| ![]() ![]() ![]() ![]() INTERDIT, subst. masc. A. − DROIT 1. DR. CANON. Censure prononcée par une autorité ecclésiastique (le pape ou l'évêque) contre une personne, un groupe de personnes, une localité. Encourir l'interdit; frapper d'interdit; fulminer un interdit; lancer l'interdit sur qqn, sur une ville; lever l'interdit. Il fallait faire cesser le culte, fermer les portes des temples, mettre les églises en interdit, ordonner aux prêtres de ne plus administrer les sacrements (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 394).Le roi de Prusse, l'empereur d'Autriche et mon maître le tsar Alexandre, tous trois illuminés comme nous, ont obtenu que la sentence d'interdit frappe celui dont l'ambition monstrueuse opprime l'Allemagne depuis huit années (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 144).V. censure II B 2 a ex. de Barrès : 1. L'an 1197, le pape Célestin III, dont la décision fut reprise par le pape Innocent III en l'an 1200, jeta l'interdit sur le royaume de France. Le texte de la condamnation nous a été conservé. Il suffit de le lire et d'y relever la mention de chacun des actes de la vie religieuse qui s'y trouvent suspendus pour avoir une idée de ce qui représentait aux yeux des fidèles l'essentiel de la fonction ecclésiastique...
Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 41. ♦ Interdit personnel. Censure qui défend à un prêtre l'exercice de son ministère ou prive un fidèle de certains biens spirituels (sacrements, sépulture religieuse) (d'apr. Foi t. 1 1968). ♦ Interdit local. Censure qui défend la célébration du culte, l'administration de certains sacrements dans une localité donnée (d'apr. Foi t. 1 1968). − Au fig. (dans certaines expr.). Mettre en interdit, jeter l'interdit sur qqn, qqc. Exclure quelqu'un d'une société, rejeter quelque chose de l'usage. Synon. mettre en quarantaine, mettre à l'index, prononcer l'exclusive contre.[Des] oripeaux poétiques à la mode dont il [Racine] ne répudie pas l'étalage, en le rajeunissant à peine, sans se douter de l'interdit déjà prononcé par Pascal et que va faire exécuter Boileau (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 448).Dans ces domaines qui semblaient pour lui frappés d'interdit, l'homme s'est avancé; mais pas partout du même pas. La force d'impulsion qui a poussé l'humanité hors de ses limites naturelles, s'est exercée inégalement suivant les régions (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 22): 2. Comme le prince de Guermantes avait pendant de longues années empêché sa femme de recevoir Mmed'Orvillers, celle-ci, quand l'interdit fut levé, se contenta de répondre aux invitations, pour ne pas avoir l'air d'en avoir soif, par de simples cartes déposées.
Proust, Sodome,1922, p. 721. 2. DR. CIVIL. Synon. de interdiction (v. ce mot B).Le conseil judiciaire se passe à peu près comme l'interdit (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 183). B. − [Dans les sc. hum. et dans la lang. cour.] Contrainte imposée par une autorité, un groupe social, ou que l'individu s'impose à lui-même, et qui interdit la pratique de certains actes, l'usage de certaines choses. Synon. tabou.Interdits sociaux, moraux; interdits alimentaires, sexuels; interdits linguistiques. Il faut laisser à Musset ce qui lui appartient : il contente le vague de la souffrance et du désir chez un enfant, pareil à celui que je revois derrière les barreaux des scrupules, des interdits de la famille, des maîtres aux yeux crevés, qui ne comprennent pas, prisonniers d'une terre aride, brûlante et triste (Mauriac, Mém. intér.,1959, p. 58).Les interdits religieux islamique et israélite excluent pratiquement l'élevage du porc des rives asiatique et africaine de la Méditerranée comme des autres états du Proche-Orient (Wolkowitsch, Élev.,1966, p. 38): 3. Le droit [d'après Durkheim], primitivement rattaché aux interdits religieux dont la violation s'accompagne de réprobation publique, s'assouplit et laisse une place aux initiatives individuelles lorsque les interdits magiques, dont la violation n'a que des conséquences causales directes, commencent à faire concurrence aux tabous religieux et à les limiter.
Traité sociol.,1968, pp. 178-179. − PSYCHANAL. ,,Facteur d'inhibition libidinale, conscient et inconscient`` (Lar. Méd. t. 2 1972). Le sens profond de la cure n'est pas une explication de la conscience par l'inconscient, mais un triomphe de la conscience sur ses propres interdits par le détour d'une autre conscience déchiffreuse. L'analyste est l'accoucheur de la liberté, en aidant le malade à former la pensée qui convient à son mal (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 376).Le comportement est tenu pour normal et correct, quand le moi réussit à concilier les exigences du ça, les interdits du surmoi et le donné du principe de réalité (Choisy, Psychanal.,1950, p. 133). Prononc. et Orth. : [ε
̃tε
ʀdi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1366 « sentence ecclésiastique défendant la célébration des offices » (doc. ap. H. Caffiaux, Nicole de Dury, p. 96, cf. Littré : un intredit que li eveskes de Cambrai envoya au prouvost et as jurés); xves. interdit (Jean de Stavelot, Chron., p. 138 ds Gdf. Compl.); 2. 1478-80 jur. « interdiction » (G. Coquillart, Plaidoyé, 586 ds
Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 39); 3. 1840 « condamnation absolue qui met une personne à l'écart d'un groupe » (Sand, Compagn. Tour de Fr., p. 49); 4. 1946 « interdiction émanant du groupe social » (Mounier, Traité caract., p. 602). Empr., au sens 1, au lat. médiév. de l'Égliseinterdictum (dep. le xies. ds Nierm.; Blaise Latin. Med. Aev.; Latham). Interdictum avait déjà le sens d'« interdiction (en général) » en lat. class. et était employé comme terme de dr. romain. On trouve également, en a. fr., la forme francisée entredit au sens 1 (xiiies. d'apr. FEW t. 4, p. 751b). Fréq. abs. littér. : 68. |