| HUMANITÉ, subst. fém. I. − Au sing. A. − Caractère de ce qui ou de celui qui est humain. 1. [Correspond à humain I B] Ensemble des caractères spécifiques de la nature humaine. La divinité et l'humanité du Sauveur nous apparaissent également unies (Monod, Sermons, 1911, p. 296).Les seuls comportements humains qui s'éloignent de notre native humanité et qui la trahissent (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 194) : 1. ... vous autres, vous seuls, vous avez vu, vous avez touché, vous avez saisi ce corps humain dans son humanité, dans notre commune humanité, marchant et assis sur la terre commune...
Péguy, Myst. charité, 1910, p. 56. − En partic. [Avec une intention valorisatrice, p. oppos. aux espèces animales voisines] Cette lutte éternelle et indispensable entre notre humanité et notre animalité (Comte, Philos. posit., t. 1, 1839-42, p. 504). 2. [Correspond à humain I C 1] Caractère d'une personne (ou de son comportement) qui manifeste pleinement son appartenance au genre humain. Il y a chez ce faible roué, si dénué de caractère, une humanité qui est le secret de sa faiblesse (Mauriac, Bloc-notes, 1958, p. 172) : 2. C'est par ce côté, par le moyen de cette gesticulation précise qui se modifie avec les époques et qui actualise les sentiments que l'on peut retrouver la profonde humanité de leur théâtre.
Artaud, Théâtre et son double, 1939, p. 129. 3. [Correspond à humain I C 2] Bonté, bienveillance de l'homme pour ses semblables. Acte, œuvre d'humanité; manquer d'humanité. Les tortures et autres barbaries, contraires à l'humanité (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 267) : 3. Il est conforme d'autre part aux sentiments d'humanité et de bienveillance, fruits de l'adoucissement des mœurs, de ne pas punir des enfants innocents pour le crime de leur père.
Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 404. B. − Ensemble des hommes, du genre humain, parfois considéré comme constituant un tout, un être collectif. Il faut sauver l'humanité et la civilisation à tout prix (Renan, Avenir sc., 1890, p. 326) : 4. Qui dit homme dit humanité.
L'homme porte en lui l'humanité.
L'homme n'existe pas indépendamment de l'humanité.
Perfectionner l'homme, c'est perfectionner l'humanité.
Perfectionner l'humanité, c'est se perfectionner soi-même.
P. Leroux, Humanité, t. 1, 1840, p. 269. SYNT. Âge, amour, histoire, mémoire, origine, progrès de l'humanité; humanité douloureuse, souffrante; être au ban de l'humanité. II. − Au plur. A. − Formation scolaire où l'étude des langues et littératures latines et grecques, considérées comme particulièrement formatrices, est prépondérante. Dans tout le cours de ses humanités, Descartes fut un élève modèle (Valéry, Variété V, 1944, p. 212). − En partic. ,,Classes, dans les collèges et les lycées, comprenant l'enseignement au-dessus de la grammaire jusqu'à la philosophie exclusivement, et dites aujourd'hui classes de lettres`` (Littré). C'est qu'autrefois, la classe chic des humanités françaises était la classe de rhétorique, la classe des élèves promus à un grand avenir et des professeurs en vue (Goncourt, Journal,1891, p. 94). ♦ Faire, finir ses humanités. Quand j'eus fini mes humanités, mon père me laissa sous la tutelle de Monsieur Lepître (Balzac, Lys, 1836, p. 16) : 5. ... ils tiennent M. Zola en petite estime littéraire et le renvoient à l'école parce qu'il n'a pas fait de bonnes humanités et que peut-être il n'écrit pas toujours parfaitement bien.
Lemaitre, Contemp., 1885, p. 267. B. − Contenu de cet enseignement. Après avoir étudié les humanités chez les Jésuites de Dijon (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 89).Dans cinquante ans, il n'y aurait plus en France d'humanités latines (Goncourt, Journal, 1887, p. 659). − P. ext. [Dans d'autres domaines que dans les lang. et litt. class.] Humanités modernes et enseignements démocratiques ont été couplés comme deux termes corrélatifs (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 250). Prononc. et Orth. : [ymanite]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. 1119 humanitet « ensemble des caractères qui constituent la nature humaine » (Ph. de Thaon, Comput, 1553 ds DG); 2. ca 1170 humanited « sentiment de bienveillance, de compassion » (Rois, éd. E. R. Curtius, p. 113); 3. ca 1450 humanité « ensemble des hommes » (Mystère du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, t. 1, p. 54, 1318); 4. av. 1615 humanité « les lettres classiques » (E. Pasquier, Les Recherches de la France, éd. 1665, p. 343); 1671 au plur. (Pomey). Empr. au lat.humanitas, attesté aux sens 1 et 2, ainsi qu'au sens de « culture générale de l'esprit » dès l'époque class., dér. de humanus (humain*). Fréq. abs. littér. : 7 254. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 10 923, b) 8 113; xxes. : a) 13 097, b) 9 304. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 317. - Hus (A.). Doctor, doctrina et les mots de sens voisins en lat. class. R. Philol. Litt. Hist. anc. 1974, t. 48, no1, pp. 35-45. - Jan (E. von). Humanité. Z. fr. Spr. Lit. 1932, t. 55, pp. 1-66. - Launay (M.). Le Vocab. pol. de J.-J. Rousseau. Genève-Paris, 1977, pp. 115-116. - Maulnier (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp. 107-108. - Schalk (F.). Zur Bedeutungsgeschichte von humanité. N. Spr. 1932, t. 40, pp. 224-235. |