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JOUG, subst. masc.
I.
A. − Pièce de bois que l'on fixe soit en avant, soit en arrière des cornes du bœuf pour y attacher un dispositif d'attelage. Joug simple, double; joug frontal, de nuque. Les bêtes lentes, le front bas, la tête inclinée par le joug, les cornes liées à la barre de bois, marchaient péniblement (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 75):
1. Qu'est-ce que c'est que cette fioriture derrière le joug? En voilà une mode! Il désignait la poignée peinte en vermillon, que les grands laboureurs de la Nièvre ajoutent au joug de leurs bœufs, pour l'embellir... R. Bazin, Blé,1907, p. 275.
B. − P. métaph., littér. [Le joug en tant que symbole]
1.
a) [Symbolise la domination, la tyrannie, l'esclavage] Quelle plume éloquente pourra déterminer les propriétaires américains à libérer tout d'un coup les esclaves du joug qu'ils leur ont imposé (...)? (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 334).Pourquoi, pouvant souffler sur un joug vermoulu, Le monde accepte-t-il le pouvoir absolu? (Hugo, Pitié supr.,1879, p. 142).
Sous le joug + adj. :
2. Sous le joug allemand, pas un Lorrain, pas un Alsacien ne se sont distingués. Quel silence! Quelle stérilité! Depuis trente-cinq ans, nos frères sont étouffés, ensevelis. Barrès, Cahiers, t. 4, 1906, p. 174.
b) [Symbolise l'asservissement qu'impose un vice, une passion] Le joug de l'avarice. Libre de tout assujettissement direct, libre aussi du joug des passions, je n'ai pu jouir de ma stérile indépendance (Senancour, Rêveries,1799, p. 6):
3. Les âmes sont des étincelles du feu céleste, tombées des calmes régions de l'éther dans la sphère agitée de la vie. Vaincues par la toute-puissante fascination de la beauté, courbées sous le joug humiliant du désir, écrasées par les lourdes chaînes du corps, elles savent bien que la naissance est une chute et la conception une souillure. Ménard, Rêv. païen mystique,1876, p. 119.
c) [Symbolise la servitude résultant d'une promesse, d'un engagement ou d'une obligation morale ou sociale] Le joug de la loi. Pierre voyait bien qu'elle commençait à s'affranchir, sans y prendre garde, de ce joug des convenances auquel jusque-là elle s'était aveuglément soumise (Sand, Compagn. Tour de Fr.,1840, p. 294).J'ai enduré le joug de mon mari, quand j'étais une jeune et sotte épouse (Colette, Entrave,1913, p. 34):
4. Pour un Malraux, nous nous demandons où est l'issue. Ce pâle Lafcadio au regard toujours errant, à la parole haletante, dont, au lendemain de la guerre, nous recevions parfois la visite; cet ennemi des lois, qui avait rejeté le joug social, mais sur qui pesait, pourtant, une nécessité mystérieuse... Mauriac, Journal 2,1937, p. 149.
Le joug du mariage, de l'hymen. Essayez votre liberté avant de la soumettre au joug de l'hymen; connoissez les plaisirs, afin de les apprécier et de savoir les subordonner à vos devoirs (Fiévée, Dot Suzette,1798, p. 21).
d) [Plus gén., symbole de tout ce qui entrave, freine ou gêne la liberté, l'épanouissement, le progrès] Le joug de la routine, de la superstition, des préjugés, de la coutume, des traditions; le joug de la nécessité, du besoin. Pour que la division du travail ait pu se développer, il a fallu que les hommes parvinssent à secouer le joug de l'hérédité (Durkheim, Division trav.,1893, p. 295).Affranchir la presse du joug du capital (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. xxxi):
5. ... s'imposer donc, dans l'emploi du langage géométrique, la limitation à 2 ou 3 dimensions, serait pour le mathématicien moderne un joug aussi incommode que celui qui empêcha toujours les Grecs d'étendre la notion de nombre aux rapports de grandeurs incommensurables. Bourbaki, Hist. math.,1960, p. 84.
SYNT. Joug pesant, rude, insupportable; joug avilissant, honteux, humiliant; mettre, tenir sous le joug; imposer, porter, subir, briser, secouer le joug; soumettre au joug; s'affranchir du joug; se plier au joug.
2. En bonne part. [Symbole de contrainte salutaire, de pouvoir, d'empire bienfaisant] Astarté l'a bercée aux bras de ses prêtresses; Elle sait obscurcir la lune et le soleil, Et courber les lions au joug de ses caresses (Leconte de Lisle, Poèmes barb.,1878, p. 24).L'âme heureusement captive Sous ton joug trouve la paix, Et s'abreuve d'une eau vive Qui ne s'épuise jamais (Gide, Porte étr.,1909, p. 546):
6. ... la soumission toujours si entière de cette noble princesse, ambitieuse de courber en tout sa tête sous le joug de l'amour divin, et de suivre les traces de celui qui s'est fait obéissant pour nous jusqu'à la mort. Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 233.
[P. réf. à l'Évangile, Matth. 11,30] Ce généreux vainqueur dont le joug est si doux aux chrétiens (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 330).Pour Elle [la gloire] un orphelin n'est pas un étranger; Les heures de mes jours à ses côtés sont belles; Car son joug est aimable et son fardeau léger (Hugo, Odes et Ball.,1828, p. 386):
7. Que demain son confesseur lui affirme qu'elle s'est trompée, qu'il aille jusqu'à la traiter de visionnaire, elle [Gertrude] n'en demeurera pas moins décidée à porter joyeusement le joug léger du Seigneur. Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 363.
II. − HIST. ROMAINE. Assemblage de trois piques, dont deux, plantées en terre debout, étaient surmontées d'une troisième posée horizontalement sous laquelle on faisait passer, courbés, en signe de soumission, les ennemis vaincus. Passer sous le joug était un opprobre (Ac.1835, 1878).
Loc. fig. Passer sous le joug. Se soumettre à une servitude, à une obéissance honteuse. Je compris que les plus grandes nations n'étaient pas toujours héroïques, et que les peuples aussi passaient sous le joug (Lamart., Confid.,1849, p. 287):
8. Il paraît qu'on va se donner à un prétendant quelconque. Quand l'ordre a triomphé, on va passer sous le joug d'une dictature, sans l'excuse du désordre matériel. J.-J. Ampère, Corresp.,1848, p. 161.
Tomber sous la domination, au pouvoir de quelqu'un. L'évêque de Paris, au neuvième siècle, en sauvant par son courage la capitale de la France, empêcha peut-être la France entière de passer sous le joug des Normands (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 372).
Prononc. et Orth. : [ʒu]. Vieilli, au sens métaph., [ʒug] à partir du xviiies., sous l'influence de l'orth. (Buben 1935 § 200) ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Land. 1834, Gattel 1841 et Littré; g doit se prononcer « légèrement » mais ne doit pas disparaître même devant consonne (Fér. Crit. 1787); [ʒu] et [ʒug] ds DG, Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930 (pour ces 2 derniers dict. pas d'indication de sens) et Warn. 1968; [ʒuk-] ds des formules toutes faites du type : joug insupportable, joug odieux. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fig. a) 1remoitié xiies. « sujétion imposée par un maître, esclavage » (Ps. Oxford, 1, 3 ds T.-L. [projiciamus... jugum ipsorum]); ca 1200 lo jug de dampnation (Sermons de St Bernard, 20, 19, ibid.); b) ca 1265 « contrainte résultant d'un engagement, d'une obligation » li joug des vertus (Brunet Latin, Tresor, éd. J. Carmody, II, LIV, p. 229); 1544 le jou de mariage (C. Marot Epîtres, xviii, 33, éd. C.A. Mayer, p. 153); 2. ca 1170 les jugs des boès [juga boum] (Rois, II, xxiv, 22, éd. E.-R. Curtius, p. 108); 3. antiq. romaine [cf. 1526 faire joug « se soumettre » (J. Marot, Vray disant advocate des dames, éd. Anc. poésies fr., t. 10, p. 241] 1690 (Fur.). Du lat. jugum « joug, attelage; joug symbolique sous lequel défilaient les vaincus; liens du mariage; soumission, esclavage »; nombreux emplois techn., notamment « dispositif en forme de joug pour lier la vigne (Varron, Rust., 1, 81 ds TLL, s.v. , 642, 60, v. joualle); fléau d'une balance; barre transversale d'un métier ». Fréq. abs. littér. : 1 004. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 825, b) 1 206; xxes. : a) 1 060, b) 574. Bbg. Jean-Brunhes Delamarre (M.). Géogr. et ethnol. de l'attelage au joug en France du 17es. à nos jours. 1969, 116 p. - Legros (E.). Le Joug et la charrue en Ardenne liégeoise. Mél. Haust (J.) 1939, pp. 249-280.