| * Dans l'article "IDÉE,, subst. fém." IDÉE, subst. fém. I. A. − Ce que l'esprit conçoit ou peut concevoir. 1. Tout ce qui est représenté dans l'esprit, par opposition aux phénomènes concernant l'affectivité ou l'action. Les hommes ont des images avant d'avoir des idées; ils voient les corps avant de connoître les esprits (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 251).La danse est aussi révélation et langage, car elle provoque inconsciemment ou révèle volontairement des états, des idées ou des sentiments intraduisibles par des mots (Bourgat, Techn. danse,1959, p. 10). ♦ Avoir l'idée de.Se représenter. On a l'idée de point en considérant la marque faite sur une feuille de papier avec une aiguille ou la pointe d'un crayon bien taillé (Roux, Miellou, Géom.,1946, p. 7) : 1. Dans les dessins, la fragmentation dévoile la complexité de nos représentations les plus simples. L'idée que nous avons d'une harpe est la combinaison d'une grande quantité d'éléments : images visuelles de bois doré pour le cadre, de lignes parallèles pour les cordes, de spirale comme ornement, d'images auditives, d'impressions personnelles, etc. Un enfant mis en présence du dessin d'une harpe n'y voit rien d'autre que des éléments simples.
Warcollier, Télépathie,1921, p. 285. a) [Point de vue de la qualité, de la forme de l'idée] Avoir, se faire l'/une idée claire, complète, exagérée, précise de qqc. ou de qqn. Si l'on découvrait ce journal, il donnerait de moi une idée fort inexacte, car je n'y mets guère que ma vie extérieure (Green, Journal,1936, p. 58) : 2. L'Empereur expliquait la netteté de ses idées et la faculté de pouvoir, sans se fatiguer, prolonger à l'extrême ses occupations, en disant que les divers objets et les diverses affaires se trouvaient casés dans sa tête comme ils eussent pu l'être dans une armoire.
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 149. SYNT. (Concevoir, exprimer, se former une) idée approximative, complexe, concrète, confuse, distincte, imparfaite, insuffisante, nette, sommaire, superficielle, vraie; faible, vague idée; idée d'ensemble. − Représentation élémentaire, sommaire. Synon. aperçu, exemple.Avoir, donner, se faire une idée de qqc. ou de qqn; ces chiffres suffisent à donner une idée de; vous avez une idée de ce que cela peut être? Vous pouvez avoir une idée de mon ouvrage et de son étendue en jetant un regard sur la couverture que je joins à ma lettre (Balzac, Corresp.,1843, p. 600).Elle était venue, comme ça, en passant, regarder les couronnes, pour se faire une idée. Elle demandait les prix (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 127).V. féminin ex. 7 : 3. La nature a percé plusieurs rochers du globe, pour y faire passer des veines d'eau et des filons de métal (...). Pour donner une idée de ces aqueducs souterrains, je dirai deux mots de celui que j'ai vu à l'Ile-de-France.
Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 225. − Loc. diverses ♦ Ne pas avoir (l') idée, n'avoir aucune, nulle idée, ne pas avoir la première, la plus légère, la plus petite idée de qqc. Ne pas connaître, ignorer totalement. Ceux qui le poursuivent exigent de cet homme qu'il éprouve des sentiments dont il n'a même pas l'idée (Mauriac, Journal 2,1937, p. 140).Vous ne l'avez pas vu?... Vous n'avez pas la moindre idée de l'endroit où je pourrais le joindre? (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 82) : 4. On proclama la république romaine du haut du Capitole, mais il n'y avait de républicains dans la Rome de nos jours que les statues; et c'était n'avoir aucune idée de la nature de l'enthousiasme que d'imaginer qu'en le contrefaisant on le ferait naître.
Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 511. ♦ Avoir, se faire (l'/une) idée de qqc. Imaginer. Donner (une) idée de qqc. Le faire concevoir, imaginer. Je pense souvent aux gens qui ont passé des années dans les cages de fer des prisons, au Moyen Âge, et je me fais un peu idée de leurs souffrances parce que je sais ce que c'est qu'une insomnie (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 478).J'ai idée des difficultés que vous avez rencontrées (Dub.1967, Lexis 1975).[Le plus souvent à la forme négative, p. exagér.] On ne peut, on ne saurait avoir, donner, se faire l'idée de; vous n'avez pas idée comme c'est agaçant, combien je suis heureux. Vous ne vous faites pas une idée de l'aplomb de ces gens-là! (Zola, E. Rougon,1876, p. 202).On n'a pas idée où la vanité d'une maîtresse de maison peut se nicher (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 24).Abs. Toute la journée attaché là, et rien, absolument rien à faire! Au début les heures me paraissaient longues, longues, tu n'as pas idée (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 714).Ne pas avoir, se faire d'/l'idée de qqc. (vieilli). De loin nous ne nous faisons pas d'idée de ce que c'est que l'autorité d'un despote qui connaît de vue tous ses sujets (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 264).V. agile ex. 34. ♦ À la forme négative, fam. [Pour exprimer la surprise, l'étonnement devant l'invraisemblance d'une chose, d'une action] On n'a pas idée ou a-t-on idée de (+ inf. ou subst.).Il n'est pas concevable d'agir ainsi. On n'a pas idée de ça! On n'a pas idée d'une folie pareille! grommela la vieille dame. Se faire du mal pour du papier imprimé! (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 138).Vous devriez avoir honte de parler d'un dégoûtant qui a été révoqué pour mœurs, espèce de dévergondée. A-t-on idée de faire rougir une femme de mon âge! Ça ne vous portera pas bonheur (Bernanos, Crime,1935, p. 816).V. apprendre ex. 24.Abs., fam. On n'a pas idée! A-t-on idée? Est-ce possible? J'ai vu une Anglaise qui a passé quelques jours chez des voisins à eux; on n'a pas idée!... Elle se promène dans son jardin presque toute nue (H. Bataille, Maman Colibri,1904, IV, 1, p. 27).Je suis celle qui est là pour t'empêcher de mourir, comme tu dis! de mourir, a-t-on idée! (Claudel, Échange,1954, II, p. 763). ♦ Fam. Avoir l'idée que, avoir comme une idée que, plus cour. avoir idée que. Avoir l'impression, croire, s'imaginer, penser que. J'ai toujours eu l'idée que vous arriveriez par moi aux honneurs et à la fortune (Scribe, Camaraderie,1837, III, 6, p. 300).Mon cher Berthier, j'ai l'idée que le ministère tombera au début de la session (A. France, Lys rouge,1894, p. 333).Il s'est mis tout le monde à dos. Nous n'avions pas idée qu'on pût à ce point le détester (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 38). Rem. La docum. enregistre la constr. vieillie prendre une idée de. Synon. avoir, se faire une idée. Son ignorante vie avait cessé tout à coup, elle raisonna, se fit mille reproches. « Quelle idée va-t-il prendre de moi? Il croira que je l'aime » (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 123). Il eût fallu voir, pour en prendre une idée, son front couvert de sueur, et cependant résigné, ses yeux mouillés de larmes, et cependant levés au ciel (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 374). Ce futur, qui est en elle à l'état de désir et qu'elle n'a plus l'énergie de réaliser, cultive-le, prends-en une idée claire (Barrès, Homme libre, 1889, p. 131). b) [Point de vue de la résonance affective de l'idée] − [Le plus souvent au plur., suivi d'un adj. indiquant le degré affectif de l'idée] Leur présence m'imposoit une mortelle contrainte, et réveilloit en moi des idées accablantes (Genlis, Chev. cygne, t. 1, 1795, p. 115).Il nourrissait des idées grises, des idées noires, que sais-je? des pressentiments (Gide, Caves,1914, p. 839).V. attaquer ex. 11. SYNT. Idée affreuse, agréable, atroce, chagrine, consolante, étrange, gaie, importune, insupportable, souriante, terrible; idées douces, drôles, lugubres, moroses, sinistres; (être assailli de, chasser des, entretenir des, être porté aux) idées sombres; idées dégoûtantes, lubriques, malsaines, obscènes, sordides. − Loc. verb., fam. Être dans ses idées. Être obnubilé par qqc., avoir des idées noires. Ces diables de violons qui s'avisent de jouer cet air-là justement aujourd'hui, − quand je suis dans mes idées (Murger, Scènes vie jeun.,1851, p. 138). c) [Point de vue du mode de relation de l'idée aux autres idées] Enchaînement, liaison des idées; idées cohérentes, embrouillées, sans suite. Les foules sont inspirées par des associations d'idées très simples. Vous ne leur ferez pas faire une émeute un jour de fête (A. France, Bergeret,1901, p. 364).Il s'assit sur l'escabeau. Il n'avait plus une idée dans la tête. Les minutes étaient lentes. Le temps se traînait (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 98) : 5. Paris, 7 juin 1822. « Cette soirée me fait l'effet d'un songe heureux, j'en suis encore tout enivré. Je cherche à rassembler mes idées, je ne le puis : le bonheur qui remplit mon âme étourdit ma pensée (...) »
Ampère, Corresp.,1822, p. 211. SYNT. a) Mettre de l'ordre dans ses idées; sauter d'une idée à l'/une autre; (se) changer, rafraîchir les idées (à/de qqn); chasser, écarter, éloigner, repousser une/des idée(s). b) Classification, combinaison, coordination, cours, fil des idées. − PSYCHOL., MÉD. Association* d'/des idées; fuite* des idées; idée fixe*; idées délirantes*. d) [Point de vue de l'objet de l'idée; le plus souvent suivi de de] Se faire à une idée. Tout à coup, il lui vient une idée qui la jeta dans un trouble inexprimable : Jules allait croire que, comme son père, elle méprisait sa pauvreté! (Stendhal, Abbesse Castro,1839, p. 154).L'idée d'un emprunt lui revint, elle finit par accepter, à la condition qu'elle lui rendrait ce qu'il dépenserait pour elle (Zola, Germinal,1885, p. 1243).La puissance de ce brasseur d'affaires dont l'existence éveillait l'idée d'une torche en flamme, secouée par les vents, fumeuse mais éblouissante (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 831).V. afféterie ex. 5, blondeur ex. 4, cernure ex. 1 : 6. Les Anciens ont toujours senti que l'idée de la mort a sa volupté; l'amour et les fêtes la rappellent, et l'émotion d'une joie vive semble s'accroître par l'idée même de la brièveté de la vie.
Staël, Corinne, t. 1, 1807, p. 236. − L'idée de + subst. ou inf.; l'idée que.Le fait de se représenter quelque chose. Être préoccupé, tourmenté de/par l'idée que; la seule idée, à la seule idée, rien qu'à l'idée de, que. Annette avoit été effrayée par l'idée que M. de Durantal pouvoit ne pas avoir de foi en Dieu (Balzac, Annette, t. 2, 1824, p. 127).Jean Valjean devint pâle. La seule idée de redescendre dans cette rue formidable le faisait frissonner (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 630).À l'idée que vous pourriez ne pas aller droit en paradis, j'en ai tout le corps qui tremble (Zola, Dr Pascal,1893, p. 13) : 7. ... rien n'importe beaucoup de ce qui peut nous advenir sur terre, puisque la seule idée de ce qui nous attend plus tard suffit dès maintenant à nous combler de joie.
Green, Journal,1938, p. 158. Rem. La docum. et qq. dict. du xixeet xxes. enregistrent le sens vx, quasi-synon. de image, souvenir. Le scintillement des étoiles, la clarté de la lune, le calme profond qui m'environnoit, le parfum des fleurs, la nuit, l'heure, le mystère, tout rappeloit à mon cœur un souvenir délicieux et déchirant... Les idées si chères que me retraçoit l'imagination n'agissoient que sur mes sens; enivré, éperdu, je n'en étois que plus infortuné (Genlis, Chev. cygne, t. 1, 1795, p. 208). Je demande pardon au lecteur de lui rappeler l'idée d'un pareil monstre, par des vers aussi misérables; mais il faut connoître l'esprit des temps (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 155). Je l'aime de toutes les forces de mon âme, et dans mon abandon complet, dans ma profonde douleur, il n'y a que son idée qui puisse encore m'offrir de la joie (Hugo, Corresp., 1821, p. 326). Elle s'étonnait d'avoir trouvé si ridicules les idées réveillées par le récit de Madame de Thémines (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 10). 2. Ce qui n'existe que dans l'esprit, dans l'imagination, par opposition à ce qui existe en fait, dans la réalité, de façon concrète. Synon. chimères, illusions, rêves, visions.Vivre avec ses idées. Il se repaît d'idées (Littré). Il nous a entretenu de ses idées (Ac.) : 8. Ce ne sont pas des idées qu'il faut à ce peuple remuant [le peuple français], mais des faits, des récits historiques, des couplets et Le Moniteur! Voilà tout : jamais d'abstraction.
Baudel., Salon,1846, p. 165. − Loc. fam. ♦ Se faire une/des idées(s); se mettre, se fourrer (fam.) des idées dans la tête, en tête. Imaginer des choses fausses, sans fondement. Pourquoi penser, ou dire du moins, que si tu me demandais à écouter ton drame, je ferais sourde oreille? Voilà ce que je ne te pardonne pas. Ce sont ces idées que tu te fourres en tête (Flaub., Corresp.,1847, p. 8).Il ne me croit plus, dit-elle avec désespoir (...). Il va me détester à cause d'une idée qu'il se fait (Barrès, Jard. Oronte,1922, p. 218).V. accrocher ex. 28 : 9. ... ils se disaient, en scrutant des yeux la nuée rouge de Verdun : « Il ne faut pas exagérer. De là-haut on se faisait des idées. Tout ne brûle pas. Loin de là. Suffit de regarder. Il y a des incendies de côté et d'autre. Mais il y a des pâtés de maisons, des carrés de bâtiments qui continuent d'être bien sombres, bien peinards (...) ».
Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 137. P. iron. Synon. se faire des illusions.S'il espère recevoir des compliments, il se fait des idées (Lar. Lang. fr.). ♦ Avoir des idées. Avoir en tête des fantasmes sexuels. Donner des idées à qqn. Éveiller des fantasmes sexuels; exciter l'imagination de quelqu'un. Leurs bêtises [des hommes] lui causaient si peu de plaisir, qu'elle restait sale exprès, afin de ne pas leur donner des idées (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 265).Elle est comme toutes les mères. Je lui dis parfois : « Mais tu les embêtes, tes fils. Laisse-les donc tranquilles. C'est toi qui leur donnes des idées, avec toutes tes questions... » (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1114) : 10. « Si vous avez ce qu'on appelle des idées... » ou plutôt : « ... ce que l'on appelle vulgairement des idées... » il ne savait pas au juste ce qu'elle voulait dire. Peut-être la baiser sur la bouche, ou même faire le mal avec elle.
Green, Moïra,1950, p. 220. ♦ [Pour exprimer l'étonnement devant le caractère non fondé d'une affirmation, irréalisable d'un projet, insolite ou absurde d'une action, d'un comportement] En voilà une (drôle d') idée! En voilà des idées! Moi?... Ah! par exemple!... en voilà des idées!... où vas-tu chercher tout cela, mignonne? (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 109) : 11. le vérificateur : Vous ne voudriez pas m'accompagner, dans ma prochaine tournée? Laurency, surpris : Moi, en voilà une idée!
Lenormand, Simoun,1921, 7etabl., p. 77. Cette idée (de + subst. ou inf.) Mon Dieu! Que ces gens étaient ridicules! Je sais bien que nous le serons autant qu'eux dans vingt ans, mais cette idée d'un troubadour avec un casque et une lyre! (Colette, Cl. école,1900, p. 231).− Célestine, soyez franche avec moi... Monsieur ne vous a jamais poussée dans un coin?... Il ne vous a jamais embrassée?... Il ne vous a jamais...? Non cette idée! (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 51).Et cette idée de se poudrer la nuque! Tout d'elle lui était odieux (Montherl., Bestiaires,1926, p. 404) :12. Je trouve ta question stupide, − Marie-Louise était agacée, − tu n'es pas juif que je sache, tu ne t'es jamais occupé de politique... Tout le monde va rentrer à Paris à la fin des vacances, cette idée! Quand on n'est ni Allemand émigré, ni Polonais, je ne vois pas pourquoi on ne rentrerait pas chez soi!
Triolet, Prem. accroc,1945, p. 108. Quelle idée avez-vous là! Sortir par un temps pareil, quelle idée! (Littré). Moi, t'en vouloir! Quelle idée! (Hermant, M. de Courpière,1907, II, 4, p. 16).Quelle idée a eue ce vieux respectable monsieur d'introduire dans sa maison un serviteur comme moi? Je vous demande : suis-je ici à ma place? (Bernanos, Joie,1929, p. 543) :13. − Vous souvenez-vous d'Adrienne? Elle partit d'un grand éclat de rire en disant : « Quelle idée! » Puis, comme se le reprochant, elle reprit en soupirant : « Pauvre Adrienne » Elle est morte au couvent de Saint-S..., vers 1832. »
Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 626. − Création de l'esprit; être imaginaire. Synon. invention; apparence, fantôme, mythe, ombre.Qu'est-ce donc que Lélia? une ombre, un rêve, une idée tout au plus (Sand, Lélia, t. 1, 183, p. 47).Des types vagabonds qui cherchent de la matière, ou bien des créatures s'évaporant en idées (Flaub., Tentation,1856, p. 593) : 14. ... je me créai un fantôme de femme pour l'adorer. Je m'épuisai avec cette créature imaginaire, puis vinrent les amours réels avec qui (je) n'atteignis jamais à cette félicité imaginaire dont la pensée était dans mon âme. J'ai su ce que c'était que de vivre pour une seule idée et avec une seule idée, de s'isoler dans un sentiment, de perdre de vue l'univers et de mettre son existence entière dans un sourire, dans un mot, dans (un) regard.
Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 796. ♦ [Pour exprimer le fait qu'une quantité est si petite qu'elle est presque inexistante] Une idée de + subst.Synon. une larme, un poil, un rien, un scrupule, un soupçon.Si Landry avait une idée de gaieté et de courage de plus que son aîné, Sylvinet était si fin d'esprit qu'on ne pouvait pas l'aimer moins que son cadet (Sand, Pte Fad.,1849, p. 14) : 15. Le Soir de Paris s'est (...) évaporé : il n'a pu lutter contre la naphtaline; il faudrait renifler la plinthe au-dessous de l'œil-de-bœuf, pour retrouver peut-être un reste de parfum, une idée de parfum.
J.-L. Bory, Mon Village à l'heure allemande, Paris, Flammarion, 1945, p. 79. [Employé adverbialement] Culotte et pourpoint m'allaient comme un gant, bien qu'une idée larges (Arène, J. des Figues,1870, p. 64).La porte s'entre-bailla; oh! à peine! un rien, une idée! tout juste assez pour qu'un mince fil de lumière tombât du plafond au plancher (Courteline, Conv. Alceste, Margot, 1888, p. 75).Excellents, les mouvements de Maîtres Chanteurs! Une seule fois, au moment d'attaquer la marche, ça allait une idée trop vite (Willy, Bains de sons,1893, p. 193).3. [Avec mise en œuvre de la puissance créatrice de l'intelligence] Conception de quelque chose à réaliser. a) Surtout dans les domaines artistique, littéraire, scientifique.Conception originale et/ou féconde; première conception de quelque chose; donnée fondamentale. On lui doit l'idée de cette machine (Lar. 20e, Lar. encyclop.). L'œuvre à accomplir amène nécessairement l'ouvrier : le besoin donne l'idée, et c'est l'idée qui fait le producteur (Proudhon, Propriété,1840, p. 226).Pour un grand artiste, l'idée, la vision d'un tableau peuvent jaillir de l'émotion d'une lecture, et les plus beaux thèmes plastiques s'ordonner et s'épanouir au rythme d'un poème (A. Michel, Peint. fr. xixes., 1928, p. 105) : 16. Toute la faiblesse et le manque d'originalité du romancier Bourget est dans l'aveu qu'il vient de faire que la conception de Suzanne Moraines lui a été inspirée par MmeMarneffe, de Balzac. Prendre l'idée d'un roman dans un roman, et ne la pas prendre cette idée dans un événement humain ou une individualité caractéristique que vous avez côtoyée, là est ce qui distingue le romancier qui ne l'est pas de celui qui l'est.
Goncourt, Journal,1888, p. 748. SYNT. a) Idée centrale, dominante, essentielle, fondamentale, prépondérante, principale d'une œuvre; idée directrice d'un écrivain, d'un homme de sciences, d'une œuvre; idée maîtresse, mère. b) (Chercher, donner) une idée de conte, de pièce. c) Breveter une idée; développer, expliquer une idée. − En partic., domaine de la création artistique et littér. Esquisse, ébauche. Jeter une/des idée(s) sur le papier; ce n'est (encore) qu'une idée. L'idée première, le croquis, qui est en quelque sorte l'œuf ou l'embryon de l'idée, est loin ordinairement d'être complet (Delacroix, Journal,1847, p. 169) : 17. Il est remarquable que, dans les premières idées du Dona, qui datent du temps du Credo − soit de 1820, − il ne soit aucunement question de l'assaut de la guerre − ou extérieure, ou intérieure.
Rolland, Beethoven, t. 2, 1937, p. 416. − MUS. ,,Phrase musicale, d'ampleur variable, qui semble le noyau d'une œuvre ou d'une partie d'une œuvre et se prête à des développements ultérieurs`` (Lar. encyclop.). Les développements considérables [de cet allegro] roulent constamment sur la même idée (Berlioz, À travers chants,1862, p. 45) : 18. Le concerto qu'il nous a joué semblait tout entier fait pour lui. La robuste carrure du rythme, le puissant mouvement des idées, dans l'allegro et le finale, s'accordaient pleinement avec les qualités de son archet et de son violon.
P. Lalo, Mus.,1899, p. 354. b) Cour. Conception neuve et/ou inattendue; solution originale à un problème. J'ai des tas d'idées (fam.); c'est une idée à lui (fam.). Elle le félicitait de son bon goût : − « Ah! c'est mignon, extrêmement bien! Il n'y a que vous pour ces idées » (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 69).Ne craignez rien; j'ai mon idée pour entrer (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 309).Nanteuil dit qu'il fallait s'adresser au docteur Trublet. − C'est une idée! s'écria Pradel (A. France, Hist. comique,1903, p. 153) : 19. Tenez! une idée me vient. Vous devriez faire une retraite de quelques mois, dans votre Auvergne, au sein de votre aimable famille...
Bernanos, Imposture,1927, p. 422. ♦ [Concerne également I A 3 c] L'idée de qqc.; l'idée de faire qqc.Le fait de penser à, d'imaginer quelque chose et/ou le projet de quelque chose. Quelle bonne idée vous avez eue de venir aujourd'hui! Personne n'aura l'idée (l'idée ne viendrait à personne) de vous chercher ici. C'était, tout de même, une étrange mécanique qu'une femme. Jamais il n'avait eu l'idée d'étudier cela. Il commençait à entrevoir des complications extraordinaires (Zola, E. Rougon,1876, p. 67).Notre curé (...) qui se croit un homme d'initiative, a eu l'idée d'un service pour les sinistrés de la Martinique (Bloy, Journal,1902, p. 96).L'astrologie, qui eut l'idée géniale de rebaptiser les douze signes du zodiaque et de les remplacer poétiquement par les douze maisons du ciel (Boll, Qq. sc. captivantes,1941, p. 194).V. coiffage ex. 1 : 20. La commode est une des créations les plus intéressantes de l'époque [le xviiesiècle]. Jusque-là, le linge était rangé dans des coffres. Au xviesiècle, les cabinets avaient révélé la commodité des tiroirs. Dans un coffre à dessus fixe, surélevé sur quatre pieds, on eut l'idée de pratiquer des grands tiroirs.
Viaux, Meuble Fr.,1962, p. 79. SYNT. a) Idée alléchante, bouffonne, dangereuse, diabolique, épatante, étonnante, funeste, hasardeuse, heureuse, inapplicable, ingénieuse, lumineuse, machiavélique, neuve, saugrenue, séduisante, singulière, stupide; excellente, fameuse, malencontreuse, riche idée; drôle d'idée; idée de génie. b) Lancer, pousser une idée; recueillir des idées. c) [Concerne I A 3 b et c]. Une idée germe, naît, jaillit; une idée est dans l'air, a de l'avenir, fait son chemin; une idée frappe, illumine, occupe; une idée se présente, vient à l'esprit; une idée traverse qqn, l'esprit, le cerveau, la cervelle, la tête; une idée entre dans la tête, passe par la tête; trotte dans la tête (la cervelle), sort de la tête; une idée vient de qqn. ♦ Souvent au plur., abs. [Concerne I A 3 a et b; pour insister sur le caractère d'originalité, d'invention] Être dénué, dépourvu, plein d'idées; médiocrité, pauvreté, vide d'idées; une tête à idées, boîte à idées; les idées ne viennent pas. Le voilà qui se met à développer ce texte avec une abondance d'idées, une richesse de vues si fines ou si profondes, un luxe de métaphores si brillantes et si pittoresques, que c'était merveille de l'entendre (Chênedollé, Journal,1822, p. 113).Je souffre (...) d'un certain manque d'idées proprement dites, de vues, de vérités, qui après tout constituent la vraie richesse d'un esprit (Amiel, Journal,1866, p. 59).Avoir des idées. Avoir l'esprit fécond, ingénieux : 21. Il avait des idées. À dix ans il avait inventé une trappe à mouches, à douze une nouvelle méthode pour gonfler les pneus de bicyclette, à quatorze un moulin à distribuer les cartes à jouer.
Queneau, Loin Rueil,1944, p. 222. c) Intention, envie, désir; projet. Avoir des idées intéressées; vous aviez bien une idée en me posant cette question? J'ai applaudi à ses projets, je l'ai encouragé dans ses idées de mariage (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1855, p. 240).Je me décidai à tout vendre, et me trouvai tout d'un coup ne plus posséder que le cinquième à peine de ce que j'avais hérité de ma grand'mère (...). On le sut d'ailleurs à Combray (...), on se dit : « Voilà où mènent les idées de grandeur » (Proust, Fugit.,1922, p. 640).Il ne lui posait pas cette question dans l'idée d'écouter sa réponse, mais simplement pour lui crier sa colère (A. Chamson, Roux le bandit, Paris, Grasset, 1925, pp. 50-51) : 22. Un jour dans ses lointains voyages en Orient, s'étant éloigné de sa caravane aux environs d'Antioche, le jeune duc, en causant avec les guides du pays, entendit parler d'un mendiant dont on s'écartait avec horreur et qui vivait, seul, au milieu des ruines. L'idée le prit de visiter cet homme, car nul n'échappe à son destin.
Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 109. SYNT. Abandonner, caresser, lâcher, mûrir une idée; reprendre une (vieille) idée; applaudir à une idée; revenir à son idée. − [Au sens fort] Détermination, résolution. Avoir l'idée (bien) arrêtée, avouée de faire qqc.; personne n'a pu lui ôter cette idée de la tête. Elle prétend qu'elle est souffrante et que l'air de la campagne lui fera du bien... Vous savez, quand les femmes ont une idée, il n'y a pas à aller contre (Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 97).Paule eut un petit rire : Toi, quand tu as une idée dans la tête! (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 138).V. bachique ex. 7 : 23. Ah non! Jamais elle ne changerait d'idée. Ni sa mère, ni personne ne lui arracherait un aveu. Rose-Anna voyait le visage de sa fille dans une petite glace posée au mur, au-dessus de la table. La bouche était dure, le regard volontaire, presque insolent.
Roy, Bonheur occas.,1945, p. 423. SYNT. N'avoir qu'une idée dans la tête, en tête; mettre, fourrer (fam.) une/des idée(s) dans la tête de qqn; ne pas démordre d'une idée; s'entêter dans son idée; renoncer, tenir à une idée; avoir de la suite dans les idées; une idée de derrière la tête. Changer d'idée comme de chemise. V. chemise I A 2 c.4. Conception impliquant un jugement de valeur; manière de concevoir. a) Point de vue en général; opinion. Je n'ai pas d'idée là-dessus; il a des idées sur tout. Il réalise l'idée vulgaire qu'on se fait du poëte, ardent, impétueux, endetté, inégal en conduite et en fortune (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 182).Ce sont des idées d'enfant, qu'on ne peut faire les choses qu'avec excès (Montherl., Exil,1929, II, 8, p. 67).V. agricole ex. 20 et cautionner ex. 2 : 24. Il est évident qu'un paria hindou, un guerrier de l'empire Inca, un primitif de l'Afrique centrale, ou un membre des premières communautés chrétiennes n'avaient pas la même idée de la révolte.
Camus, Homme rév.,1951, p. 33. SYNT. a) Avoir, donner, se former une bonne, grande, haute idée, une idée élevée de qqc. ou de qqn; approuver, combattre, émettre, imposer, partager une idée; s'ouvrir à une idée; confirmer qqn dans son idée; partir d'une idée, sur une idée fausse; avoir, réviser son idée sur qqn ou qqc. b) Idée (solidement) ancrée, choquante, (bien) établie, (toute) faite (le plus souvent au plur.), hardie, neuve, préconçue, reçue (le plus souvent au plur.), (très) répandue, sensée. − Domaine de la méthode expérimentale.[Chez Cl. Bernard] Idée a priori ou préconçue. Hypothèse la plus probable que l'expérimentateur émet sur la cause d'un fait brut et dont la valeur est contrôlée au moyen d'autres faits empruntés à l'observation et à l'expérimentation. La constatation du fait brut doit nécessairement précéder son interprétation, car c'est la vue du fait brut qui doit donner naissance à l'idée préconçue ou à l'hypothèse que l'on peut faire relativement à sa cause (C. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 55).V. circonstance ex. 4 et esclave ex. 6 : 25. ... le premier mouvement de l'esprit scientifique est une hypothèse ou une idée a priori à l'aide de laquelle l'esprit s'élance au-delà du fait brut pour arriver dans le champ du rationalisme qui est le véritable terrain scientifique.
C. Bernard, Princ. méd. exp.,1878p. 77. − Manière d'agir et/ou de penser; manière de voir. ♦ À + adj. poss. + idée.Synon. à ma (ta,...) façon, à ma (ta,...) guise; selon sa fantaisie.N'en faire qu'à son idée; juger, vivre à son idée. Vous aurez cinq années ennuyeuses (c'est-à-dire cinq années pendant lesquelles il vous faudra observer la règle), mais après cela, vous en ferez à votre idée (Green, Journal,1943, p. 24).V. enfanter ex. 1. ♦ À (dans) + adj. poss. + idée.Synon. à mon (ton,...) avis, selon ce que je (tu,...) pense(s).− À mon idée, il a été évacué par un autre régiment. − Mais non, il était blessé; les boches ont dû le ramasser (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 24).La lecture étant dans son idée une occupation purement dominicale, et trop noble aussi pour s'y adonner en habits de travail (Guèvremont, Survenant,1945, p. 57). ♦ Être de l'idée de qqn (vx).Être de son avis. Quoique sans doute la petite soit de mon idée, il faut pourtant lui demander son avis (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 26). b) Au plur. Ensemble des vues ou opinions en tout domaine d'une personne ou d'un groupe de personnes. Tu as tes idées, j'ai les miennes; il a les idées de son siècle. Les idées religieuses sont celles qui ont le plus de prise sur les ames sensibles (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1911).Il faut tuer les gens qui n'ont pas vos idées? (Sartre, Mains sales,1948, 5etabl., 2, p. 189).V. antipodique ex. 2, continuer ex. 12 et baigner ex. 9 : 26. Je pense quelquefois que, si les hommes du siècle de Louis XIV pouvaient revenir au milieu de nous, avec leurs idées graves et leur forte raison, ils seraient bien étonnés de la manière dont on discute aujourd'hui les questions les plus importantes, et en vérité, j'ose croire qu'ils seraient moins frappés du progrès des lumières que du progrès des passions, et de l'affaiblissement des préjugés que de l'affaiblissement de l'intelligence.
Lamennais, Lettres Cottu,1820, p. 100. ♦ Entrer, être dans les idées de qqn.Andoche connaît le prospectus, il entre dans les idées du marchand, il n'est pas fier (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 156).Vous savez, je ne vous suis guère dans vos idées, dit Edmond. Je ne suis pas un partageux, et le socialisme me laisse sceptique (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 280).Tu m'as laissé être des équipes de secours, où il y avait un risque. Et tu m'interdis d'être de la résistance, à cause du risque. Est-ce que la résistance ne serait pas dans tes idées? (Montherl., Demain,1949, I, 2, p. 714). SYNT. a) Accepter, accueillir, adopter, analyser, combattre, heurter, partager, professer, propager, respecter, soutenir, (faire) triompher des idées; fixer les idées (sur un sujet); se rallier à des idées; convertir qqn à, exposer ses idées; être acquis, hostile, ouvert à, touché par, imprégnés des idées de qqn. b) Attachement, fidélité à des idées; communion, divergence, échange, sympathie d'idées. c) Idées d'un artiste, d'un écrivain, d'une classe sociale, d'une époque, d'une génération, d'un homme politique sur qqc. ou en matière de; idées d'égalité, de fraternité, de justice, d'ordre, de revendication, de révolte, de tolérance. d) Idées esthétiques, littéraires, morales, philosophiques, politiques, scientifiques, sociales; idées bourgeoises, monarchistes, libérales, progressistes, réformistes, républicaines; idées fortes, généreuses, nobles, philanthropiques, romanesques; idées arrêtées, avancées, courtes, étroites, rétrogrades, subversives; être large d'idées; idées actuelles, modernes, nouvelles, périmées, traditionnelles; idées à la mode, de l'ancien temps, d'un autre temps, qui n'ont plus cours; grandes, hautes, vieilles idées. − Abs., au plur. L'ensemble du mouvement intellectuel concernant une époque, une civilisation. Courant, mouvement, progrès des idées. Dans l'histoire des idées et des mœurs, Jean-Jacques peut bien aujourd'hui apparaître, en face des philosophes, comme un mainteneur de la sensibilité religieuse (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 124).V. côtoyer ex. 2 : 27. C'est énoncer une vérité désormais banale que de dire que ce sont les idées qui mènent le monde. C'est d'ailleurs dire plutôt ce qui devrait être et ce qui sera, que ce qui a été. Il est incontestable qu'il faut faire dans l'histoire une large part à la force, au caprice, et même à ce qu'on peut appeler le hasard, c'est-à-dire à ce qui n'a pas de cause morale proportionnée à l'effet.
Renan, Avenir sc.,1890, p. 23. − En partic., abs., au plur. Écrivain, littérature, théâtre d'idées. Écrivain, littérature, théâtre dont l'objet est de développer des idées, des thèses. V. flatter ex. de Apoll., Tirésias, 1918, p. 866 : 28. [Dans la littérature modern style] les chroniqueurs du temps distinguent un « théâtre d'idées », un « théâtre d'amour », et un « théâtre gai » (...). D'excellents techniciens [du « théâtre d'idées »], doublés d'observateurs aigus, mettent en scène les problèmes sociaux, font de la satire des mœurs électorales, des manigances financières, des abus coloniaux, des mariages d'argent, des dénis de justice, de la fausse noblesse, ou de l'éternel Don Juan.
P. O. Walzer, Litt. fr., Le xxes., Paris, Arthaud, 1975, p. 97. − Au plur. (cour.) et au sing. (littér.). Direction d'une pensée, système doctrinal, idéologie; le (ou les) principe(s) qui est (ou qui sont) à la base de cette pensée, de ce système, de cette idéologie. L'idée monarchiste, républicaine. L'idée fouriériste (Littré). Dans cette insouciance du pays pour Charles X, il y a autre chose que de la lassitude : il y faut reconnaître le progrès de l'idée démocratique et de l'assimilation des rangs (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 670).Ce qui ruinerait l'idée marxiste, ce serait de vouloir que le progrès technique ait déterminé par lui-même tous les changements de l'ordre moral (Alain, Propos,1933, p. 1150) : 29. Quand l'idée de la palingénésie du monde se répandit parmi les Juifs, toutes ces peintures d'un monde renouvelé, d'une Jérusalem nouvelle, vinrent s'appliquer à cette palingénésie du monde, et donnèrent à l'idée juive une précision, une netteté comparable à celle qui peut résulter pour nous de la vue des choses manifestées et présentes.
P. Leroux, Humanité, t. 2, 1840, p. 720. − Au sing. Manière particulière de concevoir la vie, la société, la civilisation, que l'on érige en norme d'action ou que l'on donne pour but à ses pensées et à ses actes. Synon. idéal.Il y avait dans la Convention une volonté (...). Cette volonté était une idée indomptable et démesurée qui soufflait dans l'ombre du haut du ciel. Nous appelons cela la révolution (Hugo, Quatre-vingt-treize,1847, p. 188).Cet homme qui passait le premier, ce n'était pas pour de l'argent qu'il venait tuer ceux qui se traînaient là-haut, c'était pour une idée, pour une foi (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 385) : 30. Depuis son enfance qu'elle avait passée sous le chevet rose, vert et jaune de santa Maria del Fiore, elle était habitée par l'idée monastique. Elle ignorait toute passion. C'est pourquoi elle avait choisi l'ordre le plus secret et le plus paisible, la Visitation de Mantoue.
Jouve, Paulina,1925, p. 173. SYNT. Se dévouer à, mourir pour, se sacrifier à, servir une idée; être animé, mû par une idée; incarner une idée; l'idée chrétienne, républicaine, (alimenter, inculquer) l'idée révolutionnaire, une idée humanitaire; une idée juste; une belle idée. ♦ Au sing., abs., vx. ,,Ensemble idéal des aspirations du génie et de l'époque`` (Littré). Les penseurs sont les serviteurs de l'idée (Littré) : 31. Soyons frères; ayons
L'œil fixé sur l'Idée, ange aux divins rayons.
L'idée, à qui tout cède et qui toujours éclaire
Prouve sa sainteté même dans sa colère!
Hugo, Châtim.,1853, p. 33. B. − Seulement au sing., souvent pop. et fam. L'esprit qui conçoit. Synon. imagination, intelligence, tête.Marjolin restait enfant très tard, ce qui impatientait Cadine. Il n'avait pas plus d'idée qu'un chou, disait-elle (Zola, Ventre Paris,1873, p. 766).Soudain, et de concert, ils laissèrent tomber leurs bras au long de leurs cuisses, et s'interrogèrent jusque dans l'âme et jusque dans l'idée (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 277). − [Le plus souvent précédé de à, dans, de, en avec ou sans déterminant] Se mettre qqc. dans l'idée; cela m'est sorti de l'idée; on ne m'ôtera pas cela de l'idée. Il me vint en idée de me ménager un asile contre le désespoir (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 91).Ma résolution était prise et rien ne pouvait plus m'en faire changer. Il me vint bien à l'idée que je pouvais ne pas être dans mon droit, mais je me moquai bien de cette idée (A. France, Bonnard,1881, p. 473).J'ai déjà dans l'idée un autre article sur un sujet merveilleux : l'idée de continuité et ses applications dans l'art contemporain (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 123). − Loc. diverses ♦ En idée. [P. oppos. à en fait, en réalité] Synon. en imagination.Il est si doux, parmi les désenchantements de la vie, de pouvoir se reporter en idée sur de nobles caractères, des affections pures et des tableaux de bonheur (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 95). ♦ Fam. Dans + adj. poss. + idée.Dans + adj. poss. + conception des choses. J'suis pas marié à la mairerie... Mais j'suis marié... dans mon idée (Benjamin, Gaspard,1915, p. 14). ♦ Fam. Avoir l'idée à qqc. Synon. avoir l'esprit, la tête à qqc.; prêter attention à qqc.On n'avait plus du tout l'idée aux femmes, parce qu'il faisait déjà très froid; mais on rêvait à des choses incohérentes ou merveilleuses, comme dans le sommeil (Loti, Pêch. Isl.,1886, p. 185). ♦ Abs., pop. et fam. Avoir de l'idée. Être intelligent, avoir l'esprit plein de ressources. Caporal, demanda Pache, d'une voix un peu tremblante, vous qui avez de l'idée, si vous pouviez le tuer sans lui faire du mal? (Zola, Débâcle,1892, p. 450).Tu comprends, lui dit-il amicalement, t'as de l'idée, mais tu gueules pas assez (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 28). II. − PHILOSOPHIE A. − [Souvent avec majuscule] Norme idéale, absolue, forme de la connaissance. 1. [Chez Platon et ses héritiers] Ce qui appartient au domaine de l'intelligible et qui seul possède la perfection éternelle et la réalité absolue. Le monde des Idées. Il [Platon] pose le monde des idées de façon que nous n'en soyons que la dégradation (Du Bos, Journal,1924, p. 19).La philosophie platonicienne de l'Idée : philosophie où les Idées (...) sont regardées comme des sortes d'entités, existant séparément des objets singuliers pour lesquels elles jouent le rôle de paradigmes (R. Blanché, La Log. et son hist., Paris, A. Colin, 1970, p. 22).V. archétype ex. 2, abstraction ex. 19 et âme ex. 32 : 32. La théorie platonicienne des idées peut être, au moment de la République, ramenée à ces quatre formules : les idées sont l'être; elles sont identiques et absolument distinctes; l'être est intelligible; l'être intelligible procède de l'idée de bien.
H. D. Gardeil, Les Étapes de la philos. idéaliste, Paris, Vrin, 1935, p. 19. − P. ext., lang. cultivée. Type idéal créé par l'esprit. Synon. idéal.Ô sœur divine (...) ô fleurie, ô transfigurée! Tu n'es plus la petite Asiatique dont je fis ton modèle indigne. Tu es son idée immortelle, l'âme terrestre de l'Astarté qui fut génitrice de sa race (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 41). ♦ LITT. (symbolisme). Forme éternelle de toute chose. Le poète mallarméen ne précipite toute matière dans le non-être que pour laisser subsister l'idée de l'objet disparu, sa forme seule parfaite, son essence immuable (Béguin, Âme romant.,1939, p. 382) : 33. Le Poète pieux contemple; il se penche sur les symboles, et silencieux descend profondément au cœur des choses, − et quand il a perçu, visionnaire, l'Idée, l'intime Nombre harmonieux de son Être, qui soutient la forme imparfaite, il la saisit, puis, insoucieux de cette forme transitoire qui la revêtait dans le temps, il sait lui redonner une forme éternelle, sa Forme véritable enfin, et fatale − paradisiaque et cristalline.
Gide, Traité Narcisse,1891, p. 9. 2. [Chez Kant; p. oppos. à catégorie ou concept de l'entendement] Idée ou Idée a priori ou transcendantale; idées de la Raison pure. Concept nécessaire de la raison pure auquel ne peut correspondre aucun objet donné par les sens et qui répond à l'exigence d'unification de tous nos raisonnements. Les idées ne sont autre chose que des catégories pures élevées à l'absolu, et capables de se rapporter aux catégories ordinaires, de manière à en prolonger sans limites l'application à des objets d'expérience (V. Delbos, La Philos. pratique de Kant, Paris, Alcan, 1926 [1905], p. 203) : 34. Les principes absolus, qui contiennent la totalité des conditions pour un conditionné donné, c'est-à-dire, au fond, qui contiennent l'inconditionné, ces principes sont l'œuvre d'une autre faculté que l'entendement. Kant les appelle idées transcendantales et les rapportent à la raison.
R. Verneaux, Les Sources cartésiennes et kantiennes de l'idéalisme fr., Paris, Beauchesne et fils, 1936, p. 365. 3. [Chez Hegel; p. oppos. à concept subjectif] Pensée absolue, objective, en soi, dont procèdent par développement dialectique la Nature et l'Esprit (d'apr. Foulq. 1971). La Nature est un moment de la vie de l'Idée, le moment où elle s'extériorise avant de s'intérioriser dans l'Esprit (E. Bréhier, Hist. de la philos., Paris, P.U.F., 1968 [1932], tome 2, fasc. 3, p. 660) : 35. L'Idée [it. ds le texte], catégorie dans et par laquelle le concept (de la subjectivité transcendantale) et l'objectivité (des « sciences ») se saisissent dans leur identité profonde et, du même coup, définissent liberté et rationalité comme étant des termes exactement interchangeables.
F. Chatelet, Hegel, Paris, Seuil, 1969, p. 102. B. − Objet d'une certaine connaissance; simple mode de la pensée. 1. [Chez Descartes et ses héritiers] Ce qui est conçu immédiatement par l'esprit. Idée adéquate, adventice, claire, confuse, distincte, factice, innée, obscure. L'idée est une détermination de la pensée; elle est donc le premier objet immédiatement connu (R. Verneaux, Les Sources cartésiennes et kantiennes de l'idéalisme fr., Paris, Beauchesne et fils, 1936p. 122) : 36. Il [Descartes] abandonne même le sens scolastique du mot idée (signifiant les archétypes éternels par lesquels Dieu pense les choses) pour désigner par idées les modes de la pensée humaine. L'idée est donc, chez Descartes, d'étoffe mentale.
F. Alquié, La Découverte métaphysique de l'homme chez Descartes, Paris, P.U.F., 1966 [1950], p. 203. 2. [Dér. de 1; p. oppos. à image] Idée ou Idée générale. Représentation intellectuelle, abstraite, générale, d'un objet. Synon. concept.Il y a deux manières de modifier une idée, savoir dans sa compréhension ou dans son extension (Destutt de Tr., Idéol. 2,1803, p. 104).V. abstrait ex. 3 et 4 : 37. Une idée générale est toujours une idée abstraite, et il n'existe pas d'idée abstraite qui ne soit abstraite d'une série d'expériences humaines.
Gaultier, Bovarysme,1902, p. 113. − [Le plus souvent suivi de de + subst.] L'idée d'éternité, d'homme, de justice, de mouvement, de nature, de puissance, de quantité, de substance. Il suffit d'analyser l'idée de cause dans ses usages contemporains pour voir combien elle conserve de traces de ses diversités originelles (Lalande, Raison et normes,1948, p. 58).V. amoral ex. 6. ♦ [Emploi didactique principalement dans les travaux universitaires] R. Folz, L'Idée d'empire en Occident du veau xivesiècle. Paris, Aubier, 1953. Cf. également supra I B ex. de Rivière. REM. 1. Idée-, premier terme de mots composés lié ou non au second terme par un trait d'union.a) Le second terme désigne
α) La nature ou l'élément moteur de l'idée. Je vous donne pour gage de ma foi, le spectacle inconnu au monde d'un roi acceptant le sacerdoce de l'époque nouvelle, apôtre armé de l'idée-peuple, architecte du temple de la Nation (Sand, Mél.,1843, p. 278).La république, votre foi, votre idée-patrie, puise une vie nouvelle dans vos tortures (Hugo, Actes et par. 2,1875, p. 52).
β) L'objet, la destination de l'idée, en partic., dans le vocab. de la publicité. Idées-vacances spéciales-zone-franc-tout-compris (Publicité Air-France ds Gilb.1971).Idée cadeau : peut-être pas totalement nouvelle mais vraiment jolie, une gourmette de bébé en or, à chaînette (Elle,4 déc. 1972, p. 136).b) Le second terme
α) Spécifie la nature ou le type particulier de l'idée. Le mot est cet être étrange : une idée-chose. Il possède à la fois l'impénétrabilité de la chose et la transparence de l'idée, l'inertie de la chose et la force agissante de l'idée (Sartre, Sit. I,1947, p. 221).En face d'un rêveur de pensées savantes, comme fut Robinet, qui organise ses idées-visions en système, un psychanalyste habitué à délier des complexes familiaux serait bien inopérant (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 113).V. éclair C ex. de Benda, Fr. byz., 1945, p. 245. En partic.Quant aux qualités premières des corps, parmi elles il en est une, savoir la figure, qui semble propre à être représentée par l'idée-image; et en effet il est certain que l'apparence visible, la figure des corps extérieurs placés devant nous, devant l'organe de la vision, se peint sur la rétine (Cousin, Hist. philos. xviiies., t. 2, 1829, p. 359).PHILOS., PSYCHOL. Cette unité indissoluble du penser et de l'agir est la loi psychologique d'importance capitale que nous résumons par le terme : idée-force. Tout état de conscience est idée en tant qu'enveloppant un discernement quelconque, et il est force en tant qu'enveloppant une préférence quelconque; si bien que toute force psychique est, en dernière analyse, un vouloir (A. Fouillée, La Psychol. des idées-forces, Paris, Alcan, tome 1, 1893, p. X).
β) Qualifie l'idée en précisant sa fonction. Arrêtons-nous donc au moins un moment, à examiner ce qui résulte de cette idée première dont toutes les autres suivent, de cette idée-principe dont nous ne pouvons que tirer des conséquences, de cette idée mère dont nous ne faisons que recueillir les productions (Destutt de Tr., Idéol. 3,1805, p. 497).L'idée-levier de ce charmant esprit? C'est de se faire installer une véranda à Vernon (Renard, Journal,1901, p. 644).Le cube à six faces égales est l'idée-limite par laquelle j'exprime la présence charnelle du cube qui est là, sous mes yeux, sous mes mains, dans son évidence perceptive (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 236).L'idée-clef de l'habitude, la règle eidétique qui commande toute enquête empirique, est que le vivant « apprend » par le temps (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 264). 2. Idéiste, adj. et subst.,domaine des B.-A. a) Adj. Dont le but est l'expression de l'idée (ou des idées). En exprimant le programme de la nouvelle école, dans un article célèbre du Mercure de France, Albert Aurier ne faisait autre chose que résumer Delacroix : « L'œuvre d'art, disait-il à son tour, sera idéiste, puisque son idéal unique sera l'expression de l'idée; symboliste puisqu'elle exprimera cette idée par des formes... » (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 269).b) Subst.
α) Subst. fém. École de peinture d'après laquelle l'œuvre d'art est ou doit être l'expression de l'idée (ou des idées). Ces deux (...) esthétiques rivales, la naturaliste et l'idéiste, l'une professant que l'extériorité des choses est, en elle-même, intéressante et suffisante à l'œuvre d'art; l'autre, l'idéiste, niant, au contraire, cela et ne voulant considérer les formes matérielles que comme les lettres d'un mystérieux alphabet naturel servant à écrire les idées, seules importantes, puisque l'art n'est qu'une matérialisation spontanée et harmonieuse des idées (J. Huret, Enquête sur l'évolution littéraire,1891, p. 131 ds Quem. DDL t. 13).
β) Subst. masc. Peintre représentant cette école. On annonce un nouveau Salon des Impressionnistes, (...), un des Symbolistes, et (...) celui des Idéistes (Le Journ. amusant,9 janv. 1892ds Quem. DDL t. 17). Prononc. et Orth. : [ide]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1119 idees « formes des choses présentes de toute éternité en Dieu » (Ph. de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 1523); 1370-72 ydee « archétype commun constituant la notion générale d'une espèce; notion intellectuelle préexistante d'un être ou d'un objet particulier » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 113); b) 1458 ydees « types, préexistant dans notre intention, d'une action que nous ferons plus tard » (A. Greban, Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 48); 1670 « projet, dessein » (Molière, Amants magnifiques, av.-pr.); 2. a) 1487 « forme ou image » (Vocabulaire latin-français, Loys Garbin, s.v. idea); b) 1552 « image d'un objet ou d'un être, telle que les sens la perçoivent » (Ronsard, Les Amours, 13 ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, IV, p. 30); c) 1564 « image de quelque chose ou de quelqu'un, telle que l'esprit la conserve dans le souvenir et se la représente par l'imagination » (Thierry); 3. a) 1583 « représentation, en tant qu'objet de pensée, d'un être ou d'une chose dans notre esprit, quelle que soit l'origine de cette représentation (Ph. Desportes, Elégies, éd. V. E. Graham, II, 5); b) 1656 « ensemble de pensées et de jugements appliqué à un ou plusieurs objets et constituant une opinion plus ou moins motivée » (Pascal, Provinciales, XIV ds
Œuvres compl., éd. L. Lafuma, p. 439b). B. a) 1616 par idee « de façon imaginaire » (A. d'Aubigné, Tragiques, éd. A. Garnier et J. Plattard, II, p. 86, 1178); b) 1643 en idée « id. » (P. Corneille, La suite du Menteur, II, 1). Du lat. idea « idée [de Platon], type de choses » en lat. tardif « forme visible » d'où 2, lui-même empr. au gr. ι
̓
δ
ε
́
α proprement « forme visible, aspect » d'où « forme distinctive, espèce », qui se rattache à ι
̓
δ
ε
ι
̃
ν (comme le lat. species à spectare), inf. aoriste2de ε
ι
̃
δ
ο
ν « voir »; pour l'hist. de ce mot v. FEW t. 4, pp. 532-535. Fréq. abs. littér. : 47 911. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 85 873, b) 59 538; xxes. : a) 61 944, b) 61 326. Bbg. Gohin 1903, p. 247, 336. - Meschonnic (H.). Essai sur le ch. lex. du mot idée. Cah. Lexicol. 1964, t. 5, pp. 57-68. - Quem. DDL t. 9, 12, 13, 17. - Sckomm. 1933, pp. 53-60 - Zumthor (P.). Pour une hist. du vocab. fr. des idées. Z. rom. Philol. 1956, t. 72, p. 350. |