| JUSTICE, subst. fém. A. − 1. [Gén. avec l'art. déf., sans adj. ou compl. déterm.] Principe moral impliquant la conformité de la rétribution avec le mérite, le respect de ce qui est conforme au droit. La justice, la distinction essentielle du bien et du mal, dans les relations des hommes entre eux, est la vérité première de la morale (Cousin, Vrai,1836, p. 351).Dans la lutte engagée pour la vérité contre le mensonge, pour la justice contre l'arbitraire, aucun des combattants n'est libre de s'arrêter (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 276).La justice a toujours évoqué des idées d'égalité, de proportion, de compensation (Bergson, Deux sources,1932, p. 68).V. carrefour ex. 3; équité A 2 a ex. de Weill; indifférent ex. 4; injustice A 1 ex. de Clemenceau et ex. 1; injuste ex. 1 et 2 : 1. Le bon plaisir est l'un des attributs de la grâce. La monarchie sous sa forme théocratique est un gouvernement qui veut mettre au-dessus de la justice la grâce, en lui laissant toujours le dernier mot. La profession du vicaire savoyard, au contraire, n'a d'autre originalité que de soumettre Dieu à la justice et d'ouvrir ainsi, avec la solennité un peu naïve du temps, l'histoire contemporaine.
Camus, Homme rév.,1951, p. 144. Rem. À cause de la notion de rigueur connotée par le terme, justice est souvent opposée à charité, grâce, miséricorde (supra ex.; v. aussi charité ex. 11). [Le] psalmiste (...) invoque, dans la joie et dans la peine, le Dieu de justice et de miséricorde (Weill, op. cit., p. 100). − Subst. + justice.Si la paix à venir n'était pas une réconciliation, dans un commun souci de justice, pour la création d'une Europe solidaire, cette paix (...) ne serait rien d'autre qu'un traité de plus (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 930).V. charité ex. 6 et 12 : 2. ... l'exigence de justice est comme une faim et comme une soif. Cela signifie que la faculté de désirer est plus vaste que le souci vital. Je suis lacune et manque d'autre chose que de pain et d'eau.
Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 122. SYNT. Avènement, ère, heure, règne, triomphe de la justice; voies de la justice, amour de la justice; combat pour la justice; acte, devoir, œuvre de justice; besoin, cri, espérance, esprit, idéal, passion, rêve, sentiment, souffle de justice; concept, idée, notion, principe, règle de justice. ♦ [Dans la secte essénienne] Le Maître de Justice. Le législateur. [L'historien] constate certaines similitudes entre le maître de justice et Jésus le Nazaréen, entre le Messie essénien et le Messie chrétien (Philos., Relig., 1857, p. 42-4). − Verbe + justice : 3. Le droit est l'ensemble des principes qui régissent la société; la justice, dans l'homme, est le respect et l'observation de ces principes. Pratiquer la justice, c'est obéir à l'instinct social; faire acte de justice, c'est faire un acte de société.
Proudhon, Propriété,1840, p. 300. SYNT. Honorer, invoquer, satisfaire, servir la justice; être affamé, épris de justice; avoir la justice pour soi; être du côté de la justice; se réclamer de la justice; combattre, lutter pour la justice; plaider au nom de la justice; juger selon la justice; devoir à la justice de (+ inf.); bafouer, fouler aux pieds, offenser, violer la justice; manquer à la justice; pécher contre la justice. 2. Caractère, qualité de celui qui se comporte selon la justice (supra A 1). Être dénué, empreint de justice; avoir un fond de justice. Cette faveur publique que les Français prodiguent quelquefois avec si peu de justice et de discernement (Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 280): 4. Si la France, autrefois si grande de justice et de générosité, pouvait supporter l'atrocité d'un tel spectacle sans réagir (...), elle ne serait plus la France...
Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 466. ♦ Justice + déterm.Le roi n'a cru, ni de sa justice, ni de sa dignité, ni de sa prudence, d'ouvrir des dépêches également adressés par le sieur Van-der-Noot (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 351).J'espère en la justice et la bonté céleste, qui sait tout ce que deux êtres innocens ont déjà épuisé de douleurs (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 107): 5. ... il y avait vraiment un Dieu, ce Dieu juste dont tout cœur simple ne saurait se passer (...) et dont la justice garantissait que le désordre et les maux de la société seraient un jour guéris et consolés.
Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 145. − Vieilli. Caractère, qualité de ce qui est conforme à la justice (supra A 1). Justice d'une loi, d'une réclamation, d'une thèse. Le sire de Barbazan leur fit un discours pour rappeler la justice de leur cause (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 282).Si l'on mettait en doute la justice du châtiment, ce serait mettre en doute l'équité des caresses (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 78): 6. Lefranc prend la parole. Au bout de cinq minutes de son bredouillement, le juge, mon voisin, me dit : « Il faut que la partie ait été bien sûre de la justice de son droit pour lui confier sa cause... »
Goncourt, Journal,1892, p. 315. B. − [Avec art. déf. ou indéf., avec ou sans adj. ou compl. déterm.] Manière de concevoir, de promouvoir la justice (supra A 1); sa mise en application. Chercher, exiger, revendiquer la justice. L'âpre joie d'une âme droite qui applaudit aux rigueurs de la justice (France, Vie fleur,1922, p. 361).Il n'y a pas de justice en ce monde. Mais on en sent terriblement le besoin dans son cœur (Pourrat, Gaspard,1922, p. 246).Le monde s'agite, il ne lit plus guère La Croix, il se fout des index et imprimatur, il réclame la justice et non la pitié, son dû et non vos aumônes (H. Bazin, Vipère,1948, p. 240).V. équité ex. 1 : 7. Il n'y a pas de justice, en société, sans droit naturel ou civil qui la fonde. Il n'y a pas de droit sans expression de ce droit. Que le droit s'exprime sans attendre et c'est la probabilité que, tôt ou tard, la justice qu'il fonde viendra au monde.
Camus, Homme rév.,1951, p. 359. ♦ P. méton., au sing. ou au plur., vieilli. Acte de justice. L'exécution des lois est une dette et une justice (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 342).Don Quichotte, l'homme aux justices (Chateaubr., Corresp., t. 2, 1821, p. 183): 8. Il y a trente-cinq ans que je gouverne : c'est beaucoup trop. Ma fortune a vieilli. Je suis las de mon royaume. Je suis las de mes justices, et las de mes bienfaits...
Montherl., Reine morte,1942, II, 1ertabl., 3, p. 182. − Justice + déterm. 1. [Le déterm. exprime une qualité] Un fils aîné qui vient, non réclamer sa part plus grande d'héritage, mais faire bonne justice à ses frères (Gozlan, Notaire,1836, p. 34).Il n'y a pas d'intérêt politique supérieur au besoin d'une égale justice pour tous (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 244).D'ici l'homme ne peut plus appeler le bonheur, il ne peut qu'exiger la justice, la froide et tranchante justice (Arnoux, Gentilsh. ceinture,1928, p. 222).V. équité ex. de Jankélévitch : 9. Sa naissance avait déçu car toute la famille désirait un garçon; certes, nul ne lui en marqua de rancune (...). On s'appliquait à nous traiter avec une exacte justice; nous portions des toilettes identiques, nous sortions presque toujours ensemble, nous n'avions qu'une vie pour deux...
Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 44. SYNT. Justice absolue, éternelle, universelle; justice immuable, impartiale, implacable, inébranlable, inexorable, inflexible, intégrale, souveraine, stricte, supérieure, suprême, totale; justice dérisoire, élémentaire. 2. [Le déterm. exprime une relation] a) [Le déterm. est un adj.] Justice providentielle, surnaturelle; justice évangélique; justice sociale; justice répressive. Fonder la justice humaine sur la justice divine (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 185).Les lois de Dieu sont le code le plus parfait de la justice naturelle (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 571).V. équité A 2 a ex. de Cousin, Vrai, 1836, p. 271 : 10. ... il me semble que la justice distributive a pour objet l'ordre, et n'est qu'un moyen; tandis que la justice mutuelle est par elle-même un idéal (...). Le vrai nom de la première serait police; et le beau nom de justice ne conviendrait qu'à l'autre.
Alain, Propos,1912, p. 137. Justice immanente*. Justice commutative*. Justice distributrice (v. distributeur rem.). ♦ P. méton., littér. Celui, ceux qui dispense(nt) la justice. Malheur à l'homme (...)! Une aveugle fatalité se joue de sa destinée! Une nécessité funeste régit au hasard le sort des mortels. Mais non : ce sont les décrets d'une justice céleste qui s'accomplissent! (Volney, Ruines,1791, p. 16).Les châtimens décernés par la justice humaine (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 41): 11. Je n'admets pas comme rigoureuse la preuve de l'immortalité tirée de la nécessité où serait la justice divine de réparer, dans une vie ultérieure, les injustices que l'ordre général de l'univers entraîne ici-bas.
Renan, Avenir sc.,1890, p. 523. Loc. exclam. Justice divine! Justice divine!... M. Daniel n'a pas déjeuné!... (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 49).b) [Le déterm. est un compl. de nom] Fort peu exact moi-même à donner de mes nouvelles, je suis cependant fort exigeant, et fort pressé d'en recevoir de mes amis. Voilà la justice de ce monde (Courier, Lettres Fr. et Ital.,1807, p. 746).Il me disait sa certitude que mon pourvoi serait accepté, mais je portais le poids d'un péché dont il fallait me débarrasser. Selon lui, la justice des hommes n'était rien et la justice de Dieu tout (Camus, Étranger,1942, p. 1206): 12. ... ce qui manque au berceau de la S. D. N., c'est la foi; peut-être même la bonne foi. Mais les institutions ont une vertu. La justice des tribunaux, tout impure qu'elle est, assure une circulation de la justice, un endiguement de la violence.
Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 246. ♦ P. méton., au plur., vieilli. Acte de justice. Et il y a l'autre Veuillot, celui qui s'amuse, qui, assis dans la tribune des journalistes ou étendu dans son fauteuil (...), exerce les justices du bon sens ou les avanies de sa passion, et mord à belles dents à même du prochain (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 1, 1861, p. 67). − Loc. verb. 1. Demander, obtenir justice a) Absol. Nous avons demandé justice et on nous a couverts d'injures (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 538). b) Demander, obtenir justice de qqn. Demander, obtenir à l'encontre de quelqu'un le châtiment mérité. Je suis venu avec un vieux chevalier demander justice de deux traîtres (Camus, Chev. Olmedo,1957, 3ejourn., 25, p. 815). c) Demander, obtenir justice de/sur qqc. Demander, obtenir réparation d'un tort subi. M. Charles Gosselin, auquel je donnerai plein pouvoir d'obtenir justice de cette spoliation inouïe (Lamart., Corresp.,1835, p. 108): 13. ... un sous-préfet (...), l'air égaré, et tout hors de lui, (...) interpelle [l'empereur] de la voix la plus élevée, lui demandant justice sur sa destitution, soutenant qu'il avait été faussement accusé et condamné.
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 731. 2. Faire justice. a) Absol. Châtier un coupable, exécuter une sentence. Reconnais-moi! Seigneur, j'embrasse tes genoux. Mon père est mort qui fut ton fidèle homme lige; Fais justice, Fernan, venge-le, venge-nous! (Hérédia, Trophées,1893, p. 167): 14. Si (...) [l'Angleterre] entre dans un conflit pour une cause juste, si la lutte est de celles qui mettent en jeu sa liberté, son indépendance ou son Empire, ses ressources sont, je le sens, inépuisables (...). Elle commence une lutte qu'elle ne terminera pas avant que justice soit faite.
Maurois, Disraëli,1927, p. 288. b) Faire justice à qqn. Reconnaître le bien-fondé de la plainte de quelqu'un, lui donner satisfaction. Et le rustre criait (...) : « À cinq sous les beaux pigeons! » (...). J'en portai plainte à M. le lieutenant-criminel, qui me fit justice en me débarrassant du vilain (France, Opinions J. Coignard,1893, p. 136). c) Faire justice de qqn, de qqc. (crime, délit). Punir quelqu'un, quelque chose comme il le mérite. Faire justice d'un assassin, d'un coquin. Le prévôt n'osait faire justice de tous les crimes qui se commettaient (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 175): 15. Il nous faut sur-le-champ farines et fourrages;
En votre qualité de podestat vous êtes
Le seul capable ici de nous en procurer :
Nous vous donnons encore une heure pour ce soin,
Sinon, de vous ces gens feront prompte justice.
Barbier, Satires,1865, p. 194. ♦ Au fig. Juger, traiter à sa juste valeur quelque chose de mal venu. Abandonnons ces sophistes à leurs contradictions et à leur aveuglement; le bon sens populaire fera justice de leurs équivoques (Proudhon, Propriété,1840, p. 218).J'avais couvert des rames de papier (...). Dès le lendemain, j'en fis justice (Fromentin, Dominique,1863, p. 141). d) Se faire justice
α) Se faire justice (soi-même). Se substituer aux représentants de la loi pour juger et châtier un coupable. En Allemagne (...) jusque sous Maximilien règne le droit du poing, c'est-à-dire l'appel à la force et l'habitude de se faire justice soi-même (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 127): 16. alfred : Mais, Monsieur le Président, il fallait bien que je l'expulse; il ne voulait pas s'en aller.
le président : Il fallait envoyer chercher les agents de la force publique. Vous n'aviez pas le droit de vous faire justice vous-même.
Courteline, Client sér.,1897, 3, p. 59. ♦ [Avec compl. d'obj. indir.] Se faire justice de qqn. Ils venaient demander du pain, et se faire ensuite justice de ceux des membres de l'Assemblée nationale qui n'étaient pas dans les principes du peuple (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 550).
β) Se faire justice. Se punir soi-même; se suicider. Un individu a tué sa femme et s'est ensuite fait justice par le suicide (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 73).Un jeune Luxembourgeois d'Esch-sur-Alzette, pris de boisson, a blessé sa mère d'un coup de revolver, puis a retourné l'arme contre sa tempe pour se faire justice (L'Est Républicain,5 déc. 1980, p. 15). 3. Rendre justice à qqn, à qqc. Reconnaître les droits, les mérites, la valeur de quelqu'un, de quelque chose. Rendre justice à la loyauté, à la probité de qqn. Je suis sûre que tu rends justice à la dignité de mon attitude (Zola, DrPascal,1893, p. 98).V. amour ex. 286 : 17. Le plan de Turgot pour assainir les finances n'était pas nouveau et l'on a rendu justice aux contrôleurs généraux qui l'ont précédé.
Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 10. 4. Rendre une /cette justice à qqn. Reconnaître par souci de justice un mérite particulier à quelqu'un. C'est une justice à vous rendre : on ne vous surprend jamais derrière une porte ou la main dans la corbeille à papier (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 908): 18. « (...). Si la conduite des prisonniers ne justifie pas cette mesure exceptionnelle, elle sera suspendue ». Godchaux lève la tête avec un râle heureux : « Faut leur rendre cette justice : ils ne sont pas vaches ».
Sartre, Mort ds âme,1949, p. 253. 5. Devoir à qqn la justice de + inf. Avoir à l'égard de quelqu'un l'obligation morale de. L'écrivain est loin d'être favorable à Napoléon; toutefois on lui doit la justice de convenir qu'une grande impartialité à cet égard honore son caractère (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 14). 6. C'est justice; ce n'est que justice. C'est conforme à la justice (supra A 1). Après avoir été impitoyablement refusé, pendant des années, aux salons annuels, M. Desboutin a enfin gagné une entrée et une médaille. C'était justice. Les dix-sept gravures exposées cette fois sont superbes (Huysmans, Art mod.,1883, p. 91).Bravo! Ce n'est que justice! Comme vous (...) avez mérité [cette citation] ! (Montherl., Exil,1929, II, 5, p. 63). 7. Il est de toute, de stricte justice de + inf. Il est absolument conforme à la justice (supra A 1) de. Je lui parlais de son portrait sur un de ses livres, portrait auquel il était de toute justice d'accoler celui de son frère (Goncourt, Journal,1892, p. 258): 19. Il ne pourrait plus pêcher comme auparavant et il lui fallait prévoir des ressources (...). Il était de stricte justice de ne pas le laisser mourir de faim dans le presbytère.
Queffélec, Recteur,1944, p. 78. − Loc. adv. a) Avec justice. À bon droit. Il se répandait en malédictions contre l'Allemagne, qu'il accusait avec justice d'avoir, de son lourd esprit domestique, attenté au bon sens des races latines (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 119). b) En bonne, en stricte, en toute justice. Selon la justice. On me pressait fort de le faire pendre; je ne le fis point, parce qu'en toute justice il eût donc fallu en faire autant de tous les habits brodés qui avaient sciemment acheté et bu le vin (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 916).En bonne justice, la facilité procurée par les machines doit profiter également au marchand et au consommateur (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 119). C. − En partic. 1. Jugement, réparation, sanction légale des fautes commises contre un individu ou contre la société; exercice du pouvoir judiciaire. Je suis dépositaire d'un secret. Une part de ce secret m'appartient − j'entends par là que je puis en disposer dans l'intérêt de la justice (Bernanos, Crime,1935, p. 783).Les agents de l'autorité royale qui ont la charge de la justice et des impôts ont un rôle ingrat, qu'ils rendent encore plus ingrat par leur brutalité et par leurs excès (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 92).V. équité A 2 b ex. de Balzac, Gobseck, 1830, p. 417 : 20. la sœur françoise (...) : À quoi bon les interrogatoires, si le procès est jugé par avance? (...) le lieutenant civil : Ne dites pas que la justice du roi est jugée par avance, ma sœur. Voilà des paroles qui ne vous feraient pas de bien dans un procès-verbal.
Montherl., Port-Royal,1954, p. 1033. SYNT. Justice arbitraire, expéditive, sommaire; déni de justice; simulacre de justice; administration, appareil de la justice; (haute) cour de justice; métier de justice; frais, procédure, réparation, session de justice; dispenser, exercer la justice; avoir un droit de justice sur qqn; entraver le cours de la justice. Rendre la justice. Exercer le pouvoir judiciaire; juger. Il écoute la plainte de ses sujets, ou plutôt de ses compagnons, et rend la justice avec équité (Chateaubr., Martyrs, t. 2, 1810, p. 20).Les seuls patriciens rendaient la justice et connaissaient les formules de la loi (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 322).♦ HISTOIRE Basse justice. Justice des seigneurs n'ayant compétence que pour les questions de propriété, de contrats ou de petits délits passibles d'amendes (d'apr. Lep. 1948) : 21. Représentez-vous le mécontentement d'un seigneur du Moyen Âge auquel on n'aurait laissé que le droit de basse justice, en lui enlevant sa hart et son bourreau...
Mille, Barnavaux,1908, p. 175. Haute justice. ,,Juridiction permettant à un seigneur de prononcer une condamnation entraînant la mort, une mutilation ou une peine corporelle`` (Lep. 1948). Le Comte : (...) mes aieux (...) avaient le droit (...) De rendre en leurs châteaux justice basse et haute (Dumas père, Charles VII,1831, II, 5, p. 262).Justice par l'eau et par le feu. Synon. de jugement de Dieu (v. jugement C 1 hist.).V. feu I B a α ex. de Barrès.Bois de justice. V. bois II C 2 a.Fourches de justice et p. ell., justice (cf. Gay t. 2 1928). Synon. de fourches patibulaires.Les fourches de justice, les potences où les seigneurs de Roche-Savine faisaient pendre le monde dont le nez leur déplaisait (Pourrat, Gaspard,1922, p. 231).Lettre de justice. V. justicier ex. 6.Lit de justice. V. lit I B 7.Main de justice. V. main 2esection I A 4. Synon sceptre de justice.Édouard VII (...), couvert des bijoux de la Tour de Londres, tenant la Main de Merci, le Sceptre de Justice, la Verge d'Équité et, sur sa tête (...) la couronne des Indes aux trois cents diamants (Morand, Londres,1933, p. 48).♦ Au plur., vieilli. Il était impitoyable dans ses justices, et ne souffrait pas qu'on s'écartât de ses ordonnances (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 371).La fortune, l'honneur et la vie des citoyens relevaient de lui : tout obéissait à ses arrêts, toute tête tombait sous le glaive de ses justices (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 194): 22. 3 Dimanche. Cherbourg. Il y aura des réactions, des justices... Il y a hâte pour mettre le peuple en garde contre l'imitation des justices atroces et injustes qu'il fit dans la Révolution et que le monde lui reproche encore.
Michelet, Journal,1845, p. 612. 2. P. méton. Appareil de la justice; instance chargée de rendre la justice (cf. aussi supra B 2 a p. méton.). Vous êtes habitué à marcher et agir comme si vous étiez à vous seul la justice et la police. Et le procureur-général tourna le dos au chef de la police de sûreté (Balzac, Splend. et mis.,1847, p. 634).Le Comité de la libération décidant d'assurer l'action de la justice à l'égard des membres du « gouvernement » de Vichy, Pierre Pucheu était emprisonné (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 178): 23. ... nulle part, nul indice qui puisse mettre la justice sur les traces du coupable. Il paraît que ce crime fait l'admiration des magistrats et qu'il a été commis avec une habileté surprenante, sans doute par des professionnels...
Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 174. SYNT. Palais de Justice; ministre de la Justice; auxiliaire, représentant de la Justice; gens, officier de justice; intégrité, majesté de la justice; autorisation de la justice; arrêt, rapport, sentence de justice; repris de justice; action, assignation, citation, comparution, poursuite en justice; avertir, égarer, intéresser la justice; échapper à la justice; livrer qqn à la justice; comparaître en justice; attaquer, convoquer qqn en justice; poursuivre qqn/un crime en justice; traduire, traîner qqn devant la/en justice; avoir des démêlés avec la justice; être à la disposition de, tomber entre les mains de la justice; procéder à (une vente) par autorité de justice. Ester* en justice. Ministère de la justice et p. ell., la Justice. C..., sous-directeur à la Justice (Barrès, Cahiers, t. 7, 1909, p. 145).Il y a enfin plusieurs candidats pour la Justice, qui appartenait dans le précédent cabinet à Edgar Faure lui-même (L'Humanité,19 janv. 1952, p. 4, col. 4).♦ Au plur., vx. Nos grasses abbayes (...), nos justices et nos juridictions, nous ont été sans cesse disputé[e]s par de puissants ennemis, seigneurs, évêques et rois (France, Bergeret,1901, p. 355). − Justice + déterm. a) [Le déterm. exprime une qualité] Justice légale, organisée, vendue. C'est un bel apanage pour une nation qu'une justice honorable (Chardonne, Éva,1930, p. 27): 24. ... Pyrot est condamné. S'il n'est pas condamné parce qu'il est coupable, il est coupable parce qu'il est condamné; (...) j'y croirai [à sa culpabilité] tant que la justice établie m'ordonnera d'y croire, car il n'appartient pas à un particulier, mais au juge, de proclamer l'innocence d'un condamné.
France, Île ping.,1908, p. 279. b) [Le déterm. exprime une relation]
α) [Le déterm. est un adj.] Justice internationale, nationale; justice capitaliste, républicaine, révolutionnaire; justice ducale, ecclésiastique, prévôtale, royale, seigneuriale (synon. justice subalterne); justice criminelle, pénale; justice maritime, militaire. Laissons la justice française débrouiller, comme elle le pourra, ce petit drame de famille que nous avons si bien combiné (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 259).De l'Inquisition à la justice politique de la royauté et de celle-ci aux tribunaux révolutionnaires, il y avait eu constamment progrès dans le sens de l'arbitraire des règles, de l'extension de la force et de l'amplification de l'autorité (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 150).Il en faisait [de son château] un refuge où tous ceux que poursuivait la justice séculière trouvaient un asile (France, Mir. Gd St Nicolas,1909, p. 64).V. défendre ex. 8 : 25. Il avait demandé à la justice civile de voir l'homme dont il avait accepté la défense, (...) la justice civile lui avait répondu qu'il avait (...) ce droit incontestable, mais que l'autorité militaire (...) mettait empêchement à l'exercice de ce droit.
Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 386. ♦ Au plur., vx. En unifiant le droit, [Saint-Louis] unira la nation. Il renforcera l'état en éliminant peu à peu les justices féodales (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 73).
β) [Le déterm. est un compl. de nom] Justice du roi. L'Université, soutenue de la voix publique, le traduisit devant la justice de l'évêque (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 204).V. équitable ex. 3 : 26. Pour que l'étranger fût compté pour quelque chose aux yeux de la loi (...), pour que la justice de la cité pût le défendre efficacement, il fallait qu'il se fît le client d'un citoyen.
Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 251. ♦ En partic. Justice de paix (v. juge de paix, s.v. juge A 1a); greffier, huissier de la justice de paix. Avocat de justice de paix, sans plus, il était gentil garçon, jeune avocassier (Barrès, Cahiers, t. 1, 1897, p. 139). D. − ALLÉGORIE, ICONOGR., La justice personnifiée (notamment au sens C 2). La Justice (...) dans le silence, compte les événements passés, observe le présent, et arrive à l'heure marquée pour la punition du crime (Chateaubr., Litt. angl., t. 1, 1836, p. 138).Dans la chambre du conseil (...) − où se trouve peinte la Justice un bandeau sur les yeux, − on entendait crier les numéros. De temps en temps un conscrit sortait (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 47).Un dais magnifique, supporté par quatre figures sculptées et peintes. Ces figures étaient la Justice, la Tempérance, la Force et la Chasteté (France, Puits ste Claire,1895, p. 185): 27. Le dieu, qui, selon la tradition orphique, est le commencement, le milieu et la fin de tous les êtres, va toujours droit devant lui; la Justice le suit, prête à récompenser les bons et à punir les méchants.
Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 129. ♦ [P. allus. à Horace (Ode III 2)] La justice arrive d'un pied boiteux. La punition, à laquelle on ne saurait échapper, ne suit pas toujours immédiatement la faute. Par instants (...) Comme on entend le bruit de quelqu'un qui vient voir, On entendait le pas boiteux de la justice (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 860). − Subst. + justice.[Le subst. désigne un attribut ou l'instrument de la justice] Le glaive de la justice. Plus lourd que le Ciel et la Terre, plus pesant Dans les plateaux de la justice L'homme qui a posé sa vie pour ceux qu'il aime! (Claudel, Poèmes,1916, p. 540).V. irrévocabilité ex. : 28. Celui qui portera la main sur un de ses semblables, (...) qu'il n'espère point les effets de ma miséricorde, et qu'il redoute les balances de la justice.
Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 247. − Loc. Lent, raide comme la justice. Thérèse, donnez-moi mon chapeau neuf (...). Mais Thérèse est sourde (...) et lente comme la justice (France, Bonnard,1881, p. 378).Non, je ne sortirai pas, raide comme la justice, en claquant les portes (H. Bazin, Huile sur feu,1954, p. 101). Prononc. et Orth. : [ʒystis]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 « principe moral au nom duquel le droit doit être respecté » (Alexis, éd. Chr. Storey, 2 : Que feit i ert e justice ed amur); b) 1155 « vertu morale qui consiste à être juste, à donner à chacun selon son dû » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3605); c) ca 1450 « caractère de ce qui est conforme au droit, juste » c'est justice « c'est juste » (Myst. Vieux Testament, éd. J. de Rothschild, XLII, 43943, V, 335); d) 1564 « conformité de la vie de l'homme juste avec la volonté de Dieu » (Indice et rec. universel de tous les mots principaux des livres de la Bible ds FEW, t. 5, p. 86 a); e) 1656-67 « façon particulière ou personnelle d'envisager le respect du droit » notre misérable justice (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, 131, p. 515); f) 1690 « état de grâce d'avant le péché » (Fur.); 2. a) ca 1100 faire justise « punir, châtier » (Roland, éd. J. Bédier, 498); b) au plur. 1306 « actes par lesquels on obtient justice » les justices et les jugemens (Joinville, Vie de St-Louis, éd. N. L. Corbett, § 505); c) 4equart xives. « exécution capitale » (Froissart, Chron., I, § 14 ds éd. S. Luce, t. I, p. 31); d) 1656 rendre justice à qqn « être équitable à son égard » (Pascal VIIIeProvinciale, éd. L. Lafuma, p. 405); 3. a) 1130-40 « juge » (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, ms. A, 551); b) ca 1150 « institution chargée de rendre la justice » (Id., St Nicolas, 704 ds T.-L.); p. ext. 1585 les gens de justice « les juges et les personnes qui contribuent au fonctionnement du pouvoir judiciaire » (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. II, p. 359); c) ca 1170 « juridiction, droit de rendre la justice » (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 1836) en partic. 1260 petite justice « celle qui ne s'applique qu'à des affaires de peu d'importance » (Étienne Boileau, Métiers, 9 ds T.-L.); d) ca 1280 « chacune des juridictions » justice espirituel (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 311); 4. 1275-80 « personnification à valeur plus ou moins allégorique » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5365). Empr. au lat.justitia « conformité avec le droit, sentiment d'équité; esprit d'équité »; en b. lat. « le droit, les lois » au plur. « jugements, préceptes »; en lat. médiév. « circonscription judiciaire, pouvoir judiciaire » (v. Nierm.). Fréq. abs. littér. : 9 620. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 17 097, b) 10 582; xxes. : a) 17 500, b) 10 125. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 329. - Wagner (R.L.). B. Soc. Ling. 1976, t. 71, p. 214. |