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JOUTE, subst. fém.
A. − Combat, affrontement.
1. HIST. (Moyen Age, xviesiècle). Combat de parade où deux cavaliers armés de la lance essaient de se désarçonner en s'élançant l'un vers l'autre. Être tenant d'une joute; joute à tout venant; prix de la joute. Henri II mourut d'une blessure à l'œil qu'il reçut de Montgomery dans une joute (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t. 4, 1831, p. 276).Dès le xiiesiècle, Étienne de Fougères reproche aux chevaliers de ne penser qu'à danser, s'amuser, courir les joutes et les tournois (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 32):
1. L'école permanente de ces deux vertus [vaillance et loyauté] fut, dans l'intervalle des opérations militaires, le tournoi, simulacre de combat, dont la vogue au xiiesiècle emplit la Chrétienté et qui, d'abord affrontement sauvage et meurtrier de bandes adverses, se ritualisa peu à peu et devint, à la fin du Moyen Âge, un sport mondain, succession de joutes singulières, strictement réglées comme un ballet. Encyclop. univ.t. 41969, p. 217.
2. P. anal.
a) Joute sur l'eau, joute lyonnaise, sétoise. Divertissement où deux hommes, chacun debout, sur une plate-forme à l'arrière d'une barque manœuvrée par plusieurs rameurs, essaient de se faire tomber à l'eau à l'aide d'une longue perche. Avant-hier, nous avons eu des joutes sur l'eau (Sand, Corresp., t. 1, 1831, p. 198).Il perd sa rame... Il s'affole... Il rebiffe... Il bascule... Il tombe au sirop exact comme « les joutes lyonnaises » en arrière « plat cul »!... Heureusement qu'il sait nager!... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 135).
b) Combat entre deux animaux. Joute des coqs, des cailles (Ac.). Et le coq de Gomar fut sur lui. Il y eut (...) le choc de deux fureurs, une volée de plumes et de gouttelettes rouges, le bruit sonore des armes frappant les planches. Un cri : − Une joute de tête! Une joute de tête! (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 122).
B. − P. ext. Lutte, rivalité où chaque adversaire essaie de supplanter les autres en se montrant le meilleur (dans un certain domaine). Comme il fallait à ses nerfs une distraction, un soulagement, elle tourna sa colère, ses joutes taquines, contre Élysée (A. Daudet, Rois en exil,1879, p. 130).Une courte joute entre Labori et le général de Pellieux, relative à la publication de l'acte d'accusation de 1894 (Martin du G., J. Barois,1913, p. 390):
2. Il savait bien, surtout, que les gens étaient avec lui dans cette joute qu'il menait contre la loi et les gendarmes. Genevoix, Raboliot,1925, p. 145.
Joute + déterm. indiquant le domaine, le plan où l'on rivalise, ou les qualités qu'on veut faire briller.Joute d'arguments, de paroles, de plaisanteries, de répliques, de regards; joutes spirituelles, corporelles. Dans une de ces joutes d'adresse, j'ai vu un petit Landais exécuter une chose étonnante : (...) il s'engageait à ne pas sortir de ce cercle étroit, quoi que le taureau pût faire pour l'en déloger (A. Daudet, Crit. dram.,1897, p. 170).Dans certaines îles de l'Archipel polynésien, hommes et femmes, par groupes, se livrent à des joutes poétiques où les strophes se répondent d'un camp à l'autre (Jeux et sports,1967, p. 749):
3. Une sorte de fatuité bizarre, moliéresque, le poussait [Brunetière] à considérer toute réunion mondaine comme un tournoi, une joute oratoire, où il s'agissait d'épater les hommes et de fasciner les dames en les bousculant. L. Daudet, Entre-deux-guerres,1915, p. 206.
En partic., absol. Affrontement oratoire où chacun fait assaut d'esprit, d'éloquence. Celui-ci ne répondit pas et en se dérobant fit manquer la brillante joute que MmeVerdurin se réjouissait d'offrir à Forcheville (Proust, Swann,1913, p. 261).Wandrille, témoin et auditeur neutre de cette joute, où s'entrechoquaient les répliques mordantes, Wandrille jugea bon de la couper sec (Arnoux, Double chance,1958, p. 90):
4. Ç'a été très vif, très aigu, très batailleur, si batailleur, à ce qu'il paraît, que pendant la joute, MmeZola ne cessait de répéter presque tout haut : « Si ça continue, je vais pleurer... Si ça continue, je vais m'en aller. » Goncourt, Journal,1886, p. 560.
Prononc. et Orth. : [ʒut]. Ac. 1694 et 1718 : jouste; Ac. 1740 : joûte; dep. 1762 : joute. Étymol. et Hist. 1. Ca 1130 « combat singulier [à cheval, avec la lance] » (Gormont et Isambert, éd. A. Bayot, 367); 2. fig. 1178 « entreprise guerrière » (Renart, éd. M. Roques, 3324); 1683 les joustes du Barreau (Boileau, Lutrin ds Œuvres, éd. F. Escal, p. 222); 3. p. anal. joute de coqs (Monet); 4. 1671 (Pomey : Il y a des joutes qui sont des courses sur l'eau). Déverbal de jouter*. Fréq. abs. littér. : 116.