| LATIN, -INE, adj. et subst. I. − Adjectif A. − 1. Qui est originaire du Latium; qui se rapporte au Latium, à ses habitants, à sa civilisation. Civilisation, mythologie latine. La ville latine de Lavinium (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 476).La langue latine, (...) cette langue universelle, qui était le volapük d'autrefois entre les savants et les littérateurs de tous les pays (Goncourt, Journal,1892, p. 232).V. agriculteur ex. 12, albain ex. 4, confédération ex. 2. − En partic. ♦ Droit latin. Ensemble des droits que Rome avait accordés aux habitants du Latium puis aux habitants d'autres provinces. Après la Guerre Sociale, toutes les anciennes villes du Latium, avec le reste de l'Italie, possèdent le droit de cité complet et le droit latin n'est plus appliqué que dans les provinces (Lavedan1964). ♦ Voile latine. Voile triangulaire enverguée sur une antenne, utilisée à l'origine par les habitants du Latium. Un bateau pêcheur dont la voile latine, Blanc triangle, reluit à travers la bruine (France, Poèmes dorés,1873, p. 30).La substitution de la grande voile latine triangulaire à l'ancienne voile quadrangulaire réalisa un notable progrès (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 267).[En parlant d'un bateau] Qui ne porte que des voiles latines. Bâtiment latin. Goëlette latine (Soé-Dup.1906). ♦ Mer latine (littér.). Mer méditerranée. La mer latine (...) que bordent : au Nord la France et, au Midi, l'Empire français d'Afrique; (...) cette mer qui pénètre et relie à nous de vaillants peuples balkaniques (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 536): 1. ... dès novembre 1912, il fallut constater l'avènement d'une nouvelle puissance maritime en Méditerranée : l'empire allemand. (...) nous ne savions pas si l'Allemagne aborderait la mer latine par le Maroc, la Principauté monégasque, la Lybie ou (...) par un port de Syrie.
Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. XII. Rem. Cf. les composés celto-latin (s.v. celte rem.), gréco-latin, hellénico-latin (s.v. hellénique rem.), helléno-latin (s.v. hellène rem.). 2. a) Qui s'exprime, qui écrit en latin (infra II B). La lecture des auteurs latins me parut insuffisante; et je partis pour l'Italie, afin de voir Rome (Dumas père, Caligula,1837, préf., p. 2).V. agronome ex. 5, assemblage ex. 9, cocardeau ex. : 2. La prophétie orientale d'un messie qui serait le maître du monde avait cours également parmi eux [les Romains]. Les historiens latins nous en sont garants. Tacite et Suétone s'en expriment clairement à propos de Vespasien et de Titus.
P. Leroux, Humanité, t. 2, 1840, p. 735. − En partic. ♦ Église latine. Église romaine d'Occident dont la langue cultuelle était le latin. Pères de l'Église latine : 3. Un autre argument en faveur de la reddition était la conduite plus qu'équivoque des chrétiens indigènes de rite grec. Dans sa haine de l'Église latine, l'élément grec se mettait au service de Saladin.
Grousset, Croisades,1939, p. 248. Relatif à l'Église latine. Rite latin. La construction de la messe, au point de vue historique, (...) c'est composite, fait de messe grecque et latine (Barrès, Cahiers, t. 7, 1908, p. 110).La fête du feu sacré, qu'on célèbre en ce samedi de Pâques, n'est pas une fête latine, mais une fête orthodoxe (Tharaud, An prochain,1924, p. 7).Croix* latine. ♦ Empire* latin (d'Orient). ♦ Pays latin (vx), quartier latin. Quartier de Paris sur la rive gauche de la Seine où se trouvait l'ancienne université (dont les cours se donnaient en latin). Étudiant, librairie du quartier latin. Poutillard vit dans une joyeuse société d'étudiants au quartier latin (Duhamel, Cécile,1938, p. 98).À l'angle de la rue des Écoles et du boulevard Saint-Michel, (...) dans l'atmosphère de cris et de galopades du Quartier Latin (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 67): 4. ... un quartier de la capitale, auquel les collèges de la Sorbonne, les pensions de l'ancienne Université, et plusieurs réunions savantes ont fait donner le nom de Pays Latin [it. ds le texte].
Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 54. b) Qui est écrit en latin, qui a rapport au latin. Livre, manuscrit, mot, texte, vers latin; thème latin; version latine; étymologie, grammaire, traduction latine; déclinaisons latines; versions latines de la Bible. Maxime Denis (...) composait un poème latin, imité d'Ovide, sur la métamorphose de M. Mésange en oiseau (France, Vie fleur,1922, p. 398).L'énigme pourrait bien prendre l'allure d'une provocation; au sens latin, bien sûr; pro-voquer : appeler au dehors (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 487): 5. Une nuit il passe en revue sa bibliothèque latine. Virgile est un cuistre et un raseur; Horace a des grâces éléphantines; Cicéron est un imbécile et César un constipé...
Lemaitre, Contemp.,1885, p. 326. B. − Qui a certaines caractéristiques des habitants du Latium, des anciens Romains, ou certains traits physiques ou moraux qu'on leur attribue; qui a été influencé par leur civilisation (ces traits dominent en Italie, en Espagne, en Roumanie). Tempérament, type latin. Les Scandinaves (...) renièrent (...) Rome (...). Cette apostasie (...) est (...) une turpitude septentrionale dont la raison latine reste confondue (Bloy, Journal,1899, p. 304).Il releva ses cheveux. Sa beauté était célèbre à Tolède : nez aquilin, yeux très grands, le masque conventionnel de beauté latine (Malraux, Espoir,1937, p. 622). − En partic. [En parlant d'une lang. ou d'un pays considéré du point de vue de sa lang.] Qui a pour origine le latin; dont la langue a pour origine le latin. Peuples latins; nations latines. La France (...) est, depuis deux cents ans, le véritable foyer de la libre pensée dans le monde (...). L'Italie, l'Espagne, l'Amérique du Sud, tous les pays latins où dominaient le catholicisme, ont suivi son exemple (Martin du G., J. Barois,1913, p. 441): 6. ... les violences et les sorties de Saint-Victor, se déclarant latin de la tête au cœur, n'aimant que les arts latins, les littératures latines, les langues latines et ne trouvant sa patrie qu'en Italie, avec l'abomination des septentrionaux, indifférent à une invasion espagnole ou italienne, mais non allemande ou russe...
Goncourt, Journal,1857, p. 425. ♦ Amérique latine. Amérique centrale et Amérique du Sud (où l'on parle l'espagnol ou le portugais). En dehors de l'Europe, les pays dont les recherches nucléaires ont atteint un stade important (...) sont (...) pour l'Amérique latine : l'Argentine et le Brésil (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 148). II. − Substantif A. − 1. Personne qui habitait le Latium; personne dont la langue était le latin. Les deux grandes sociétés italiennes, les Osci (dont les Latins sont une tribu), et les Tusci ou Étrusques (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 24).La première guerre menée contre les Samnites en 343 avant J.-C. entraîna (...) la guerre décisive entre Rome et les Latins (...). Le Latium sera dorénavant soumis à Rome, à sa politique, à son ambition et à ses lois (Encyclop. univ.t. 141972, p. 387): 7. Ce sanctuaire de Némi, que nous avons vu si florissant, n'existe donc plus?... Ce sanctuaire était la force du Latium. C'en est fait de la confédération des Latins, à moins que le Capitole n'en devienne le centre nouveau.
Renan, Drames philos., Prêtre Némi, 1885, II, 5, p. 558. − En partic. ♦ Vx ou littér. Auteur écrivant en latin. J'aime à bouleverser une bibliothèque, Fouiller un chroniqueur qu'on a laissé moisir, Déchiffrer un Latin, quelque vieille ode grecque (Borel, Rhaps.,1832, p. 36).Je l'ai écouté parler. Il se moque de vos Grecs et de vos Latins que je ne peux pas lire (Salacrou, Terre ronde,1938, I, 1, p. 142). ♦ Membre de l'Église latine. Les Latins et les Grecs diffèrent de croyance et de pratique en plusieurs points (Ac.). ♦ Habitant de l'Empire latin d'Orient. La cour byzantine, qui se sentait menacée par les rancunes et les convoitises des Latins, avait conclu contre eux un pacte avec Saladin qu'elle tenait au courant des progrès de la croisade (Grousset, Croisades,1939, p. 257). 2. Personne qui a certaines caractéristiques des habitants du Latium, des anciens Romains, ou certains traits physiques ou moraux qu'on leur attribue; personne qui a été influencée par leur civilisation. C'est une Latine pur sang; elle s'encombre d'un tas de préjugés élégants et néfastes (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 179).Il avait un visage de Latin, très brun, très ouvert, avec quelque chose d'équilibré, de protecteur, qui me plut (Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 16).V. adipeux ex. 7 : 8. ... le président Poincaré et M. Clemenceau, en bons réalistes, en bons Latins qu'ils sont, ont compris, non seulement l'inanité de ses chimères, mais aussi la secrète mégalomanie du président Wilson...
Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 807. B. − Subst. masc. sing. Langue indo-européenne du rameau occidental de cette famille, parlée par les habitants du Latium et par les anciens Romains, utilisée par les savants jusqu'au xviiiesiècle, langue officielle de l'Église romaine. Latin classique, littéraire, médiéval, populaire, vulgaire; bas latin; bon, mauvais latin; dictionnaire latin-français, français-latin; latin de Cicéron, de César; parler (le) latin, entendre le latin; écrire en latin. Votre castillan, et notre français, et l'italien encore ne sont que des dialectes issus du latin parlé (Larbaud, F. Marquez,1911, p. 126).Le mystère du féminin pour les noms d'arbres en latin (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1917, p. 451).V. bas1ex. 37, classique ex. 2, emprunt ex. 7 : 9. ... le latin devint la langue officielle des Francs qui oublièrent la leur, tandis que se formait la langue populaire, le roman, qui, à son tour, a donné naissance au français.
Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 25. ♦ Latin de cuisine*, latin macaronique*. ♦ Latin d'Église. Latin en usage dans l'Église romaine; mauvais latin. Du temps où vous m'appreniez à lire, vous aimiez le bon latin. Les barbarismes du latin d'Église n'irritent pas vos oreilles? (Salacrou, Terre ronde,1938, II, 3, p. 205).La gourmandise. (...) son nom de gargouille intestinale et qui prête à rire en latin d'Église : gastrimargia, quod sonat ventris ingluvies (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 192). − Loc. fam. ♦ Être, se trouver au bout de son latin (vx). Ne plus savoir que dire, que faire. J'avoue que ma veine s'épuise, que je suis au bout de mon latin (Jouy, Hermite, t. 1, 1811, p. 150).Birotteau se trouvait au bout de son latin; il avait usé tous ses artifices pour dérober à sa femme la connaissance des symptômes de sa gêne (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 286). ♦ (Y) perdre son latin. Ne pas comprendre (quelque chose), ne plus savoir que faire. Il y a perdu son latin (Ac.).Vous êtes graphologue, Et démêleriez, tonnerre! une églogue Dans un grimoire où Nostradamus perdrait son latin (Verlaine,
Œuvres compl., t. 3, Dédic., 1890, p. 147).Toute l'histoire idéaliste de la philosophie perd son latin entre tant de rigueur formelle et de contingence matérielle (Nizan, Chiens garde,1932, p. 33).V. décourager ex. 4 : 10. Je ne comprends pas comment qu'on peut laisser ses affaires comme ça et allez-y voir si une autre saurait se retrouver dans ce pêle et mêle. Le diable lui-même y perdrait son latin.
Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 896. ♦ C'est du latin (pour qqn) (rare). C'est incompréhensible (pour quelqu'un). Synon. c'est du chinois, de l'hébreu.Madame Grandet, ce que nous avons à dire serait du latin pour vous (Balzac, E. Grandet,1834, p. 132). − En partic. Cette langue en tant qu'objet d'enseignement des humanités classiques; étude de cette langue. Apprendre, enseigner le latin; faire du latin; cours, leçon de latin. Puisque tu écris si bien, (...) tu es digne de commencer le latin (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 41).Fierté d'être premier en latin (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 69). REM. 1. Latinage, subst. masc.,p. plais. Latin (supra II B). Il appelle « messieurs de la bachellerie », les instituteurs, maîtres de latinage ou de dessin (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 18). 2. Latinasserie, subst. fém.,hapax, péj. Culture latine. Mon père (...) lui interdit formellement l'auvergnat. Elle répond avec amertume : « (...) Mon pauvre ami, avec ta latinasserie et ta grecaillerie, tu en es réduit à défendre à ta femme, qui est de la campagne, de t'éclipser! » (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879p. 229). 3. Latinément, latinement, adv.En latin, conformément au latin (supra II B). Ce vœu pensé latinément : « Vade retro » (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Mes pris., 1893, p. 410).Je prétendais y avoir obtenu [dans une phrase], en dépit de la syntaxe, une construction quasi latinement satisfaisante, parfaitement logique et ne prêtant à aucune ambiguïté (Gide, Journal,1931, p. 1096). 4. Latinomanie, subst. fém.Engouement pour la langue latine. Aussitôt une fièvre de latinisme envahit la nation [la Roumanie]; le bel idiome de ses pères, fait d'expressions slaves, latines, albanaises, hongroises et turques, fut expurgé et adapté aux nécessités de la latinomanie jusqu'à ne plus être compréhensible (G. Eridant, inR. blanche, no46, 1ermai 1895, 409 ds Quem. DDL t. 21). Prononc. et Orth. : [latε
̃], fém. [-in]. Att. ds Ac. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. a) 1119 « qui appartient à la langue latine » (Ph. de Thaon, Comput, 2906 ds T.-L.); 1549 « qui s'exprime dans cette langue » poêtes, orateurs Grecz & Latins (Du Bellay, Deffence et Illustration de la langue francoyse, éd. H. Chamard, I, IV, 30, 24); b) ca 1195 gent latine « se disait des peuples de l'Occident par opposition aux Grecs et peuples d'Asie Mineure » (Ambroise, Guerre sainte, 1551 ds T.-L.); 1810 « qui a subi l'influence de la langue et de la culture latines » la race latine, la race germanique, et la race esclavonne (Staël, Allemagne, t. 1, p. 14); c) ca 1195 « relatif à l'Église catholique d'Occident » prestres latins (Ambroise, op. cit., 12173 ds T.-L.); 2. a) 1549 « relatif au Latium, p. ext. à l'Italie » (Du Bellay, op. cit., II, XII, 19, 124 : les larges campaignes grecques & Latines sont déjà si pleines); b) 1573 mar. voile latine (Dupuys, s.v. voile). B. Subst. 1. a) 1119 « langue parlée dans le Latium, puis dans toute l'Italie et l'Empire romain » (Ph. de Thaon, op. cit., 99); cf. ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, Troie, 121 ds T.-L. : De greu le [le livre] torna en latin); b) ca 1150 « langage des oiseaux » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 2061); 1338 perdre son latin « (en parlant des oiseaux) demeurer muet » (Vœux du Héron, ms. Berne, 323, fo90a ds Arch. rom. t. 5, p. 426); d'où 1566 y perdre son latin « ne pas pouvoir expliquer quelque chose, renoncer à comprendre » (H. Est., Apol. pour Hérod., p. 13 ds Littré); 2. 1558 « latiniste » grands latins (Des Périers, Nouv. Récr., 21 ds Hug. [dès 1298 comme adj. au sens de « qui sait le latin, lettré, savant » latin et sajes (Rusticien de Pise, Marco Polo, éd. L. Foscolo Benedetto, XVIII, 8c, p. 11)]). Empr. au lat.latinus « relatif au Latium; latin »; au neutre latinum « la langue latine ». Fréq. abs. littér. : 3 332. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 292, b) 4 239; xxes. : a) 6 368, b) 3 552. COMP. Latino-américain, -aine, adj. De l'Amérique latine, relatif à l'Amérique latine. Pays latino-américains. Cuba est une des républiques latino-américaines les mieux pourvues en journaux, puisqu'on en compte 84 (Civilis. écr., 1939, p. 38-7). Littérature et civilisation latino-américaines (Encyclop. éduc., 1960, p. 229). − [latinoameʀikε
̃], fém. [-εn]. Au plur. des latino-américains. − 1reattest. 1931 littérature latino-américaine (Lar. 20e); composé de latino-, élém. tiré de latin, et de américain*.BBG. − Lloyd (P.M.). On the definition of Vulgar Latin... Neuphilol. Mitt. 1979, t. 80, no2, pp. 110-122. |