| IMMOBILE, adj. A. − Qui ne se meut pas. 1. [En parlant d'un animé ou d'une partie du corps] a) Qui ne fait aucun mouvement, qui cesse de se mouvoir. Main, tête immobile; demeurer, rester, se tenir immobile; immobile comme un cadavre, une souche, une statue. Rocambole, tenu immobile sous le genou de Guignon, qui le menaçait de la pointe du couteau (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 561).Les paons immobiles cuisent au soleil sur la pelouse de velours vert (Maurois, Disraëli,1927, p. 328).Dans l'autre lit (...) un grand corps immobile insensible et chaud (Colette, Seconde,1929, p. 105). − En partic. Qui demeure sans bouger, sous l'effet d'une émotion violente. Synon. interdit, médusé, paralysé, pétrifié.Le vieillard resta quelques instants immobile et comme foudroyé, sans pouvoir parler ni respirer, comme si un poing fermé lui serrait le gosier (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 254).La terreur le cloue immobile, les yeux, la bouche ouverts, soufflant du fond de la gorge (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 4) : 1. Malek Adhel, frappé d'une effroyable surprise, demeure immobile et éperdu : une sueur froide coule sur tous ses membres; il promène autour de lui des regards menaçans, terribles et désespérés...
Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 282. ♦ Immobile de + subst.Il le fixe, immobile d'étonnement, ensuite l'approche lentement (La Martelière, Robert,1793, V, 4, p. 62). b) [En parlant du visage, du regard, du sourire] Figé dans une attitude, dans une expression. Synon. atone, inexpressif.Un sourire si éternellement immobile qu'il semblait peint sur ses lèvres (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 200).L'enfant divin dont les yeux immobiles entre les paupières vous regardent avec indifférence (Claudel, Protée,1927, II, 2, p. 388).Le visage de Cécile est ordinairement immobile, impassible, comme celui d'une statue (Duhamel, Cécile,1938, p. 223) : 2. ... ses traits étaient immobiles comme ceux d'un aveugle. Seulement, quand il entendait une saillie ou un trait comique, son visage s'épanouissait...
Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 319. c) Spécialement − ART VÉTÉR. [En parlant d'un cheval] Qui est atteint d'immobilité. Une grosse difficulté, dans l'expertise, surgit lorsqu'on se trouve en présence d'un cheval suspect d'être immobile, et qui a contracté une encéphalite aiguë (Brion, Jurispr. vétér.,1943, p. 239). − PHILOS. (aristotélicienne). Synon. divin, de Dieu.Le moteur immobile. Dieu. On constate que certains êtres se meuvent; puis on montre l'impossibilité de la régression à l'infini dans une série de moteurs sans un être hors de la série qui échappe à la loi de détermination du mouvement; et l'on conclut à l'existence d'un premier moteur immobile (Théol. cath.t. 4, 1, 1920, p. 942) : 3. Chez le philosophe grec [Aristote], les choses se meuvent aussi pour acquérir leur substantialité propre et imiter en cela la perfection divine des moteurs immobiles.
Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 149. 2. [En parlant d'une chose] a) Qui n'est pas agité ou mis en mouvement. Branches immobiles. − Domaine atmosphérique.Sans mouvement. Air, brouillard, chaleur immobile. Les nuages immobiles et lourds d'un ciel de maître hollandais (Maurois, Silences Bramble,1918, p. 16). − [En parlant d'un véhicule] Synon. à l'arrêt.Voiture immobile : 4. ... des trains filaient dans l'ombre croissante, parmi l'inextricable lacis des rails, au milieu des files de wagons immobiles, stationnant sur les voies d'attente.
Zola, Bête hum.,1890, p. 24. b) En partic. Qui, par nature, ne peut se mouvoir. Arbre, cellule immobile. Dans les animaux qui suivent, le cubitus n'est plus qu'un appendice immobile du radius (Cuvier, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 287) : 5. ... les végétaux fixés sur leur racine immobile épandent leurs amours intérieurs vers une existence ailée, et se recommandent aux vents, aux flots, aux insectes, pour les faire vivre au dehors, leur donner le vol que leur refusa la nature.
Michelet, Oiseau,1856, p. 24. c) Rare, emploi subst. à valeur de neutre. Fait d'être immobile, de ne pas remuer. Transporter à la course même de la flèche tout ce qui peut se dire de l'intervalle qu'elle a parcouru, c'est-à-dire admettre a priori cette absurdité que le mouvement coïncide avec l'immobile (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 309). B. − Au fig. 1. [En parlant d'une pers.] Qui reste inactif, passif : 6. ... et nous nous désolions de voir les personnes que nous aimions souffrir et mourir. Et notre erreur était de nous arrêter ainsi dans la vie, et, restant immobiles, de regarder couler toutes choses...
Schwob, Monelle,1894, p. 152. 2. a) [En parlant d'une pers.] Qui n'évolue pas, ne change pas. Synon. invariable.Les chrétiens du monde sont immobiles et contents d'eux-mêmes. Les autres, en petit nombre, sont des torrents jamais satisfaits (Bloy, Journal,1907, p. 336). − Immobile dans + subst.Un peuple religieux, esclave, dominé par le mystère, immobile dans ses idées, plein de foi dans l'immortalité de la vie (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 12).Elle est restée immobile dans sa douleur depuis le jour où son mari l'a quittée (Vallès, J. Vingtras, Bachel., 1881, p. 345). b) [En parlant d'un inanimé] Fixé une fois pour toutes, définitivement figé. Synon. stagnant.Dogme immobile. Voilà ce que c'est que les législations immobiles! Elles consacrent les barbaries séculaires, et donnent le droit d'antiquité et de légitimité à tous les crimes (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 407).Quelque jour, au milieu de votre vie stagnante et immobile, il peut passer un coup de vent (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 88) : 7. ... nous allons au pays de l'enfance immobile, immobile comme l'immémorial. Nous visons des fixations, des fixations de bonheur. Nous nous réconfortons en revivant des souvenirs de protection.
Bachelard, Poét. espace,1957, p. 25. c) Emploi subst. masc. Ce qui ne change pas, n'évolue pas. Synon. invariable, permanent.C'était un sentiment tout nouveau chez Pauline, cet accord avec l'immobile, le présent, ce désir que tout restât pareil autour d'elle (Chardonne, Dest. sent. I,1934, p. 196). 3. [En parlant d'une pers.] Qui reste inébranlable, insensible. À cette nouvelle, loin de s'affliger, il est resté calme et immobile (Ac.). − Immobile sous + subst.La jeune chrétienne, immobile sous l'outrage, déjà hors du monde, récite mécaniquement quelques vers glacés et purs (Brasillach, Corneille,1938, p. 252). − Immobile à (vx).Insensible à, inébranlable à. Dieu, selon lui [Malebranche] étant sa propre fin à lui-même, ne peut se complaire qu'en soi, et il demeure immobile (...) à la chute de l'homme, c'est-à-dire à la naissance du mal (Cousin, Hist. gén. philos.,1861, p. 458). Prononc. et Orth. : [im(m)ɔbil]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1370-72 « qui ne bouge pas, fixe » (Oresme, Ethiques, éd. A.D. Menut, livre V, chap. 15, 104a, p. 304). Empr. au lat.immobilis « qui ne bouge pas », « inébranlable », dér. de mobilis, v. mobile, préf. in-1*; cf. la forme immoble (xiiies. ds T.-L.). Fréq. abs. littér. : 5 776. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 850, b) 8 105; xxes. : a) 10 609, b) 8 849. DÉR. Immobilement, adv.,rare et littér. Sans mouvement (apparent). [Le rôle d'Oreste dans Andromaque, rendu par] cette face immobilement horrible d'où sortait un monotone ronflement (Richepin, Braves gens,1886, p. 57).Sur l'eau, la libellule bleue vibre immobilement près d'un jonc coupé en deux (Jammes, De l'angélus,1898, p. 125).Mon avion immobilement suspendu, où le mouvement s'abolit (Arnoux, Zulma,1960, p. 185).− [im(m)obilmɑ
̃]. − xves. (Ovide moralisé, Commentaire de Copenhague, éd. C. de Boer, t. 5, p. 426); de immobile, suff. -ment2*. |