| * Dans l'article "HUMIDE,, adj." HUMIDE, adj. A. − Vx et poét. 1. Qui est de la nature de l'eau. Le nageur succombe Et se sent engloutir dans son humide tombe (Dumas père, Hamlet,1848, I, 5, p. 178).Un faune attentif, sur le prochain rameau, Entrouvre la feuillée épaisse, Et voit, tout enlacé d'une humide caresse, Ce corps souple briller sous l'eau (Leconte de Lisle, Poèmes ant., 1852, p. 208). − En partic. L'élément humide, l'humide élément. L'eau, la mer, l'océan. Ô caps voluptueux qui courez mollement Vous plonger tout du long dans l'humide élément (M. de Guérin, Poésies,1839, p. 109).Au commencement tout était ténèbres et l'élément humide s'étendait sur le néant (Du Camp, Mém. suic., 1853, p. 258) : 1. La lune est dans le ciel, et le ciel est sans voile; (...)
À sa clarté tremblotante et tendre,
L'œil qu'elle attire aime à descendre
Les molles pentes des coteaux, (...)
À travers l'ombre opaque et noire
Des hauts cyprès du promontoire,
Il voit sur l'humide élément
Chaque flot où sa lueur nage,
Rouler, en mourant sur la plage,
Une écume, un gémissement.
Lamart., Harm., 1830, p. 324. Rem. On relève a) Également dans ce sens un certain nombre de périphrases comme les plaines humides, l'humide empire, l'humide séjour, etc. Je disois aux tritons, aux jeunes néréides, De pousser mon vaisseau sur les plaines humides (Delille, Imag., t. 2, 1806, p. 137). b) Un emploi p. iron. Ne sens-tu pas que tout se dissout maintenant par le relâchement, par l'élément humide, par les larmes, par le bavardage, par le laitage. La littérature contemporaine est noyée (Flaub., Corresp., 1857, p. 12). − Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Et ma Muse prendrait passage Sur une vague molle et sage, (...) S'enfonçant au loin dans l'humide, Puis revenant raser l'aride (M. de Guérin, Poésies, 1839, p. 123). ♦ En partic. Un des quatre principes actifs d'Aristote (le chaud, le froid, le sec et l'humide). Les harmonies du chaud et du froid, du sec et de l'humide, existent dans chaque partie du globe dans des saisons différentes (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 137).Thalès, le premier physicien et le premier philosophe, disait que tout est né de l'humide (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 208). ♦ MÉD. ANC. L'humide radical. Fluide unique supposé être le principe de vie de tous les être organisés. (Dict. xixeet xxes.). 2. Qui a trait à l'eau, qui appartient à l'eau. Synon. aquatique.D'hyménée (...) les humides Tritons Sur leurs conques d'azur répètent les chansons (Chénier, Bucoliques, 1794, p. 50). B. − Imprégné d'eau, de liquide, de vapeur. 1. [En parlant d'une chose matérielle] Ciel humide. La mélancolie des pâturages humides, à demi voilés de molles et traînantes vapeurs (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 443).Le bureau de la rédaction, qu'ils avaient installé dans une petite boutique humide et sombre, avec des lampes électriques toute la journée (Nizan, Conspir., 1938, p. 34). Rem. Humide dit moins que trempé ou mouillé, il connote souvent l'idée de suintement, de persistance (supra ex 2). − Loc. La paille humide des cachots. La prison. L'ami Hamard a passé vingt-quatre heures en prison (...) il pourrissait sur la paille humide des cachots et étudiait les lois dans ce séjour où l'on met ceux qui y contreviennent (Flaub., Corresp., 1845, p. 143).Je danse sur la paille humide des cachots (Verlaine,
Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 358). − [Avec un compl. prép. introd. par de désignant qqc. qui mouille] La terre des champs était molle et froide, encore humide des pluies récentes (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 39).Les trottoirs du Cours de l'Intendance, humides de brouillard, luisaient (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 286).Un soleil doré sur les pavés gras, humides d'une récente averse, l'éclat de la pierre mouillée (Gracq, Beau tén., 1945, p. 94). SYNT. Argile, bois, sable, terrain humide; cachot, cave, coin, cour, vestibule humide; des murs humides; herbe, mousse, feuille humide; prés, prairies humides; éponge, serviette, vêtements humides; humide de rosée, de brouillard; humide et frais; froid et humide. 2. [En parlant d'une partie du corps] Front humide de sueur; joues, yeux humides de larmes; passer une langue humide sur ses lèvres. Il éprouvait le contact de sa main humide (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 261).Latouche (...) s'arrêtant entre deux phrases pour boire une gorgée de café et passer sa main sur sa grosse moustache humide (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 127).D'un pouce lent, sensible, humide de salive, ayant pris connaissance du taillant, il continua tranquillement à affûter la faux (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 45). − En partic. [Avec un compl. prép. introd. par de; désignant un sentiment, le désir amoureux] Bouche, lèvres humides de désir; œil humide de joie, de reconnaissance. Elle se tourna vers son amie, les yeux humides d'attendrissement (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 1024). ♦ [Avec effacement du compl. prép.] Le peintre reçut une secousse dans l'échine et il fixa, à son tour, sa maîtresse, avec des lèvres humides et des yeux goulus (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 319).Il penche une bouche d'amant sur cette bouche humide, entrouverte, qui attend sans savoir quoi (Martin du G., Thib., Sorell., 1928, p. 1186) : 2. Jacques se penchait de tout près sur ce visage, ces dents, ces lèvres humides, image même du désir sans nuances, sauvegardé seulement de la vulgarité par la touche noble de sa matité somptueuse − cette carnation victorieuse qui résistait à la lourde fatigue de quatre heures du matin. Elle riait tout près de ses lèvres, d'un rire provocant, à peine réprimé, à le sentir contre elle trembler de désir.
Gracq, Beau tén., 1945, p. 167. ♦ P. méton. [En parlant du regard] Oh! monsieur, dit Victorine en jetant un regard à la fois humide et brûlant à Vautrin, qui ne s'en émut pas (Balzac, Goriot,1835, p. 54).Elle rougit de contentement et l'en remercia, d'un regard humide de reconnaissance (Rolland, J.-Chr., Matin, 1904, p. 195). Rem. Humide connotant dans ces emplois le désir, la passion amoureuse, on relève le syntagme feu humide. Elle était toujours exquise et belle, il adorait le feu humide de son doux regard (Flaub., 1reÉduc. sent., 1845, p. 121). Pierre rougit, ses yeux brillèrent d'un feu humide (Genevoix, Marcheloup, 1934, p. 175). 3. [En parlant de l'air, du temps, d'une sensation] Le médecin habitait rarement cette pièce, qui exhalait l'odeur humide des salles toujours fermées (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 54).La fraîcheur humide de l'air était plus intense, plus pénétrante que du vrai froid (Loti, Pêch. Isl., 1886, p. 11).Par l'ouverture, Laure reçut au visage l'odeur humide de la nuit (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 2). − En partic. [En parlant d'un climat] Qui comporte de nombreuses et abondantes précipitations. Un climat humide et chaud. Un climat humide où l'été même a parfois de longues pluies (Michelet, Insecte, 1857, p. 297). − Emploi subst. Humidité atmosphérique. J'ai dans ma vigne des grappes qui se couvrent de moisissure et qui n'ont échappé au soleil que pour périr à la pluie. − Hélas! (...) l'humide et le sec sont les deux ennemis du vigneron (A. France, Rôtisserie, 1893, p. 341).Les livres ont les mêmes ennemis que l'homme : le feu, l'humide, les bêtes, le temps : et leur propre contenu (Valéry, Tel quel I, 1941, p. 141) : 3. Causerie avec le président du Conseil d'état Camperio qui vante les gloria pour repousser l'effet de la pluie sur la santé. Le double feu de l'alcool et du café combattrait victorieusement l'invasion de l'humide.
Amiel, Journal,1866, p. 192. SYNT. Air, atmosphère humide; froid, chaleur humide; haleine, souffle, vent humide; temps froid et humide. REM. 1. Humidement, adv.Dans un lieu humide. Être logé humidement (Ac.). 2. Humidifuge, adj.Qui absorbe, neutralise l'humidité. Le mâchefer est humidifuge (Rob.). Prononc. et Orth. : [ymid]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. xives. humiz masc., humide fém., humitez masc. « qui tient de la nature de l'eau » (Moamin et Ghatrif, éd. H. Tjerneld, M. II, 17, 2 etc.; II, 78, 2 etc.; G. 39, 5); 1495 humide (J. de Vignay, Miroir hist. d'apr. Dauzat 1968); 1528 « chargé de vapeurs aqueuses » (Perceforest, vol. 1, fol. 1 vods Gdf. Compl.). Empr. au lat.humidus « humide, mouillé ». Fréq. abs. littér. : 2 755. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 210, b) 4 802; xxes. : a) 4 269, b) 2 982. |