| IMPUR, -URE, adj. A. − Qui n'est pas pur, qui est altéré ou souillé par la présence d'éléments étrangers. Composé, corps impur; liquide, métal impur. Les microbes du lait peuvent se retrouver dans le beurre; ils proviennent soit des eaux impures employées pour les manipulations, soit des maladies de la vache (Macaigne, Précis hyg.,1911, p. 245).Le minerai, la bauxite, est de l'alumine impure, contenant notamment de la silice, de l'oxyde de fer, de l'acide titanique (Guillet, Techn. métall.,1944, p. 13) : 1. Le raffinage ne se borne pas à rendre acceptables des huiles impures ou altérées, il permet en plus d'assurer une excellente conservation des huiles et des graisses raffinées, par suite de l'élimination des impuretés favorisant la décomposition et l'altération des glycérides en leurs constituants...
Brunerie, Industr. alim.,1949, p. 48. − P. anal. ♦ (Théorie, principe, système) qui comporte des éléments étrangers ou indésirables. Synon. hétérogène.Comme on voit, la Convention ne peut proscrire les substitutions, « reste impur des lois féodales », comme dit Laplaigne, qu'en proscrivant toute inégalité de partage (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 224).Ils [les marchés monopolistiques] sont imparfaits parce que, sauf dans le cas de marchés de concurrence hétérogène où le consommateur ne paie que le « prix de la variété » qu'il désire, ils ne sont pas des allocateurs impeccables des ressources économiques. Ils sont impurs parce qu'ils admettent des combinaisons nombreuses et variées des forces de la concurrence et des forces du monopole (Perroux, Écon. xxes., 1964, p. 282). ♦ Dont on ne connaît pas l'ascendance, dont l'ascendance est composée de sangs différents. Lignée impure; sang impur (vieilli). Cette race impure, fuyant devant l'épée de Sésostris, ou le couteau exterminateur des Juifs, s'était trouvée acculée à la mer, et l'avait prise pour patrie (...). Là, les générations pullulaient sans famille certaine, chacun ignorant qui était son père, naissant, multipliant au hasard, comme les insectes et les reptiles (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 179).Les expériences de Joly, de Musset, de Frémy, sur lesquelles s'exerçait la verve féroce de Pasteur, ressemblaient (...) à celles des biologistes prémendéliens quand ils prétendaient étudier l'hérédité en se servant d'organismes héréditairement impurs (Cuénot, J. Rostand, Introd. génét.,1936, p. 75). − BEAUX-ARTS ♦ Qui s'écarte des canons stricts imposés à un genre, un style, une interprétation : 2. Entre ces œuvres ambitieuses et décadentes et les merveilles gothiques se placent des pièces qui, quoique soumises à la technique impure du modelé, arrivent, grâce au génie des auteurs des cartons, à une beauté incontestable.
Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 80. ♦ [En parlant d'une œuvre, d'une techn.] Qui participe de genres distincts, différents, et qui est généralement considéré comme inférieur par les puristes. Synon. bâtard, hétéroclite, hybride.Le théâtre musical était pour eux un genre littéraire, donc impur (...). Toute musique expressive, descriptive, suggestive, en un mot toute musique qui voulait dire quelque chose, était taxée d'impure (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 687). − Au fig. Mêlé, entaché d'éléments incontrôlés, indésirables ou interdits. Cœur impur; joie impure. Il trouvait en soi et autour de soi un mélange des plus impurs de circonstances et d'idées, qui pouvait inspirer les jugements les plus sceptiques (Valéry, Variété IV,1938, p. 35).Il a pu nous paraître d'abord, à voir le soin que la Terreur mettait à distinguer les phrases pures des impures, qu'elle offrait tous les traits du scrupule intellectuel, de l'analyse, de la discrimination (Paulhan, Fleurs Tarbes,1941, p. 142) : 3. Le dîner se passait, sans qu'ils fissent un effort pour causer. Ils étaient affamés de silence... À la fin seulement, leur langue se déliait un peu, lorsqu'ils se sentaient reposés, et que chacun, entouré de l'amour discret de l'autre, avait effacé de son être les traces impures de la journée.
Rolland, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 879. B. − RELIG. Dont le contact, considéré comme une souillure (ou un péché dans la tradition judéo-chrétienne), est proscrit de manière permanente ou momentanée. Synon. partiels interdit, sacré, tabou.Alors on immolait le porc impur au seuil des maisons, les castagnettes sonnaient dans les blés, le cistre grinçait sur les bateaux qu'on démarrait (Flaub., Tentation,1849, p. 456).Le guerrier maori est impur pendant la durée d'une expédition armée, et il ne cesse d'être tabou qu'après s'être purifié (Jeux et sports,1967, p. 773) : 4. En quoi le fait de toucher un objet tabou, un animal ou un homme impur ou consacré, de laisser s'éteindre le feu sacré, de manger de certaines viandes, de ne pas immoler sur la tombe des parents le sacrifice traditionnel, de ne pas prononcer exactement la formule rituelle, (...) a-t-il pu jamais constituer un danger social?
Durkheim, Division trav.,1893, p. 37. − P. méton., adj. ou subst. (Celui, celle, ce) qui est souillé au contact d'une chose, d'un être impur. Le patriciat s'était désarmé le jour où il avait prononcé avec les rites solennels que quiconque toucherait un tribun serait impur (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 384).On ne quittait guère le cher quartier des synagogues et des maisons peintes en bleu. Qu'aurait-on été faire dans les quartiers impurs? (Tharaud, An prochain,1924, p. 209).La même rigueur ne s'est-elle pas exercée d'ailleurs bien des fois dans le sein d'Israël, et non sans âpreté, pour séparer les purs et les impurs, ceux qui obéissaient à la loi divine de ceux qui la violaient? (Weill, Judaïsme,1931, p. 116). ♦ (Celui, celle, ce) qui est hors d'une doctrine religieuse et combattu ou suspect à ce titre. Non seulement la France, mais encore l'Espagne et l'Italie, eussent été dès lors perdues pour la foi et la vraie civilisation, si la croisade n'avait pas été victorieusement prêchée contre cet impur foyer de doctrines païennes et orientales (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. xxv).N'ayant point part au salut, ils restent hors la loi chrétienne, comme païens, comme impurs, et trop souvent suspects de connivence au mauvais principe (Michelet, Peuple,1846, p. 233).Esprit, démon impur. Esprit du mal. Au fond de ces temples énormes cimentés avec le sang des races opprimées, ricanent hideusement accroupis d'impurs démons qui usurpent les libations, les offrandes et les sacrifices (Gautier, Rom. momie,1858, p. 298).Les poètes les appellent démons, les philosophes en parlent, Socrate en avait un spécial, les mages font par eux leurs prestiges. Ces esprits impurs se cachent sous les statues et les images des dieux païens (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 344). − Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Le sacré est en effet objet simultané d'épouvante et de convoitise. Il apparaît sous les formes antagonistes du pur et de l'impur qui expriment la polarité religieuse par excellence (Philos., Relig., 1957, p. 32-7). C. − Au fig., adj. ou subst. (Celui, celle, ce) qui porte une souillure morale. Synon. bas, corrompu, immoral, indigne, vil.Le bourgeois − qu'il soit honnête ou canaille, ce qui est, à peu près, la même chose à cet étage − est un être impur, essentiellement. S'il cessait d'être impur, il cesserait d'être bourgeois (Bloy, Journal,1907, p. 354).Et pourtant, je ne suis point parricide. Au contraire, c'est par piété filiale que j'ai versé le sang impur des ennemis de ma patrie (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 264) : 5. Ils prétendent alors interdire aux consciences l'emploi de tout moyen non mauvais en lui-même auquel les hommes ont fait un contexte impur (défense à un écrivain de publier, parce que la publicité moderne est impure; à un citoyen de voter, parce que le parlement est impur); ils exigent qu'elles refusent de coopérer à l'œuvre commune des hommes quand des moyens impurs s'y mêlent par accident...
Maritain, Human. intégr.,1936, p. 265. − En partic. [Pour ce qui touche à la sexualité] Qui est jugé indécent d'un point de vue moral, social ou religieux. Anton. chaste, pudique.Geste impur; mots impurs. Alors vous ouvrîtes les yeux et votre regard me pénétra d'une honte inconnue; je me détournai comme si j'avais fait une action coupable. Pourtant, Lélia, aucune pensée impure ne s'était même présentée à mon esprit (Sand, Lélia,1833, p. 158).Ses yeux, allumés par le désir de séduire, par ce besoin de vaincre l'homme qui rend fascinant comme celui des félins le regard impur des femmes, m'appelaient, m'enchaînaient, m'ôtaient toute force de résistance (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Allouma, 1889, p. 1312).Ce n'est pas l'acte sexuel qui est impur et vulgaire, c'est tout ce qu'on met autour (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1439). − Subst. fém., vieilli. Courtisane, prostituée. Ces créatures que le dictionnaire de la mode a successivement classées sous les titres grossiers ou badins d'impures, de filles entretenues, de lorettes et de biches (Baudel., Curios. esthét., Le Peintre de la vie mod., 1863, p. 337).Houssaye, ce soir, disait que l'impure commençait à manquer sur le marché de Paris. Il donnait cette raison, qu'autrefois l'homme de province allait dans une maison de prostitution ou couchait avec sa bonne; maintenant le provincial entretient (Goncourt, Journal,1878, p. 1216). REM. Impurifiable, adj.Qui ne peut être purifié. Qu'un milliardaire infect (...) vienne à s'aplatir bêtement et ignoblement contre un arbre ou contre un mur, désormais impurifiable, en accomplissant, au mépris de la vie des autres, un balourd exploit de vitesse, deux cents journaux, le lendemain, lui décerneront le martyre (Bloy, Journal,1903, p. 175). Prononc. et Orth. : [ε
̃py:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. xiiies. « souillé, pollué » (Simples medecines, éd. P. Dorveaux, § 87); 2. 1516 « dont la substance matérielle est altérée » (J. Perréal, Complainte de Nature ds Rose, éd. Méon, t. 4, p. 125); 1690 fig. [en parlant d'une noblesse mésalliée] sang impur (Fur.); 3. 1611 « souillé moralement; indécent » (Cotgr.); 1768 subst. fém. « courtisane » (Collé, Vérité ds le vin, scène VIII ds Fr. mod. t. 17, p. 67); 4. av. 1682 domaine relig. (Le Maistre de Sacy, Bible, Lévitique, V, 2, éd. Paris, Merueis, 1853, p. 101b : une chose impure comme serait un animal tué par une bête). Empr. au lat.impurus « qui n'est pas pur, corrompu (au propre et au fig.) ». Fréq. abs. littér. : 787. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 166, b) 1 222; xxes. : a) 1 046, b) 1 067. DÉR. Impurement, adv.De manière impure. Mais, en vérité, au point de vue purement, ou, si tu préfères, impurement sensuel, ils [les premiers baisers] sont détestables (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Baiser, 1882, p. 608).− [ε
̃pyʀmɑ
̃]. Att. ds Ac. 1694 puis 1878 et 1935. − 1reattest. 1580 (Th. de Bèze, Hist. ecclés., I, 97 ds Gdf. Compl.); de impur, suff. -ment2*. BBG. − Dub. Pol. 1962, p. 320. - Klein (J.R.). Le Vocab. des mœurs de la « Vie Parisienne » sous le Second Empire. Louvain, 1976, pp. 66-67. - Vaganay (H.). Notes sur la lang. du 16es. R. Philol. fr. 1933, t. 45, p. 143 (s.v. impurement). |