| * Dans l'article "IDÉALISER,, verbe trans." IDÉALISER, verbe trans. Donner un caractère idéal à quelque chose ou quelqu'un. A. − [Correspond à idéal1A] Les philosophes les plus éminents se mirent (...) à chercher la solution de ce problème, l'accord de la perception avec la réalité (...) les uns, absorbant l'objet dans le sujet et idéalisant le monde, qui de la sorte était le rêve de l'esprit (Proudhon, Créat. ordre,1843, p. 308) : 1. Si (...) après avoir idéalisé son être véritable, après en avoir fait un signe, elle eût su ne le mettre aux prises qu'avec d'autres signes également imaginés par elle, si elle se fût gardée de le commettre avec la réalité commune, MmeBovary eût pu être quelque grande mystique...
Gaultier, Bovarysme,1902, p. 31. B. − [Correspond à idéal1B] C'était, comme idéalisée par un poète mystique, une de ces adorables figures qui sourient si doucement dans les toiles de Greuze (Murger, Scènes vie jeun.,1851, p. 85).La douleur est si sainte qu'elle idéalise ou magnifie les plus misérables êtres (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 72).V. agrandir ex. 13 : 2. Quel droit ai-je (...) à commencer avec lui une vie intime qui finira en désappointement quand il découvrira combien je suis inférieure à l'idée qu'a formée de moi son imagination surchauffée? Je ne suis qu'une humble jeune fille, très semblable à toutes les autres. Il m'a idéalisée. Il serait bien surpris s'il me connaissait telle que je suis.
Maurois, Ariel,1923, p. 32. − Emploi abs. Il faut être à Paris pour raconter Munich, (...) le souvenir idéalise (Gide, Corresp. [avec Valéry], 1892, p. 151).Les critiques du temps [contre Manet] portent exclusivement sur ces points : on lui reproche de « ne pas idéaliser », de peindre des sujets « bas », et de faire « une peinture dure, blafarde ou noire, d'effet sinistre » (Mauclair, Maîtres impressionn.,1923, p. 46). − Emploi pronom. réfl. Ils s'étaient menti à eux-mêmes; ils avaient voulu s'idéaliser (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 395) : 3. ... il [Bonaparte] ne songeait point à s'idéaliser, et ne composait point son personnage de manière à réaliser les plus belles conceptions philosophiques; il était lui, lui-même mis au dehors.
Vigny, Serv. et grand. milit.,1835, p. 165. − Emploi pronom. à valeur réciproque : 4. ... ils parvenaient à façonner avec quelques bribes de souvenirs médiocres une image merveilleuse d'eux-mêmes et de leur amitié. Après s'être idéalisés toute la semaine, ils se revoyaient le dimanche; et, malgré la disproportion qu'il y avait entre la vérité et leur illusion, ils s'habituaient à ne la point remarquer.
Rolland, J.-Chr., Matin, 1904, p. 159. − Emploi pronom. à valeur passive. [Dans un portrait] tout le reste de la tête, noyé et comme vaporisé dans une ombre bleuâtre qui ressemblait à la lueur d'un clair de lune allemand, se fondait, s'évanouissait, s'idéalisait, comme le souvenir d'un rêve (Gautier, Portraits contemp., Ary Scheffer, Paris, Charpentier, 1858 [1874], p. 307). Rem. 1. Idéalisable, adj.Que l'on peut idéaliser. Cet art [la danse] (...) offre avec tant d'évidence (...) le premier moyen d'expression animée, et jusqu'à un certain point idéalisable, de nos sentiments individuels ou sociaux (Comte,Philos. posit.,t. 5,1839-42,p. 124). 2. Idéalisant, -ante, part. prés. adj.Qui idéalise. Près de la fontaine (de Narcisse) prend ainsi naissance un narcissisme idéalisant dont nous voudrions marquer d'un trait rapide l'importance pour une psychologie de l'imagination (Bachelard,L'Eau et les rêves,Paris, José Corti,1942,p. 34). 3. Idéalisateur, -trice, adj. et subst.a) Adj. Qui idéalise. Tel artiste allemand ou anglais est plus ou moins propre au comique absolu, et en même temps, il est plus ou moins idéalisateur (Baudel.,Curios. esthét.,1867,p. 176).J'ai constaté en moi la tendance idéalisatrice, qui empêche de s'arrêter dans la ligne du vrai, et qui trompe toujours en plus ou en moins (Amiel,Journal,1866,p. 374).b) Subst. Celui, celle qui idéalise. Un puissant idéalisateur (Lar. 19e-Lar. 20e). Un idéalisateur du passé (Rob.). 4. Idéalisé, -ée, part. passé adj. (sans variation de sens).Il la voyait (...) idéalisée et plus belle qu'elle ne lui sembla jamais (Huysmans,Marthe,1876,p. 83).Les mythes qui enchantèrent, aux temps lointains, les races aryennes de la Méditerranée, ont suggéré aux artistes, à travers les âges, les formes où ils exprimèrent une humanité idéalisée (Nolhac,Boucher,1907,p. 7).Millet, Rousseau vont bien chercher leurs motifs en pleins champs, en pleine lumière, mais ils se bornent à prendre des croquis, rentrent chez eux et maçonnent dans le jour triste d'une chaumière ou sous la lampe, leurs géorgiques chrétiennes et leurs chênes idéalisés (Faure,Hist. art,1921,p. 193). Prononc. et Orth. : [idealize]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. a) 1795 idéaliser « rendre conforme à une perfection immatérielle » (A. L. de Villeterque, Veillées philosophiques ds Mercier, Néol.); b) 1828 idéalisé « porté à un type de perfection immatérielle » (Guizot, Hist. civilisation, leçon 2, p. 34). Dér. de idéal1*; suff. -iser*. Fréq. abs. littér. : 101. |