| LAINE, subst. fém. A. − 1. Matière constituée par les poils doux et épais, plus ou moins longs, poussant sur la peau de certains mammifères, en particulier des ovidés, et utilisée comme textile. Puis cette laine, lorsqu'elle eut été suffisamment séchée par la pression, fut en état d'être foulée, c'est-à-dire de produire une solide étoffe, grossière sans doute et qui n'aurait eu aucune valeur dans un centre industriel d'Europe ou d'Amérique, mais dont on devait faire un extrême cas sur les « marchés de l'île Lincoln » (Verne, Île myst.,1874, p. 311).Les bergers l'adoraient. Et lui présentaient de la laine. Des toisons de laine. Des écheveaux de laine (Péguy, Myst. charité,1910, p. 108): 1. J'ai appris là une particularité dans l'emploi de la laine récoltée et filée à la maison. Non seulement on en tirait les vêtements courants et certaines jupes, certaines capes de femmes, (...) mais encore on en tissait pour les hommes une étoffe de choix, souple et chaude, légère, nommée « cazeheyt » proprement : « fait chez soi »...
Pesquidoux, Livre raison,1925, p. VIII. SYNT. Animaux, bêtes, moutons à laine; laine de mouton, de mérinos, de chèvre angora, d'alpaga, de vigogne; laine fine; grosse laine; commerce, marchés des laines; laine lavée, cardée, peignée; brin, fibre, flocon de laine; déchets, bourre de laine; fil, balle, pelote de laine; laine à carder, à broder, à tricoter, à repriser; matelas de laine; tissu de laine; crêpe, flanelle, velours de laine. Tissu tout laine, pure laine. 2. Spécialement a) TEXTILES ♦ Laine brute, laine crue. Laine qui n'a pas été apprêtée. V. infra, Lar. Comm. 1930. ♦ Laine grasse, laine en suint, laine surge. Laine qui n'a été ni dégraissée, ni lavée. La laine est imprégnée d'une matière grasse, appelée suint. La laine en suint contient une foule d'impuretés. Aussi le rendement de 100 kilogrammes de laine brute peut varier de 25 à 85 kilogrammes de laine lavée (Lar. comm.1930). ♦ Laine vierge, laine de première qualité. Laine provenant de la tonte d'animaux vivants. Les bons lainages sont obtenus avec des laines vierges provenant des toisons des moutons vivants. Les lainages à bon marché sont composés le plus souvent de laines mortes et de laines renaissantes (Lar. mén.1926). ♦ Laine secondaire. Laine prise sur des animaux malades ou des animaux morts. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Laine morte. Laine prise sur des animaux morts. V. supra Lar. mén. 1926. ♦ Laine renaissance ou renaissante, laine artificielle. Laine provenant de l'effilochage de vieux chiffons de laine. C'est à Batley et à Dewsbury que l'on apporte toutes sortes de vieux chiffons (...) et qu'à l'aide d'une machine puissante, ces chiffons sont ramenés à l'état de laine primitive; dans l'origine, les laines artificielles ne servaient qu'à confectionner des doublures; aujourd'hui on les emploie à la fabrication des velours, des droguets, des tapis, des couvertures de table et même des draps (Journal officiel,15 avr. 1876, p. 2726, col. 1 ds Littré). ♦ Laine-mère, laine prime. Laine la plus fine, que l'on recueille sur le dos et au col de l'animal. (Dict. xixes.; Lar. 20e, Rob. s.v. mère 2). ♦ Haute laine, laine haute, laine longue. Laine à long brin. Tapis de haute laine et p. ell. un haute laine. Un de ces grands tapis rouges en haute laine du Djebel-Amour, épais et doux comme des matelas (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Allouma, 1889, p. 1309).Un bureau-prétexte avec divan, rideaux assortis, bibliothèque de palissandre pleine de mirifiques couvertures (...) parfums divers imbibant un haute-laine moelleux! (H. Bazin, Lève-toi,1952, p. 98). ♦ Laine basse, basse laine, laine courte. Laine à fibres courtes, à court brin. (Dict. xixeet xxes.). b) HIST. D'ANGLETERRE (d'apr. l'anglais woolsack). Sac de laine. Siège du lord Chancelier à la Chambre des Lords, formé d'un coussin rempli de laine et recouvert de drap rouge. Le speaker et le Premier Ministre se tiennent debout à la tribune (...) et l'écoutent [le Roi], comme l'écoute, assis sur son sac de laine, le Chancelier (Morand, Londres,1933, p. 225). 3. Loc. fig., fam. a) Jambe de, en laine. Jambe molle, chancelante ou estropiée. V. coton I A 1 a et flanelle A, Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 66.Elle se laissa glisser à bas du lit. Elle crut ne pouvoir se tenir debout : ses jambes lui semblaient de laine (Pourrat, Gaspard,1930, p. 238).Ma mère avec sa jambe en laine à la traîne, elle butait partout (Céline, Mort à crédit,1936, p. 52): 2. Pour être facteur, il a y tout de même la chose d'être plaisant avec le destinataire, et le monde qui a mal au pied ne peut pas être gracieux. Et un qui s'en irait à Valbuisson sur des guiboles de laine?
Aymé, Jument,1933, p. 97. − Arg. et pop. Une jambe de laine. Un paresseux, un tire-au-flanc. Après, i' rouspétait contre une autre jambe de laine, parce que sur le bordereau de répartition des cartes, qu'i' disait, on n'avait pas mis le service des subsistances (Barbusse, Feu,1916, p. 131). b) Manger, dévorer, tondre la laine sur le dos à qqn. L'exploiter, le dépouiller. Se laisser manger la laine sur le dos. Se laisser exploiter; ne pas savoir défendre ses intérêts. Je comprends maintenant pourquoi mon père avait toujours quelque procès; c'était pour ne pas se laisser manger la laine sur le dos. Moi, je suis tombé dans l'autre excès, et on me dévore depuis vingt-cinq ans (Courier, Lettres Fr. et Ital.,1816, p. 872).Pour les affaires (...) il faut dire qu'on se sucrait gentiment!... depuis le début de l'occupation (...) j'avais constaté qu'il lui était arrivé déjà de me manger la laine sur le dos (Vialar, Bon Dieu,1953, p. 108). c) Y laisser, perdre de la laine. Subir une perte (matérielle ou morale). Synon. y laisser, perdre des plumes.Je trouve qu'il faut peu se communiquer avec les petits esprits; on y laisse de sa laine, comme aux buissons (Balzac, Lettres Étr., t. 1, 1834, p. 201). B. − P. méton. 1. Brin, fil de laine. J'observais cette façon légère et contenue de fouler à petits pas le gazon (...) comme si elle eût marché sur les laines souples d'un tapis (Fromentin, Dominique,1863, p. 90).[Les mules] ont des harnais brodés de laines et tout un appareil de grelots qui tintinnabulent joyeusement (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 159). 2. Laine tissée ou tricotée. Vêtements, robe, pantalon de laine; bas, chaussettes de laine. Il n'y a plus de maison que je trouve assez chauffée; et en dépit de mes quatre gilets de flanelle, de laine, de drap, de tricot de chasse, il me faudrait partout où je dîne, même dans les temps les plus doux, il me faudrait un paletot d'hiver, une fourrure (Goncourt, Journal,1893, p. 385).Les cochers ont remplacé les couvertures de laine rouge de leurs chevaux par des housses de toile écrue ou rose (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 196): 3. La laine, la simple laine, a les propriétés d'un cilice. Le contact direct de la laine et de la peau me procure une irritation douloureuse. J'en viens à concevoir les vrais végétariens et leur aversion pour la chose animale. Il suffirait donc, pour me mortifier, d'adopter les sous-vêtements de laine.
Duhamel, Journ. Salav.,1927, p. 60. − En partic. ♦ Cuir-laine ou cuir de laine. V. cuir B 2 c. ♦ Laine des Pyrénées. Tissu de laine moelleux et épais. Châle, robe de chambre en laine des Pyrénées. − Au fig. Bas de laine. V. bas2, au fig., 3. 3. Objet, vêtement en laine tissée ou tricotée. Porter de la laine; être habillé, vêtu, chaussé, ganté de laine; mettre une petite laine. Ce climat est si changeant que j'ai eu froid aujourd'hui toute la matinée. Je vais reprendre la laine (Michelet, Journal,1838, p. 788).Elle avait fourré une laine sous le plastron, elle poussait lentement le fer, laissant à l'amidon le temps de ressortir et de sécher (Zola, Assommoir,1877, p. 512): 4. Elle le sentit frémir contre elle et lui demanda s'il avait froid. Elle le couvrit de son châle violet. Ils étaient enveloppés tous deux dans cette vieille laine.
Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 145. − Vx. Tirer la laine. Détrousser un passant de nuit, en particulier en lui volant son manteau ou son chapeau. J'ai donc été obligé d'aller chercher un spadassin de mes amis, la meilleure lame de la ville, qui le guette et le dépêchera, sous prétexte de lui tirer la laine, à la première occasion crépusculaire ou nocturne sans que le nom de M. le Duc puisse être prononcé en tout cela (Gautier, Fracasse,1863, p. 347).Cf. aussi tire-laine, tireur de laine. C. − P. anal. 1. Cheveux crépus et épais. Cheveux de laine. Je comparais (...) la laine grasse et noire du nègre, à la soie dorée du Danois (Volney, Ruines,1791, p. 140).C'était un homme assez âgé, à la tête couverte d'une courte laine grisonnante (Camus,Exil et roy.,1957,p. 1664). : 5. La toison laineuse était celle d'un homme sauvage, tout au moins, si toutefois ce n'était celle du diable. Cette toison, à chaque apparition nouvelle, exhibait une laine plus grossière et du plus répugnant aspect; les narines de la gouvernante en croyaient humer l'odeur de suint.
Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 99. 2. BOT. Duvet fin recouvrant certaines parties de végétaux. Sous les branches des saules garnies de la laine floconneuse des chatons, des courants glissaient, avec un petit bruit, un frissonnement de chose vivante (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 97).Cf. aussi coton B. 3. Vx, CHIM. Laine de fer, laine philosophique. Oxyde de zinc sublimé ayant l'apparence de flocons de laine. (Dict. xixeet xxes.). 4. TEXT. et TECHNOL. Substance fibreuse minérale ou végétale. a) Laine de bois − Matière formée de longs copeaux de bois, utilisée principalement pour l'isolation et les emballages (d'apr. Métro 1975). Synon. paille de bois. − Synon. de laine de pin, laine végétale.,,Produit servant à la matelasserie, fabriqué en Allemagne, en faisant bouillir dans une eau alcaline les feuilles ou aiguilles, vertes ou sèches, de divers pins ou sapins``(Lar. méd. 1970). b) Laine de laitier, laine minérale, laine de scories. Matière isolante formée de fibres fines et entremêlées, obtenue à partir du laitier métallurgique. L'intervalle entre les deux parois [en tôle de l'étuve] est rempli de corps mauvais conducteurs (escarbilles, pierre ponce, laine de scories, etc.) (Ser, Phys. industr.,1890, p. 456).La laine de laitier est utilisée comme isolant thermique et phonique. Elle présente l'avantage de n'être pas combustible (Bader-Th.1962). c) Laine de verre. Matière composée de fils de verre très fins utilisée principalement comme isolant. Le toit est recouvert de tôles de cuivre, placées sur une isolation en laine de verre et des panneaux de particules (Joedicke, Structures en voiles et coques,1962, p. 78). d) Laine artificielle. ,,Textile produit avec une cellulose nitrée`` (Duval 1959). Prononc. et Orth. : [lεn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoitié xiies. « poils souples constituant la toison de certains mammifères » (Psautier Oxford, éd. F. Michel, CXLVII, 5); 1130-40 (Wace, Conception N. D., éd. W.R. Ashford, 1172); 1205-50 « [toison] peau (d'un mouton), v. G. Tilander, Lex. Renart, s.v. » (Renart, éd. E. Martin, XIII, 1841, 1855); 1380 bestes a laine (doc. ds Du Cange, s.v. vaccaticum); b) 1256 fil de lainne (Aldebrandin de Sienne, Rég. du corps, 74, 14 ds T.-L.); id. reube de lainne (id., 65, 9, ibid.); 1262 filler leine (Jean Le Marchant, N.-D. de Chartres, 150, ibid.); ca 1274 dras de laine (Adenet Le Roi, Berte, éd. A. Henry, 1788); 1393 laine cardée, v. carder; c) fig. 1550 avoir les piez de laine « être lent à agir » (Du Bellay, La Musagnoeomachie ds Hug.); 1687 (Sévigné, Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 3, p. 177 : ses jambes sont de laine; elle ne se soutient que vers les quatre heures); d) 1640 se laisser manger la laine sur le dos (Oudin Curiositez, s.v. laine); 2. ca 1200 « étoffe, vêtement de laine » (Poème moral, 277 c ds T.-L.), v. De Poerck, t. 1, chap. 1 (technique) et t. 2, p. 107; v. aussi tire-laine. Du lat. lana « laine », b. lat. « habit de laine ». Fréq. abs. littér. : 1 823. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 789, b) 3 532; xxes. : a) 3 081, b) 2 480. DÉR. Lainé, -ée, adj.Couvert de laine. Comme un mouton bien lainé traverse au prix de quelques flocons, les clôtures d'épine (Colette, Apprent.,1936, p. 30).− [lεne], [le-]. − 1resattest. a) ca 1200 mouton lané (Aiol, 6264 ds T.-L.), b) 3equart xiiies. drap lanné (Baudouin de Condé, 169, 490, ibid.); de laine, suff. -é*. BBG. − Höfler (M.). Fr. mère laine. Z. rom. Philol. 1967, t. 83, pp. 501-504. - Quem. DDL t. 15, 16. |