| IMITATION, subst. fém. I. − Action d'imiter (v. ce mot I) et résultat de cette action. A. − 1. [Correspond à imiter I A 1, 3] Action d'imiter (un bruit, un comportement, une personne ou bien un animal en essayant de reproduire les attitudes, les façons de s'exprimer); résultat de cette action. Synon. mime, reproduction, simulacre, simulation.Imitation des aboiements du chien; imitation des gestes, des intonations, des propos, des manières, des tics de qqn. « Son changement de front, ça été fait avec ça... » Et une main faisait l'imitation d'un pouce et d'un index qui comptent de l'argent (Goncourt, Journal,1873, p. 947).Ils prononçaient « minionne », avec une affreuse grimace tordue, suivie d'une imitation de nausée (Colette, Sido,1929, p. 154) : 1. ... on lui disait : « C'est singulier, vous pensez là-dessus comme M. Schmidt », ou : « Tiens! vous vous êtes fait faire un pantalon semblable à celui de M. Schmidt. − Vous vous coiffez comme M. Schmidt. − Vous ressemblez prodigieusement à M. Schmidt. − Vous jurez comme M. Schmidt. » C'est en vain que Stephen changeait ses habits à mesure que Schmidt les imitait; et, d'ailleurs, il ne pouvait changer ses opinions aussi facilement. Un jour, Stephen lui avait dit : « Je ne connais rien de bête et de creux comme l'imitation et le plagiat. » Schmidt n'avait pas vu là un reproche; il n'avait vu qu'une idée dont il pouvait faire son profit. Quelques jours après, dans un salon, Schmidt lui dit tout haut : « Dites-moi, Stephen, connaissez-vous rien d'aussi bête et d'aussi creux que l'imitation... »
Karr, Sous tilleuls,1832, p. 275. 2. En partic. [Correspond à imiter I A 2; en parlant de qqn] Parodie qui va jusqu'à la caricature : 2. ... il se lança dans des imitations, d'ailleurs exquises de finesse et d'observation maligne (...) de M. de La Hourmerie, dont il singea jusqu'à la perfection la solennité pleine de tics.
Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 4etabl., II, p. 139. ♦ Faire des imitations, l'imitation de qqn. Daudet nous faisait l'imitation drolatique d'un oncle, ancien militaire (Goncourt, Journal,1894, p.615) : 3. Pour prendre comme exemple l'exercice qu'on appelle, dans une autre acception du mot imitation, « faire des imitations » (ce qui se disait chez les Guermantes « faire des charges »)...
Proust, Guermantes 2,1921, p. 461. − SPECTACLES. Action de reproduire dans leurs particularités, et souvent jusqu'à la caricature, le jeu de physionomie, la voix d'un personnage connu, d'imiter divers bruits ou instruments de musique. Synon. parodie.Thierry Le Luron (...) peaufine au scalpel quelque 63 imitations au théâtre Marigny (...). Irrévérencieux, insolent, il croque, il caricature (Elle,5 nov. 1979, p. 14). B. − 1. [Correspond à imiter I B I] Le fait de s'inspirer intellectuellement, moralement ou socialement de quelqu'un. Imitation d'un maître, d'un parent : 4. ...dans les pays protestants, de petites sectes exaltées jouent le rôle des monastères. Ce sont ces champs de bataille qui permettent à la morale chrétienne de se maintenir (...) et lui donne assez de lustre pour entraîner dans la société quelques pâles imitations.
Sorel, Réflex. violence,1908, p. 320. − Loc. À l'imitation de. À la façon de. Membre d'un ordre institué par l'apôtre saint Paul lui-même, qui se prévalut du titre de citoyen romain, je me flattais de me conduire, à son imitation, en bon citoyen français (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 159). ♦ Proposer qqc. à l'imitation de qqn. Le lui proposer en exemple. Des exemplaires de sentiments que certains écrivains de notre époque proposent à l'imitation des tout jeunes gens (Bourget, Essais psychol.,1883, p. xiv). − Imitation de Jésus-Christ (ouvrage anonyme de piété, du xves.). J'observais à la lettre ce précepte de l'Imitation de Jésus-Christ (...). Fuis avec un grand soin la pratique des femmes (A. France, Livre ami,1885, p. 172). 2. En partic. [Correspond à imiter I B 3; en parlant des enfants, des individus dans la société, d'une collectivité] Tendance à reproduire, consciemment ou non, les gestes, les actes de l'entourage. Synon. mimétisme.Esprit, instinct d'imitation; imitation instinctive, volontaire. Quand elles [les compagnies] défilaient dans les rues de Paris, un murmure d'admiration s'élevait le long du chemin et leur formait une sorte de cortège. Adoptaient-elles un insigne, un ornement, à l'instant même une épidémie d'imitation se déclarait sur les deux rives de la Seine; toutes les légions faisaient acte de plagiat (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 175).Mais elle n'en savait guère plus qu'une fillette élevée en un couvent, ses audaces de parole venant de sa mémoire, de cette faculté d'imitation et d'assimilation qu'ont les femmes, et non d'une pensée instruite et devenue hardie (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Yvette, 1884, p. 523) : 5. Nous n'avons encore regardé la présence d'autrui que lorsqu'elle stimule ou inhibe une activité constituée en dehors d'elle. Dans les deux formes élémentaires de la communication : la contagion affective involontaire et l'imitation consciente, elle ne se limite plus à une simple intervention auxiliaire ou perturbatrice, elle suscite proprement une image d'elle-même.
Mounier, Traité caract.,1946, p. 498. ♦ Jeux d'imitation. Jeux éducatifs basés sur l'imitation. Des jeux collectifs d'imitation des bambins de la maternelle à ceux que pratiquent les enfants de onze à douze ans, on peut encore distinguer trois niveaux. D'abord des jeux où la réalisation reste individuelle, mais à l'intérieur du groupe : on joue par exemple à « faire » la poule (...). À ces jeux succèdent les imitations faites par un groupe pris dans son ensemble : par exemple, on fera un train, ou on jouera au battage, à l'alambic, etc. (Jeux et sports,1967, p. 111). C. − [Correspond à imiter I C] 1. BEAUX-ARTS. [Correspond à imiter I C 1] Reproduction des apparences, des formes réelles de ce que l'art prend pour modèle dans la nature. Dans tous leurs tableaux [des peintres Flamands] on ne trouve qu'une imitation froide, étriquée (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 32).Qu'est-ce que l'imitation? C'est une copie fidèle, et rien de plus. Si les arts du dessin n'avaient d'autre objet que de copier la nature, (...) ils seraient un pléonasme (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 17). ♦ Théorie, concept de l'imitation : 6. Le concept d'imitation (...) est la base des esthétiques qui se construisent alors : Aristote se fonde sur lui, et Platon le respecte jusqu'à en faire une loi de l'art, bien que sa philosophie même exige qu'on cherche ailleurs l'essence de la beauté.
Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 66. ♦ Arts d'imitation (vx). On donne particulièrement le nom d'arts d'imitation à la peinture et à la sculpture; les autres arts, comme la musique, la poésie, n'imitent pas la nature directement, quoique leur but soit de frapper l'imagination par des sentiments (Delacroix, Journal,1857, p. 57). 2. BEAUX-ARTS, LITT. [Correspond à imiter I C 2] a) Fait de prendre pour modèle le style, la manière, les œuvres d'un autre écrivain et de s'en inspirer plus ou moins étroitement. Synon. copie.La traduction conserve, mais l'imitation détruit (Vigny, Journal poète,1838, p. 1099).L'imitation est le vertige des esprits souples et brillants, et souvent même une preuve de supériorité (Baudel., Salon,1859, p. 263).L'imitation est destructive du talent; on perd ce qu'on a de génie en voulant prendre celui d'un autre (Bussy, Art dram.,1866, p. 23) : 7. La tapisserie, on peut le déclarer à la stupéfaction de bon nombre de gens, la tapisserie est un art perdu. Ce n'est plus qu'une laborieuse imitation terne et noire de la peinture, un produit quelque peu supérieur aux contrefaçons en toile peinte d'anciennes tapisseries.
Goncourt, Journal,1874, p. 994. ♦ P. ext. ,,Cela est au-dessus de toute imitation, se dit d'une chose qu'il est impossible de bien imiter`` (Ac. 1935). − Loc. À l'imitation de qqc. La place où sont plantées, à l'imitation des cirques antiques, deux bornes de marbre (A. France, Lys rouge,1894, p. 118). b) P. méton.
Œuvre inspirée d'une autre œuvre, souvent de manière assez libre pour être plaisante ou pour rester personnelle. Il faut lire cet original pour mieux admirer la richesse de la copie, mieux sentir (...) l'originalité de l'imitation (A. France, Rabelais,1909, p. 62).Car les joies dont nous souffrions que ma grand'mère fût écartée, c'étaient les joies les plus simples de la vie, une nouvelle, une pièce, moins que cela, une « imitation », qui l'eussent amusée (Proust, Fugit.,1922, p. 660).La Prisonnière (...) a un si vif succès qu'elle donne naissance à des imitations américaines (Morand, New-York,1930, p.175). − Imitation plate, servile.
Œuvre sans originalité. Synon. plagiat.Cette vaste église qui n'est qu'une triste et froide imitation des cathédrales européennes (Green, Journal,1942, p. 205). 3. MUS. Répétition par une partie d'un motif d'un thème musical énoncé par une autre partie. Quand cette reproduction [la reproduction du dessin mélodique par imitation dans une autre partie] est absolument exacte, quand (...) [tous les intervalles] de la partie modèle sont représentés dans la partie imitante par des espaces [intervalles] identiquement semblables, (...) l'imitation est dite régulière ou canonique (Lavignac, Mus. et musiciens,1895, p. 378).L'Hosanna se prête bien à de souples vocalises, et même au style fugué. Mais généralement, on y abuse des répétitions, et les développements sont interminables. Ne parlons pas de ces pauvres imitations canoniques (Potiron, Mus. église,1945, p. 107). 4. LING., rare. ,,Figure de construction consistant à imiter le tour d'une autre langue, ou un tour inusité`` (Phél. Ling. 1976). Latinisme, hébraïsme, marotisme (...) sont des imitations (Phél. Ling. 1976). 5. SC. EXP. Synon. anc. de simulation.J'ai parlé précédemment des sphères pulsantes de Bjerknes et de l'imitation par ces sphères des phénomènes électrostatiques (H. Poincaré, Électr. et opt.,1901, p. 613).On pourra d'ailleurs pousser assez loin l'imitation du vivant par l'inorganisé. Non seulement la chimie opère des synthèses organiques, mais on arrive à reproduire artificiellement le dessin extérieur de certains faits d'organisation, tels que la division indirecte de la cellule et la circulation protoplasmique (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 33). D. − [Correspond à imiter I D] Reproduction de quelque chose dont on veut faire passer la copie pour vraie. Synon. contrefaçon, copie, falsification.Imitation d'une écriture, d'un billet de banque : 8. ... contrefaçon, altération d'écritures ou de signatures. − La contrefaçon suppose la falsification de l'écriture de l'acte tout entier, alors que l'altération ne le falsifie qu'en partie; mais l'imitation de la signature n'est pas nécessaire.
Réau-Rond. 1951. II. − [Correspond à imiter II] Matière qui imite une matière plus riche, ou objet qui en imite un autre, ancien ou de valeur. Un bronze, un diamant d'imitation; un objet en imitation d'ivoire. Enfin, la fabrique s'essaye aux trompe-l'œil, aux imitations de statuettes de Saxe (G. Fontaine, Céram. fr.,1965, p. 98).Le canapé du salon est une imitation de l'ancien (Davau-Cohen1972).Imitations de Saxe. Porcelaines qui imitent la porcelaine de Saxe. ♦ En imitation. En matière imitée. Synon. en toc (fam.).Un diamant, des bijoux en imitation (d'apr. Rob.). ♦ P. ext., rare. Tout objet qui en imite un autre. C'était dans un précieux musée d'imitations anatomiques. Cette tête, merveilleusement reproduite et grossie énormément, jusqu'à rappeler celle du tigre et du jaguar, offrait dans sa forme horrible une chose plus horrible encore (Michelet, Oiseau,1856, p. 100). − En appos., fam. Sur la nappe d'un blanc glacé, les verres et l'argenterie-imitation resplendissent (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 19).Son mantelet en Chantilly imitation, sur des épaules en bouteille à vin du Rhin (Colette, Képi,1943, p. 163). − Au fig. [En parlant d'abstractions] ,,Substitut insatisfaisant de quelque chose. Le succès, imitation frelatée de la gloire`` (Rob.). Synon. pâle image, reflet. Prononc. et Orth. : [imitasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. [Ca 1236 « action de prendre quelqu'un pour modèle » (G. de Coinci, Mir. 11 ds FEW t. 4, p. 570a)]; 1364 (Mir. ND par personnages, éd. G. Paris et U. Robert, III, 307); 1488 (Cy comance le livre tres-salutaire, la Ymitation Jhesu Christ... Tholose, H. Mayer Alaman, 28 may 1488 d'apr. L. Hain, Repertorium bibliographicum, no9120); 1549 spéc. domaine littér. (Du Bellay, Deffence et illustration, II, III, éd. H. Chamard, p. 103); 2. av. 1711 B.-A. « reproduction des aspects sensibles de la nature par les moyens de l'art » (Corresp. entre Boileau et Brossette, p. 537 ds Boileau,
Œuvres, éd. A. Adam et F. Escal, III, p. 996, note 1); cf. 1763 (J.-J. Rousseau, Emile, IV, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, p. 672); id. « œuvre imitée de la nature » (Id., op. cit., p. 397); 1857 arts d'imitation (Delacroix, supra); 3. 1845 « contrefaçon, fabrication illicite » (Besch.); 1861 (Labiche, Poudre aux yeux, I, VI, t. 2, p. 323: elle [une chaîne dorée] est en imitation). Empr. au lat.imitatio « imitation, copie; faculté d'imitation », spéc. en lat. médiév. « imitation de modèles, d'exemples de vertu » (viies., B. Botte ds ALMA t. 16, pp. 149-154), cf. l'Imitatio Christi, petit traité spirituel du xves., se rattachant à la même accept. et dont l'auteur est peut-être Thomas Hemerken a Kempis (ca 1380-1471 : 1retrad. fr. sous le titre de Internelle Consolation en 1447). Fréq. abs. littér. : 1 442. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 182, b) 1 571; xxes. : a) 1 986, b) 2 233. |