| LÉGITIMER, verbe trans. A. − Assimiler un enfant naturel à un enfant légitime avec les qualités et les droits qui en découlent. Peut-être serai-je obligé de me marier aussi pour légitimer vos enfants (Courier, Lettres Fr. et Ital.,1805, p. 685).V. légitimation ex. 1. − P. anal. Transformer une union de fait en union légitime. Si je tentais une démarche pour légitimer notre union par le ministère d'un de ces moines qui pullulent dans le quartier, j'attirerais certainement la mort sur ma tête! (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 310).La Société ne reconnaît que les unions légitimées par le sacrement religieux (Dantec, Savoir!1920, p. 69): 1. Le mariage légitimerait simplement une union qu'il regardait déjà comme éternelle. L'idée qu'il pouvait avoir un fils, lui fit seulement désirer de hâter un dénoûment prévu.
Zola, M. Férat,1868, p. 102. B. − 1. Faire reconnaître son titre, son pouvoir comme légitime. En rendant des services, dont le plus apprécié était la défense de la sécurité publique, le seigneur féodal légitima son usurpation. Parfois même il promettait des garanties particulières à ceux qui reconnaissaient son autorité (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 44).Il n'est pas de responsabilité authentique sans la conscience d'une mission confiée, d'un pouvoir légitimé par une délégation qui peut d'ailleurs rester virtuelle (de la part de mon pays, d'une communauté, de l'humanité toute entière) (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 78): 2. ... elle [cette proposition] donne au pouvoir une idée sévère de ses devoirs, en lui apprenant qu'il tient son autorité de Dieu même, et qu'il lui doit compte de l'usage qu'il en fait; elle lui dit que s'il néglige de légitimer [it. ds le texte] sa puissance, en l'employant à faire régner les lois naturelles ou divines des sociétés, il cesse d'être le ministre de la bonté de Dieu sur les hommes, et il n'est plus que l'instrument de sa justice.
Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 147. 2. Faire reconnaître pour authentique. J'avais reçu la croix de Saint-Louis dans l'émigration; une ordonnance voulait qu'on la légitimât par un brevet nouveau (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 223).Après avoir retrouvé le magnétisme, Mesmer vint en France, où, depuis un temps immémorial les inventeurs accourent faire légitimer leurs découvertes (Balzac, U. Mirouet,1841, p. 66). C. − P. ext. 1. Faire admettre, reconnaître (quelque chose) comme légitime, justifiable par l'équité, le droit naturel, la raison, un motif supérieur. Il est plus facile de légaliser certaines choses que de les légitimer (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 30).L'incompatibilité d'humeurs d'un peuple asiatique avec un peuple européen et surtout avec les Anglais. Voilà ce qui légitime toutes les craintes, toutes les méfiances (Gobineau, Corresp. [avec Tocqueville], 1855, p. 234): 3. ... [selon Machiavel] l'équilibre social dépend du jeu complexe et délicat des forces antagonistes; la violence est légitimée au nom de la puissance que l'État doit faire peser sur les individus.
Hist. sc.,1957, p. 1559. − Emploi pronom. L'avenir (...) sera pour nous tel que nous le ferons. Rallions-nous franchement complètement à tout pouvoir qui maintiendra l'ordre et se légitimera par la justice et le respect des droits de tous (Lamennais, L'Avenir,1831, p. 137). 2. Synon. de justifier.Le sédiment doit tendre à se diviser (...) en couches ou strates distinctes, ce qui légitime l'appellation de dépôts stratifiés (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 41).Sa qualité de fils unique légitimait tous ses écarts, on ne savait rien lui refuser (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 37): 4. ... l'ichthyophagie est une diète échauffante : ce qui pourrait légitimer certaines louanges données jadis à quelques ordres religieux, dont le régime était directement contraire à celui de leurs vœux déjà réputé le plus fragile.
Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 72. − Emploi pronom. Tout le savoir humain, y compris la science, n'est qu'un risque hardiment couru, qui se légitime au fur et à mesure de l'œuvre accomplie, c'est-à-dire du progrès effectif de la connaissance humaine (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 102). REM. Légitimant, -ante, part. prés. et adj.C'est par ce biais de la valeur légitimante que je puis être non seulement responsable de..., mais responsable devant... (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 79). Prononc. et Orth. : [leʒitime], (il) légitime [-tim]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [Ca 1280 d'apr. Bl.-W.3-5, ca 1327 d'apr. Bl.-W.1] 1. ca 1350 « rendre légitime (un enfant naturel) » (Chron. de Flandres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 71); 1806 subst. « enfant qui est légitimé » (Duclos, Règne de Louis XIV,
Œuvr., t. V, p. 102 ds Pougens d'apr. Littré); 2. 1376-83 « conférer à quelqu'un un pouvoir légitime » (Froissart, Chron., ms. Amiens, éd. S. Luce, t. 6, p. 355); 1694 « reconnaître pour authentique » (Ac.); 3. 1640 « justifier » (Chapelain, Correspondance ds Hunter). Dér. de légitime1*; dés. -er; cf. le lat. médiév. legitimare « rendre légitime (d'une personne) » (1220 ds Latham). L'angl. legitimate « justifier » est attesté dep. 1611 ds NED. Fréq. abs. littér. : 226. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 322, b) 198; xxes. : a) 219, b) 437. Bbg. Gohin 1903, p. 345. |