| HONORABLE, adj. A. − [Avec l'idée de possibilité passive] 1. [En parlant d'une pers.] a) Qui par sa conduite, ses actions conformes à une norme valorisée socialement est digne d'estime, de considération, de respect. Synon. estimable, respectable.Gens, mari, commerçant, parents honorable(s). On disait que le duc, charmant et très honorable, n'avait pas voulu, « à cause des histoires de sa femme » (...) continuer à habiter Paris (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 238).D'ordinaire, je ne suis pas très « Marseillaise ». Je trouve toujours assez drolatique de voir d'honorables bourgeois se mettre sur leurs fumerons et retirer leur huit-reflets pour entendre exécuter un hymne révolutionnaire (Duhamel, Maîtres,1937, p. 225).Je passais pour riche; mais ma famille était provinciale et honorable sans plus (Mauriac, Pharis.,1941, p. 283). ♦ Homme honorable. Homme probe, honnête. Je préfère me marier tout de suite avec le premier qui demandera ma main, avec le premier homme honorable, s'entend, fût-il plus âgé que moi (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 456). − [Avec une connotation sexuelle] Pour les Chantal, toute la partie de Paris située de l'autre côté de la Seine constitue les quartiers neufs, quartiers habités par une population (...) peu honorable, qui passe les jours en dissipations, les nuits en fêtes (Maupass., Contes et nouv., t. 2, MllePerle, 1886, p. 627). ♦ En partic. [En parlant d'une femme] Dont la conduite sexuelle est conforme à une norme valorisant la chasteté, la fidélité pour les femmes mariées et les fixant dans un rôle de mère et d'épouse. Tu en as déjà assez d'être honorable? d'avoir une situation assise, une famille, un foyer? (Achard, J. de la Lune,1929, III, 1, p. 24).Savoir comment une mère et une honorable épouse se conduisant tout d'un coup comme une sacrée roulure retirée des affaires a pu causer le meurtre de son enfant! (Camus, Requiem,1956, 1repart., 3etabl., p. 855) : 1. Elle était petite, potelée (...). Elle avait un curieux visage d'ange joufflu. Aussi Gilbert était-il surpris (...) en remarquant certains de ses regards, chauds et sournois. Mais comme il ne connaissait guère que des prostituées, il ne douta pas que la jeune fille fût fort honorable.
Arland, Ordre,1929, p. 154. b) Honorable + subst. (désignant une pers., une fonction sociale). − HIST. Honorable homme. [Titre donné aux notables bourgeois, en particulier dans les actes publics] L'histoire littéraire a bien soin de remarquer que le père de Régnier était qualifié honorable homme, titre qui dans ce temps ne se donnait qu'aux plus notables bourgeois (Sand, Quest. art et litt.,1876, p. 135). ♦ Mod., plais. Honorable compagnie. Saluer l'honorable compagnie (Lar. Lang. fr.). − [Qualification de politesse dont les députés, les parlementaires se gratifient] Honorable député, parlementaire. L'une des premières propositions que le trio démagogue fit à la tribune, ce fut de supprimer l'appellation d'honorable membre, dont on avait coutume de se servir comme en Angleterre (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 362). « (...) j'ai assez de philosophie pour ne jamais dire à l'honorable M. Cornille-Lalouze : Regardez qui vous applaudit! » (...) Cet homme gras et déplaisant (...), envoyé à la Chambre par une circonscription pauvre et sensible aux bienfaits, était peu sympathique à ses collègues (De Vogüé, Morts,1899, p. 7). ♦ Emploi subst., vx. Membre de la Chambre des députés. Une foule d'honorables quittent leurs bancs pour assiéger celui des ministres (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1831, p. 336).Les honorables que nous avons vus à la dernière Chambre des députés (...) se faisant grande violence pour se mettre en avant; mais se mettant en avant pourtant, et de la façon la plus effrontée (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 418).P. ext. Personne célèbre, ayant une grande renommée. Pour caractériser la mise en scène de ces deux honorables on dira : Proust, c'est un cornélien, mais Béral se reporte au vieux génie des farces (Barrès, Leurs fig.,1901, p. 129). − P. ext. [Dénomination marquant de la déférence, du respect] Honorable orateur, membre. Mon honorable contradicteur vous a tracé de Lagoupille une silhouette quelque peu flatteuse (Courteline, Client sér.,1897, 3, p. 71).P. plaisant. Je vais vous conduire immédiatement auprès de M. Koupriane. Sera enchanté. − Moi aussi, fait Rouletabille, qui remet un rouble dans la main de l'honorable fonctionnaire. (...) pour deux roubles, il le précéderait au bout du monde (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 74). 2. P. méton.; [en parlant d'un comportement, d'un affect] Qui est conforme à la bienséance; qui est honoré. Motifs, pensées, raisons honorables. L'amour, ce n'est pas un sentiment honorable (Colette, Naiss. jour,1928, p. 13).Le romancier mondain n'est pas exempt d'un double pli (...). D'abord le pli ancien du « domestique » (en ne gardant de ce mot que son sens ancien, parfaitement honorable...) (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 197).La tristesse m'a toujours paru honorable (Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 13). − [Avec une connotation sexuelle] Synon. de avouable, honnête.But, intentions honorable(s). Il y a cette petite intrigante qui mijote Dieu sait quoi, contre le repos des familles et des liaisons honorables (Anouilh, Répét.,1950, IV, p. 108) : 2. ... cette maison, monsieur, est une maison honorable. (...) je dois veiller comme une mère sur chacune de mes élèves. Vos assiduités auprès de Mademoiselle Alexandre ne pourraient se prolonger sans nuire à cette jeune fille.
A. France, Bonnard,1881, p. 459. B. − [Avec l'idée d'obligation active] 1. [En parlant d'un comportement, d'un sentiment] Qui procure de la considération, de l'estime, du respect; qui fait honneur; qui rend hommage. Dire qu'il y a des gens qui trouvent qu'il est plus honorable d'être mort que vif (Apoll., Tirésias,1918, I, 6, p. 892) : 3. thérèse : (...) Moi, (...), quand j'ai eu des faiblesses, ça a toujours été pour des gens comme il faut. Je cherchais à m'élever. C'est honorable. C'est très honorable, tandis que toi, c'est parmi les employées de bas étage que tu vas choisir tes maîtresses.
Flers, Caillavet, M. Brotonneau,1923, I, 16, p. 10. Rem. On peut noter la double valeur, souvent indissociable dans certains ex. : un motif honorable peut être soit un motif estimable, qui mérite qu'on le prenne en compte, soit un motif qui honore celui qu'il anime, soit les deux ensemble. ♦ Mention* (très) honorable. ♦ Faire amende* honorable. SYNT. Acte, action, blessure, carrière, cause, combat, devoir, emploi, existence, fidélité, fonctions, paix, place, poste, profession, rang, rôle, situation, titre honorable(s). 2. HÉRALD. Pièces honorables; p. ell. pièces. Pièces principales et ordinaires de l'écu qui peuvent occuper le tiers du champ. Synon. pièces de premier ordre.Le chevron est une marque de très ancienne noblesse. Il fait partie de ce que l'on appelle, en blason, les pièces honorables (Sand, Corresp., t. 4, 1856, p. 94) : 4. La configuration de l'écu est tout d'abord divisée selon l'émail du champ, puis en fonction de certaines partitions ou pièces dites honorables, et ainsi de suite jusqu'aux moindres meubles, jusqu'aux détails les plus spécifiques. Il n'y a pas, dans ce cas, création de mots codés, car un blason est lui-même une longue phrase sans ponctuation, dont les éléments sont dans un ordre strict, mais le principe est le même.
Jolley, Trait. inform.,1968, p. 103. C. − [En parlant d'éléments quantifiables, mesurables ou entre lesquels on peut établir un classement; en parlant d'une pers. dont on juge les résultats] Qui est satisfaisant sans être brillant; qui se trouve dans la moyenne. Synon. convenable, honnête, passable.Obtenir une note honorable. Françoise souffre (...) de n'être à ce cours qu'une élève honorable, et non le brillant sujet sur qui se concentrent au lycée l'admiration de la classe (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 59).L'affluence était honorable; mais ce n'était pas la presse, l'étouffement des grands jours (Druon, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 54) : 5. ... dites en bas qu'on mettra, demain, trois vins et le Champagne, pour finir. Des vins honorables, rien de plus. Pas mon Clos de Tart, ni la Romanée Saint-Vivant. Tous ces gens-là, (...) ils ne comprennent rien au vin. Alors, pas de gaspillage.
Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 137. Prononc. et Orth. : [ɔnɔ
ʀabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Cf. honneur. Étymol. et Hist. Ca 1125 « (d'une personne) digne d'estime, de respect » (Couronnement de Louis, 1344 ds T.-L.); spéc. employé comme épithète honorifique 1276 honorable home (S.-Bénigne, Plombières-lès-Dijon, A. Côte-d'Or ds Gdf. Compl.), titre par la suite seulement donné aux petits bourgeois, marchands et artisans, par opposition à la noblesse, v. Trév. 1704-71; 1777, févr. (Encyclop. méthod., Écon. Pol. Diplom. t. 2, p. 548 : un gouverneur de Georgie à qui l'on donnera le titre de honorable); 1791, oct. (Décision par l'Assemblée législative de supprimer la qualification de ,,honorable membre`` d'apr. Brunot t. 9, p. 679); 1829 (Hugo, Corresp., p. 347 : mon honorable confrère, M. A. Soumet). Empr. au lat. class.honorabilis « qui fait honneur; digne d'être honoré (employé comme titre honorifique en b. lat.) »; l'emploi, à partir du xviiies., comme terme de déférence en parlant de qqn ou à qqn, est empr. à l'angl. honourable (lui-même empr. au fr.), qualificatif donné à des pers. de haut rang ou appartenant à certains corps (dep. 1450 ds NED), plus spéc. à l'anglo-amér. qui attribua cette épithète aux membres du Congrès puis aux magistrats, juges... (dep. 1640 ds DAE). Fréq. abs. littér. : 1 555. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 448, b) 2 611; xxes. : a) 1 710, b) 1 242. Bbg. Dub.Pol. 1962, pp. 316-317. - Gall. 1955, p. 57. |