fait qu'en Grèce, avant de prophétiser, les devins mâchaient des feuilles de laurier] Prophétesse attristée et méconnue. La prescience intuitive. Elle a bu l'eau de la source sainte et mâché la feuille du laurier d'Apollon. L'église repense et régularise l'élan de l'imagination affamée de prescience surnaturelle (Barrès, Cahiers, t. 12, 1919, p. 221). b) Le plus souvent au plur. Victoire, succès. Cueillir, moissonner des lauriers. Un combat sans danger donne un laurier sans gloire (Laya, Ami loix,1793, I, 4, p. 19).La France a été inférieure, lors de tous les concours aux Olympiques; les seuls lauriers qu'elle ait remportés, c'est au cours de cette seule épreuve : la bicyclette! (Gide, Journal,1942, p. 109).Jadis, un Fromentin, peintre, rêvait des lauriers du romancier; aujourd'hui, il est peu de romanciers qui n'aient été, à un moment, tentés par la critique d'art (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 12): 3. L'empereur Joseph II, (...) que les lauriers de Frédéric empêchaient de dormir, crut que les hostilités entre la France et l'Angleterre s'accompagneraient d'une nouvelle guerre continentale favorable à ses ambitions.
Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 13. ♦ S'endormir sur ses lauriers. Se contenter d'un premier succès; ne pas poursuivre ses premiers succès. Larminat ne s'endort pas sur ses lauriers. Il va frapper la poche de La Rochelle, qui forme, avec l'île de Ré, un vaste ensemble défensif (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 160). ♦ Se reposer sur ses lauriers. Jouir d'un repos mérité après de grands et nombreux succès. Ensuite, je n'ai pas cru manquer à l'amitié, j'ai cru user de son plus doux privilège en me reposant sur mes lauriers (Sand, Corresp., t. 1, 1836, p. 364).Vous connaissez tous sa gloire insigne. Bénissez le hasard qui nous adresse juste à la retraite philosophique où ce héros du théâtre se repose sur ses lauriers (Gautier, Fracasse,1863, p. 167). − [Symbole de l'immortalité, de la gloire] Se couvrir de lauriers; être chargé de lauriers. La couronne de lauriers de M. Bonaparte a pour ombre la couronne d'épines de la France (Hugo, Corresp.,1870, p. 264).Dans l'Antiquité, les poètes, les triomphateurs, les généraux vainqueurs, étaient couronnés de laurier (Privat-Foc. 1870).Le laurier de Baudelaire ou de Mallarmé ne nous paraît-il pas plus précieux, plus enviable que toute la gloire du vieil Hugo? Et pourtant c'est Hugo qui demeure notre plus grand poète (Mauriac, Journal 3,1940, p. 273): 4. Je suis d'une vanité qui me stupéfie, quand je la considère, l'attaque passée. Si Paris m'offrait de me couronner de lauriers, comme autrefois Pétrarque, par une démonstration officielle, je ne serais pas étonné et je saurais bien justifier cette faveur.
Renard, Journal,1894, p. 236. ♦ Vx. Flétrir ses lauriers. ,,Souiller sa gloire`` (Ac. 1798-1878). 2. ARCHIT. ,,Feuillage d'une espèce particulière disposé en guirlandes, et fréquemment usité comme motif d'ornementation`` (Adeline, Lex. termes art, 1884). Prononc. et Orth. : [lɔ
ʀje] et [lo-]. Cf. laure. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1100 bot. (Roland, éd. J. Bédier, 2651); 2. fin xives. « feuillage de cet arbuste consacré dans l'Antiquité à Apollon, avec lequel on tressait la couronne des vainqueurs » (Jehan Froissart, Chroniques, éd. L. Mirot, XII, 240); 3. 1550 fig. « la gloire du vainqueur » (Ronsard, Odes, I, IX, éd. P. Laumonier, I, 114, 98); 1686 cueillir des lauriers (Flechier, Le Tellier ds Littré); début xviiiese reposer à l'ombre de leurs lauriers (Saint-Simon, 137, 2 ds Littré); 1791 s'endormir sur ses lauriers (Marat, Pamphlets, Charlatans mod., p. 291); 4. 1834 « feuillage utilisé comme condiment » (Balzac, E. Grandet, p. 203). Dér., avec suff. -ier*, de l'a. fr. lor (xies. ds Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 2, p. 163, 164 − xiiies. ds T.-L.), du lat. laurus « id. ». Fréq. abs. littér. : 751. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 415, b) 1 436; xxes. : a) 1 109, b) 548. Bbg. Arveiller (R.). Probl. posés par les n. de plantes fr. au 16es. In : Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 14. 1974. Naples. Napoli-Amsterdam, 1977, t. 4, pp. 168-169. |