| * Dans l'article "SOUVENIR2,, subst. masc." SOUVENIR2, subst. masc. I. − Au sing. [Avec l'art. déf.] A. − 1. Fait, action de se souvenir; résultat de l'action. a)
α) Absol. Le parallèle [entre Charles et Léon] recommença dans la netteté d'une sensation presque immédiate et avec cet allongement de perspective que le souvenir donne aux objets (Flaub.,MmeBovary, t. 1,1857,p. 117): 1. [Nerval] avait parlé dans son introduction des ombres qui flottent au loin dans l'espace, protégées contre le néant par la puissance du souvenir. Le souvenir qui est son essence, son besoin, son obligation, lui apparaîtra certainement aussi comme un devoir et cela même qui peut donner au rêve la force d'atteindre ce qui fut.
Durry, Nerval, 1956, p. 36. ♦ [P. oppos. à oubli] Il y a moins d'indifférence à médire qu'à oublier. L'oubli! Comment ce mot est-il si doux! Il faut compenser l'absence par le souvenir (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 188).Buveurs mélancoliques, buveurs joyeux, vous tous (...) cherchez dans le vin le souvenir ou l'oubli (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 324).
β) [Souvenir en position de compl. déterminatif] Du/de souvenir.V. présent2I A 2 ex. de Vogüé. − [Le déterminé désigne une fraction de la durée] Où l'on se souvient; où il est prescrit de se souvenir. C'est la saison du souvenir qui précède celle des regrets (Carco,Nostalgie Paris,1941,p. 23).1eret 2 Tichri [premier mois du calendrier juif], fête du Nouvel An, anniversaire de la Création du monde (...). Jour du Souvenir, où Dieu (...) se souvient des mérites d'Israël et quitte le trône de Justice pour celui de Miséricorde. Jour du souvenir aussi pour les humains invités (...) à faire acte de pénitence (E. Gugenheim, Le Judaïsme dans la vie quotidienne, 1961, p. 93). ♦ Synon. de commémoratif.Le deuil, la commémoration quotidienne, les fêtes funéraires du souvenir que provoque et nourrit sans cesse le contact des objets familiers (Arnoux, Roy. ombres, 1954, p. 159). − [Le déterminé désigne une chose concr.] Qui est destiné à rappeler quelque chose ou quelqu'un. Son album, c'est le livre dans lequel, selon les bienveillants usages de l'Allemagne, chacun se fait donner une marque de souvenir par ses amis (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 94).Les menhirs sont des blocs énormes, sortes d'obélisques grossiers (...); ils paraissent représenter des pierres de souvenir, marquant une limite, l'emplacement d'une bataille, etc. (Boule, Conf. géol., 1907, p. 209). − [Le déterminé désigne un fait de civilisation] Qui reste inscrit dans les mémoires. Le totémisme était jadis lié à une vision mythique du monde qui se limite maintenant au champ: la culture reste un culte, mais ses deux périodes mâle et femelle, les tabous sexuels, alimentaires, les classifications correspondantes ne sont qu'objets de souvenir, tout au plus de pratiques individuelles (Philos., Relig., 1957, p. 48-5).
γ) Loc. adv., vieilli ♦ De souvenir. Peut-être nos tableaux feront-ils battre de souvenir quelques-uns de ces braves et nobles cœurs (Vidal, Delmart, Caserne, 1833, p. vi).Le regard fin du recteur (...) lui faisait monter, rien que de souvenir, des chaleurs, des rougeurs subites (A. Daudet, Jack, t. 1, 1876, p. 25). ♦ Par souvenir. Ces sommets, toujours couverts de neige (...) donnent comme une sorte de fraîcheur par souvenir au milieu de ces campagnes brûlantes (Stendhal,Chartreuse,1839,p. 93).L'infection secondaire récidivante réveillera une toux qui n'est plus spécifique que par souvenir (Londe dsNouv. Traité Méd.fasc. 21928, p. 570). b) [Avec déterm. désignant l'agent du procès] Tu peux compter que je ne quitterai pas ce canton sans te revoir encore, et te laisser quelques marques durables de mon souvenir (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 110).Le nom d'un philosophe est encore plus digne du souvenir des hommes que celui d'un roi ou d'un dieu de la fable (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 361). − [Dans une formule de politesse (v. infra A 2)] Veuillez agréer, cher Monsieur, l'expression de mon respectueux souvenir. « Firmin Sancerre » (Billy, Introïbo, 1939, p. 12). c)
α) [Avec déterm. désignant l'objet du procès] Il (...) était éperdument amoureux. Il trouvait un bonheur singulier quand (...) il pouvait se livrer tout entier au souvenir des journées heureuses qu'il avait passées jadis à Verrières ou à Vergy (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 471).[L'individu] vit dans le souvenir d'une fête et dans l'attente d'une autre, car la fête figure pour lui, pour sa mémoire et pour son désir, le temps des émotions intenses (Philos., Relig., 1957, p. 32-9).V. fidèle I A 1 a β ex. de Béguin.
β) Loc. prép. − Au souvenir de. Lorsque l'on se souvient, en se souvenant de. Je ne me rappelais plus comment j'avais vécu avant la veille. Tout mon être s'exaltait en joie au souvenir des mots échangés pendant cette première nuit (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 129).Pleines d'amertume au souvenir des épreuves qui avaient assombri leur enfance, les générations qui grandissaient se sentaient plus enclines que d'ordinaire à prendre le contre-pied de leurs aînés (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 609). − En souvenir de ♦ Pour rappeler quelqu'un ou quelque chose à quelqu'un. Monsieur le colonel, acceptez ceci en souvenir d'un vieil homme auquel vous avez fait aujourd'hui beaucoup d'honneur. C'est un verre à vin d'Ismidt... Vous savez? Le vin d'Ismidt que le Prophète nous a permis (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 205).Dans les yeux de Gilberte il y avait le bon regard franc de son père; c'est celui qu'elle avait eu quand elle m'avait donné la bille d'agate et m'avait dit: « Gardez-la en souvenir de notre amitié » (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 565).P. ell. Ces arondes de jade, et l'or qui les emmanche Dans mes cheveux − qu'un soir ton amour délia, Je te les donne en souvenir (Toulet, Contrerimes, 1920, p. 136). ♦ En partic. Pour perpétuer le souvenir de quelque chose ou de quelqu'un. Ces vieux huguenots gardaient ainsi la tête couverte en souvenir des cultes en plein air (...) du temps que le service de Dieu selon leur foi présentait, s'il était surpris, un inconvénient capital (Gide, Si le grain, 1924, p. 375).Au cycle de 7 ou 8 ans, appelé cycle Juglar en souvenir du premier auteur ayant étudié les crises (1857), s'ajoute le cycle de 3, 5 ans (cycle Kitchin − du nom de son inventeur) (Univers écon. et soc., 1960, p. 32-13). ♦ Parce que l'on se souvient; pour montrer que l'on se souvient de. Ma mère vous recevrait avec grand plaisir en souvenir du bon vieux temps (Flaub., Corresp., 1871, p. 278).Oui, dit M. de Coantré, je vous serais très, très reconnaissant si vous pouviez parler de moi à quelques personnes. Faites-le en souvenir de maman, ajouta-t-il, bien convaincu que M. de Coëtquidan ne le ferait pas pour lui (Montherl., Célibataires, 1934, p. 776). − Par souvenir de. Parce que l'on se souvient de, par référence à ce qui est inscrit dans la mémoire. À première vue, [l'étymologie populaire] ne se distingue guère de l'analogie. Quand un sujet parlant, oubliant l'existence de surdité, crée analogiquement le mot sourdité, le résultat est le même que si, comprenant mal surdité, il l'avait déformé par souvenir de l'adjectif sourd (Sauss.1916, p. 238). 2. P. méton. Manifestation de cette action. Synon. pensée (v. pensée1III A).En ce tableau [Hommage à Manet, par Fantin-Latour] précisément est représenté le jeune peintre Bazille (...) auquel un souvenir est dû (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p. 160). − [Dans une formule de politesse] Envoyer ses bons souvenirs à qqn; transmettre les souvenirs de qqn à qqn; affectueux, amical souvenir à. J'ai reçu les lettres renvoyées ici. Mes souvenirs à vos campagnons, et croyez, je vous prie, à l'inaltérable affection de votre tout dévoué (Flaub., Corresp., 1871, p. 215).Présente mes meilleurs et respectueux souvenirs à ta mère. Je suis ton ami André G. (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1895, p. 247). B. − 1. Faculté de se souvenir; fonction d'enregistrement, de conservation et de restitution du passé. Synon. mémoire1(v. ce mot I).Pour me faire oublier ce son, cette parole, je sais bien, s'il le veut, qu'il peut me rendre folle, m'ôter le souvenir (Dumas père, Charles VII, 1831, iv, 6, p. 217): 2. L'événement subsiste pour les temps à venir à condition qu'il suscite dans le témoin non pas tant un discours critique qu'un discours d'art où le souvenir et la subjectivité, la mémoire et le désir s'entrelacent. Il n'y a pas de mémoire du théâtre sans cette distorsion.
G. Banu, Mém. du théâtre, Arles, Actes Sud, 1987, p. 14. − Loc. adv. De souvenir. Synon. vieilli de de mémoire (v. mémoire1).[Le Comte de Saxe] écrit de souvenir, un peu au hasard, et laisse galoper sa plume (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 11, 1867, p. 40).[Les figures, par Courbet] ont été faites à l'atelier et placées en des paysages exécutés de souvenir (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 399). 2. a) Réceptacle des souvenirs; champ mental dans lequel s'inscrit la fonction ci-dessus. Que peut-il me rester si je survis à la guerre? De mon plus lointain passé à la minute présente, tant d'années dont je fais le compte tiennent dans mon souvenir comme un peu d'eau dans le creux de la main (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 112).J'aime parler d'une ville quand je l'ai déjà quittée (...), la peindre (...) telle qu'elle se reflète dans le miroir déformant du souvenir (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 52).V. mémoire1II B 2 ex. de Ampère. SYNT. Conserver, graver, retenir qqc. dans son souvenir; chasser qqc. de son souvenir; chercher, fouiller dans son souvenir; retrouver, revoir qqc./qqn dans son souvenir; demeurer, rester, s'inscrire, s'incruster, être idéalisé, être magnifié dans le souvenir de qqn; tenir une place dans le souvenir de qqn; rester cher au souvenir de qqn; hanter le souvenir de qqn; s'effacer du souvenir de qqn. b) [Dans une formule de politesse] Se rappeler, se recommander/rappeler qqn au souvenir de qqn. Présenter ses hommages ou ses respects ou transmettre ceux d'un tiers à quelqu'un. Adieu, Monsieur, Mmede Gobineau se recommande au souvenir de Mmede Tocqueville et au vôtre (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1855, p. 241).À propos de militaires, j'ai été bien content de l'éloge que Changarnier a fait de monsieur votre frère. Quand vous lui écrirez, voudrez-vous me rappeler à son souvenir? J'ai une grande envie de lui serrer la main (Flaub., Corresp., 1871, p. 253). II. − P. méton. Un/des souvenir(s). A. − 1. a) Ce qui est inscrit dans la mémoire; ce dont on se souvient; ce qui, du passé, fortuitement ou par l'effet d'un rappel volontaire, revient à l'esprit, est reconnu par la conscience comme passé et généralement rattaché par le sujet à un moment précis du passé (d'apr. Morf. Philos. 1980). Les souvenirs sont comme les échos des passions; et les sons qu'ils répètent prennent par l'éloignement quelque chose de vague et de mélancolique qui les rend plus séduisants que l'accent des passions mêmes (Chateaubr., Mél. littér., 1826, pp. 38-39): 3. ... le subconscient, réservoir des souvenirs et des images collectionnés au cours de chaque vie, devient un simple aspect de la mémoire; en même temps qu'il affirme sa pérennité, il implique ses limitations, puisque le terme de subconscient se rapporte au fait que les souvenirs, bien que conservés, ne sont pas toujours disponibles.
Lévi-Strauss, Anthropol. struct., 1958, p. 224. [P. oppos. à pressentiment] Le mythe est l'affirmation de la pérennité, et le rêve, dans lequel pressentiment et souvenir ne font plus qu'un, le lieu où cette pérennité de l'âme se révèle (Durry, Nerval, 1956, p. 135):4. [Le grand siècle florentin] chercha en vain, entre le sens nouveau qu'il prenait de la vie et la raison vacillante qu'avait libérée en lui la mort de l'esprit médiéval, un accord qui ne s'ébaucha que chez quelques hommes pour aboutir pleinement plus tard, hors de lui-même et des lieux qui l'avaient vu lutter et se débattre entre ses souvenirs et ses pressentiments.
Faure, Hist. art, 1914, p. 367. ♦ En appos. Cette conception de l'idée souvenir restée comme empreinte latente dans le cerveau pouvant se revivifier, me paraît difficile à soutenir (Bernheim, 1917ds Warcollier, Télépathie, 1921, p. 34). − P. méton. ♦ Évocation des souvenirs. Quand nous serons ensemble, au hasard des conversations et des souvenirs, peut-être pourrai-je te dire sa beauté (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p. 29). ♦ Ce qui fait l'objet du souvenir, le passé. Culte du souvenir. Il revoyait Lausanne, la ruelle des escaliers, la pension Cammerzinn, Sophia, les amis. Tout se confondait: présent et souvenirs, la neige de Paris et les hivers de là-bas (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1279): 5. ... la rêverie s'approfondit au point qu'un domaine immémorial s'ouvre pour le rêveur du foyer au delà de la plus ancienne mémoire. La maison, comme le feu, comme l'eau, nous permettra d'évoquer, dans la suite de notre ouvrage, des lueurs de rêverie qui éclairent la synthèse de l'immémorial et du souvenir. Dans cette région lointaine, mémoire et imagination ne se laissent pas dissocier.
Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 25. b) Spécialement
α) PHILOS. [Chez Bergson] Souvenir pur. ,,Représentation concrète d'un moment du passé jugé tel qu'il a été effectivement vécu, par opposition aux habitudes motrices (par exemple à la faculté de réciter un texte appris par cœur)`` (Lal. 1968): 6. Savoir un mot ou une langue, ce n'est pas (...) garder du mot quelque « souvenir pur », quelque perception affaiblie. L'alternative bergsonienne de la mémoire-habitude et du souvenir pur ne rend pas compte de la présence prochaine des mots que je sais: ils sont derrière moi, comme les objets derrière mon dos ou comme l'horizon de ma ville autour de ma maison, je compte avec eux ou je compte sur eux, mais je n'ai aucune « image verbale ».
Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 210.
β) PSYCHOL., en compos. Souvenir-écran. ,,Souvenir infantile se caractérisant à la fois par sa netteté particulière et l'apparente insignifiance de son contenu. Son analyse conduit à des expériences infantiles marquantes et à des fantasmes inconscients. Comme le symptôme, le souvenir-écran est une formation de compromis entre des éléments refoulés et la défense`` (Lapl.-Pont. 1967). C'est dans l'actuel qu'on trouve le reflet de l'infantile et non pas dans le souvenir-écran déformé (Choisy, Psychanal., 1950, p. 177). c) P. anal., MÉD. La localisation des douleurs en tel ou tel point pourrait (...) s'expliquer par les reliquats ou le simple souvenir d'une atteinte rhumatismale antérieure qui servirait de point de fixation (Ravault, Vignon, Rhumatol., 1956, p. 588).Bien que proches parentes, l'anaphylaxie, l'allergie et l'immunité ne sont cependant pas nécessairement liées entre elles: elles constituent trois expressions différentes du « souvenir biologique » que laisse à l'organisme la première intervention d'un antigène donné (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 731). 2. Constr. syntagm. a)
α) Souvenir(s) + adj.Je me gardais bien de l'entretenir de Marguerite, craignant toujours que ce nom ne réveillât un triste souvenir endormi sous le calme apparent du malade (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 60).À compter de ce jour une période commença qui m'a laissé un souvenir indéfinissable, un souvenir plein de douceur et de honte (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 77).V. impression II A 4 a ex. de Bergson. SYNT. Souvenir exact, fidèle; souvenir confus, embrouillé, fragmentaire, imprécis; souvenir durable, frappant, impérissable, ineffaçable, inoubliable, marquant, vivace, vivant; faible, léger, pâle, vague souvenir; souvenir agréable, attendrissant, brûlant, enivrant, heureux, passionné; beau, bon, charmant, doux, émouvant, excellent, joyeux, lumineux, tendre souvenir; souvenir affreux, atroce, cruel, cuisant, déchirant, désagréable, douloureux, écrasant, envahissant, funeste, gênant, honteux, horrible, humiliant, inexorable, nostalgique, obsédant, pénible; fâcheux, mauvais souvenir; souvenir glorieux, héroïque; souvenir prestigieux; grand souvenir; souvenir réel; souvenir imaginaire, rêvé. ♦ P. méton. Allusion à un souvenir, rappel de souvenirs. Nous avons cherché à éloigner [de cet aperçu] tout souvenir irritant ou amer (Quinet, All. et Ital., 1836, p. 129). − [L'adj. situe dans le temps le souvenir et son objet] Souvenir lointain, passé, récent; les plus anciens souvenirs. Les plus vieux souvenirs de Bouvard le reportaient sur les bords de la Loire, dans une cour de ferme (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 8).Chez bien des romanciers, j'en suis sûr, c'est l'accumulation des souvenirs immémoriaux qui fait qu'ils écrivent. Ils parlent pour des centaines de morts, leurs morts; ils expriment enfin tout ce que leurs ancêtres ont gardé au fond d'eux-mêmes, par prudence ou par pudeur (Green, Journal, 1933, p. 137).V. penser1ex. 23. − [L'adj. précise le domaine concerné] Souvenirs bibliques, littéraires, mythologiques; souvenirs architecturaux, civiques, judiciaires; souvenirs mondains. Le premier souvenir politique de l'équipe remontait à mil neuf cent vingt-quatre. C'était une année qui avait commencé (...) par la disparition des symboles ou des acteurs les plus considérables des premières années de la paix: Lénine était mort en janvier, Wilson en février, Hugo Stinnes en avril (Nizan, Conspir., 1938, p. 35): 7. Dans le vocabulaire musical du xxesiècle, on a désormais adopté l'expression « école de Vienne » − malgré les autres souvenirs historiques qui y sont attachés − pour signifier que l'on réunit sous la même bannière Arnold Schoenberg et ses deux disciples les plus illustres: Alban Berg et Anton Webern.
Samuel, Art mus. contemp., 1962, p. 203. − [L'adj. précise la nature du souvenir] Souvenirs auditifs. La destruction du centre de la vision n'entraîne pas celle des souvenirs visuels (...). D'autre part, on peut perdre ses souvenirs visuels sans cesser de voir (Warcollier, Télépathie, 1921, p. 42).Dans la démarche du traitement (...) [le psychanalyste] joue le rôle d'un écran blanc sur lequel le névrosé projettera, comme des images cinématographiques, ses propres souvenirs affectifs, ses tendances infantiles, ses passions secrètes (Choisy, Psychanal., 1950, p. 24). − [L'adj. précise l'état du souvenir dans la conscience du sujet] Ces souvenirs enfouis, qui jamais ne remontent à la conscience, sinon parfois dans le rêve, viennent influencer imperceptiblement le cours de notre vie diurne (Béguin, Âme romant., 1939, p. 41).Outre l'amnésie qui frappe tout ce qui est rejeté dans l'inconscient, il y a une grande différence énergétique entre un souvenir refoulé et un souvenir ordinaire qui dort dans la conscience (Choisy, Psychanal., 1950, p. 142). − [L'adj. qualifie l'agent du procès] L'historien, en travaillant sur les documents, n'a pas à son service des souvenirs personnels; mais il se fait des images sur le modèle de ses souvenirs (Langlois, Seignobos, Introd. ét. hist., 1898, p. 189).Un même phénomène peut être étudié (...) soit du dehors, soit du dedans, c'est-à-dire dans la trame des relations inter-individuelles et inter-groupales, ou dans la trame des souvenirs collectifs (Traité sociol., 1968, p. 326).
β) Souvenir(s) + compl. de n. − [Le compl. désigne l'obj. du procès] Souvenir des choses disparues. J'adore les environs de Paris, j'ai des souvenirs de fritures qui sont les meilleurs de mon existence (Maupass., Bel-Ami, 1885, p. 211).Des souvenirs d'offenses et d'humiliations (Freud, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p. 89).V. fixation B ex. de Bachelard, immémorial A ex. de Malraux, mémoire1I B 3 ex. de Bergson, présent1II A 2 a ex. de Poincaré. ♦ P. métaph. On mit en vente une mignonne chasuble Louis XV (...). Quand je l'eus achetée, je m'aperçus qu'elle était (...) comme habitée encore par ces si légères et si douces senteurs d'autrefois qui semblent des souvenirs de parfums (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Lit, 1882, p. 633).En appos. Les images sont plus nettes, ce sont encore des impressions anciennes, plus faibles en général que les récentes et, bien entendu, que les présentes. Par exemple des images souvenirs de paysages vus il y a dix ou vingt ans (Warcollier, Télépathie, 1921, p. 49). − [Le compl. désigne une période de la vie d'un individu ou de l'histoire de l'humanité] L'esprit humain (...) s'est surtout dirigé d'après les souvenirs imparfaits d'un passé très reculé (Comte, Philos. posit., t. 4, 1893 [1839], p. 58).Les souvenirs de la jeunesse embellissent tout (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 209).Leurs communs souvenirs d'adolescence rapprochèrent tout naturellement les deux médecins (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 761). ♦ En partic. Souvenir(s) d'enfance/de l'enfance. V. fixation B ex. de Choisy, inséparable B 1 ex. de Bernanos, mémoire1I A 2 b ex. de Balzac. − [Le compl. désigne l'agent du procès à une certaine époque de sa vie] Quand elle dut s'approcher de Jacques pour lui emplir sa tasse, la cafetière se mit à trembler si fort que Jacques voulut la lui prendre des mains. La vue de ces doigts décharnés, jaunis et auxquels tant de souvenirs d'enfant restaient attachés, lui gonfla soudain le cœur (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1275). − [Le compl. désigne l'époque à laquelle sont rattachés les souvenirs] Si je jette un coup d'œil sur mes souvenirs de cette fin de l'année 1914, j'y retrouve les impressions qui dominaient dans mon esprit à ce moment (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 481). − [Le compl. désigne les circonstances auxquelles sont rattachés les souvenirs] Souvenirs de collège, d'école, de lycée; souvenirs de montagne, de voyage; souvenirs de caserne; souvenirs du front. D'éternels souvenirs de guerre planent sur ces frontières entre Lorraine, Bourgogne et Champagne (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 212).Le prince-président sut jouer habilement des souvenirs de l'empire et se présenter comme le sauveur de l'ordre aux yeux des conservateurs, comme l'héritier des traditions de 89 aux yeux de la gauche (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 81). ♦ [Dans un titre de tableau] [Corot] fait ses débuts d'aquafortiste (...) en 1845 avec Souvenir de Toscane (Dacier1944, p. 113). − [Le compl. précise la nature des souvenirs] Souvenirs d'amour. Deux grandes voiles latines, poussées par une forte brise, semblaient courir sur les flots. Je regardais cela, émerveillé. C'était une de ces choses si douces, si rares, si délicieuses à voir qu'elles entrent en vous, inoubliables comme des souvenirs de bonheur (Maupass., Contes et nouv., t. 1, MmeParisse, 1886, p. 729): 8. Tout autour de la table, les langues s'étaient déliées, et tout en lampant le vin rouge ils remuaient des souvenirs d'horreur: à Saint-Roch, les Allemands avaient enfermé hommes et femmes dans l'église, et puis après avoir mis le feu, ils avaient permis aux femmes de sortir; il y en avait deux qui n'étaient pas sorties.
Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 229.
γ) Verbe + souvenir(s).Adoucir, rafraîchir, ranimer, raviver un/des souvenirs. Sylvie souriante se laissa embrasser cette fois plus tendrement que l'autre. Je compris que j'effaçais ainsi le souvenir d'un autre temps (Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 601).C'est le souvenir de cette légende que la fête perpétuait (Fulcanelli, Demeures philos., t. 2, 1929, p. 250).Le cours de ses pensées était triste. Ce séjour à Maisons remuait trop de souvenirs (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 864).V. décrire ex. 6. ♦ Conserver un/des souvenirs/le souvenir de. La religieuse baisait follement la main pendante de la morte (...). De l'autre côté du corps étendu, l'autre main semblait tenir encore le drap froissé (...) et le linge en avait conservé (...) comme un souvenir de ces derniers mouvements qui précèdent l'éternelle immobilité (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Veillée, 1882, p. 796).L'enfance conserve le souvenir d'un événement grave à cause d'un détail saugrenu (Cocteau, Enfants, 1929, p. 59). ♦ Garder un/des souvenirs/le souvenir de. Seuls les pins gardent, dans leur attitude tourmentée, le souvenir des assauts qu'ils soutinrent, à d'autres époques, contre la mer démente (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 111).J'avais gardé de cette entrevue fugace le souvenir d'un adolescent svelte aux yeux brillants d'intelligence (L. Febvre, Bloch et Strasbourg, [1939-45] ds Combats, 1953, p. 392).Garder souvenir de. Nous gardons quelquefois souvenir de ce que nous n'avons pas perçu consciemment (Warcollier, Télépathie, 1921, p. 39). ♦ Laisser un/des souvenirs/le souvenir de. Mon triomphe allait être complet, et le tartare devait y figurer en vaincu. Aussi n'épargnâmes-nous rien pour que cette fête laissât des souvenirs dans la mémoire des convives (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 362).Tout à coup, je tombai amoureux, oui, positivement amoureux, d'un garçonnet un peu plus âgé que moi, qui devait me laisser un souvenir ébloui de sa sveltesse, de sa grâce et de sa volubilité (Gide, Si le grain, 1924, p. 406). ♦ Rappeler un/des souvenirs/le souvenir de. Des inscriptions coptes rappelant le souvenir des anachorètes qui s'y étaient retirés (...), donnaient seuls, semblait-il, à cette nécropole un peu d'intérêt (Philos., Relig., 1957, p. 42-5).En choisissant le nom d'un navire de commerce, on a souvent le souci (...) de rappeler le souvenir d'une famille d'armateurs ou celui des dirigeants d'une compagnie de navigation (M. Benoist, Pettier, Transp. mar., 1961, p. 13). − [L'agent du procès est une pers.] Il marchait, s'arrêtait, repartait plus vite comme quelqu'un qui, dans sa tête, recherche ou repasse des souvenirs, les confronte, les compare, calcule, et soudain pense avoir trouvé; puis de nouveau lâche le fil et recommence à chercher (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 50).Les mains dans ses poches, tête basse, il sifflait entre ses dents, cherchant à rassembler ses souvenirs (Bernanos, Crime, 1935, p. 747).V. localiser ex. 3, mémoire1I A ex. de Green. SYNT. Accumuler, amasser, commémorer, échanger des souvenirs; raconter, rapporter, repousser un/des souvenirs; emporter avec soi, perdre, retrouver le souvenir de; classer, consulter, interroger ses souvenirs; chasser ses souvenirs; mettre de l'ordre, puiser dans ses souvenirs; se débarrasser, se décharger de ses souvenirs. [L'agent du procès est l'instrument de l'action] Ici nous nous trouvons pour la première fois en présence d'un principe qui (...) se révélera plus tard comme jouant un rôle prépondérant dans la détermination de symptômes névrotiques: il s'agit notamment du refus de la mémoire d'évoquer des souvenirs associés à des sensations pénibles (Freud, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p. 87).− En partic. Avoir (le) souvenir de. Se souvenir de. Souvenir de + subst.Après une demi-heure d'efforts, il coula (...). Depuis ce moment jusqu'au moment où il venait de se retrouver dans les bras de ses amis, il n'avait plus souvenir de rien (Verne, Île myst., 1874, p. 68).Mes parents se doutaient-ils que j'avais surpris leur conversation? Je ne sais; toutefois j'ai le souvenir d'une certaine gêne chez eux (Lacretelle, Silbermann, 1922, p. 173).Souvenir de + inf. passé.J'ai le souvenir très net d'avoir été moins chérie de mes bêtes, quand je souffrais d'une trahison amoureuse (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 12).Nul ne l'ignore: les actes notariés les plus régulièrement établis fourmillent d'inexactitudes volontaires, et j'ai souvenir d'avoir naguère antidaté, par ordre, ma signature au bas d'un procès-verbal commandé par une des grandes administrations de l'État (M. Bloch, Apol. pour hist., 1944, p. 42). ♦ [À la forme nég.; pour exprimer une certitude] Durant tout cet hiver, je n'ai pas souvenir d'avoir ouvert un livre, écrit une lettre, appris une leçon (Gide, Si le grain, 1924, p. 436).
δ) Souvenir(s) + verbe.Les souvenirs vieillissent et s'effacent comme les espérances (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 470).L'homme n'a pas oublié les luttes qu'avait dû soutenir l'aïeul contre les forces brutales d'un univers qui le repoussait. Ce souvenir s'inscrit dans les sculptures qui montraient, sur le fronton du Parthénon de Pisistrate, Zeus luttant contre Typhon ou Héraclès terrassant Échidna (Faure, Hist. art, 1909, p. 81). SYNT. Souvenirs qui se réveillent, qui affluent, qui reviennent; souvenirs qui défilent; souvenir qui demeure, qui persiste; souvenir qui traverse les siècles; souvenir qui pèse, qui traîne; souvenir qui disparaît, qui s'estompe, qui s'éteint, qui se perd; souvenir qui retrace, qui représente (un fait du passé); souvenir qui amuse, qui attendrit, qui éclaire (sur la conduite à tenir); souvenir qui accable, qui agace, qui agite, qui assaille, qui empoisonne, qui envahit, qui hante, qui obsède, qui poursuit, qui ronge, qui trouble, qui ulcère. − En partic. Souvenir qui s'attache, se rattache, qui est associé, attaché, lié à qqc. La cour! Que de souvenirs se rattachent à ce mot! (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 223).La beauté des monuments tient pour beaucoup aux souvenirs qui leur sont associés (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 387).Il ne lui restait plus beaucoup d'argent. Il se hâta de s'en délivrer, de s'en débarrasser, comme si à cet or était resté attaché, lié, le souvenir de son crime (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 184).
ε) [Souvenir en position de compl. déterminatif] − [Le déterminé est un subst.] Une remontée de souvenirs; un cortège, une foule de souvenirs; la chaîne des souvenirs. Elles se comprenaient à demi-mot; un clin d'œil, une allusion évoquaient mille conversations, tout un monde de souvenirs; il avait l'impression d'être en face de complices qui disposaient d'un langage secret (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 137).Nous avons en nous (...) tout un stock d'images et de souvenirs que nous ne confions pas volontiers (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 20).[Le déterminé désigne un lieu] À partir de Moutiers avec ses hauts toits et ses grands arbres, j'ai le sentiment de revenir au vrai pays de mes souvenirs (Larbaud, Journal, 1934, p. 313).[Le déterminé désigne une caractéristique] Le poids, le tumulte des souvenirs. Actualité et netteté merveilleuses du souvenir quand le temps l'a décanté (Arnoux, Zulma, 1960, p. 138). ♦ PSYCHOL. Reconnaissance des souvenirs. La perception et la conservation des souvenirs peuvent être représentées comme une installation électrique: une dynamo et des accumulateurs (Warcollier, Télépathie, 1921, p. 43).La cristallisation de mes souvenirs autour d'un fantasme peut avoir faussé le sentiment que j'ai du déroulement chronologique des événements de mon enfance napolitaine mais non pas me tromper sur la réalité de ces événements (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 240).V. remémoration ex. de Virel, représentation IV B 1 a ex. de Sartre. − [Le déterminé est un adj.] L'Adélaïde le regardait à la dérobée, déjà irritée d'un silence qui semblait lourd de souvenirs (Aymé, Jument, 1933, p. 302).Un mot qui tient sa signification de notre bonne volonté nous paraissait naturellement plus riche de souvenirs et d'allusions qu'un mot qui tire le sien des dictionnaires (Paulhan, Fleurs Tarbes, 1941, p. 98). b) En partic. [L'obj. du procès est une pers.] Glorifier, profaner le souvenir de qqn; s'entretenir, divorcer avec le souvenir de qqn; un lieu habité par le souvenir de qqn. Quant au souvenir de Rodople, elle l'avait descendu tout au fond de son cœur; et il restait là, plus solennel et plus immobile qu'une momie de roi dans un souterrain (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 56).On ne parvenait à me faire sortir de ma prostration qu'en m'affirmant que je ne la verrais plus si je tombais malade. Jusqu'à la visite suivante, je restais avec son souvenir et avec son parfum (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 16).V. ostensoir ex. de Baudelaire. ♦ Le souvenir d'un défunt, d'un disparu. La pièce restait fermée à clef (...). C'était, dans l'esprit de ma mère, une sorte de sanctuaire où respirait le cher souvenir du défunt (Gide, Si le grain, 1924, p. 487).Le souvenir du cher disparu plana un instant dans la salle à manger (Aymé, Nain, 1934, p. 174).P. ell. Dans le silence du vieux et mélancolique logis, De salle en salle et d'heure en heure, Erre, sourit et pleure Le Souvenir avec sa face de jadis (Régnier, Poèmes, Tel qu'en songe, 1892, p. 213). ♦ Être fidèle, infidèle au souvenir de qqn. Le monde (...) ressuscitera de vieilles légendes; ses méchants propos me peindront à vos yeux indigne de votre choix, infidèle à votre souvenir, que sais-je encore? Vous ne les écouterez pas, Daria (Vogüé, Morts, 1899, p. 236): 9. ... toute idée de caprice sensuel et passage étant écartée, en tant que j'étais encore fidèle au souvenir d'Albertine, j'étais plus heureux d'avoir auprès de moi Andrée que je ne l'aurais été d'avoir Albertine miraculeusement retrouvée. Car Andrée pouvait me dire plus de choses sur Albertine que ne m'en avait dit Albertine elle-même.
Proust, Fugit., 1922, p. 599. ♦ Boire au souvenir de qqn. [François d'Assise] laissa dans la piété des multitudes et l'imagination des forts une trace si resplendissante qu'elle illumina l'Italie jusqu'à la fin de son soir (...). Le plus grand poète, le plus grand peintre du Moyen âge vinrent boire à son souvenir (Faure, Hist. art, 1912, p. 332). ♦ Vivre dans le souvenir de qqn. L'infirmière reste dans la maison comme institutrice de la plus jeune fille, Edmonde, qui vit dans le souvenir de sa mère (Le Monde, 19 janv. 1952, p. 7, col. 1). ♦ Jurer sur le souvenir de qqn. Oh! c'est parfaitement vrai que j'ai une immense amitié pour lui, mais c'est quelque chose de très innocent, de très pur, je pourrais le jurer sur le souvenir de mes parents (Proust, Fugit., 1922, p. 612). − [À propos d'un fait, d'une réalisation, d'un événement] Être, rester attaché/lié au souvenir de qqn. C'était le jour de la Saint-Barthélemy, − singulièrement lié au souvenir des Médicis (...). Ce souvenir est une obsession peut-être! (Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 609).« Boum-Boum » ce sera toujours le grand clown Médrano, père de Jérôme Médrano, directeur du cirque de ce nom, tandis que « sans blââgue » et « pourquoâââ » restent attachés au souvenir de Grock (Hist. spect., 1965, p. 1540). 3. Expr. et loc. diverses ♦ Tout est pareil à/comme dans mon (mes) souvenir(s). C'est une chance que d'attendre la mort dans l'unique lieu du monde où tout demeure pareil à mes souvenirs (Mauriac,Nœud vip.,1932,p. 20).Je ne me suis pas trompé, pour ta chambre. Pas une fois. Tout est comme dans mon souvenir. (Un temps.) Seulement quand j'étais en taule, je me disais: c'est un souvenir. La vraie chambre est là-bas, de l'autre côté du mur. Je suis entré, j'ai regardé ta chambre et elle n'avait pas l'air plus vraie que mon souvenir (Sartre, Mains sales, 1948, 1ertabl., 4, p. 31). ♦ D'après mes/tes/ses souvenirs. On a pu dire avec justesse qu'il [Proust] était un esprit scientifique; que n'était-il pas? Resterait un point capital, mais si délicat que j'hésite à le traiter ici d'après mes souvenirs personnels (Blanche, Modèles, 1928, p. 139).Je voudrais bien le voir leur album, dit l'Anaïs. Zèphe (...) interrogeait sa fille, essayait d'imaginer les groupes d'après ses souvenirs, commentait (Aymé, Jument, 1933, p. 250). ♦ (Rester) seul avec ses souvenirs. Son passé qu'on traîne pourtant et seul avec ses souvenirs et ses regrets (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 55). ♦ Ne pas avoir de souvenirs. Le silence règne dans ces hôtels neufs, qui n'ont ni souvenirs ni passé et qui font songer à ces palais enchantés, déserts et taciturnes, entretenus par un génie invisible (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 257). ♦ N'être plus qu'un souvenir. Appartenir au passé. Si les cultivateurs le veulent, l'affection charbonneuse ne sera bientôt plus qu'un souvenir (Pasteurds Travaux, 1880, p. 245).Le sentiment de haine qu'il avait éprouvé en face de Lonjunier était déjà lointain, et le personnage lui-même n'était plus qu'un souvenir incertain (Aymé, Mais. basse, 1934, p. 33).[À propos d'une pers.] Devenir un souvenir. Perdre la place que l'on occupait dans la vie de quelqu'un. « Si je deviens un souvenir dans son cœur, il pensera à moi avec cette tendresse », pensais-je. Mais je ne voulais pas devenir un souvenir (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 452). ♦ Devoir qqc. au souvenir de; être sous le souvenir de; vivre sur le souvenir de. Giselle doit (...) au souvenir de Carlotta Grisi, qui la créa − d'avoir conservé plus d'un siècle un attrait qui ne lui vient point de la musique d'Adolphe Adam (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 130).L'Espagne, encore sous le souvenir de l'occupation napoléonienne et sous le coup de la guerre contre les États-Unis, ne demandait à sa stratégie que le maintien de son intégrité territoriale, à l'abri des Pyrénées (Billotte, Consid. strat., 1957, p. 40-07): 10. On est bien loin encore, ici, des théâtres, héritiers de la tradition chorégraphique indienne, vivant sur le souvenir d'un répertoire riche de tous les détails des poses des mains, des pieds, du cou, de la tête, et de leurs combinaisons, des jeux précis des sourcils, des yeux et des lèvres...
Cuisinier, Danse sacrée, 1951, p. 36. − Loc. adv. En souvenir. Synon. en pensée (v. pensée1I B 2 c β). ♦ Conserver, restituer qqc. en souvenir. Il m'a semblé que tout ce que je conserve en souvenir dans ma mémoire depuis trente-six ans m'apparaissait réellement à cet instant (Delécluze, Journal, 1826, p. 341).Il sentait que son cerveau n'était qu'un outil, une machine à happer la réalité, la triturer et l'emmagasiner pour la restituer en souvenirs (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 283). ♦ Revivre qqc. en souvenir. Lorsque je revis en souvenir les premiers temps de mon séjour dans les Syrtes, c'est toujours avec une vivacité intense que revient à moi l'impression anormalement forte de dépaysement que je ressentis dès mon arrivée (Gracq, Syrtes, 1951, p. 18). ♦ Se représenter qqn/qqc. en souvenir: 11. Quand Charlotte passait devant moi, sans plus me regarder qu'un objet oublié là par quelque domestique, je la contemplais (...) et je me la représentais en souvenir, ses cheveux défaits, ses pieds nus, sa bouche sur ma bouche, dans cet abandon virginal de toute sa personne qu'elle ne pourrait plus jamais, jamais, avoir pour aucun autre.
Bourget, Disciple, 1889, p. 202. B. − Au plur. Relation, parfois œuvre littéraire, que fait une personne à partir d'événements historiques ou privés vécus. Noter, transcrire ses souvenirs; lire des souvenirs; cahier, livre de souvenirs. Il daigna me demander un jour ce que j'écrivais dans le moment. J'eus le malheur de lui répondre que c'était des souvenirs (A. France, Vie littér., 1888, p. 318).La perte de la foi par Renan est pour lui la conclusion d'un long débat. Lorsqu'il eut constaté son incompatibilité avec l'exégèse (ses Souvenirs et sa Correspondance l'exposent longuement) il lui fallut choisir (Philos., Relig., 1957, p. 34-2). − P. anal. Trois petites pièces pour chant et piano que j'intitulais Souvenirs de mon enfance (Stravinsky, Chron. vie, 1931, p. 110).Au sing. [Mozart] improvisa (...) une sorte de fantaisie ou de souvenir sur des airs que tout le monde fredonnait (Boschot, Mus. et vie, 1931, p. 134). C. − 1. Réalité concrète ou abstraite qui subsiste d'une époque révolue ou d'un fait du passé et qui en constitue le rappel. Le costume rituel du pèlerinage, de simplicité antique, est uniquement souvenir du passé (G.-H. Bousquet, Prat. rit. Islâm, 1949, p. 122).Les meubles de styles classiques (...) continuent à faire la joie de leurs possesseurs ou de leurs vendeurs, alors que le meuble 1900 n'est qu'un souvenir non coté à l'hôtel Drouot (Industr. fr. bois, 1955, p. 35). − [À propos d'une pers.] Je ne suis plus rien en politique, et on me traite de vieux souvenir (Chateaubr., Corresp., t. 1, 1817, p. 317).Émile de Girardin, fils naturel (...) du comte Alexandre de Girardin, officier de cavalerie, et de la jolie MmeJuliette Dupuy (...), fut élevé à la diable. Abandonné par ses parents qui se souciaient fort peu d'un souvenir aussi compromettant, le jeune Émile se lança dans la littérature (Coston, A.B.C. journ., 1952, p. 17).[À propos des attributs fém.] De beaux souvenirs. Synon. de de beaux restes.Madame Perotte, la femme de charge, 50 ans, mais belle et avec de beaux souvenirs tendres dans tout son corps (Giono, Femme boulanger, 1943, ii, 1, p. 242). − En partic. [Dans la tournure: qqc., souvenir de qqc.] Le bonnet phrygien, souvenir de l'époque révolutionnaire. L'amour devenant réellement et sans partage la loi de l'homme, la justice ne sera plus qu'un vain nom, souvenir importun d'une période de violence et de larmes (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 344).En Chine, beaucoup de cités sont des échiquiers bien régulièrement dessinés: souvenir d'un très ancien système agraire (P. Lavedan, Urban., 1926, p. 47). 2. Reproduction dans une œuvre des traits empruntés à une autre; ces traits eux-mêmes. Quelques auteurs ont vu même dans les dispositions données aux monastères un souvenir des portiques et des logements des lévites qui environnaient le temple de Salomon (Lenoir, Archit. monast., 1852, p. 47).Des souvenirs du fauvisme traînent (...) fréquemment, dans l'œuvre de Van Dongen (Dorival, Peintres XXes., 1957, p. 63). − Être habillé dans un souvenir d'une époque. Être habillé d'un vêtement qui date d'une certaine époque du passé. Le vieillard était habillé dans un souvenir glorieux du temps de Grévy: une jaquette, dont l'étoffe était craquée en tant d'endroits (...) qu'on avait renoncé à la rafistoler avec des épingles de sûreté (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 250). D. − Objet. 1. a) Gén. au plur. Objet qui date d'un passé proche ou lointain et qui en suscite le souvenir. Parmi les décombres circulaient des groupes d'anciens habitants du quartier détruit, venant quêter des souvenirs sur les lieux où ils avaient vécu (Aymé, Uranus, 1948, p. 125). − [Avec déterm.] ♦ [Le déterm. précise le domaine concerné] Il y avait aussi une armoire qui, réservée aux souvenirs historiques, renfermait des pierres de la prison du Tasse, de la maison natale de Shakespeare (A. France, Jocaste, 1879, p. 64).Sur cette bande littorale (...) aucun nom, aucun souvenir archéologique ne se rapporte à l'occupation romaine (Lapparent, Abr. géol., 1886, p. 101). ♦ [Le déterm. précise l'orig.] [Les collections militaires du musée de l'Armée] contiennent des souvenirs napoléoniens. Parmi ceux-ci se trouvent, en particulier, le si sobre nécessaire de toilette du roi de Rome, en acajou et en argent viennois (Grandjean, Orfèvr. XIXes., 1962, p. 111). ♦ [Le déterm. désigne le possesseur] Ce salon au décor si français, plein de souvenirs de famille (Blanche, Modèles, 1928, p. 110).L'ordre a été reçu (...) de détruire, avant de quitter les lieux, tout ce dont les nouveaux occupants pourraient profiter; ainsi que les papiers et souvenirs personnels (Gide, Journal, 1943, p. 237). b)
α) Objet destiné à rappeler à son destinataire une personne ou un épisode de sa vie. Mademoiselle, lui dis-je, je crois que j'ai à vous remercier d'un présent que vous m'avez envoyé quand j'étais en prison. J'ai mangé le pain, la lime me servira pour affiler ma lance, et je la garde comme souvenir de vous (Mérimée, Carmen, 1845, p. 41).Comme chaussures, on lui laissa à titre de souvenir ses brodequins des tranchées tout racornis de boue (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 310).V. pensée1IV B ex. de Zola.
β) En partic. Cadeau de remerciement ou d'adieu. La Balbi entrait dans toutes les affaires, et l'état ne faisait pas un marché de mille francs, sans qu'il y eût un souvenir pour la marquise (c'était le mot honnête à Parme) (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 109).La lettre était joviale, trop joviale; et il y avait aussi le souvenir d'usage, mais assez gros pour consoler le plus solide désespoir de veuve (Toulet, Nane, 1905, p. 58). c)
α) Objet ramené d'un lieu et qui en suscite le rappel en raison de ses particularités. Les améliorations qui restent à réaliser portent sur des points qui apparaissent très secondaires dans le cadre du marché commun, par exemple l'unification des tolérances douanières en matière d'équipement personnel et de souvenirs de voyage (Jocard, Tour. et action État, 1966, p. 223). − [Avec déterm. qui en précise le lieu d'orig.] Dans des petits meubles de Boule se voient le pli éclatant d'étoffes superbes ou les rangées de boutons d'or, avec une perle, de costumes magnifiques: un petit musée de souvenirs d'Orient (Goncourt, Journal, 1865, p. 163).Tous ces appartements pareils dans la pauvreté architecturale (...) se ressemblent plus encore par les nostalgies qu'ils renferment, les sabres et les sagaies, les kimonos aux murs, les souvenirs d'Algérie et de Chine (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 189).
β) Absol. Objet de qualité souvent médiocre proposé au touriste. Magasin, marchand de souvenirs. Tous les motifs du décor polychrome de goût chinois inventés dans la capitale normande furent alors traités d'une façon assez inférieure; cette médiocrité s'est accentuée avec le succès populaire de la faïence à usage de « souvenir » pour le touriste peu exigeant (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p. 75).Les dépendances se garnissent de comptoirs de souvenirs à grand débit où les visiteurs peuvent apaiser leurs fringales esthétiques (Jocard, Tour. et action État, 1966, p. 180). 2. Vieilli. ,,Calepin ou tablettes, sur lesquels on écrit ce dont on veut se souvenir`` (Havard 1890). Elle tira un petit souvenir en maroquin avec les coins en or (Janin, Âne mort, 1829, p. 62). REM. -souvenir, élém. de compos.,entrant dans la constr. de subst.a) [Corresp. à supra I A 1 a β] :
α) Banquet-souvenir, subst. masc.M. Young emporta aux États-Unis (...) le tapis vert sur lequel s'étaient appuyés tant de coudes illustres. Sur ce même tapis, devenu relique, un banquet-souvenir fut servi en Amérique, en 1930 (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 215).
β) Programme-souvenir, subst. masc.Dans le programme-souvenir qui fut publié à l'occasion du gala Antoine, Sacha Guitry affirme que le grand directeur (...) a toujours « détesté le vaudeville » (L'Œuvre, 25 mai 1941).
γ) Reportage-souvenir, subst. masc.[Guy Vidal et Alain Bignon Une Éducation algérienne] Pas de bons ni de méchants, pas de héros. Juste une vision lucide et sensible de quelqu'un qui essaie d'être honnête. (...) Un excellent reportage-souvenir (20 ans, oct. 1982, p. 13, col. 1).
δ) Roman-souvenir, subst. masc.Au départ [de la pièce de P. Jardin « Comme avant »], une pièce anglaise de John Mortimer. Il suffit pourtant d'avoir lu le roman-souvenir de Pascal Jardin pour comprendre qu'il a plaqué sur un texte existant ses propres phantasmes (Le Nouvel Observateur, 27 sept. 1976, p. 17, col. 1). b) [Corresp. à supra II A 1]
α) Demi-souvenir, subst. masc.De quel jour avait-il parlé?... Était-ce du 17? Un voyage? La mémoire ne répondait plus (...). Et ce fut cette vague espérance, ce demi-souvenir qui empêchèrent Gilbert de tourner par le chemin qui rejoint la route du tramway (R. Bazin, Blé, 1907, p. 312).
β) Pré-souvenir, subst. masc.Nerval veut retrouver le temps, en joignant par le souvenir son présent et son passé. Mais il veut de plus joindre son présent et son passé à ce qui semble émerger en lui d'un pré-souvenir et qui s'accorde avec les notions immémoriales encloses dans les mythes (Durry, Nerval, 1956, p. 76).
γ) Intuition-souvenir, subst. fém.Il serait ridicule de dire que l'inventeur de la bicyclette a été guidé (...) par l'intuition-souvenir d'un Type idéal, contrôlant ses efforts comme son radar contrôle un canon de DCA à pointage automatique (Ruyer, Cybern., 1954, p. 220).V. image-souvenir supra II A 1 b α. c) [Corresp. à supra II A 3] Monde-souvenir, subst. masc.Monde qui n'est plus qu'un souvenir, qui n'a plus de réalité. Un monde-souvenir, un passé révolu redeviennent le présent de deux vivants assez affranchis du corps pour avoir force recréatrice et arracher la vie à la mort (Durry, Nerval, 1956, p. 119). d) [Corresp. à supra II D]
α) Image-souvenir, subst. fém.L'après-midi, le séminaire sera clos à tous les visiteurs laïcs (...). Les parents ne pourront voir leurs petits abbés que le dimanche suivant. Pour leur faire prendre patience, nous leur enverrons, comme des premiers communiants, des images-souvenirs (Billy, Introïbo, 1939, p. 37).
β) Photo-souvenir, subst. fém.(Ds Rob. 1985). Prononc. et Orth.: [suvni:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xiiies. « fait de se souvenir, impression qui demeure en la mémoire (ici: allégorie) » (Nicole de Maugival, Dit de la Panthère d'Amours, éd. M. A. Todd, 794); b) ca 1485 avoir souvenir de (qqn) (Mystère Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, 25089); c) 1690 « idée de quelque chose » (Fur.: le souvenir de la mort doit être sans cesse devant nos yeux); 2. a) 1349 « faculté de conserver en mémoire » (Guillaume de Machaut, Alérion, éd. H. Hoepffner, 1524, t. 2, p. 292: oster de mon souvenir); b) 1637 (Patin, Lettres, t. 1, p. 122: bien obligé à vous de votre bon souvenir); 3. 1676 se dit de ce qui rappelle qqc. à qqn (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 323); 4. av. 1729 [publié en 1770] « récit, narration de souvenirs » (Mmede Caylus, Souvenirs [titre]); 5. 1823 en souvenir de (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, p. 645); 6. a) 1905 psychanal. souvenirs de substitution (E. Claparède, c.r.: Freud, in Arch. de psychol., t. 5, p. 181 ds Quem. DDL t. 29); b) 1927 souvenir-écran (I. J. Ronjat, Le Cas de Jeannette, in R. fr. de psychanal., 2, p. 238, ibid.). Subst. de souvenir1; en psychanal. souvenirs de substitution trad. l'all. Deckerinnerungen empl. par Freud (Über Deckerinnerungen, 1899 d'apr. Lapl.-Pont., s.v. souvenir-écran) terme pour lequel la commission ling. du 31 mai 1927 a adopté la trad. souvenir écran (cf. Quem. DDL t. 29). STAT. − Souvenir1 et 2. Fréq. abs. littér.: 24 340. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 34 113, b) 32 935; xxes.: a) 31 494, b) 37 814. |