| HARANGUER, verbe trans. Faire un discours solennel devant une personne d'un rang ou d'une dignité élevés, une assemblée, une foule. Haranguer un dignitaire pour l'honorer, le remercier; haranguer les soldats pour leur donner du courage; haranguer une foule pour l'inciter à faire qqc.; haranguer le Sénat [Hist. romaine]. Dix mille paysans crièrent : vive le roi! Quand le maire eut l'honneur de haranguer sa majesté (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 102).Un champ de foire (...) des gradés ont rassemblé ce qui reste d'une compagnie de fantassins. Au centre, le capitaine harangue les hommes. Puis les rangs se disloquent (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 743) :1. ... un gros légionnaire,
Dont la voix, en parlant, sonnait comme un clairon;
Il avait pour coiffure un grand casque, et pour nom Pantabolus. Debout, superbe, dans sa gloire,
Aux soldats ébahis il contait son histoire
Et haranguait la foule une coupe à la main;...
Bouilhet, Melaenis,1857, p. 144. ♦ Emploi abs. Haranguer bien, mal; haranguer devant qqn. Il [Napoléon] eut souvent à haranguer à la halle, dans les rues, aux sections et dans les faubourgs (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 343).La célèbre Rose Lacombe qui, à la tribune, haranguait et réclamait des piques et des poignards pour les citoyennes qui se chargeraient des exécutions (Arnoux, Algorithme,1948, p. 23) : 2. Ce sont des ecclésiastiques qui l'ont déterminé [Drumont] à parler en public, en lui disant que le don de la langue lui viendrait avec le Saint-Esprit, et il constate que ce don qu'il croyait ne pas avoir, il le possède et qu'il harangue avec une facilité qui l'étonne.
Goncourt, Journal,1887, p. 656. ♦ Emploi réfl. à valeur réciproque. Les deux champions entrés en lice n'en venoient aux mains qu'après s'être harangués l'un l'autre (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 39). − P. ext. ♦ Souvent péj., emploi abs. Parler longtemps et avec emphase. Il harangue toujours. Il ne fait que haranguer (Ac.). Depuis sept mois, il [Louis Bonaparte] s'étale; il a harangué, triomphé, présidé des banquets (...), dansé, régné, paradé et fait la roue (Hugo, Nap. le Pt,1852, p. 37). ♦ Sermonner; réprimander. Sorti à cinq heures. − Allé haranguer le petit L chez AP sur son manque de caractère (Barb. d'Aurev., Memor. 2,1838, p. 376).Madame Poisvert [dans l'autobus], debout et haranguant [son fils]. Dans quelques mois, tu seras un homme : apprends donc à ne plus te conduire en enfant, ainsi que tu as coutume de le faire (Courteline, Conv. Alceste, Sigismond, 1901, p. 238).Au lieu de la traiter d'effrontée, il la harangua en termes pieux, il la supplia au nom de la vierge Marie (Queffélec, Recteur,1944, p. 33). ♦ P. anal. [Le compl. d'obj. désigne un animal ou une chose] Tu harangueras tes nuits d'insomnie pour qu'elles te laissent un peu de repos (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 359).C'était, nonchalamment assis sur l'avant-scène, Pierrot, qui haranguait dans un grave entretien, Un singe timbalier à cheval sur un chien (Hugo, Contempl., t. 1, 1856, p. 139). Prononc. et Orth. : [aʀ
ɑ
̃ge] avec init. asp., je harangue [ʒ
əaʀ
ɑ
̃:g]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1414 « lire (un texte) en public » (Journal de N. de Baye, éd. A. Tuetey, p. 188); 2. 1512 abs. aranguer « faire un discours » (G. Cretin, Plainte sur le trespas de G. de Byssipat, 451 ds
Œuvres poétiques, éd. K. Chesnay, p. 88); 1544 harenguer à (Seyssel, trad. d'Appien, Guerre parthique, ch. 1 ds Hug.); 1547 haranguer qqn (N. Du Fail, Propos rustiques, éd. J. Assézat, t. 1, p. 25 : haranguer les jeunes gens). Empr. à l'ital.ar(r)ingare « prononcer une harangue » (dep. début xives., Compagni ds Batt., verbe trans. dep. 1261-92, Giamboni, ibid.), dér. de ar(r)inga (harangue*). Fréq. abs. littér. : 146. |