| HORLOGE, subst. fém. A. − Tout appareil ou dispositif permettant de mesurer le temps et d'indiquer l'heure par comparaison à un phénomène périodique. 1. Appareil, généralement de grande dimension, muni ou non d'une sonnerie, placé le plus souvent de manière à être visible de tout le monde (notamment dans les lieux publics), destiné à mesurer le temps et/ou à indiquer les heures. L'horloge frappe, marque minuit; huit heures sonnent à l'horloge. Enfin il arriva en courant; toutes les horloges des églises sur la route sonnaient minuit; les cloches avaient l'air de rire de lui (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 254).Le temps que nos horloges divisent en parcelles égales (...) est une grandeur mesurable, et par conséquent homogène (Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 90) : 1. Tout à coup une absurde image me vient. Celle des horloges en panne. De toutes les horloges en panne. Horloges des églises de village. Horloges des gares. Pendules de cheminée des maisons vides. Et, dans cette devanture d'horloger enfui, cet ossuaire de pendules mortes. La guerre... On ne remonte plus les pendules.
Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 268. ♦ Horloge astronomique. Horloge mécanique indiquant non seulement les heures et les minutes mais également le jour, le mois, les phases de la lune, la position des planètes, le signe du zodiaque, le lever et le coucher du soleil (d'apr. Astron. 1973). Je n'ai pu voir l'horloge astronomique [de la cathédrale de Strasbourg] qui est dans la nef, et qui est un charmant petit édifice du seizième siècle. On est en train de la restaurer, et elle est recouverte d'une chemise en planches (Hugo, Rhin,1842, p. 356).L'horloge astronomique n'a d'importance que parce que nous habitons la Terre et que notre vie est réglée par les levers et les couchers du Soleil. Mais elle n'a pas de valeur absolue en soi (Géo,déc. 1979, no10, p. 48). ♦ Horloge atomique. Horloge dans laquelle la mesure du temps est fondée sur la fréquence d'un oscillateur à quartz contrôlée par un phénomène de résonance atomique. C'est à Brunswick, (R.F.A.), que se trouve le principal laboratoire européen spécialisé dans la mesure du temps. Dans un blockhaus tapissé de plaques de cuivre, pour la protéger des rayonnements de l'atmosphère, est logée l'horloge atomique la plus précise du monde (Géo,déc. 1979, no10, p. 51). ♦ Horloge électrique. Horloge dont le mouvement est produit, entretenu ou réglé par l'énergie électrique (d'apr. Lar. 19e; dict. xixeet xxes.). ♦ Horloge électronique ou à quartz. ,,Horloge réglée par un quartz dont les oscillations sont entretenues électriquement et la fréquence démultipliée par des moyens appropriés`` (Lar. encyclop.). La stabilisation par un quartz piézoélectrique, apparue à la suite des travaux de Cady et de Marrison, permet de réaliser des horloges susceptibles d'apprécier une journée à quelque cent millièmes de seconde près (...). Malheureusement, les horloges à quartz présentent une dérive importante sur un grand intervalle de temps (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 297).Les horloges à quartz dérivent de moins d'un dix millième de seconde par jour en un mois (Astron.1973). ♦ Horloge mécanique. Horloge dont l'élément moteur est un poids ou un ressort enroulé et le régulateur un pendule ou un balancier à ressort spiral. Des documents authentiques existent, qui font mention de l'existence d'horloges mécaniques et publiques à sonneries dès 1336 à Milan (P. Vitoux, L'Horlogerie, Paris, France-Empire, 1962, pp. 18-19). − En partic. ♦ Horloge à équation. Horloge marquant à la fois le temps vrai et le temps moyen. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Horloge mère ou principale. Appareil central électrique, qui, dans un réseau horaire, a la charge d'émettre à intervalles égaux les impulsions de courant électrique motrices et de les transmettre par l'intermédiaire des lignes de liaison aux horloges et appareils récepteurs (d'apr. Guyot 1953). ♦ Horloge parlante. Horloge donnant l'heure cinq fois par minute sur appel téléphonique ou par radio. L'horloge parlante de l'Observatoire de Paris donne des « tops » qui sont de valeur scientifique; ils sont à l'heure à un centième de seconde près (Muller1966) : 2. L'heure exacte est maintenant à la portée de tous, que ce soit par la montre de chacun, déjà assez précise, ou par l'horloge parlante reçue par téléphone ou par radio...
Decaux, Mesure temps,1959, p. 52. SYNT. a) Avancer, retarder une horloge; consulter l'horloge; l'horloge avance, bat, marche, retarde; l'horloge est arrêtée; b) aiguille(s), cadran, caisse, coucou, marteau, mouvement, sonnerie d'une horloge; c) horloge de clocher, de paroi, de plancher, de table; horloge monumentale, murale; d) l'horloge de la mairie, de l'Observatoire, du Palais, du Parlement, de la place, du Sénat; horloge de cuisine, de salon; la tour de l'horloge; horloge marine; horloge horodatrice; e) horloge moléculaire, nucléaire. ♦ ÉLECTRON., INFORMAT. Génératrice d'impulsions sur lesquelles se règlent les différentes activités d'un système électronique ou informatique. Dans un système de transmission de données, l'horloge est utilisée comme base de temps pour commander le rythme de certaines fonctions comme la fixation de la durée des signaux, leur échantillonnage, etc. (Le Garff1975). − P. ext. Horloge à poids et à balancier enfermée dans une caisse. Une vieille horloge; une horloge comtoise. Contre la maie de merisier, l'horloge dans sa gaine hausse son cadran fleuri; son balancier, derrière une vitre ronde, passe et repasse comme un soleil dans l'ombre (Genevoix, Raboliot,1925, p. 313).À la place de la console, il y avait l'ancienne horloge de chêne de l'antichambre de père (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 818) : 3. Ils reprenaient la conversation où ils l'avaient laissée il y avait vingt-cinq ans; on aurait cru que c'était celle de la veille; c'étaient les anecdotes de la ruelle et du boudoir, l'amant caché dans une grande horloge...
Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 161. − Loc. diverses ♦ Monter, remonter une horloge. Tendre les ressorts ou hausser les poids d'une horloge : 4. Elle essaie de grimper sur une chaise pour remonter sa vieille horloge. Ça ne lui sert à rien, car elle est sourde et ne peut plus lever la tête pour regarder l'heure...
Renard, Journal,1904, p. 917. P. métaph. Je ne peux plus dormir. Je n'en éprouve aucune fatigue. Une fois que mon horloge est remontée, elle va longtemps; mais il ne faut pas qu'on l'arrête (Flaub., Corresp.,1852, p. 370).♦ Régler une horloge. Mettre une horloge à l'heure du soleil; en corriger les variations. Je me dépêchai de régler l'horloge et de m'en aller, car, de voir ce pauvre vieux dans une telle désolation, cela me déchirait le cœur (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 36) : 5. C'est un homme calme, méticuleux. Les ménagères qui se lèvent tôt peuvent régler leur horloge sur l'heure de son passage. Il rentre chez lui sans bruit, vers six heures vingt.
Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 89. Au fig., fam. (Être) réglé comme une horloge; être une horloge. (Être) régulier dans son rythme, ses habitudes, ses actes. Exactitude, ponctualité, une régularité d'horloge; une existence d'horloge. Ils menaient une vie d'horloge, tenant à leurs habitudes avec un entêtement de gens parfaitement heureux qui redoutent la moindre secousse (Zola, M. Férat,1868, p. 111).Quant à la mère, elle est réglée comme une horloge; elle descend le matin, à sept heures, pour faire ses provisions (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 920).Les semaines passaient, réglées comme une horloge, et l'on n'aurait pu dire à quoi elles passaient (Pourrat, Gaspard,1925, p. 104).V. étape ex. 4.♦ Heure* d'horloge. − [L'horloge personnifiée, considérée comme symbole du temps] Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi! (...) » (Baudel., Fl. du Mal, L'Horloge, 1861, p. 139). Rem. Autrefois du genre masc., encore attesté au xixes. en partic. chez Stendhal et Hugo. Le Gros horloge désigne l'horloge de la ville. Pie VI l'a gâtée [la nef du midi, à Saint-Pierre] en y faisant placer deux horloges, l'un français et l'autre italien (qui, au coucher du soleil marque toujours vingt-quatre heures) (Stendhal, Prom. ds Rome, t. 1, 1829, p. 162). À sept heures, vu M. Gueswiller; à huit heures, chez Chéruel. Vitraux. Rue du Gros-horloge (Michelet, Journal, 1842, p. 409). Il y a là [à Cambrai] (...) un hôtel de ville classique et ignoble coiffé d'un gros horloge que les naturels du pays vous montrent avec orgueil (Hugo, Fr. et Belg., 1885, p. 80). Survit actuellement, p. ex. dans le Gros Horloge de Rouen. 2. Vieilli. Tout moyen non mécanique d'indiquer l'heure. a) Appareil ou dispositif. − Appareil de mesure du temps dont le principe est la vitesse d'écoulement d'une substance fluide d'un récipient dans un autre. ♦ Horloge à/d'eau ou horloge hydraulique. Synon. clepsydre.Les horloges hydrauliques permettent de mesurer une certaine fraction de temps, par l'écoulement d'une quantité déterminée de liquide (Lavedan1964) : 6. Les limitations d'emploi du gnomon et l'incommodité de la division de journées inégales en un nombre constant d'heures ont conduit les Anciens à rechercher d'autres moyens de mesure du temps. La clepsydre, horloge à eau (...), fut l'un de ces premiers instruments.
P. Pamart, La Mesure du temps, une grande histoire ds Vie et lang., 1971, no230, p. 251. ♦ Horloge (à/de sable). Synon. de sablier; p. méton. temps écoulé pendant que le sablier vide une de ses ampoules.[Parmi les instruments d'Astronomie employés au cours du voyage des découvertes] plusieurs horloges de sable, d'une demi-heure, et d'une demi-minute (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 248).Sa vie [de Gobseck] s'écoulait (...) sans faire plus de bruit que le sable d'une horloge antique (Balzac, Gobseck,1830, p. 384). − Tout dispositif qui permet de déterminer l'heure du jour en observant la direction de l'ombre projetée par un objet exposé à la lumière du soleil. Horloge solaire ou au soleil. La construction des horloges solaires et des horloges hydrauliques amena un changement dans la notation des heures (Lavedan1964) : 7. ... lorsque vous voyez de loin, sur la place de Saint-Pierre, l'obélisque projeter son ombre sur le méridien tracé à sa base, cette aiguille colossale d'une colossale horloge solaire semble marquer silencieusement l'heure de l'éternité dans la ville éternelle.
Quinet, All. et Ital.,1836, p. 189. b) BOT. Horloge de Flore ou horloge botanique. Table des heures du jour établie d'après l'ordre d'épanouissement des fleurs. L'horloge de Flore n'est (...) pas tout-à-fait sans reproche, et nous paraît beaucoup plus ingénieuse en théorie qu'exacte en réalité (Brard1838) : 8. Linnée [sic] avait déjà entrevu les rapports des pétales avec la présence et l'absence du soleil. Il avait observé que plusieurs d'entre elles [des fleurs] s'ouvraient et se fermaient à différentes heures du jour, telles que celles du pissenlit, de la chicorée sauvage, et que la plupart se fermaient à l'entrée de la nuit : il en avait formé une horloge botanique.
Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 63. 3. P. métaph. ou au fig. Ce qui rend sensible (ou ce qui règle) le déroulement du temps; mécanisme délicat, complexe ou parfait. Les battements du sang dans les artères sont une étrange horloge qu'on ne sent vibrer que la nuit (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 142).Elles [les abeilles] sont l'âme de l'été, l'horloge des minutes d'abondance (Maeterl., Vie abeilles,1901, p. 51) : 9. Il y a une loi probablement, un ordre absolu sur nos têtes, quelque horloge vigilante et infaillible des astres et des mondes.
Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 106. − Arg. La petite horloge. Le cœur. Fais gaffe à ta petite horloge, mec! Tu vas l'user à sabrer toutes ces sœurs (Le BretonArgot1975). − [P. allus. littér. à Voltaire, Satires, Les Cabales, vers 111-112] Le monde créé et ordonné par Dieu. V. horloger ex. 2. B. − P. anal. 1. BIOL. Horloge interne ou horloge biologique. ,,Mécanisme physiologique existant aussi bien chez les végétaux que chez les animaux, grâce auquel les êtres vivants paraissent avoir une connaissance de l'heure et la possibilité de se repérer dans le temps, même si les repères normaux de luminosité diurne et nocturne leur font défaut`` (Méd. Biol. t. 2 1971) : 10. Bien qu'on ne sache pas la nature exacte de ces mécanismes appelés « horloges internes », on est déjà parvenu à les arrêter ou à les retarder. Le froid peut arrêter l'horloge interne de l'abeille.
Biol.t. 21970. 2. ENTOMOL. Horloge-de-mort ou horloge de la mort. Insecte vivant dans le bois vermoulu, qui en frappant sa tête et son corselet contre la paroi de ses galeries, produit un bruit régulier, analogue à celui de l'horloge. J'entendais des tics-tacs, des craquements brefs du bois et des murs. Sans doute des horloges-de-mort (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 295) : 11. Toutes sortes de petits bruits inexplicables s'y produisent inopinément [dans les châteaux anciens inhabités]. Un meuble craque, l'horloge de la mort frappe ses coups secs contre la boiserie...
Gautier, Fracasse,1863, p. 391. Prononc. et Orth. : [ɔ
ʀlɔ:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 oriloge « dispositif indiquant l'heure » (ici, avec le soleil) (Rois, éd. E. R. Curtius, IV, XX, 9); ca 1170-80 orloge (G. de St-Pair, Mont St Michel, 2527, éd. P. Redlich, p. 58, 27); ca 1230 spéc. « appareil muni d'un mécanisme pour indiquer l'heure au moyen d'un signal sonore » (G. de Montreuil, Perceval, éd. M. Williams, 68 : unes orloges Sonent si cler et si tres haut); xves. horloge (Evrart de Conty, Trad. Problèmes d'Aristote, Bibl. nat. fr. 210, fo214d ds Gdf. Compl.); 1547 une heure d'horologe « longtemps » (N. Du Fail, Propos rustiques, chap. 10, p. 78 ds Hug.); 2. xves. p. anal. « ce qui règle ou régularise quelque chose » (L'orloge de sapience, Ms. Maz. 923 ds Gdf. Compl.). Du lat. horologium, lui-même empr. au gr. ω
̔
ρ
ο
λ
ο
́
γ
ι
ο
ν signifiant proprement « ce qui dit l'heure » et désignant des instruments donnant l'heure, comme le cadran solaire ou l'horloge à eau. D'abord masc. en a. fr., le fém. est apparu au xiiies. pour ne s'imposer qu'au xviies. dans la lang. gén., tandis que le masc. survit dans quelques parlers (cf. FEW t. 4, p. 483b). Fréq. abs. littér. : 1 133. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 415, b) 1 778; xxes. : a) 2 113, b) 1 386. Bbg. Guiraud (P.). Le Jargon de la Coquille. Cah. Lexicol. 1967, t. 11, p. 51. - Sain. Arg. 1972 [1907], p. 92. |