| JACOBIN2, -INE, adj. et subst. POLITIQUE A. − HIST. (Révolution française) 1. Emploi subst. masc. [Gén. avec une majuscule] Membre d'un club politique révolutionnaire installé à Paris dans l'ancien couvent dominicain, qui se signalait par des idées démocratiques avancées d'une extrême intransigeance; p. ext. membre ou sympathisant du parti politique issu de ce club. Club, doctrine, parti, société des Jacobins. Barras choisit pour son lieutenant un jacobin, le citoyen Bonaparte, mis en disponibilité, comme robespierriste, par Aubry (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 378).En prairial que ce soit la Montagne ou la Gironde qui ait commencé, et en thermidor les Jacobins ou la Plaine, qu'importe au développement de la Révolution, dont les origines sont profondes et les résultats incalculables? (Flaub.Bouvard, t. 1, 1880, p. 123): 1. En même temps que la famille royale, menacée de mort, quittait les Tuileries et se réfugiait au milieu de l'Assemblée, l'insurrection s'emparait par la violence de la Commune de Paris. Les Jacobins étaient pleinement victorieux. Le lendemain du 10 août, Robespierre se rendit à l'Hôtel de ville et reprit, d'un ton plus haut, ses menaces aux Girondins.
Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 70. 2. Emploi adj. a) [En parlant d'une pers.] Qui appartient à ce club; qui souscrit aux idées politiques de ce club. Je hais comme vous la prêtraille jacobine, Robespierre et ses fils que je connais pour les avoir lus et fréquentés (Flaub., Corresp.,1869, p. 10).D'anciens soldats bonapartistes ou jacobins (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 266): 2. Michelet note justement que ce sont des intellectuels qui ont inauguré l'intolérance dans la Révolution française : les avocats jacobins, qui décidèrent d'imposer le serment au clergé à un moment où d'autres méthodes eussent été possibles et sans doute moins dangereuses de conséquences.
Mounier, Traité caract.,1946, p. 745. b) [En parlant d'un inanimé abstr.] Qui se rapporte à ce club, au parti qui en est issu. Idéal jacobin; opinions jacobines. La Commune réunie là est telle que l'a faite l'épuration jacobine : des juges et des jurés du Tribunal révolutionnaire, des artistes comme Beauvallet et Gamelin (France, Dieux ont soif,1912, p. 294).La Convention, qui avait aboli la dictature terroriste, qui avait condamné l'absurde Constitution jacobine (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 89): 3. ... je craignis sincèrement qu'un homme de votre trempe et de votre talent ne s'engouât des idées révolutionnaires et jacobines, qui redeviennent à la mode et forment chaque jour de nouveaux prosélytes, idées qui nous feraient rétrograder jusqu'au charnier fangeux des Hébert, des Chaumette, des Marat, et que tout homme de cœur et d'intelligence doit combattre et repousser vigoureusement.
Balzac, Corresp.,1831, p. 518. B. − P. ext. [P. réf. à la position des Jacobins de la Convention hostiles aux idées fédéralistes des Girondins] 1. Emploi subst. [Avec une intention souvent péj. selon l'époque ou la personnalité de l'aut.] Démocrate avancé et intransigeant; homme politique hostile à toute idée de démembrement et d'affaiblissement de l'État (d'apr. Debb.-Daudet Pol. 1978). C'est un jacobin (Ac.1878-1935).Mon frère m'a fait la réputation d'un jacobin, d'un homme sans foi ni loi, capable de tout (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 165).Partout le jacobin, homme à principes, et inflexible, est redouté, même d'un jacobin devenu ministre (...) l'homme à principes reste dans les postes subalternes (Alain, Élém. d'une doctrine radicale, Paris, Gallimard, 1925, p. 60): 4. Que Michel Debré et Jean-Pierre Chevènement, l'un comme l'autre farouches jacobins, se révèlent incapables d'une analyse idéologique et épistémologique de l'histoire scolaire traditionnelle, d'une analyse critique du type de mémoire que l'État républicain a imposé par ses programmes, n'a rien qui nous étonne.
Le Monde,17 mai 1980, p. 2. 2. Emploi adj. a) [En parlant d'une pers.] Ardent à soutenir des idées démocratiques avancées et centralisatrices. Je suis républicain, jacobin, terroriste (...) et patriote (France, Anneau améth.,1899, p. 148).Quelle destinée! La moindre altesse vous humilie d'après les prescriptions de l'étiquette... Le comte lui-même, qu'a-t-il été, toute sa vie? Le domestique du prince de Bénévent, avant de voyager avec la valise de M. de Montmorency!... − Holà, ma sœur, deviendrais-tu jacobine (...)? (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 454).Qu'ils fussent jacobins ou conservateurs, ils s'abritaient dans les administrations, dans les fermes, dans leurs familles (Morand, Eur. gal.,1925, p. 152). − [P. méton.] Qui propage ces idées; qui s'en inspire. Il fera insérer des articles dans les journaux du libéralisme. − Vous ne les lisez jamais, mon ami. − Mais on nous parle de ces articles jacobins (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 9). b) [En parlant d'un inanimé abstr.] Qui témoigne d'une telle conception. Une victoire directe et particulière de l'esprit jacobin français sur l'internationalisme socialiste (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 22).L'idéalisme jacobin n'a pas encore été corrigé chez ces gentilshommes. Il s'agit même d'une vertu consciente : « Nos pères étaient des sybarites, nous sommes des Caton » (Camus, Homme rév.,1951, p. 189). REM. 1. Jacobinade, subst. fém.,fam. et péj. Manifestation outrancière de jacobinisme. (Ds Lar. Lang. fr.). 2. Jacobinet, subst. masc.,hapax plais. [Correspond à jacobin A] Les enfants (...) faisaient des discours, écrivaient aux représentants, formaient en somme un club de jacobinets (Thibaudet, Hist. litt. fr. de 1789 à nos jours,1936, p. 94). 3. Jacobinière, subst. fém.,péj. a) Club des Jacobins. (Dict. xixes.). b) P. ext. Association de démocrates fanatiques. (Dict. xixes.). Tu lui diras d'avoir l'œil sur un certain Gourmesnil (...) qui mène la jacobinière d'Argentan (Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 71). 4. Jacobinique, adj.,hapax péj. Nous sommes trop accoutumés aux déclamations, réticences et palinodies jacobiniques (Proudhon, Guerre et Paix,1861, p. 182). Prononc. et Orth. : [ʒakɔbε
̃], fém. [-in]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1790 subst. (Staël, Lettres jeun., p. 378); 1790 adj. (Pamphlet, oct. ds Société des Jacobins, éd. Fr. A. Aulard, I, 342 ds Ranft, p. 133). Même mot que Jacobin1, les membres de ce club politique s'étant d'abord réunis dans un ancien couvent de jacobins. Fréq. abs. littér. : 650. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 644, b) 912; xxes. : a) 685, b) 459. DÉR. Jacobinerie, subst. fém.,vx et péj. Tendance politique d'inspiration jacobine; esprit jacobin. La France serait replongée aux troubles du jacobinisme sous l'inspiration de la jacobinerie espagnole (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 188).− [ʒakɔbinʀi]. − 1reattest. 1793 (Staël, Lettres L. de Narbonne, p. 189); de jacobin2, suff. -erie*; cf. en 1392-1400 jacopinerie « demeure des Jacobins » (Compt. de l'hôtel-Dieu d'Orl. ds Gdf.). BBG. − Dub. Pol. 1962, pp. 327-328. - Gleize (J.-M.). Lecture du motif Révolution dans Le Rouge et le Noir. Cah. Lexicol. 1969, t. 14, pp. 64-68. - Quem. DDL t. 9 (s.v. jacobinière); 11 (et s.v. jacobinerie). - Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 256. |