| INFIDÈLE, adj. Qui n'est pas fidèle. A. − Qui trahit son engagement 1. [À l'égard d'une pers.] a) Inconstant dans le service d'autrui. Je suis maintenant seule et abandonnée à moi-même sur ce rocher désert, en proie au premier audacieux qui voudrait forcer mes portes, entourée d'une bande de domestiques infidèles et d'esclaves ingrats (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 231). b) En partic. [Dans la vie amoureuse ou conjugale] Qui trompe ou a trompé son partenaire. Femme, époux, épouse, amant infidèle. Ne te fie pas aux femmes blondes, car elles sont lâches et infidèles (Claudel, Échange,1894, I, p. 670).Parlons sérieusement, Alcmène. Est-il vrai que tu préférerais te tuer, plutôt que d'être infidèle à ton mari? (Giraudoux, Amphitr. 38,1929, II, 2, p. 92). 2. [P. réf. à une parole donnée] Infidèle à son vœu, à son idéal, à sa vocation. J'ai cru à votre parole d'honneur, vous êtes infidèle au serment le plus sacré, et j'espère qu'à la longue le juste mépris inspiré par votre légèreté pourra me guérir de cet amour qui depuis trop longtemps fait le malheur de ma vie (Stendhal,Abbesse Castro,1839,p. 192). 3. [P. réf. à une obligation] Infidèle à ses devoirs, à la mission qu'il s'était assignée : 1. La mère qui défend son fils au péril de sa vie, et se prive de tout pour le nourrir, fait société avec lui : c'est une bonne mère; celle, au contraire, qui abandonne son enfant est infidèle à l'instinct social, dont l'amour maternel est une des formes nombreuses...
Proudhon, Propriété,1840, p. 300. − P. ext. Malhonnête. Collaborateur, dépositaire, secrétaire, tuteur infidèle; infidèle et dépravé, infidèle et déshonoré. Ils se servaient de la morale et de la société, en les trahissant, comme des domestiques infidèles qui volent leurs maîtres (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1208).Vous êtes un employé malhonnête, vous êtes un employé infidèle. Ne comptez pas sur moi pour vous défendre (Flers, Caillavet, M. Brotonneau,1923, III, 6, p. 23): 2. Ce serait ne rien faire que de se borner à dénoncer les mandataires infidèles, les malversateurs, les prévaricateurs, si la nation ne se ménage pas un moyen également prompt et infaillible de les réprimer et de les punir.
Marat, Pamphlets, Appel à la Nation, 1790, p. 154. B. − Qui n'est pas conforme à la vérité. Synon. inexact.Notre amour reste infidèle à sa véritable essence (Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 75): 3. Est-il possible de se montrer plus complètement infidèle à la définition officielle d'une démocratie maîtresse de ses destinées, justement fière de se gouverner elle-même?
Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. XLI. ♦ Mémoire infidèle. Mémoire défaillante. Puis elle regarda fixe et droit devant elle, Tandis que de ses yeux la mémoire infidèle S'effaçait, comme on voit, aux approches du soir, Par degrés se ternir les clartés d'un miroir (Desb.-Valm., Poés. posth.,1859, p. 300). ♦ Traduction infidèle. Traduction qui s'éloigne de l'original. Traductions infidèles ou falsifiées (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 127). − Emploi subst. Belles infidèles. Traductions élégantes mais peu conformes à l'original. En fait les « belles infidèles » ont la vie beaucoup plus dure que ne le laissent supposer ces diverses déclarations. Confrontant les traductions françaises de la Mort à Venise de Thomas Mann avec le texte original, Hartmut Bugiel ne constate que des infidélités (G. Kassai, Traduction et néologie ds Meta, t. 26, 1981, p. 131). C. − Qui est rebelle à Dieu : 4. Tous les soirs, en traversant l'eau à cette heure, j'entends la cloche appeler les fous à la prière. − Sans doute pour remercier le Créateur de ses bontés envers eux? − Toujours le même, Shelley! dit Byron sauvagement. Infidèle et blasphémateur!...
Maurois, Ariel,1923, p. 249. − Emploi subst. [souvent avec majuscule] Qui est étranger à la religion considérée comme vraie. La France s'en alloit en guerre contre les Mécréans et les Infidèles (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 302): 5. Notre Saint-Père était tombé entre les mains des infidèles; on organisait secrètement, pour le délivrer, une croisade; et il fallait d'abord, pour mener à bien celle-ci, beaucoup d'argent.
Gide, Caves,1914, p. 766. ♦ Croisade contre l'infidèle. Expédition militaire pour délivrer les lieux saints : 6. La guerre sainte contre l'Infidèle d'Espagne, les croisades contre l'Infidèle d'Orient appelèrent loin de chez eux, et pour longtemps, les chefs militaires de la chrétienté.
Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 56. REM. Infidèlement, adv.D'une manière infidèle. À la fin du dix-huitième siècle, quand on entama révolutionnairement la réforme civile du clergé, quelques jansénistes essayèrent de se présenter; mais leur mesure n'était plus possible; la Constitution civile du Clergé ne la représente qu'infidèlement, et ne peut passer elle-même que pour un accident de l'attaque commençante (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 17).Leur mystique, si infidèlement incarnée qu'elle ait été, ne renie pas la liberté pour aller à la liberté, ni les moyens pacifiques pour aller à la paix (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 252). Prononc. et Orth. : [ε
̃fidεl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1330 « qui ne croit pas en Dieu, païen » (Renart le Contrefait, t. 1, p. 248 b ds T.-L.); 2. 1488 [éd. 1491] « qui manque à sa foi, à ses engagements » (La Mer des Hist., I, 95 b, d'apr. H. Vaganay ds Rom. Forsch. t. 32, p. 88); 3. a) 1652 bruits infidèles (Corneille, Pertharite, III, 4); b) 1690 mémoire infidèle (Fur.). Empr. au lat.infidelis « peu sûr, inconstant » à l'époque class.; « infidèle à la loi de Dieu; mécréant, païen [infideles « les hérétiques »] ds la lang. chrétienne. Fréq. abs. littér. : 933. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 372, b) 1 000; xxes. : a) 911, b) 859. Bbg. Delb. Matér. 1880, p. 176. |