| LÉGITIMITÉ, subst. fém. A. − Qualité, état de ce qui est légitime, conforme au droit, à la loi. Je ne reconnois point la légitimité d'un mariage célébré sur les autels de l'erreur, que j'ai renversés sans retour (Genlis, Chev. cygne, t. 2, 1795, p. 148).L'introduction d'une instance contre une disposition dont on conteste la légitimité juridique (en particulier le recours au Conseil d'État) constitue un trait caractéristique de l'état de droit (Meynaud, Groupes pression Fr.,1958, p. 223). − En partic. État d'enfant légitime. La légitimité de l'enfant né trois cents jours après la dissolution du mariage, pourra être contestée (Code civil,1804, art. 315, p. 59): 1. ... n'étant pas prévenu de me munir de ces pièces, j'ai négligé de les prendre avec moi. − Ah! diable! fit Monte-Cristo. − Étaient-elles donc tout à fait nécessaires? − Indispensables. (...) si l'on allait élever ici quelque doute sur la validité de votre mariage, sur la légitimité de votre enfant!
Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 807. B. − Conformité de quelque chose, d'un état, d'un acte, avec l'équité, le droit naturel, la raison, la morale. Ce n'est qu'après qu'une guerre a été entreprise, qu'on peut rendre les ministres responsables de la légitimité de cette guerre (Constant, Princ. pol.,1815, p. 76).Étienne parlementait toujours, cherchant à convaincre Deneulin de la légitimité de leur action révolutionnaire. Mais celui-ci répondait par le droit au travail (Zola, Germinal,1885, p. 1411).V. légalité ex. 2 : 2. ... Christophe n'avait pas l'esprit assez rassis pour admettre la légitimité de sa défaite. Il lui manquait la sérénité que donne au vrai artiste l'expérience d'une longue incompréhension des hommes et de leur bêtise incurable.
Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 409. − En partic. Conformité du pouvoir politique exercé avec les règles de souveraineté, d'exercice du pouvoir dans le pays considéré. Pour nous (...) la justice est le fondement nécessaire du droit, et seule elle constitue la légitimité du pouvoir (Lamennaisds L'Avenir,1831, p. 197): 3. Aussi (...) n'est-ce pas à rechercher des causalités que se sont appliquées les théories classiques du pouvoir, mais à bâtir des légitimités. Ces légitimités ont été successives. Les unes ont fondé le consentement des gouvernés par les théories du droit divin ou de la souveraineté populaire. Les autres ont animé le ralliement des philosophes ou l'action de certains hommes d'État.
Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 12. ♦ P. méton. Droit d'une dynastie, de souverains légitimes. Nulle part l'hérédité n'est plus solidement établie qu'en Angleterre, bien que le peuple anglais ait rejeté la légitimité fondée sur le droit divin, pour y substituer l'hérédité consacrée par le gouvernement représentatif (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 155): 4. Le changement de dynastie se fit sans secousses (752). Il avait été admirablement amené. Toutes les précautions avaient été prises. Le dernier Mérovingien avait disparu, l'opinion publique approuvait. La consécration du Saint-Siège, le « sacre », rendait la nouvelle dynastie indiscutable et créait une autre légitimité. La substitution fut si naturelle qu'elle passa presque inaperçue. Le maire du palais était devenu roi.
Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 32. En France. Droit dont se réclame la branche aînée des Bourbons, p. oppos. à celle des Orléans. Messieurs, dit le préfet en se levant, au roi!... À la légitimité! N'est-ce pas à la paix que les Bourbons nous ont ramenée que nous devons la génération de poètes et de penseurs qui maintient dans les mains de la France, le sceptre de la littérature! (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 676).Ces gens-là (...) ne lui pardonneront jamais d'avoir, en se ralliant à la dynastie d'un grand roi citoyen, porté le dernier coup au parti de la légitimité, à ce parti rétrograde que nous avons, en 1830, renversé du pouvoir (Sandeau, Sacs,1851, p. 20):5. Le ministre me disait : la France est anti-bourbonienne. Tant pis pour la France, devais-je répondre, car la France ne peut vivre sans les Bourbons; hors de la légitimité, je ne vois qu'anarchie et despotisme.
Maine de Biran, Journal,1818, p. 175. Prononc. et Orth. : [leʒitimite]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1694 « état, qualité d'un enfant légitime » (Ac.); 2. 1762 « qualité de ce qui est équitable, juste » (Ac.); 3. 1797 pol. (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, p. xl). Dér. de légitime1*; suff. -(i)té; cf. le lat. médiév. legitimitas, -atis « naissance légitime » (ca 1220 ds Latham). Fréq. abs. littér. : 570. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 589, b) 539; xxes. : a) 339, b) 574. Bbg. Dub. Pol. 1962, pp. 330-331. - Maulnier (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp. 135-136. - Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 258. |