| INDIGNE, adj. A. − [Sans compl. prép. de] 1. [En parlant d'une pers.] Qui ne mérite pas ce que confèrent un nom, un titre, un rôle, un pouvoir, des fonctions. Enfant, époux, père indigne. Oh! je voudrais écraser ce vieux corps idiot. Et je suis entrée dans le lit de cet homme indigne, et alors Émile se tuait... C'est là ma fidélité! (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 347): 1. N'êtes-vous pas frappé, comme moi, M. l'Hermite, de tout ce qu'il y a d'absurde et d'inconvenant dans cette double prétention d'argent et de gloire qu'affichent les indignes successeurs de Molière et de Racine?
Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 239. ♦ Emploi subst. Ah! ton père est un beau salaud. Avoir installé cette femme à mon foyer, et ensuite m'avoir jetée dehors comme une indigne (Queneau, Pierrot,1942, p. 93). − [Dans une formule de politesse en signe d'humilité] Si cela affligeait en rien la noble dame, son indigne serviteur serait au désespoir (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 82). 2. [En parlant d'une chose] Qui manque de dignité et ne répond donc pas aux principes de justice, de morale, de bienséance qu'on est en droit d'attendre. Action, attitude, cause, conduite, tenue, traitement indigne : 2. J'ai été témoin de trois aventures qui lui ont fait le plus grand tort, et j'ai vu de mes propres yeux son innocence; j'étais absent au moment où le bruit de l'indigne commerce qu'on lui a imputé a éclaté, et je suis autorisé à croire qu'il n'avait pas plus de fondement que les autres.
Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1788. B. − [Avec compl. prép. de] 1. [Le compl. prép. est un subst.] a) Qui n'a pas assez de dignité pour rivaliser avec quelqu'un ou pour provenir de quelqu'un ou de quelque chose. Moi si indigne de lui; un ciel indigne de la providence. Elle se résout à parler à don Juan. Elle lui dit qu'elle l'aime, mais qu'elle est indigne de lui, qu'elle est venue pour le vendre et le vendre à des assassins (Delécluze, Journal,1825, p. 154). b) Qui ne mérite pas ce qui est accordé à quelqu'un ou à quelque chose. Individu indigne de pardon; pays indigne de liberté. Les carrioles auxquelles il travaillait chez Vian, ces carrioles qu'il avait soignées amoureusement, lui semblaient maintenant indignes de ses tendresses (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 138). 2. [Le compl. prép. est un inf.] a) Qui ne mérite pas de. Indigne de vivre. Il existe à la base de la vie humaine, un principe d'insuffisance. Isolément, chaque homme imagine les autres incapables ou indignes d'« être » (G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 128). − DR. Être indigne de succéder. Être exclu des successions pour cause d'indignité. Sont indignes de succéder, et comme tels exclus des successions, 1. Celui qui serait condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt; 2. Celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse; 3. L'héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice (Code civil,1804, art. 727, p. 133). ♦ Emploi subst. Les enfans de l'indigne, venant à la succession de leur chef, et sans le secours de la représentation, ne sont pas exclus pour la faute de leur père (Code civil,1804art. 730, p. 133). b) [Avec un suj. neutre ou impers.] Il est indigne de, c'est indigne de (sens affaibli). Il n'est pas convenable de : 3. −Eh bien, et moi? dit Prullière très pincé, je n'ai pas deux cents lignes. Je voulais rendre le rôle... C'est indigne de me faire jouer ce Saint-Firmin, une vraie veste. Et quel style, mes enfants! Vous savez que ça va tomber à plat.
Zola, Nana,1880, p. 1329. Prononc. et Orth. : [ε
̃diɳ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « (d'une chose bonne) qu'on ne mérite pas » (Dialogues Gregoire, 141, 20 ds T.-L. : parole ke nos est endigne [locutionem quae nobis indigna est]); 2. « qui n'est pas digne, ne mérite pas » a) indigne pour (d'une pers.) une chose bonne 1458 (A. Gréban, Passion, éd. O. Jodogne, 3942); av. 1558 indigne de (M. de Saint-Gelays, Graces à Dieu II, 289 ds Hug.); 1578 id. une chose mauvaise (Ronsard, Epitaphe d'Anne L'Esrat, éd. P. Laumonier, t. 7, p. 386); b) 1569 (d'une chose) (Id., 6elivre des Poèmes, éd. citée, t. 15, p. 87, 49); 3. « qui n'est pas en rapport de convenance avec » a) 1588 (Montaigne, Essais, III, 3, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 797 : bestises indignes d'un enfant); b) 1636 (Corneille, Cid, II, 5 : Mais enfin ce Rodrigue est indigne de vous); 4. emploi abs. a) av. 1589 « (d'une chose) déshonorant, infamant » (Baïf, Poèmes, L. V, II, 258 ds Hug. : une mort tant indine); b) 1665 « (d'une personne) méprisable » (Molière, Don Juan, IV, 4 : fils indigne); 1688 emploi subst. (Bossuet, Var., XI, § 185 ds Littré); spéc. 1732 dr. (Trév. : Le bâtard obtient les aliments, l'indigne en est privé); cf. 1804 id. les enfants de l'indigne (Code civil, art. 730). Empr. au lat.indignus « qui ne mérite pas; qu'on ne mérite pas; qui ne convient pas; honteux ». Fréq. abs. littér. : 1 582. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 875, b) 2 294; xxes. : a) 2 155, b) 1 744. DÉR. Indignement, adv.D'une façon indigne. Ces godelureaux, indignes de porter l'uniforme, étaient venus en bandes jeter des pierres dans les fenêtres du Constant, et compisser indignement les bornes de l'hôtel où se préparait le banquet (Adam, Enfant Aust.,1902, p. 304).− [ε
̃diɳ(ə)mɑ
̃]. Martinet-Walter 1973 séparent les prononc. avec et sans [ə] en [-dinjəmɑ
̃] et [-diɳmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. ca 1200 (Dialogues Gregoire, 118, 8 : indignement [indigne] Deu volsis resembleir); de indigne, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 122. |