| HORRIBLE, adj. A. − 1. Qui provoque ou qui est de nature à provoquer une sensation d'horreur (v. ce mot I A 1) accompagné d'un recul. Synon. affreux (v. ce mot A), effroyable (v. ce mot A), épouvantable (v. ce mot A), terrifiant; anton. rassurant.L'ombre épaisse que projette l'horrible chevelure des géans, formée de noirs serpens (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 156).Il passa la corde autour du cou adorable de la jeune fille. La malheureuse enfant sentit l'horrible attouchement du chanvre (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 556).Un coup de tonnerre venait de foudroyer quelque arbre du voisinage, avec un horrible craquement (Zola, Dr Pascal,1893, p. 114) : 1. − Mourir! (...) la nuit si humide, si obscure, si redoutable partout; effrayante, horrible sous le dôme de nos basiliques où est promis le jour éternel!...
Nodier, Trilby,1822, p. 151. SYNT. Accidents, calamités, cataclysmes, catastrophes, chaos, chutes, ténèbres horribles; clameurs, cris, hurlements horribles; frayeur, frousse, panique, peur, terreur horrible; agonies, souffrances, tourments horribles; figure, forme, gueule horrible; horribles apparitions, cauchemars, évocations, histoires, scènes, songes, spectacles, tableaux, visions. − Littér. Qui inspire une horreur (v. ce mot I A 2) sacrée. Éclairée par les lueurs douces du couchant, elle resplendissait d'une horrible beauté (Balzac, Curé vill.,1839, p. 260).Le grand Margaritone mourut suffoqué par ce pressentiment horrible de la renaissance et de l'école de Bologne (A. France, Île ping.,1908, p. 153).D'un timbre de voix qui sonnait dans son cœur avec un horrible bonheur déchirant (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 399) : 2. le chœur :
D'où vient ce débordement et ce transport sacré
D'angoisse vaine?
À voix horrible et funeste,
Tu chantes sur une note aiguë ton lai...
Claudel, Agamemnon,1896, p. 895. 2. [Avec l'idée de vive réprobation morale] Qui suscite la répulsion, l'aversion, l'horreur (v. ce mot I B 1). Synon. abominable (v. ce mot I A), affreux (v. ce mot A 2), atroce (v. ce mot A), épouvantable (v. ce mot A), monstrueux.Aux clameurs des mourants, on voit courir le peuple ivre d'horrible joie (Lamart., Chute,1838, p. 1062).On me parle d'un horrible accouplement de Monselet et d'une carmélite (Goncourt, Journal,1854, p. 126) : 3. 18 février. ... La voix suprême de notre temps, celle qui fait taire tout amour, tout génie, toute conscience, c'est l'horrible aboiement du canon.
Green, Journal,1931, p. 42. SYNT. Esprits, physionomies horribles; actes, actions, desseins, mensonges horribles; atrocités, carnages, combats, crimes, cruautés, dépravations, forfaits, massacres, supplices horribles; horribles assassinats, meurtres; dévastations, fléaux, guerres, hordes horribles; détails, drames, événements, histoires, scènes horribles; horrible dégoût, douleur, haine, lâcheté; horribles assassins, canailles, gredins. − Horrible à + inf.Synon. affreux (à) (v. ce mot A 2).Chose horrible à dire, à penser, à voir. Cette maigre carcasse, qui vous montre les dents et vous fait la grimace horrible à regarder (Gautier, Comédie mort,1838, p. 23). − Horrible à + subst. (désignant une pers. ou ses attributs), rare.Horrible pour (quelqu'un). Plus un travail est horrible à l'âme, plus le salaire est fort; plus un travail est horrible au corps, plus le salaire est faible (Bloy, Journal,1907, p. 352). B. − P. ext. 1. Souvent p. hyperb. [Pour exprimer un jugement de valeur] Très mauvais, très désagréable, inquiétant. Synon. abominable (v. ce mot II), affreux (v. ce mot A 3 a), détestable, épouvantable (v. ce mot B 1), exécrable.Il eut alors un horrible accès de toux, de ces toux graves et sonores qui semblent sortir d'un cercueil (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 252).Ces petites sectes abritent aussi d'horribles charlatans et d'affreux hâbleurs (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 214).Cette horrible bière pâle qu'on fabrique à Saint-Étienne (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 229). SYNT. Chemin, journée, sécheresse, solitude, soif horrible; horrible(s) façons, manières, voix; désarroi, doute, idée, pensée, secret, soupçon horrible; horrible esclandre, scandale; être dans une situation horrible; avoir une existence, une vie horrible; avoir une mine, un teint horrible; horrible odeur, puanteur. − [En parlant de l'aspect de pers. ou de choses; correspond à horreur II B 2] Très laid. Synon. moche (pop.), vilain.Décoration, façade, mobilier horrible; horrible coiffure. Une espèce d'Astolphe horrible emporté sur un prodigieux hippogriffe de bronze vivant (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 183).Un horrible chapeau de soie à quatorze francs (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 3) : 4. Un peu plus tard, elle soupira : − Je suis sûre d'être affreuse. − Horrible! dit Justin, qui se pencha vers elle et voulut l'embrasser. Mais elle se dégagea...
Arland, Ordre,1929, p. 221. 2. [L'idée superl. seule subsiste] Extrême, extraordinaire, excessif (en grandeur, en quantité, en intensité). Synon. effroyable (v. ce mot C), épouvantable (v. ce mot B 2), terrible.Chaleur horrible. La végétation meurt et les bêtes agonisent (Bloy, Journal,1906, p. 316) : 5. Mais, hélas! nous avons peur d'avance du mal de mer, en voyant l'énorme mer et l'horrible mistral qui ne cesse de souffler depuis huit jours. Priez pour nous, vous qui n'entendez le vent que sous vos tilleuls!
Lamart., Corresp.,1832, p. 287. SYNT. Choc, cohue, désordre horrible; clameurs, fracas, tintamarre, vacarme horrible(s); agitation, confusion, débauche, énergie, excitation, vitesse horrible; horribles difficultés, encombrements; horrible curiosité, envie, tentation. C. − Emplois affectifs de la lang. surtout parlée 1. Constr. impers. emphatique. C'est horrible, il est horrible de. C'est/il est affreux, épouvantable, terrible de. Il est bien plus horrible encore d'être opprimé par eux (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 322).C'était horrible au bon Dieu (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 446). 2. Emploi subst. à valeur de neutre. L'horrible et l'abject se disputent la préséance (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 98).Car c'est bien là l'horrible de la chose, mon petit Mainville (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 951). Prononc. et Orth. : [ɔ
ʀibl̥]. [ɔ
ʀ
ʀi-] affectif. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Début xiies. « qui provoque un frisson d'horreur » (Benedeit, S. Brendan, 1337 ds T.-L.), p. exagér. 1534 « très grand, énorme » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder et V.L. Screech, XXXVI, 35); 1672 « détestable, mauvais » (Molière, Femmes savantes, II, 6). Empr. au lat.horribilis « qui fait horreur, horrible, effrayant; (en bonne part) étonnant, surprenant ». Fréq. abs. littér. : 4 178. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 724, b) 7 446; xxes. : a) 6 078, b) 3 531. Bbg. Darm. 1877, p. 76. |